ET MAINTENANT?

Le 16 janvier dernier, la ministre de l’Environnement a validé le rapport des experts, qu’elle avait mandatés, concluant que le barrage de Sivens dans sa version initiale, n’apparaît pas comme «une solution adaptée» et proposant deux alternatives : «la réalisation d’un réservoir de taille plus réduite sur le site de Sivens» ou de deux retenues en amont du site, d’une capacité totale moitié moindre.

Si les pouvoirs publics avaient entendu les alertes citoyennes qui, dès septembre 2013, demandaient le moratoire du projet et des expertises indépendantes, un drame humain, le saccage écologique du site et le gaspillage de l’argent public auraient pu être évités. Il nous paraît impossible et impensable de faire des travaux sur le site même où est mort Rémi Fraysse. Réhabilitons plutôt en sa mémoire cette zone humide, à moitié dévastée par des travaux menés au pas de charge, en faisant appel à la connaisance qu’en a le collectif citoyen du Testet.

Les solutions proposées par les experts, qui pourraient apparaître comme des solutions médianes, ne sont pas les seules envisageables, le collectif du Testet préconise la mutualisation des retenues collinaires existantes qui sont sous-utilisées et démontre que le soutien au débit du Tescou en été n’est pas nécessaire (cf le dossier conjoint du Collectif pour la sauvegarde de la zone humide du Testet, de la Confédération Paysanne, du FNE et de Nature Midi-Pyrénées : www.collectif-testet.org/uploaded/Rapports/position-sivens-orga-environt-conf-paysanne.pdf).

Sur le dossier Sivens, plusieurs leçons sont à tirer :
– l’expertise citoyenne s’avère de bien meilleure qualité que l’expertise technique fournie par la puissance publique, surtout quand celle ci est subordonnée aux lobbys des constructeurs et gestionnaires de barrages et de la FNSEA,

– alors que certains aimeraient détricoter le Code de l’environnement, au nom de la simplification administrative (loi Macron), interrogeons nous plutôt sur les mécanismes de validation de projets d’aménagement, où dans de nombreux cas les concertations ou enquêtes publiques sont uniquement formelles. Interrogeons nous également sur la mise en oeuvre de la doctrine concernant les impacts environnementaux « éviter, réduire et compenser », où on privilégie la compensation, sachant qu’elle est inopérante dans la majorité des cas, conduisant de fait à la disparition d’espèces protégées,

– alors que les écologistes, sur la politique de l’eau recherchent des solutions à un problème complexe : optimiser la gestion de l’eau dans une optique de pénurie due au réchauffement climatique, assurer sa qualité, en réduisant les pollutions de toute origine, ainsi que la vie des milieux aquatiques notamment en été, les productivistes adoptent la politique de l’autruche et freinent à tout va la remise en cause de leur modèle de production,

– notons aussi que, contrairement à ce que montrent les média, le clivage n’est pas entre la profession agricole et les écologistes : la convergence s’est faite entre défenseurs de l’environnement et agriculteurs soucieux de l’avenir, agriculteurs en bio ou adhérents de la Conf’, notamment sur la mise en oeuvre d’un projet de territoire, et non d’un barrage destiné à seulement une vingtaine d’irrigants. L’accès à l’eau n’est qu’un des moyens de soutenir l’agriculture, il faut renforcer les filières locales notamment d’approvisionnement des cuisines centrales des collectivités, développer l’agro-écologie et l’agriculture biologique.

Le débat sur Sivens et sur la gestion de l’eau est à étendre à l’ensemble du bassin Adour-Garonne : les différents gouvernements de droite ou de gauche ont été incapables de mener une politique efficace pour rétablir une qualité de l’eau satisfaisante vis à vis des exigences de la directive-cadre sur l’eau, adoptée par le parlement européen en 2000. Le plan Ecophyto qui devait conduire à réduire de 50% les pesticides en 2018 fait du sur place !

La transition écologique, que nous considérons nécessaire, oblige à remettre en cause sur chacun de ces dossiers le consensus conservateur, libéral & autoritaire partagé par l’ensemble des partis traditionnels.

Michel Sarrailh

Francine Ricouart

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