L’extradition d’Aurore Martin menace la paix au Pays basque
Ci dessous, une tribune de Catherine Greze dans le monde
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Manuel Valls ne s’excusera pas pour l’extradition vers l’Espagne d’Aurore Martin, militante basque. Motif ? Le mandat d’arrêt européen (MAE) est une procédure d’autorité judiciaire à autorité judiciaire – pas politique. Et de nous rappeler que, en l’occurrence, « c’est le parquet général de Pau qui a pris la décision de remettre Aurore Martin aux autorités espagnoles ».
Objection ! Nul besoin d’être docteur en droit pour savoir que, dans le système juridique français, le parquet dépend directement de l’Etat : il est chargé de la représentation du ministère public auprès du tribunal correctionnel. Si, une fois les voies de recours épuisées, la procédure du MAE est bien censée devenir judiciaire, à la base il y a une décision de nature politique.
Un Etat peut ne pas donner suite à un MAE, « s’il est établi que ledit mandat a été émis dans le but de poursuivre ou de condamner une personne en raison (…) de ses opinions politiques (…) « (article 695-22 du code de procédure pénale). Le MAE a été créé dans un contexte bien particulier, à la suite des attentats du 11-Septembre, afin de faciliter les mesures d’extradition entre Etats. Que reproche-t-on à Aurore Martin ? D’avoir participé à… plusieurs conférences de presse du parti Batasuna (légal en France, illégal en Espagne) et d’être apparue dans un journal lié au mouvement.
NIVELLEMENT DES LIBERTÉS
Terrorisme en Espagne du fait du caractère hors la loi sur le sol ibérique de Batasuna, mais simple jouissance des droits fondamentaux que sont les libertés d’expression et d’opinion en France ! Alors oui, le MAE permet d’extrader pour des faits interdits seulement dans le pays émetteur : on peut être extradé pour un fait légal dans son pays.
En tant que députée européenne, j’assume la nécessaire coopération judiciaire entre Etats. Mais, ainsi détournée de ses vrais objectifs, elle prend un chemin contraire à l’Etat de droit. Doit-on opter pour un nivellement des libertés par le bas parce que d’autres Etats ont en Europe une définition plus arbitraire du terrorisme ?
Si Aurore Martin n’a pas été arrêtée auparavant, alors qu’elle ne se cachait plus, c’est bien qu’il y avait un accord tacite pour la laisser en liberté. Cette décision intervient plus de deux ans après la signature de ce mandat et alors qu’entre-temps un processus de paix est engagé au Pays basque. Il y a plus d’un an, ETA annonçait la fin de son action armée.
Comment favoriser une voie non violente de l’indépendantisme si l’on ne cesse d’arrêter en parallèle ses militants politiques ? La paix au Pays basque ne pourra intervenir que si la liberté d’expression politique du mouvement basque est garantie. Si le gouvernement tient tant à la séparation des pouvoirs, qu’il fasse usage du sien. En 2011, une feuille de route en cinq étapes avait été établie pour parvenir à la paix.
D’après celle-ci, à la suite du dépôt des armes d’ETA, c’est aux Etats espagnol et français d’intervenir en prenant part au dialogue. Mais, la veille de l’arrestation d’Aurore Martin, changement de décor : le ministre de l’intérieur impose une fermeté d’un autre temps. Alors oui, le gouvernement fait montre d’une périlleuse irresponsabilité en tournant le dos à des années de préparation de résolution du conflit au Pays basque.
Quel sort sera réservé à Aurore Martin de l’autre côté de la frontière ? Le respect des prisonniers est une étape incontournable du processus de paix au Pays basque. Car, tant que perdure un conflit au Pays basque, il n’y aura de paix ni pour la France ni pour l’Europe.
Catherine Grèze, députée européenne EELV