L’aide alimentaire entre les mains des chefs d’Etat européens
L’aide alimentaire entre les mains des chefs d’Etat européens
Le Monde.fr
Par José Bové et Karima Delli, eurodéputés Europe Ecologie-Les Verts
L’aide alimentaire européenne ne doit pas être sacrifiée sur l’autel de l’austérité et des égoïsmes nationaux. L’Union européenne (UE) s’est fixée pour objectif de sortir 20 millions de personnes de la pauvreté entre 2010 et 2020.
Nous sommes déjà mal engagés, le nombre de personnes menacées de pauvreté dans l’UE est en effet passé de 113 millions en 2009 à plus de 120 millions en 2012. Mais l’aide aux plus démunis constituait depuis près de vingt-cinq ans un rempart pour plus de 18 millions de personnes souffrant de privation matérielle grave.
Chaque année, ce sont près de 500 millions d’euros qui sont distribués sous forme de nourriture par l’Union européenne, par l’intermédiaire des associations d’aide aux plus démunis. Derrière ces chiffres, ce sont des enfants, des femmes et des hommes qui souffrent.
UN SOMMET DE LA DERNIÈRE CHANCE
Les chefs d’Etat et de gouvernement des 27-Etats membres de l’Union européenne se réunissent à nouveau les 7 et 8 février pour un sommet de la dernière chance afin de trouver un accord sur le prochain cadre financier pluriannuel 2014-2020.
Peut-on réellement couper les vivres aux plus pauvres ? Après l’échec des négociations de novembre 2012, le président Herman van Rompuy a révisé sa proposition de compromis en revoyant de nouveau à la baisse le montant du budget européen, et en particulier en abaissant le budget alloué à l’aide aux plus démunis de 2,5 milliards d’euros proposés par la Commission européenne à 2,1 milliards d’euros. Et plusieurs Etats membres, dont l’Allemagne et le Royaume-Uni, demandent sa suppression pure et simple.
Le 17 octobre 2012, le commissaire européen chargé des affaires sociales, Laszlo Andor, proposait la mise en place d’un nouveau fonds pour l’aide aux plus démunis, doté d’un budget déjà en baisse de 1 milliard d’euros comparé au programme précédent, et dont le champ d’application devrait en plus s’élargir.
RÉCLAMER LE MAINTIEN DE L’AIDE ALIMENTAIRE EUROPÉENNE
Il ne s’agirait plus de subvenir seulement aux besoins alimentaires des personnes les plus démunies, mais également de fournir une assistance matérielle aux sans-abris et aux enfants vivant dans la pauvreté, sous forme notamment de vêtements, de chaussures ou de produits d’hygiène, ainsi que de leur offrir un accompagnement social.
Face à cette baisse déjà drastique des sommes allouées à l’aide aux plus démunis, les associations qui sont soumises à une pression de plus en plus grande face à la hausse constante des demandes, se sont mobilisées pour réclamer le maintien de l’aide alimentaire européenne, à travers la campagne AirFood Project.
A de multiples reprises, le Parlement européen s’est exprimé, à la quasi-unanimité, en faveur du maintien du budget européen pour les plus démunis. Mais une minorité de gouvernements conservateurs, aveuglés par leur obsession de l’austérité, refusent de maintenir cette politique sociale au prétexte que ce serait à chaque Etat de s’occuper de ses pauvres !
C’est une remise en cause inacceptable du principe de solidarité qui est au fondement même du projet européen. Si l’aide alimentaire venait à disparaître, il y a fort à parier que des millions de personnes seront privées dès 2014 de tout secours dans les Etats membres les plus pauvres.
UNE QUESTION DE SOLIDARITÉ !
Et même dans les Etats prétendument riches, la misère explose, et les politiques d’austérité imposées par les néolibéraux continuent de faire des ravages. Il est donc indispensable de créer des systèmes de production et d’approvisionnement durables et de proximité, et de lutter de manière volontariste contre le gaspillage alimentaire, à travers un véritable pacte de solidarité entre les agriculteurs, les industriels et les distributeurs de l’agroalimentaire d’une part, les collectivités locales, les associations d’aide aux plus démunis et l’Etat d’autre part.
Alors que l’Union européenne a reçu le prix Nobel de la paix, il serait incompréhensible qu’elle renonce à aider les plus pauvres. C’est une question de solidarité !
Nous, parlementaires écologistes, n’accepteront pas de cautionner un budget pluriannuel qui ferait disparaître la seule politique européenne à destination des plus démunis qui marche vraiment. Les Etats membres ont su trouver les moyens pour sauver les banques, aujourd’hui ce sont les banques alimentaires qu’il faut sauver !
José Bové et Karima Delli, eurodéputés Europe Ecologie-Les Verts