Accueil du site > Archives > Vie Locale > Hewlett-Packard face au cyclone Mark Hurd : 15 000 victimes
jeudi 22 septembre 2005
le nouveau patron de Hewlett-Packard a décidé de supprimer 15 000 emplois, dont 1240 en france : l’entreprise mythique de la Silicon Valley victime de l’effet de serre boursier...
A peine 6 mois après sa nomination, Mark Hurd, le nouveau patron de Hewlett-Packard a décidé de supprimer 15 000 emplois dont 5 000 en Europe. La France avec 1240 licenciements, soit 25% de ses effectifs est la plus durement touchée.
Depuis la mort des fondateurs de l’entreprise, on assiste à une reprise en main néfaste de cette entreprise par les milieux boursiers, un siphonnage progressif, efficace des actifs, rythmé par des annonces spectaculaires (séparation HP agilent, Nomination Carli Fiorina , première femme PDG d’une multinationale, fusion HP Compaq, débarquement de Carli Fiorina), des vagues de licenciements impressionnantes, la destruction méthodique de la culture d’entreprise.
Sous l’impulsion du PDG Kléber Beauvillain et des syndicats, HP France avait même été l’une des rares entreprises à adopter les 36 heures, avant la loi Aubry. HP n’était pas seulement une vitrine sociale réussie, l’entreprise qui se voulait citoyenne s’était engagée dans le mécénat et dans une politique volontaire de retraitement de ses déchets électroniques.
Une production de qualité, le niveau de qualification, le "HP Way" favorisaient l’engagement des salariés pour l’entreprise, parce qu’il y avait cette confiance en l’avenir, la certitude de n’être pas débarqué sans alternative et d’avoir une évolution personnalisée. L’actionnariat interne était largement pratiqué, la rentabilité boursière de l’entreprise alimentait l’acceptation des règles du jeu et la collaboration aux décisions de la direction. Pour beaucoup de salariés, le premier acte de la journée était de consulter le cours de l’action à Wall Street !
Aujourd’hui les salariés subissent un triple choc :
le choc des licenciements, bien sur
le choc du nombre, un quart des effectifs, cadre ou employé, personne ne peut se dire "ce sera l’autre mais pas moi"
Le choc culturel. Pour la première fois, certains départs ne seront pas volontaires mais imposés. Pour ceux qui resteront, chacun a conscience que ce sera la fin du "HP Way"
Cette triple trahison de la direction accompagne hélas une autre mutation de l’entreprise. Les fondateurs avaient délibérément construit un navire à géométrie variable, capable de naviguer par tous les temps, scrutant les marchés et saisissant toutes les bonnes opportunités, même les petites niches : une politique industrielle opportuniste fondée sur la qualité et ses métiers d’origine : la mesure, l’instrumentation.
Leurs successeurs se sont comportés en comptables, serviteurs zélés des conseils d’administration, ils ont appliqué les règles des marchés boursiers.
La bourses n’aiment pas les conglomérats dont on ne peut pas véritablement estimer le cours, parce que c’est trop compliqué d’additionner des choux-ordinateurs et des carottes-instrumentation médicale, des navets-imprimantes ?
Soit, "splittez"-moi cette entreprise et vendez-moi la nouvelle entité "Agilent" à l’encan, avec au passage une belle plus-value !
Oui mais maintenant, HP doit grandir car la bourse n’aime pas qu’une entreprise ne soit pas leader sur son marché.
Eh bien rachetons-nous les uns les autres, "Mergeons" HP et Compacq et devenons leader sur le marché des ordinateurs !
Car le problème est la : depuis 10 ans, le navire Hewlett-Packard est dans la tempête : la direction n’a plus de politique industrielle, l’entreprise tend a devenir une entreprise banale, un fournisseur des marchés et non plus un créateur de marchés.
Les coups boursiers ont destructuré l’entreprise, il a fallu supporter 3 plans de licenciements massifs, une succession de "stop and go" en matière d’investissements, de personnel, de sous-traitance. Il aura fallu absorber le choc de l’arrivée du personnel Compaq (qui n’avaient pas encore digéré l’absorption de Digital), avec ses immanquables rivalités, différences de culture.
La bonne santé financière de l’entreprise cache les hypothèques inconsidérées. Une part du savoir faire de l’entreprise s’est évaporée au gré des plans sociaux et des opérations financières. Les réorganisations permanentes, l’externalisation massive, déstabilisent le personnel, des taches ne sont plus faites ou exécutées par des personnes distantes, insuffisamment formées, sans implication personnelle. Des postes de travail sont surchargés, les responsabilités se diluent et les managers ne managent plus que leur propre carrière.
Derrière les vagues de licenciements se profile également une délocalisation des emplois en Inde et en Asie du Sud-est. Car le solde net des emplois sur 10 ans n’est pas le même en Amérique, en Europe et en Asie.
Nous sommes au cœur de la globalisation anti-économique qui abandonnent les entreprises à des apprentis-sorciers en cravate.
Malheureusement, cette situation n’est pas exceptionnelle, la plupart des entreprises multinationales sont soumises aux même critères d’inefficacité. On peut raisonnablement s’inquiéter des conséquences potentielles des dénationalisations en cours, toutes ces organisations EDF, La poste, Snecma requièrent une stabilité à long terme des décisions, la préservation du savoir-faire et de la culture d’entreprise, garants de la qualité et de la sécurité, des phases d’investissement longues qui nécessairement infléchissent la rentabilité des titres boursiers et une prise de risque incompatible avec une vision trimestrielle de l’économie.
Le Cas HP doit être considéré comme exemplaire. Non seulement parce qu’il s’agit de licenciements boursiers qui témoignent du primat des actionnaires sur le personnel et même sur les clients.
Il met en évidence l’inefficacité boursière et ses dérives.
Une logique purement financière conduit à considérer les entreprises comme des gisements de capitaux qu’il faut extraire par tous les moyens.
Et quand la mine est épuisée, on ferme.
Longtemps les cadres, les ingénieurs, les salariés de l’informatique ont eu le sentiment d’être à l’abri. Ces enfants gâtés des années 80 pouvaient tabler sur leur seul effort individuel pour gagner leur carrière.
Ils sont aujourd’hui exposés avec une faible tradition d’action collective.
Pour Hewlett-Packard comme pour la plupart des entreprises, l’avenir des salariés, leur meilleure protection passent par la renaissance d’un syndicalisme capable de peser sur les décisions. Cela suppose la resyndicalisation mais aussi l’activation de structures revendicatives internationales.
Un syndicaliste français, allemand, américain peuvent-ils se concerter, agir ensemble, partager les mêmes revendications ?
Verra-t-on un jour naître un "trade union web", une toile syndicale ?
C’est un autre enjeu de la mondialisation : une utopie et une nécessité.
Ce texte est une réaction personnelle face au plan de licenciement Hewlett-Packard,La position officielle des Verts de l’Essonne a fait l’objet d’un communiqué de presse, également accessible sur ce site