Entretien d’Eva Joly dans le monde

Eva Joly : « Expliquer que nos solutions sont les plus efficaces »

Les sondages ne sont pas bons pour les écologistes. ils indiquent même un véritable décrochage depuis un mois. Comment réagissez-vous ?

Eva Joly : Les sondages ne dictent pas ma conduite, mais je ne peux être insensible à ces résultats. C’est pourquoi je lance un appel à tous ceux qui veulent que durant les prochaines années l’écologie soit au cœur des politiques publiques. Chaque voix compte. Pour lutter contre le réchauffement climatique, sortir du nucléaire, faire de la France un leader dans les énergies renouvelables, promouvoir une agriculture sans pesticides, il faut que le score des écologistes soit important. François Hollande peut remporter l’élection présidentielle. Mais la répétition des vieilles solutions de la gauche de gouvernement conduira à la déception si nous n’y prenons garde. Changer de président est nécessaire, ce n’est pas suffisant. En répondant aux lacunes des autres projets, y compris celui du Parti socialiste (PS), seul le vote écologiste ouvre un autre chemin.Avez-vous parfois l’envie de tout arrêter ?

Non. C’est la nuit qu’il fait beau croire à la lumière. Reculer devant la difficulté n’est pas dans mon tempérament. Je veux entrer dans une nouvelle étape de la campagne pour expliquer que nos solutions sont les plus efficaces pour affronter la situation présente.

Comment réagissez-vous quand on dit que vous n’avez pas de sens politique ?

Je réponds que j’ai le sens du devoir et de l’intérêt commun. J’ai une haute idée de la morale publique, de la parole donnée, du sérieux des propositions présentées aux citoyens. Je veux continuer à tenir un discours de vérité et de sincérité. Quand les Guignols de l’info me présentent comme la « candidate qui ne sait pas mentir », cela me plaît. J’avoue ne prendre aucun plaisir aux petits jeux du microcosme politique. Je ne suis pas formatée, ni douée pour fournir des réponses calibrées dans les standards des joutes politiciennes. A force de vouloir sortir de la langue de bois, j’ai peut-être été trop ferme. En tant que juge on prononce des sentences, mais en tant que candidate on propose des perspectives.

L’étude Ipsos montre, au-delà des hésitations stratégiques, qu’il y a, comme le dit Daniel Cohn-Bendit, un problème d’« équation personnelle ». Est-ce injuste ?

La question de ma personne est secondaire. J’ai déjà traversé des épreuves et dans celle-ci je ne suis pas seule. Les choses sont simples : voter Eva Joly, c’est voter pour l’écologie. Les Français doutent encore de nos solutions. J’ai donc un devoir de pédagogie.

J’ai montré ces dernières semaines, chiffres à l’appui, que l’écologie c’est bon pour l’emploi, pour l’économie et pour les Français. Mon objectif est de réaliser le meilleur score pour l’écologie politique au soir du 22 avril. Mes éventuels états d’âme passent au second plan face à cet objectif. Même si sous l’armure, il y a un cœur qui bat.

C’est aussi votre parole et votre comportement qui déplaisent : 73 % des sondés disent que, ces dernières semaines, votre action et vos déclarations leur ont déplu. A votre avis, pourquoi ?

Une campagne est une suite de pièges. Je n’ai pas su tous les éviter. Maintenant que tous les candidats présentent leurs projets, nous allons pouvoir débattre programme contre programme. C’est un terrain sur lequel je me sens plus à l’aise que dans l’écume des petites phrases politiciennes. Mon programme est chiffré et précis. Les écologistes sont armés de solutions nouvelles pour combattre la crise. Tout le monde ne peut pas en dire autant.

M. Hollande parle peu d’écologie. Cela vous conforte-t-il dans vos réticences face à l’accord signé avec le PS ?

L’essentiel est devant nous. Je me bats pour une double victoire : les écologistes veulent un changement de majorité et un changement politique. Le candidat socialiste porte aujourd’hui un projet très classique quand les attentes et les questions des Français sont nombreuses sur la santé, l’alimentation, le climat, la préservation des paysages ou la biodiversité. La gauche classique dit que la crise est un problème conjoncturel, nous disons que c’est une question de modèle de civilisation: il faut sortir du productivisme qui maltraite les hommes et qui saccage la planète.

Propos recueillis par Anne-Sophie MercierArticle paru dans l’édition du 29.01.2012

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