Accueil du site > Archives > Vie Locale > Brétigny : Saint-Exupery trahi par sa "descendance"
mercredi 16 novembre 2005
Quand la mairie de Brétigny paufine son discours écolo...
La mairie de Brétigny, consciente des lacunes écologiques de son discours, s’efforce d’avancer sur le chemin de la rédemption verte (Nous ne pouvons que l’y encourager). Aussi nous a t-elle gratifiés d’un texte plein de bonne volonté dans le journal municipal "Parole" : Les dix commandements de l’éco-citoyen.
Je ne discuterai pas ici du contenu, fort sympathique (même s’il manque une recommandation sur l’usage des produits phyto-sanitaires) mais d’un curieux point de détail : une phrase, un peu emphatique, mise en exergue : "nous n’héritons pas de la planète, nous la lèguons à nos enfants".
Tous les Verts et les amateurs de belles lettres auront reconnu un plagia d’une célèbre phrase attribuée à Saint-Exupéry.
rappelons l’original : "nous n’héritons pas de la terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants".
La première remarque qui frappe est que l’original sonne bien mieux à l’oreille que la copie : c’est la différence entre l’écrivain talentueux et le rédacteur besogneux.
Pourquoi diable plagier mal ? Le droit de citation existe. l’ignorance, sans doute. Rien de grave.
Seulement à l’ignorance, le plagiaire a ajouté l’incompréhension et avec elle la trahison.
La phrase de Saint-Exupéry n’est pas seulement belle, elle porte une image forte : elle oppose l’héritier, propriétaire de plein droit, arrogant, au débiteur, humble, qui ne dispose qu’à titre précaire. Le premier dépend du passé, ses ancêtres et dispose librement, le second dépend de l’avenir et il est tenu de restituer à ses créditeurs la totalité de la créance.
L’image est poétique, elle est aussi paradoxale et récursive, au sens logique. Socialement, elle induit un renoncement aux attributs de la condition sociale : la propriété.
Plus rien de cela dans la prose municipale : notre génération se voit restaurer dans toutes ses prérogatives : elle "lègue" (donc elle est propriétaire) à ses enfants, dans la plus pure tradition bourgeoise.
De plus, la phrase est un galimatias : les deux propositions ne s’opposent pas, pourquoi les assembler ? Si on tient à déclarer que la planète ne s’hérite pas, alors de quel droit léguons-nous ? enfin, le fait de léguer ne nous oblige à rien, il n’y a là ni éthique ni devoir.
La citation de Saint-Exupéry nous rappelle notre responsabilité et non nos droits : nous ne sommes pas propriétaire de la planète, nous devons rendre compte de nos actes à nos enfants.
Le diable, dit-on est, dans les détails.