Les Verts d’Europe accordent leurs partitions
Se rendre à un congrès du Parti vert européen (PVE), c’est toucher du doigt quelques évidences. On ne croise, dans les couloirs de cette internationale verte, où se côtoient des délégués sénégalais, néo-zélandais, géorgiens ou belges, aucun post-baba en gilet de laine, et on n’y propose pas non plus de fromage de chèvre bio.
Pour cette 4e édition (11 au 13 novembre à Paris), les participants, plusieurs centaines, passent leur temps à discuter en petites tables rondes ou à assister à des débats avec des écouteurs sur la tête, dans de grandes salles, tout en prenant des notes. Est-ce à dire qu’il n’y aurait aucune différence entre cette réunion et un classique congrès d’un parti social-démocrate ou conservateur belge, allemand ou français ? Non plus.
Au PVE, on cultive encore l’utopie, avec un stand d’esperanto où on trouve toujours quelques délégués qui se font expliquer l’histoire de cette langue, son premier congrès en 1905 à Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), et la possibilité de suivre un cycle d’études espérantophones en Bulgarie. « Ça vaut vraiment le coup », témoigne un Italien.
Les organisateurs ont également prévu pour les participants un petit guide des divertissements nocturnes, dans lequel sont dûment mentionnés les bars homosexuels« les plus sympas ».
DISCUSSION DANS L’ESCALIER
Dans les couloirs, on s’apostrophe d’un « eh, Serguei! » ou d’un « Jane, so nice to see you again! », on se salue chaleureusement. Et s’amorce une discussion sans fin dans l’escalier. Une telle proximité n’a rien d’étonnant. Les écologistes sont les premiers à s’être structurés au niveau européen dès 1984. Bien des participants ont déjà près de trente ans d’histoire commune. Ils ont évolué ensemble, ont été jeunes militants, puis ont exercé des responsabilités dans leur pays. Le PVE a été la matrice commune.
« La coopération entre écologistes européens, c’est notre ADN », souligne Cécile Duflot, secrétaire nationale d’Europe-Ecologie Les Verts (EELV). Le PVE, toutes les « stars » du mouvement s’y sont formées. Yves Cochet, ancien ministre de l’environnement du gouvernement de Lionel Jospin, s’y est beaucoup impliqué, ainsi que Renate Künast, qui fut ministre de la consommation dans le gouvernement rose-vert de Gerhard Schröder, sans oublier Daniel Brélaz, actuel maire de Lausanne (Suisse), ou encore la Belge Isabelle Durand, qui fut ministre des transports, puis vice-premier ministre de son pays. Des expériences gouvernementales qui ont transformé l’« internationale verte » et changé son rapport au pouvoir.
Vingt-cinq ans de vie commune, voilà qui explique la cohérence du groupe Vert à Bruxelles. Vingt-cinq ans de compagnonnage, mais aussi de débats vifs. Au PVE, on s’est un peu étripés sur les agrocarburants il y a une dizaine d’années, quand les Allemands et les Suédois y étaient favorables, et les Français opposés.
NOUVELLES CONVERGENCES
Catherine Grèze, députée européenne française, se souvient de l’intérêt que suscita la tentative de la Brésilienne Marina Silva, ministre de l’environnement de Lula, de« transformer la social-démocratie de l’intérieur » au Brésil, et des discussions passionnées qui ont suivi son échec politique. On continue à débattre du conflit israélo-palestinien, avec d’un côté des Allemands soucieux d’assurer la sécurité d’Israël, et de l’autre des Français très acquis à la cause palestinienne.
Le congrès de Paris a été aussi l’occasion d’afficher entre écologistes européens de nouvelles convergences. Le débat économique très vif qui existe entre les pays de l’Est, Pologne en tête, et ceux de l’Ouest sur le libéralisme, les premiers restant très attachés à un système synonyme pour eux de liberté, tandis que les seconds développent un discours très critique, a pris une tournure moins agressive.
Les écologistes ont ainsi avancé leurs propositions sur un rôle accru pour la Banque centrale européenne (BCE) et une mutualisation des dettes au niveau de l’Europe, explique le député européen français Pascal Canfin.
Ils semblent avoir tranché une question qui n’a jamais été simple pour eux : avec qui s’allier pour conquérir le pouvoir ? Les Allemands, partisans d’accords locaux avec le partenaire le plus acquis à leurs thèses, qu’il soit social-démocrate ou conservateur, avaient contribué à brouiller quelque peu les esprits.
L’alliance à gauche, acquise pour les écologistes dans les années 1990, était devenue peu à peu un sujet de questionnement. Mais les expériences de gouvernement avec la droite des Finlandais et Tchèques ont fait conclure à la dangerosité de ce genre d’accords.
Après quatre ans de participation à l’exécutif gouvernemental, les écologistes tchèques ont vu leurs scores passer de 12 % à 1,5 %… Le virage à droite des conservateurs européens a achevé de convaincre l' »internationale verte ». Il n’y a donc plus qu’une ligne au PVE, même si, souligne Stéphane Sitbon, « pour nous, certains choix politiques des sociaux-démocrates restent insupportables ».
ENCOURAGER EELV
Le congrès de Paris avait aussi pour but d’appuyer les camarades français dans leurs difficiles négociations avec les socialistes. De canard boiteux handicapé par l’absence de proportionnelle et fasciné par le succès allemand, EELV est devenu, depuis son succès aux élections européennes de 2009 et régionales de 2010, un parti prometteur qu’il convient d’encourager.
Le charismatique président des Verts allemands, Cem Ozdemir, s’est affiché aux côtés d’Eva Joly et de Cécile Duflot, rappelant à quel point la partie qui se joue en France en 2012 entre socialistes et écologistes était déterminante.
L’appui des partis écologistes du nord de l’Europe, traditionnellement plus forts, comme les Suisses, les Autrichiens, ou les Allemands, a été habilement mis en scène.« Eva, ce n’est pas une aventure solitaire, c’est un parcours observé dans toute l’Europe », analyse Stéphane Sitbon, coordinateur de la campagne d’Eva Joly. Une démonstration de force destinée à faire passer un message clair à François Hollande. Reste à savoir ce qu’il en fera.
Anne-Sophie Mercier
Fanny Thibert
Attachée parlementaire locale de Catherine Grèze
Députée européenne du Sud-ouest
Permanence de Catherine Grèze
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