Contribution à l’enquête publique sur la retenue d’eau Sivens

Suite à son interpellation de la Commission européenne en novembre 2011, voici la contribution de Catherine Grèze à l’enquête publique sur le projet de retenue d’eau Sivens dans le Tarn.

C’est 13 hectares de zone humide qui risqueraient de disparaître.

Monsieur le Commissaire enquêteur,

 

Une enquête publique est ouverte pour le projet de retenue d’eau Sivens se situant sur la partie sauvage et préservée du Tescou, sur la commune de Lisle-sur-Tarn. Je tiens à vous exposer les éléments m’amenant à m’opposer en tant que Députée européenne du Sud-Ouest à ce projet.

 

Tout d’’abord, d’’après le Conseil général du Tarn (document sur l’attribution d’une concession publique d’aménagement), il ennoierait environ 34 ha dont 13 de zone humide répertoriée par le Conseil général du Tarn.

 

Pourtant, les zones humides jouent un rôle fondamental dans la gestion de la ressource en eau et des milieux aquatiques. Elles constituent des éléments centraux de l’équilibre des bassins versants tant au niveau de la qualité (autoépuration directe des eaux courantes en lit mineur ; filtration et frein des eaux de ruissellement notamment sur les parcelles agricoles ; filtration des eaux de débordement et de ruissellement pour l’alimentation des nappes ; réservoir de biodiversité) que de la quantité (régulation des débits ; régulation des phénomènes dynamiques ; soutien des étiages). Il est donc clair que l’objectif de la Directive cadre sur l’eau de « bon état » écologique et chimique de toutes les eaux communautaires d’ici à 2015 ne pourra jamais être atteint sans une préservation des zones humides du territoire.

D’ailleurs, suite à mon interpellation de la Commission européenne au sujet du projet de retenue Sivens, le Commissaire Potocnik m’a répondu le 14 novembre 2011 que « La construction de barrages et autres installations destinées à retenir les eaux ou à les stocker d’une manière durable est réglementée par la directive 85/337/CEE concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement et par la directive 2000/60/CE établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau (directive cadre sur l’eau). » « Pour ce qui concerne l’application de la directive 2000/60/CE, son article 4 prévoit que toute nouvelle modification des caractéristiques physiques d’une masse d’eau susceptible de causer une détérioration de son état, telle que la construction d’un barrage, n’est possible que si les conditions prévues à l’article 4(7) sont remplies. » Voici les conditions en question :

 a) toutes les mesures pratiques sont prises pour atténuer l’incidence négative sur l’état de la masse d’eau;

b) les raisons des modifications ou des altérations sont explicitement indiquées et motivées dans le plan de gestion de district hydrographique requis aux termes de l’article 13 et les objectifs sont revus tous les six ans;

c) ces modifications ou ces altérations répondent à un intérêt général majeur et/ou les bénéfices pour l’environnement et la société qui sont liés à la réalisation des objectifs énoncés au paragraphe 1 sont inférieurs aux bénéfices pour la santé humaine, le maintien de la sécurité pour les personnes ou le développement durable qui résultent des nouvelles modifications ou altérations, et

d) les objectifs bénéfiques poursuivis par ces modifications ou ces altérations de la masse d’eau ne peuvent, pour des raisons de faisabilité technique ou de coûts disproportionnés, être atteints par d’autres moyens qui constituent une option environnementale sensiblement meilleure. 

Or, j’ai pris connaissance de l’avis négatif de l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques : « De nouveaux éléments sont apparus lors des études environnementales qui conduisent à identifier le bassin du Tescou en tant que milieu à « forts enjeux environnementaux » selon la définition du SDAGE 2010-2015. Ceci est lié à :

 

        l’identification du cours d’eau en axe à « grands migrateurs amphihalins »

        la présence de plus de 17 ha de zones humides sur le site du futur plan d’eau

        et au recensement d’au moins 12 espèces protégées inféodées au milieu aquatique dont trois espèces remarquables menacées du bassin (agrion de mercure, cordulie à corps fin et damier de la succise).

Ces éléments ne sont pas suffisamment pris en compte dans l’étude d’impact, qui présente des lacunes sur la réalisation de l’état initial et en conséquence sur la définition des mesures correctives et compensatoires appropriées aux enjeux de ce bassin ».

Enfin, au vu de ces conséquences fortement dommageables, ce projet est-il réellement nécessaire ? Les raisons avancées pour souligner son utilité sont liées aux besoins en irrigation et au soutien d’étiage. Or, il existe déjà sur le bassin versant du Tescou quelques 185 retenues collinaires (totalisant un volume théorique cumulé de 5,1 Mm3), interceptant près d’un tiers de la superficie, autant d’eau qui ne rejoint plus directement le Tescou, réduisant son débit et perturbant le fonctionnement « naturel » des cours d’eau.

En raison de ses conséquences environnementales qui seraient particulièrement néfastes, des avis déposés par les autorités spécialisées, du droit européen et des raisons avancées pour le justifier, je m’oppose donc au projet de retenue d’eau Sivens sur le Tescou.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Commissaire enquêteur, l’_expression_ de mes salutations distinguées.

 

 

                                                                           Catherine Grèze

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