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Les sombres années de la deuxième guerre mondiale
Camps de Linas-Montlhéry
vendredi 2 décembre 2011, par
Commémoration de l’internement des Tsiganes au camp de Linas-Montlhéry Dimanche 27 novembre 2011 - 16h gare de Brétigny sur Orge
Intervention de Jacques Picard au nom du Conseil Régional d’Ile de France
Monsieur le Préfet, représentant de l’Etat, Monsieur le Président du Conseil général, Mesdames et Messieurs les maires et élus, Mesdames messieurs les animateurs du collectif pour la commémoration de l’internement des Tsiganes et Gens du Voyage au camp de Linas-Montlhéry, Mesdames et Messieurs chers amis des familles tsiganes touchées ou ayant vécu ces événements.
C’est au nom du Conseil Régional et de son président Jean-Paul Huchon, que je m’exprime devant vous aujourd’hui.
Il y a un an, je vous accompagnais dans ce qui fut un premier pas. Un premier pas pour se souvenir ensemble d’abord ; se souvenir et revivre un peu le passé dans cette marche que nous avons refait entre cette gare de Brétigny et le camp. Ce camp où, sur ordre de l’Etat, 50 familles françaises ont été dans des conditions innommables internées de 1940 à 1942 puis dispersées dans de nombreux camps en France. Cette marche pour se souvenir ensemble du froid, de la faim, de la maladie, de la misère, de l’exclusion.
Cette marche pour rappeler au grand jour que les tsiganes furent internés dans différents camps dont la mémoire a été exhumée depuis une dizaine d’année – Montreuil Bellay, Mulsanne dans la Sarthe, Jargeau près d’Orléans, Linas en Ile de France et une trentaine de camps d’internement généralistes sur le territoire et rappeler que près de 200 d’entre eux ont été déportés et exterminés depuis la zone allemande. Ces tsiganes qui ont eu toutes les peines du monde à voir ces souffrances nommées, reconnues, actées.
Ils ont peiné à voir reconnu, comme le montre Tony Gatlif dans ce beau et grand film « Liberté », que leur internement, avec l’assentiment des plus hautes autorités, avait duré jusqu’en 1946, bien après la libération de la France. Une des rares taches sans doute sur l’action du Conseil National de la Résistance dans cette période d’immédiat après guerre ou des politiques inégalées de liberté, de justice et d’égalité sociale furent inventée.
Un premier pas aussi, en Préfecture l’année dernière, ou l’état reconnaissait enfin officiellement cet arbitraire, cette injustice faite à un groupe social à un groupe de notre société qui se définissait par sa manière d’habiter : le voyage.
Il nous faut inlassablement dénoncer cette injustice, cette stigmatisation systématique dont sont l’objet depuis le début du siècle les tsiganes et les gens du voyage et qui se traduit par l’invention spécialement pour eux en 1912 de la carte d’identité et du carnet anthropométrique. Un carnet qui ne sera supprimé qu’en 1969.
Je salue donc de nouveau ici la persévérance, l’opiniâtreté même des promoteurs de cette initiative, de ces citoyens qui par cette action ont fait connaître, reconnaître et acter, une page noire de l’histoire de notre pays et de ses institutions.
Et je veux vous saluer encore ici, Raymond Gurême : au vu de votre âge, vous citer c’est citer tout vos frères. Vous saluer donc est un bonheur. Saluer aussi bien sûr les autres membres du collectif : vous faites honneur à notre démocratie par ce travail d’exhumation tourné à la fois vers la reconnaissance de faits et de souffrances et vers l’avenir d’une population dans notre pays et même plus largement en Europe.
Cette initiative citoyenne, le Conseil régional se devait de la soutenir. Je suis heureux d’avoir pu y contribuer en soutenant votre démarche, la pose de cette stèle, la tenu de colloques et la production d’une video mémoire mais aussi en permettant qu’un joli portrait de vous Raymond soit publié dans le journal de la région en novembre tiré à près d’un million d’exemplaires. C’est ainsi que les esprit évoluent, que les consciences travaillent, que les valeurs progressent vers le haut.
L’assemblée régionale est partenaire de votre initiative parce qu’elle soutient les initiatives associatives sans lesquelles notre société n’évoluerait pas et aussi parce qu’elle est en permanence en veille quant aux respects des droits humains fondamentaux et des libertés publiques.
Un deuxième pas aujourd’hui dans cette démarche de Linas à Brétigny : une manière d’exorciser le passé et de se tourner vers l’avenir. Et c’est vers cet avenir que je voudrais pour ma part résolument me tourner.
D’abord en appelant à la vigilance dans une Europe sur laquelle les nuages noirs continuent de tourner. Ensuite en réaffirmant avec force au nom des valeurs qui sont inscrites aux frontons de nos mairies, que nul, du sommet de l’état au plus humble des citoyens, du parlement à la plus petite de nos collectivités, nul n’a le droit de stigmatiser une population dans son ensemble comme si elle était responsable des maux profonds de notre société.
Au nom donc de la devise de notre république , je voudrais : • Parce que je prends au sérieux le mot de liberté, rappeler que la liberté de circuler et de se poser fait partie de nos libertés fondamentales et qu’il appartient aux collectivités d’appliquer la loi et d’organiser cette liberté en permettant un habitat diversifié des voyageurs : de la parcelle familiale au terrain de grand passage. Le conseil régional a délibéré récemment à ce sujet et n’accordera plus son aide à des emplacements de stationnement dont l’environnement ne soit pas satisfaisant. Et je crois que le Conseil général, avec votre appui nous l’espérons M. Le Préfet, est prêt à faire passer le schéma départemental d’accueil de 30 % de réalisation à bien au-delà.
• Parce que je prends au sérieux le mot d’égalité, je crois qu’il est temps, il est temps pour tous les responsables politiques de mettre un terme à cette incroyable instrument de la méfiance qui s’appelle le carnet de circulation.
• Parce que je prends au sérieux le doux nom de fraternité, je crois qu’il est temps, de tendre la main, d’entrer dans un cycle de la confiance et d’organiser intelligemment le dialogue dans nos territoires avec les voyageurs. Oserais-je ajouter, Mesdames et Messieurs du voyage, que c’est aussi à vous de vous organiser pour faire valoir vos droits avec les instruments de la démocratie que sont les organisations collectives en interpellant sans relâche vos élus et la représentation nationale
Et, pour terminer, je voudrais citer, c’est un vieux 33 tours que j’ai, est-ce un hasard, écouté ce matin, un texte de Maurice Benin :
Je vis en sachant que des hommes vivent comme moi Avec cette rage au ventre, Et les yeux qui se ferment. Je vis Me sachant observé mais n’observant plus rien, Je vis, Des choses vraiment obscènes, des trucs dégueulasses Des merdes familières et qui se normalisent
Je vis Dans notre crasse ambiante faite en raison majeure, Contre les minorités qui empêchent les rots
Je vis, Dedans des deux chevaux des parcours célestes Moteur dans le cerveau et flics au réveil
Je vis Des impuissances dingues dans des villes séniles Où je chante toujours mes rations d’utopie
Mesdames, Messieurs, je ne serai pas à cette place, je ne serai pas votre représentant au conseil régional, si je ne croyais pas à la force de la volonté, au combat pour la justice et l’égalité sans cesse à remettre sur le métier.
Votre présence à tous ici même est le flambeau de l’espoir d’un respect enfin de la place des tsiganes et voyageurs dans notre société.
Commémoration de l’internement des Tsiganes au camp de Linas-Montlhéry Dimanche 27 novembre 2011 - 16h gare de Brétigny sur Orge
Intervention de Jacques Picard au nom du Conseil Régional d’Ile de France
Monsieur le Préfet, réprésentant de l’Etat, Monsieur le Président du Conseil général, cher Jérôme, Mesdames et Messieurs les maires et élus, Mesdames messieurs les animateurs du collectif pour la commémoration de l’internement des Tsiganes et Gens du Voyage au camp de Linas-Montlhéry, Mesdames et Messieurs chers amis des familles tsiganes touchés ou ayant vécu ces événements,
C’est au nom du Conseil Régional et de son président Jean-Paul Huchon, que je m’exprime devant vous aujourd’hui. Ma deuxième intervention sera brève.
Nous sommes ici pour commémorer, se souvenir ensemble de l’internement dans des conditions qui déshonorent le genre humain de près de 50 familles dont le nom est gravé sur ce momument de 1940 à 1942 au camp de Linas-Montlhéry. Familles dispersées ensuite dans de nombreux camp en France et qui ne seront libérées que bien après la libération en 1946.
Comme pour les autres commémorations, je crois Mesdames Messieurs, qu’elles n’ont de sens que si elles appellent à la Paix, au progrès social, à la tolérance, que si elles font progresser notre humanité. Que si, elles font progresser nos sociétés dans le sens des valeurs humaines fondamentales et qu’elles rendent impossible le retour d’un noir passé.
C’est pourquoi, face aux descendants, face au nom de ces familles, se rappeler la souffrance extrême, c’est d’abord réaffirmer que les valeurs républicaines interdisent à quiconque, à toutes institutions, aux puissants ou aux anonymes, de stigmatiser une population dans son ensemble pour ce qu’elle est. Ce fut trop souvent le cas pour les tsiganes.
C’est ensuite appeler clairement à l’entrée dans un cycle de la confiance.
Jacques Picard