Accueil du site > Archives > Vie Locale > Danone : La liberté d’expression plus forte que le droit des marques
jeudi 1er mai 2003
Les Verts de l’Essonne avait accompagné le combat des Salariés Lu pour préserver leur emploi contre les licenciements boursiers.
Nous avions également soutenu l’action du Réseau Voltaire face à la tentative de censure par l’argent opérée par Danone.
Nous nous rejouissons de cette victoire du droit d’expression sur Internet et publions in-extenso l’article du réseau Voltaire a ce sujet.
Visiter le site du réseau Voltaire
(Publié avec l’autorisation de l’auteur)
À l’issue de deux ans de procédure, le Groupe Danone a été débouté de toutes ses actions contre le Réseau Voltaire. Le géant de l’agroalimentaire n’avait pas apprécié que notre association porte sur la place publique, en éditant le site « Jeboycottedanone », le cas des licenciements spéculatifs des usines LU. Ne souhaitant pas un procès sur le fond, le groupe Danone avait attaqué en justice par le biais détourné du droit des marques, en incriminant notamment le détournement de son logo. La Cour d’appel de Paris s’est opposée à la prétention des multinationales d’utiliser le droit des marques pour limiter la liberté d’expression.
Le 11 avril 2001, le Réseau Voltaire mettait en ligne un site internet dédié à la contestation des lienciements boursiers intervenus dans plusieurs usines du Groupe Danone. Le site relayait l’appel à la « grève des caddies » lancé par l’intersyndicale, invitait les citoyens à prendre l’engagement public de boycotter les produits Danone tant que durerait le conflit, et offrait un forum permettant à chacun de débattre avec les syndicalistes. Répondant à l’émotion suscitée par cette opération, le Parlement se saisissait de la question des licenciements boursiers et adoptait dans un large consensus une loi de modernisation sociale. De son côté, le Groupe Danone maintenait ses licenciements, mais offrait des conditions de départ plus avantageuses aux personnels concernés.
« Jeboycottedanone » fut la première campagne politique nationale qui se soit développée en France à partir d’un site internet.
Au cours du bras de fer qui opposa alors Danone au Réseau Voltaire, la multinationale de l’agro-alimentaire nia que les licenciements aient un mobile spéculatif, mais renonça pourtant à poursuivre l’association en diffamation. Évitant avec soin le débat de fond, elle poursuivit le Réseau Voltaire pour infraction au droit des marques au motif que le site reproduisait en le caricaturant le logo de Danone. Menant tambour battant plusieurs procédures (http://www.asile.org/citoyens/numero11/danone/index.htm ) avec une armada de juristes, la multinationale au capital de 150 millions d’euros parvint à contraindre l’association à fermer le site (http://www.reseauvoltaire.net/article42.html) et à la faire condamner en dommages et intérêts, ainsi qu’un de ses partenaires, Olivier Malnuit.
Cependant, revenant sur ces décisions, la Cour d’appel de Paris a débouté, le 30 avril 2003, la Compagnie Gervais Danone et le Groupe Danone de toutes leurs demandes. Les magistrats ont validé l’analyse du Réseau Voltaire : cette affaire ne relevait pas du droit des marques et il ne pouvait y avoir de « contrefaçon » car il n’y avait pas de promotion de produits concurrents ; elle relevait de la liberté d’expression, laquelle est un droit constitutionnel, consacré par les conventions internationales, et qui ne saurait être limité par le droit des marques.
Cet arrêt se situe dans la ligne de ceux rendus dans l’affaire opposant Elf au collectif de Noël Mamère et François-Xavier Verschave, « Elf ne fera pas la loi en Afrique », et dans l’affaire Esso contre Greenpeace. L’ensemble forme une jurisprudence cohérente. Dans des situations différentes, les magistrats se sont portés garants de la suprématie du droit d’expression dans une société démocratique sur toute forme de droit commercial, qu’il s’agisse du droit de la propriété intellectuelle ou du droit des marques. Cette victoire de la démocratie est un échec cuisant pour certaines grandes entreprises qui, aujourd’hui à travers l’Accord multilatéral d’investissement (AMI) ou l’Accord général sur les services (AGCS http://www.reseauvoltaire.net/artic...), tentent de substituer le pouvoir économique au pouvoir politique.
Une des particularités de l’affaire Danone contre Réseau Voltaire aura été de confirmer que, dans une société démocratique, la liberté d’expression est indivisible et s’applique donc indistinctement à toutes les formes d’expression, y compris graphique (http://www.reseauvoltaire.net/artic...). En conséquence, la reproduction par des tiers de logos de marques, pour désigner ces marques ou les sociétés qui les exploitent, est légitime quelle que soit l’exclusivité que confère la pro priété de ces logos. En outre, dans le cadre d’une expression graphique parodique, il est légitime de caricaturer ces logos. Cette clarification juridique était particulièrement attendue par les dessinateurs, les vidéastes, les webmestres et d’une manière générale tous les spécialistes de l’image.
« Nous sommes fiers d’avoir une fois de plus défendu la liberté et fait avancer le droit dans un domaine d’activité nouveau comme l’expression politique sur le Web », a déclaré Thierry Meyssan, président du Réseau Voltaire. « Cette affaire n’est pas terminée pour autant, a-t-il poursuivi. Au cours de l’opération jeboycottedanone, notre site internet a été déconnecté illégalement par des intermédiaires techniques, puis attaqué par les pirates d’une milice patronale. Nous avons réussi à identifier les auteurs de ces attaques et nous avons porté plainte contre eux. Un juge d’instruction a été désigné qui ne devrait plus tarder à entendre un des directeurs du Groupe Danone, ainsi que le directeur d’un cabinet d’intelligence économique. Des journalistes, des associations, des syndicats et des parlementaires qui se sont exprimés sur le site et qui ont été, eux aussi, victimes de ces attaques ont annoncé qu’ils se portaient parties civi les à nos côtés. Pour que la liberté d’expression soit effective, il faut encore sanctionner ceux qui détruisent les outils d’expression. »