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Videosurveillance

lundi 2 novembre 2009

 1/ En guide d’introduction, un fourre-tout de chiffres et d’infos…

Le gouvernement UMP a fait de la vidéosurveillance (récemment rebaptisée "vidéoprotection") un de ses axes majeurs, avec (novembre 2007) un objectif de triplement en 2009 des 20 000 caméras officiellement déjà en place pour surveiller la voie publique.

Un rapport du ministère de l’Intérieur donne lui le chiffre national de 345 961 caméras en fonctionnement fin 2006, filmant des équipements ouverts au public (74% du total), des transports publics (18%) et la voie publique (8%). Selon le cabinet IMS Research, le marché de la vidéosurveillance en France s’élevait à 65,9 M€ en 2002.

Le nombre d’autorisations délivrées annuellement d’installations de systèmes de vidéosurveillance (loi du 21/01/1955 – voir point 2) est passé de 4 681 en 1999 à 5 798 en 2003, 7 085 en 2005, 9 283 en 2006 et 9 762 en 2007. Ce sont les systèmes visionnant la voie publique qui augmentent le plus vite : 520 autorisations en 2006 pour 1 336 en 2007 (+ 157 %) Les communes et collectivités territoriales sont les premières responsables de cette tendance. En 2007, 1 522 communes avaient recours à la vidéosurveillance pour filmer des espaces publics, pour 812 en 2005 (+87%). En 2008, les communes de moins de 30 000 habitants représentent la moitié des autorisations délivrées. En zone gendarmerie, 325 communes étaient dotées d’un total de 2 675 caméras.

En 2006, sur les 9 595 demandes d’autorisations, seules 309 ont été refusées par les préfets, soit 3, 22%.

- A Etampes, 68 caméras seront installées d’ici à fin 2009, pour un coût de 1,5 M€.
- A Evry, 60 caméras en prévision (dont 30 pour l’été 2009 au plus tard pour un coût estimé de 1,6 M€
- A Ste Geneviève des Bois, un système dit de "vidéosécurité" est budgété pour 2009
- A St Michel sur Orge, une somme de 50 000 € est inscrite au budget 2009 pour une première tranche d’installation de 12 caméras, ainsi qu’une somme supplémentaire de 15 000 € pour une étude portant sur leurs lieux d’installation
- A Levallois Perret, ville pionnière dans ce domaine, 96 caméras étaient installées dès 1993. Il y en avait 100 en 2004pour un coût total de 3 M€ pour la mise en place et 300 000 € par an pour l’entretien du matériel.
- A Mantes-la-Jolie, en février 2004, le maire annonçait la mise en place de 20 caméras pour 600 000 €, un de ses adjoints disant "c’est un peu pour faire comme tout le monde … les caméras servent surtout à donner un sentiment de sécurité"
- A Argenteuil, l’ex-maire UMP avait installé une quarantaine de caméras. La nouvelle équipe a mis en place en septembre 2008 un "comité d’éthique et d’évaluation de la vidéosécurité" chargé d’évaluer la pertinence de ce dispositif. Le 05/04/09, aucune information sur le site de la ville sur les suites de cette intéressante initiative.

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La vidéosurveillance à Courcouronnes

A Paris, Delanoë accepte le "plan 1000 caméras" proposé par le préfet de police en octobre dernier (1226 caméras exactement). Le coût annoncé est de 50 M€, financé par un partenariat "public / privé", l’exploitation du système (en temps réel) étant en partie gérée à des entreprises privées.

Le préfet de police de Paris précise dans le Parisien du 01/09/2008 que ces 1 226 caméras viendront compléter les réseaux de 9 500 caméras de la RATP et de la SNCF mises à la disposition de la Préfecture. Toujours selon le préfet, il y aurait à Paris près de 31 000 caméras appartenant à des organismes privés…

 2/ le cadre réglementaire

La directive 95/46/EC du parlement européen et du Conseil du 24/10/95. Le 1er paragraphe de l’article 1 mentionne que les Etats membres "assurent … la protection des libertés et des droits fondamentaux des personnes physiques, notamment de leur vie privée, à l’égard du traitement des données à caractère personnel".

En France, les systèmes de vidéosurveillance peuvent relever de 2 régimes juridiques distincts : La loi du 21/01/1995 : ce texte, qui retire de fait le contrôle des caméras de rue à la CNIL, institue dans chaque département une "commission des systèmes de vidéosurveillance" chargée d’étudier tous les dossiers de demandes d’installation des systèmes filmant la voie publique ou des lieux et établissements ouverts au public. Cette commission rend un avis consultatif au préfet.

Selon l’article 10 de cette loi, une caméra de vidéosurveillance peut être installée aux abords de lieux et d’établissements ouverts au public "particulièrement exposés à des risques d’agression ou de vol aux fins d’y assurer la sécurité des personnes et des biens." Cet article a été complété par la loi du 23/01/2006 (relative à la lutte contre le terrorisme) : la finalité antiterroriste peut justifier le recours à la vidéosurveillance pour filmer la voie publique.

Le décret d’application du 17/10/1996 précise que le seul critère d’admission dans une salle de vidéosurveillance est "la capacité à exercer un pouvoir de police". La question est donc posée de savoir "qui" est habilité à suivre les faits, gestes et déplacements des habitants…

Le public doit être informé de manière claire et permanente de l’existence du système de vidéosurveillance et de l’autorité ou de la personne responsable. Les dispositifs de vidéosurveillance ne doivent pas permettre de visualiser les images de l’intérieur des immeubles d’habitation ni, de façon spécifique, celles de leurs entrées hormis le cas d’une enquête de flagrant délit, d’une enquête préliminaire ou d’une information judiciaire.

Les enregistrements doivent être détruits dans un délai maximum fixé par l’autorisation, délai qui ne peut excéder un mois. Sur les systèmes autorisés depuis la mise en œuvre de la loi de 1995, seuls 5% offrent une durée de conservation des images inférieure à 72 heures.

La loi du 06/06/2004, qui modifie la loi "Informatique et libertés" du 06/01/1978. Ce texte réglemente les systèmes de vidéosurveillance dans un lieu non ouvert au public (entreprise par exemple) mais aussi les systèmes implantés dans des lieux publics lorsqu’ils sont associés à une technique biométrique telle que la reconnaissance faciale. Dans ce cadre, c’est la CNIL qui est en charge du contrôle.

Dans une note du 08/04/2008, la CNIL souligne que "la concurrence de deux régimes juridiques conduit à rendre le cadre légal de la vidéosurveillance extrêmement complexe, flou et aléatoire dans un domaine touchant aux libertés publiques fondamentales". Par voie de conséquence, le dispositif légal actuel devient "source d’insécurité juridique."

 3/ les financements publics

Dans une délibération du 20/10/2003 traitant de la sécurisation des espaces publics essonniens dédiés aux transports et abords des sites commerciaux, le conseil général de l’Essonne précise que des subventions pourront être accordées aux collectivités locales pour l’équipement en vidéosurveillance des espaces publics dédiés aux transports.

Ces aides portent sur les études techniques préalables, l’acquisition et la pose de caméras et l’aménagement d’un centre superviseur. Le montant de la subvention départementale, plafonné à 20% du total de l’opération, vient en complément de la Région, avec une étude commune des dossiers. Ce qui signifie donc que la Région elle aussi participe au financement de ces équipements pour les communes et EPCI.

Le budget alloué en 2008 par le Ministère de l’Intérieur à l’installation et au raccordement des systèmes de vidéosurveillance était de près de 35 M€. En 2009, les aides versées aux collectivités territoriales pour s’équiper devrait approcher les 60 M€, essentiellement sur les crédits du Fonds Interministériel de Prévention de la Délinquance (FIPD), fonds destiné à financer les actions de prévention. La répartition des crédits n’est pas conditionnée à l’existence d’un zonage prioritaire de la politique de la ville (CUCS), mais à la présence de problèmes de délinquance importants (circulaire du comité interministériel de prévention de la délinquance, du 21/02/2008). 309 projets ont été financés en 2007 pour un montant de 13,4 M€ (soit environ 43 400 € par projet).

 4/ quelle efficacité et quels résultats ?

C’est sur ces points que les débats font rage, chacun citant chiffres, études et témoignages … Un des arguments "massues" du ministère de l’Intérieur aujourd’hui est que "dans les communes qui y ont recours, les services de police constatent en moyenne une baisse de 40% de la délinquance", la ministre allant jusqu’à déclarer que, à Strasbourg, "la délinquance a chuté de 13% et de 50% dans les quartiers équipés de caméras" et à Orléans, "la délinquance a chuté de 60% entre 2001 et 2007 en utilisant les caméras et encore 10% sur les dix premiers mois de l’année 2008".

Mais un rapport du Sénat daté de fin 2008 dit dans son introduction (page 2) : Toutefois, paradoxalement, la question de l’efficacité de la vidéosurveillance qui devrait pourtant être un préalable nécessaire n’a toujours pas été tranchée. Si au début les polémiques relatives à la vidéosurveillance opposaient les partisans de la sécurité et les défenseurs des libertés, les débats actuels mettent aux prises les convaincus et les circonspects sur son efficacité.

Force est de reconnaître que les études disponibles ne permettent pas de se prononcer aisément. Le rapport précité de l’INHES (Institut National des Hautes Etudes de Sécurité - juillet 2008) donne d’ailleurs assez peu de données statistiques pour évaluer l’efficacité de la vidéosurveillance. Il ouvre surtout des pistes pour mener à l’avenir des études pertinentes et fiables.

Au Royaume-Uni, pays le plus vidéosurveillé du monde, 85% des municipalités étaient équipées de caméras en 2002. La même année, la délinquance augmentait de 2% dans ce pays. Le Home Office a englouti dans la vidéosurveillance près de 80% de son budget de lutte contre la criminalité, pour un total de 4,2 millions de caméras disséminées dans le pays. Un londonien est filmé jusqu’à 300 fois par jour. Mike Neville, responsable du bureau des identifications et détections visuelles de Scotland Yard, fait le constat (mai 2008) que "c’est un véritable fiasco. Seuls 3% des vols effectués sur la voie publique ont été résolus grâce aux caméras." Selon plusieurs criminologues, la vidéosurveillance contribue an fait a changer les habitudes des délinquants, qui portent de plus en plus systématiquement des capuches… Ou changent de terrains d’actions (l’effet "plumeau").

Dans le rapport de l’INHES déjà cité, il est écrit : "il apparait que le choix des municipalités de se doter d’équipements de vidéoprotection est différencié et n’est pas nécessairement guidé par la délinquance. En effet, ils peuvent être installés là où le sentiment d’insécurité pour la population est le plus intense (regroupements permanents, nuisances sonores), sans correspondre aux endroits les plus criminogènes."

 5/ quels contrôles ? quelles dérives possibles ?

Le rapport du Sénat pose clairement la question en disant que "les craintes relatives à une utilisation liberticide de la vidéosurveillance au début des années 1990 étaient très fortes … mais exagérées ou prématurées compte-tenu de la technologie de l’époque", peu fiable et limitée. En revanche, aujourd’hui "ces craintes perdent aujourd’hui de leur intensité, alors que les progrès technologiques autorisent ou vont autoriser des utilisations potentiellement plus intrusives sur le plan du respect de la vie privée et des libertés."

Peut-on mieux résumer la situation ? L’association du son et de l’image, les techniques de reconnaissance faciale (biométrie) en particulier "changeraient considérablement la nature de l’outil" et "les craintes quant à une société de surveillance seraient considérablement ravivées et justifiées." Les commissions départementales de vidéosurveillance ont effectué 869 contrôles en 2006 et ont constaté 22% d’infractions. En 2007, les mêmes commissions ont effectué … 483 contrôles, soit 44% en moins (pour, rappelons le, 5% d’autorisations d’installations en plus !), avec un taux d’infractions de 11%. La CNIL traite une vingtaine de plaintes annuellement. Le président du Comité de pilotage stratégique de la vidéosurveillance, Philippe Melchior, inspecteur général de l’administration, note que plusieurs systèmes de vidéosurveillance relevant de la loi du 21/01/1995 avaient été installés sans autorisation.

En mai 2008, le président de la CNIL déplorait que "beaucoup de collectivités territoriales ne respectent aujourd’hui pas leurs obligations en matière de demande d’autorisation pour le déploiement de systèmes de vidéosurveillance."

Certaines villes (Vaulx-en-Velin, Lyon) mettent en place des comités d’éthique composés d’élus, de personnalités qualifiées et d’associations de défense des citoyens pour veiller au bon respect des libertés publiques.

 6/ les positions vertes

Sauf erreur de la part du rédacteur, il n’y a pas à ce jour de prise de position précise sur le seul sujet de la vidéosurveillance. Cependant, la doctrine verte se lit assez bien au travers de divers communiqués de presse comme ceux des 13 novembre 2007, 18 novembre 2008 et 25 novembre 2008, ou prise de positions des élus en diverses occasions.

Dans le communiqué du 13/11/2007, les Verts dénoncent le fait que la présidence de la commission nationale de la vidéosurveillance soit confiée à Alain Bauer, par ailleurs PDG d’une société de conseil en sécurité. Ils soulignent que l’efficacité de la vidéosurveillance est toute relative et que l’équivalent britannique de la CNIL (ICO) qualifie cette technique de "suicide social" dans son rapport de 2007.

Pour les Verts, la délinquance, l’insécurité ne seront jamais réglées par l’usage systématique d’une technologie, aussi performante soit-elle.

Le communiqué du 18/11/2008 souligne que alors qu’une société sous contrôle se dessine, que les droits civils et les libertés publiques sont entamés, le faible budget des autorités indépendantes exerçant les contrôles indispensables stagne." Dans ce communiqué, les Verts demandent le renforcement des moyens alloués (doublement des budgets) aux autorités de lutte contre les discriminations et les atteintes aux libertés publiques ; ils demandent en outre que le contrôle des dispositifs de vidéosurveillance revienne à la CNIL, conformément à son souhait et en toute cohérence (avec ses champs de compétence).

Au Conseil de Paris, les élus Verts ont proposé l’instauration d’un large débat avec la population sur le sujet. Cette proposition ayant été rejetée par le PS et l’UMP, les Verts ont créé avec d’autres un collectif "Démocratie et Libertés" qui organisera et animera ce débat.

Télécharger un document préparé par la commission Justice des Verts

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