La «communauté musulmane» n’existe pas
08/01/2015
Pascal Canfin Ancien ministre du Développement
La France est en deuil. Nous avons tous perdu des représentants de l’idée que nous nous faisons de notre pays. Et certains d’entre nous ont aussi perdu des amis. Mais être en deuil, c’est aussi être debout et continuer de ne pas laisser passer cet abus de langage qui semble être devenu une évidence : « La communauté musulmane ».
Disons-le haut, fort et clair : la communauté musulmane n’existe pas. Pas plus d’ailleurs que la communauté catholique ou la communauté athée. Quel rapport entre un islamiste fondamentaliste et un musulman non pratiquant ? Quel rapport entre un catholique fondamentaliste de Saint-Nicolas-du-Chardonnet et un catholique de gauche non pratiquant ? Dans leur système de pensée, les deux fondamentalistes sont plus proches l’un de l’autre que les deux croyants non pratiquants. Mais parler de « la communauté des fondamentalistes » serait tout aussi erroné que de parler de la communauté musulmane. Alors, si nous ne le faisons pas dans un cas, ne le faisons pas non plus dans l’autre.
Il existe évidemment des musulmans en France, tout aussi divers que les catholiques ou les athées. Laisser passer, et encore plus utiliser, ce terme de « communauté musulmane », c’est accepter l’idée que ce qui unit les musulmans de France est plus fort que ce qui les sépare (certains sont pratiquants, d’autres non, certains sont de gauche, d’autres de droite, certains sont riches, d’autres pauvres…). Et c’est insinuer que ce qui les unit les sépare de fait des autres membres – non musulmans – de la communauté française. C’est une vision de la société française profondément réactionnaire et fausse.
Or, en politique, la façon de poser les problèmes est aussi importante que les réponses qui sont apportées. Car il est par nature impossible d’apporter de bonnes réponses si l’on pose la question en des termes erronés. Le moment que nous traversons est dramatique. Il est, et sera, historique, comme le 11-Septembre l’a été pour les Etats-Unis. Mais, chacun le sait, le 11-Septembre a entraîné une réponse ultra-conservatrice outre-Atlantique. Nous ferons tout pour qu’il n’en soit pas de même en France. Et cela commence par le fait de ne pas utiliser les termes de l’adversaire pour décrire la réalité.
Bernard Maris, Cabu et les autres étaient totalement étrangers à cette vision communautaire et communautariste. Le plus bel hommage que l’on puisse leur rendre est de ne pas y succomber, même de manière inconsciente.