Après Durban, ne pas céder au climato-pessimisme

Si le sommet sur le climat s’est soldé par un compromis peu enthousiasmant, il doit marquer le point de départ d’une approche plus ambitieuse des négociations sur le réchauffement.

Par RONAN DANTEC, Sénateur EE-LV, et SANDRINE BELIER, eurodéputée EE-LV, tous deux présents au Sommet de Durban.

La Conférence de Durban n’a pas débouché sur un accord mondial à la hauteur des enjeux. Le temps perdu rend plus difficile l’objectif d’une stabilisation du climat en-dessous des 2°C, et des millions de personnes en souffriront. Nous le savons et, pourtant, nous ne pouvons céder à un fatalisme qui alimenterait la démobilisation des acteurs de terrain et des opinions publiques: nous devons maintenant nous investir résolument dans le cadre et le calendrier décidés en Afrique du Sud.

Des lignes ont bougé à Durban. Incapable de se faire respecter deux ans plus tôt, l’Europe a imposé son leadership climatique. A ceux qui la croyaient hors-jeu, elle a prouvé qu’elle pouvait peser politiquement lorsqu’elle agit unie et porte une perspective d’avenir. Rejointe par les petits Etats insulaires et les pays les moins avancés, elle a rallié à ses propositions, autour d’un accord global en 2015 et du maintien du Protocole de Kyoto, près de trois cinquièmes des Etats présents, dépassant les alliances de Copenhague, où les pays du Sud (le G77) mené par la Chine avaient fait bloc.

Cette nouvelle coalition Nord-Sud a mis la Chine devant ses responsabilités: elle n’a pas à Durban joué l’opposition. La Chine se sait exposée aux dérèglements climatiques et son niveau d’émissions ne lui permet plus de mettre uniquement en avant une «responsabilité commune et différenciée» qui remonterait au début de la révolution industrielle. La construction de son propre marché carbone intérieur est d’ailleurs un signe de cette prise de conscience. Bien sûr, l’horizon est lointain et ne correspond pas aux demandes des scientifiques du GIEC sur l’urgence d’une baisse rapide des émissions mondiales, mais cet assouplissement de la position chinoise constitue un acquis dans cette négociation. En dépit de l’opposition américaine, qui n’a pas disparu, et des blocages indiens, cette nouvelle donne internationale a rouvert des perspectives pour un accord global associant enfin tous les grands pays émetteurs, même si son caractère contraignant sera encore âprement discuté.

Lier régulation climatique et financière

Il s’agit donc maintenant de s’atteler à la réussite du prochain round de négociations à l’horizon 2015. L’erreur de Copenhague a été de penser que l’accord climatique, qui sous-tend de fait les modèles économiques et sociaux du XXIème siècle, pouvait être dégagé des autres régulations, en particulier financières. Faute d’une vision claire sur ce que peut être ce point d’équilibre entre anciens et nouveaux pays développés, la négociation climat a été bloquée par le jeu des intérêts nationaux. Lier les différentes régulations est aujourd’hui la clé. Nous devons y réfléchir collectivement, dépasser les a priori, poser de nouveaux paradigmes autour de ce rééquilibrage économique. Le défi intellectuel est considérable et nécessite d’amener les experts du climat et de l’OMC, les ONG et les financiers, à se confronter pour trouver des réponses partagées. Dans cet esprit, le prochain sommet de la terre à Rio en juin prochain sera un rendez-vous essentiel, que nous devons aborder avec cette ambition.

Dans ce cadre, rendre opérationnel le Fonds vert, à hauteur des 100 milliards de dollars promis à l’horizon 2020, est une priorité. Durban a accouché laborieusement d’un mécanisme de gouvernance. Il faut maintenant le doter financièrement pour conforter cette nouvelle alliance Europe-pays en développement. Une opportunité concrète reste d’ailleurs sur la table de la négociation climatique: abonder le Fonds vert par une taxation des transactions financières serait à la fois une réponse à l’urgence climatique et une participation à l’encadrement de la spéculation financière. Débarrassée des lobbyistes de la City de Londres, l’Europe doit ici aussi montrer la voie.

Objectif: 30% de réduction des gaz à effet de serre

Il faut enfin préserver les dynamiques concrètes qui vont soutenir cette recherche d’un nouvel accord. En Europe, les filières des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique se mettent en place et la sortie annoncée du nucléaire dans nombre de pays dope leur développement. Le potentiel de 6 millions de nouveaux emplois doit être soutenu par le passage d’un objectif de 20% de réduction de ses émissions d’ici à 2020 à un objectif de 30%. C’est pour l’Europe l’une des principales opportunités de création massive d’emplois et de sortie de crise.

Les villes et les régions font aussi entendre leur voix et montrent concrètement leur capacité à réduire rapidement les émissions sur leurs territoires. Les accompagner est une autre priorité : la publication, juste avant Durban, des méthodologies qui vont permettre aux villes du Sud d’avoir accès aux financements du mécanisme de développement propre est une avancée concrète. En Europe, comme le demandent les réseaux de collectivités locales, il serait légitime que la nouvelle recette, que sera pour les Etats la mise aux enchères des permis d’émissions des entreprises, soit affectée prioritairement à l’action locale.

Toute tonne de CO2 évitée est bonne à prendre

Un accord global mariant les régulations mondiales environnementales et économiques, la sécurisation des financements pour les pays en développement, premières victimes du réchauffement, et le renforcement des dynamiques concrètes de terrain : c’est autour de ce triptyque que se jouera un véritable accord en 2015. Il faut s’y engager résolument, refuser qu’un «climato-pessimisme» ne prenne la place d’un «climato-scepticisme» que nous avions enfin réussi, en Europe, à renvoyer à son obscurantisme scientiste.

Il faut aujourd’hui montrer à tous ceux, et ils sont nombreux, qui agissent au quotidien pour réduire l’impact d’une catastrophe annoncée que leur engagement n’est pas vain. Toute tonne de CO2 évitée est bonne à prendre, tout ce qui ralentit les phénomènes renforce les capacités d’adaptation. Rappeler qu’un accord mondial reste possible, et que des mécanismes efficaces vont monter en puissance, c’est redonner à l’action tout son sens. Arrêter d’avancer et s’assoir au bord d’un chemin aride n’est jamais raisonnable quand le soleil menace de taper si fort.

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