Vladimir Poutine – Commission Transnationale https://transnationale.eelv.fr Un site utilisant Réseau Europe Ecologie Les Verts Wed, 04 Apr 2018 15:09:09 +0000 fr-FR hourly 1 Vladimir Poutine réduit au silence les activistes écologistes russes https://transnationale.eelv.fr/2014/12/02/vladimir-poutine-reduit-au-silence-les-activistes-ecologistes-russes/ Tue, 02 Dec 2014 14:17:13 +0000 http://transnationale.eelv.fr/?p=4205 Lire la suite]]> Communiqué de presse d’Europe Ecologie – Les Verts publié le 2 décembre 2014.

La cour suprême de la république d’Adyguée dans le Nord Caucase russe a décidé le 21 novembre la liquidation de l’ONG écologiste russe Veille écologiste du Caucase du Nord. L’ONG intervient pour la préservation de l’environnement de la région de Krasnodar et de Sotchi dans le Caucase russe. Elle avait alerté l’opinion publique russe et internationale sur les dégâts sur l’environnement et notamment sur la réserve naturelle du Caucase du Nord, classée à l’UNESCO, dus aux constructions pharaoniques et dispendieuses des JO de Sotchi.

Cette décision intervient après la condamnation de l’écologiste russe Evguenyi Vitishko militant de l’ONG. Cet ingénieur géologue a reçu en appel une peine de 3 ans de camps pendant le déroulement des JO de Sotchi. Il a été condamné pour avoir accroché sur la barrière de la propriété du gouverneur, en compagnie d’autres militants, une banderole portant l’inscription « La forêt appartient à tous, c’est notre bien commun ». Au cours de sa détention, les gardiens de prison ont monté les détenus ordinaires contre lui et il a été l’objet de leurs actes malveillants.

Ces attaques contre l’organisation Veille écologiste du Caucase du Nord intervient dans un contexte de répression des opposants politiques et des organisations de la société civile jugés comme  « agents  de l’étranger » et condamnés au silence, voire à la prison.

Europe Écologie – Les Verts condamne fermement les attaques des autorités russes contre les ONG écologistes en Russie . EELV demande le retrait de cette décision de justice et la libération immédiate de Evguenyi Vitishko.

Europe Écologie – Les Verts condamne fermement les répressions organisées par Vladimir Poutine contre la société civile et les activistes pacifistes qui portent une voix différente en Russie.

Julien Bayou, Sandrine Rousseau, porte-parole nationaux

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Motion : Europe Ecologie Les Verts s’engage pour la paix en Ukraine https://transnationale.eelv.fr/2014/10/14/motion-europe-ecologie-les-verts-sengage-pour-la-paix-en-ukraine/ Tue, 14 Oct 2014 07:29:51 +0000 http://transnationale.eelv.fr/?p=4112 Lire la suite]]> Motion adoptée par le Conseil Fédéral d’Europe Ecologie – Les Verts, réuni les 11 et 12 octobre 2014

Exposé des motifs

A partir de novembre 2013, les manifestations pacifiques qui se sont déroulées sur le Maïdan, au cœur de la capitale ukrainienne, ont représenté un véritable mouvement populaire, aux revendications initiales en faveur d’un rapprochement avec l’Union européenne, qui sont passées très rapidement à l’exigence d’un état de droit et de la fin de la corruption.

A l’origine de la crise, les deux projets économiques exclusifs l’un de l’autre soutenus d’une part par l’Union Européenne et d’autre part par la Russie plaçaient l’Ukraine dans une situation de tiraillements entre deux sphères économiques et politiques, auxquelles l’Ukraine est attachée par des liens historiques, économiques et humains. L’Ukraine depuis son indépendance a perdu son autonomie énergétique, indispensable à la survie d’un modèle productif le plus énergivore d’Europe. Les oligarques, porte-parole d’intérêts étrangers aux besoins des Ukrainiens et adoptant un comportement de rapacité, se sont révélés incapables de construire un Etat démocratique pouvant assurer une transition économique et énergétique indispensable.

Face à l’amplification du mouvement pacifique, la réaction du régime du président Viktor Ianoukovitch est alors devenue violente. Après la fuite de ce dernier et l’instauration d’un gouvernement transitoire le 25 mai 2014, un nouveau président, Petro Porochenko, a été élu dans des conditions reconnues par l’OSCE comme conformes aux standards démocratiques. Des élections législatives sont désormais programmées pour le 26 octobre 2014.

Néanmoins, des Ukrainiens ont pu prendre leurs distances vis-à-vis du nouveau pouvoir ukrainien et du mouvement Euromaïdan tel qu’il s’est exprimé. Une juste représentation de tous les Ukrainiens, de toutes les régions et de tous bords dans les divers échelons de l’Etat et dans les instances politiques est ainsi la mieux à même d’apporter une solution à ces réticences. Malgré les soubresauts politiques et les clivages parfois tendus au moment des échéances électorales entre habitants de l’Ouest et habitants de l’Est, le jeune Etat ukrainien commençait progressivement à se trouver une unité. Le sentiment d’appartenir au pays Ukraine existait, indépendamment de la langue parlée, des origines et des convictions politiques.

Une partie des populations de l’Est et du Sud de l’Ukraine, notamment en Crimée, a vivement exprimé des réticences. Toutefois, l’annexion éclair de la Crimée par la Russie, précédée par un référendum réalisé dans des conditions douteuses et sous pression militaire, est contraire au droit international. Face à ces réticences, le gouvernement ukrainien n’a hélas pas privilégié le dialogue politique et la rencontre avec ces populations distantes vis-à-vis du mouvement de Maïdan. Dans un contexte d’invasion avérée par un Etat étranger, et d’annexion d’une partie du territoire, le gouvernement ukrainien s’est trop vite tourné vers une solution militaire en lançant une offensive massive en termes de troupes et de matériel.

L’Ukraine est depuis plusieurs mois dans une situation de conflit ouvert, mêlée d’une ingérence étrangère, attestée et quasiment reconnue par la Russie, qui fait peser de lourdes menaces d’escalade militaire sur l’unité de l’Ukraine, avec des répercussions également sur l’ensemble du continent européen. Le cessez-le-feu annoncé le 5 septembre 2014 et décidé à Minsk entre le gouvernement de Kiev et les séparatistes du Donbass, sous l’égide de l’OSCE, constitue une première étape dans le règlement de paix.

En réalité, l’Ukraine se retrouve confrontée au comportement général de la Russie dans l’espace post-soviétique, qui menace actuellement particulièrement son intégrité territoriale. En effet, lorsque l’Ukraine a signé le mémorandum de Budapest en 1994 avec les puissances nucléaires que sont les USA, la Grande-Bretagne et la Russie, ces dernières lui assuraient son intégrité territoriale ainsi que sa souveraineté politique et économique, en échange de son renoncement aux armes nucléaires déployées sur son sol. La récente annexion de la Crimée et l’invasion à peine camouflée du Donbass contreviennent ainsi à cet accord.

A l’intérieur du territoire ukrainien, la propagande savamment orchestrée par le Kremlin en direction des russophones, les actions militaires des séparatistes et de leurs soutiens étrangers et le pourrissement de la situation construisent un fossé entre les Ukrainiens là où il n’y avait que des divergences civilisées. La propagande du Kremlin est également très active en France et en Europe. Elle ressuscite des clichés issus de la Seconde guerre mondiale et présente une Ukraine guidée par des fascistes.

Deux partis d’extrême droite, dont les valeurs et le projet politique sont à l’opposé des principes des écologistes, ont tout de même pris une part active dans la défense des manifestants de Maïdan. Leur proposition de loi entendant supprimer le statut officiel pour les langues régionales, dont le russe, était notamment une grave erreur politique. Ils sont malheureusement surreprésentés dans le gouvernement ukrainien. Toutefois, la propagande russe surestime largement l’importance de ces partis sur la scène politique ukrainienne, alors qu’elle favorise ce type de mouvements nationalistes et impérialistes en Russie.

Les manifestations « Pour la paix en Ukraine », organisées à Moscou le 21 septembre 2014, ont rassemblées plusieurs milliers de manifestants et marquent un espoir de rupture du consensus guerrier qui prévaut jusqu’à présent en Russie.

D’une part, l’ingérence étrangère est inacceptable, d’autant plus en provenance d’un pays membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU et par conséquent en charge du maintien de la paix et de la sécurité internationale. A ce titre, EELV réaffirme le principe d’inviolabilité des frontières, inscrit dans l’article 2-4 de la Charte de l’ONU, et dans l’article 1-III de l’Acte final de la Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe. La Russie qui prend part à ces deux organisations internationales, et qui aspire à voir son rôle international prendre de l’ampleur, doit se montrer une nation responsable et respectueuse de ces principes.

D’autre part, la confrontation militaire entre les forces sécessionnistes et l’état Ukrainien doit être traitée par une solution politique amenant à la table des négociations toutes les parties prenantes. Le cessez-le-feu est un premier pas sur ce chemin.

En attendant le règlement politique du différend ukrainien, la France et l’Union européenne sont fondées à exercer des pressions à l’encontre de la Russie pour qu’elle cesse son ingérence et vienne à la table des négociations. Cependant, ces pressions ne peuvent prendre qu’une forme diplomatique, politique et économique, et non militaire pour éviter toute escalade.

Pour que de telles négociations aient une chance de s’ouvrir et de réussir, l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN doit être proscrite de façon explicite, car elle constituerait un casus belli pour la Russie. La décision de l’OTAN en vue du renforcement de la « force de réaction rapide » pourrait faire augmenter la tension dans la région entre la Russie et l’Europe, déjà très dégradées depuis la mise en œuvre du bouclier antimissile.

Les sanctions économiques ciblées sur des personnalités russes, soutien du régime de Vladimir Poutine, ont déjà des résultats tangibles à l’intérieur de la Russie et peuvent être élargies et approfondies.

Quant à l’Union européenne, celle-ci a ratifié avec l’Ukraine un accord d’association le 16 septembre dernier. La situation économique de l’Ukraine est fortement préoccupante. L’Etat ukrainien, par un cumul de déficits de plusieurs natures dû à la dictature de Ianoukovitch et de sa corruption, est menacé par une faillite. L’Union européenne se doit d’apporter une aide financière à la hauteur des enjeux dans le cadre d’un plan international. Des réformes institutionnelles et économiques sont sans doute nécessaires, elles doivent être accompagnées par l’Union européenne, qui doit sortir du dogme de l’austérité pour prendre en compte une réelle et fondamentale dimension sociale sans laquelle les citoyens ukrainiens ne peuvent accepter ces réformes.

Motion

Ainsi, afin d’aller vers une solution politique durable, il faut rechercher :

  • la démilitarisation, sous contrôle international, de toutes les parties en conflit, et la dissolution de toutes les milices. Cette tâche peut-être prise en charge par les Casques bleus, dont seront exclus les pays prenant part au conflit ;
  • la tenue d’une consultation démocratique à l’échelle du territoire ukrainien et sous les auspices de l’OSCE sur le contenu de cet accord de paix ;
  • la reconnaissance par les voisins de l’Etat ukrainien des frontières internationales établies par des précédents accords internationaux ;
  • la tenue rapide d’élections législatives sur l’ensemble du territoire ukrainien ;
  • la poursuite du respect de la juste représentation de toutes les minorités et langues en Ukraine ;
  • une aide humanitaire internationale aux populations victimes du conflit : familles des victimes, blessés, déplacés. 

Le conseil fédéral d’Europe Ecologie Les Verts, réuni les 11 et 12 octobre 2014, demande :

  • à l’Union européenne de s’engager enfin dans la création d’une défense commune, outil d’une diplomatie commune afin de se dégager de la dépendance vis-à-vis de l’OTAN.
  • à l’Union européenne de s’engager dans une transition énergétique couplant le développement des énergies renouvelables et des mesures d’efficacité énergétique afin, entre autres, de se dégager de la dépendance aux hydrocarbures provenant de Russie et compatible avec la nécessaire reconstruction et adaptation de l’appareil de production énergétique ukrainien.
  • aux députés français et aux responsables politiques de respecter les sanctions visant la Russie. A ce titre, EELV dénonce fermement la visite à Paris de deux personnalités russes visées par ces sanctions, MM Serguei Narychkine, Président de la Douma, et Leonid Sloutsky, député russe, et leur rencontre avec une série de parlementaires français minant ainsi l’efficacité des sanctions.
  • à l’Union européenne de parler d’une seule voix face au Président russe et de presser l’établissement d’une paix durable en Ukraine pour éviter un pourrissement plus avant de la situation.
  • à l’Union européenne d’engager une véritable politique européenne d’accueil des réfugiés qui fuient le territoire ukrainien et le régime de Poutine.
  • à l’Union européenne d’accompagner le processus de réforme de la gouvernance en Ukraine. Le processus de lustration doit se concentrer sur la lutte anti-corruption des oligarques et la récupération des biens spoliés
  • à l’Union européenne d’aider l’Etat ukrainien a conforter son intégrité territoriale vis à vis de la Russie, à faire évoluer sa forme de l’Etat si le gouvernement ukrainien le demande et à le conseiller en matière de consultation populaire.

Le conseil fédéral d’Europe Ecologie Les Verts, réuni les 11 et 12 octobre 2014, rappelle qu’EELV soutient l’émergence des forces politiques progressistes et écologistes. 

Pour : 54 ; Contre : 9 ; Blancs : 14

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LE PARLEMENT EUROPÉEN SOLIDAIRE DE L’UKRAINE https://transnationale.eelv.fr/2014/09/08/le-parlement-europeen-solidaire-de-lukraine/ Mon, 08 Sep 2014 13:56:47 +0000 http://transnationale.eelv.fr/?p=3997 Lire la suite]]> Communiqué de presse du 8 septembre 2014 des eurodéputés Europe Ecologie au Parlement européen

Ce lundi 8 septembre, la commission des Affaires étrangères du Parlement européen vient, à une très large majorité, de soutenir la ratification de l’accord d’association entre l’UE et l’Ukraine. En novembre dernier, la décision de Victor Ianoukovitch de ne pas signer cet accord avait été à l’origine du soulèvement populaire de la place Maïdan, qui a finalement abouti à la destitution du Président Ianoukovitch par le Parlement ukrainien, et à l’élection de Petro Porochenko le 25 mai dernier, sous l’observation d’une mission internationale de l’OSCE. 

Les eurodéputés Europe Ecologie au Parlement européen se félicitent de ce message de solidarité envoyé à l’Ukraine, et rappellent le droit fondamental de l’Ukraine à déterminer librement son avenir politique et économique. Le Parlement européen a condamné à plusieurs reprises les atteintes à l’intégrité territoriale de l’Ukraine, pays souverain, notamment l’annexion illégale, en regard du droit international, de la Crimée par la Russie. Malgré le cessez-le-feu signé vendredi dernier entre Kiev et les séparatistes du Donbass, les violences continuent, comme en témoigne les bombardements qui ont eu lieu dimanche près de Donetsk et du port de Marioupol. L’UE doit renforcer ses sanctions économiques ciblées envers la Russie et les séparatistes ukrainiens tant que le cessez-le-feu ne sera pas durablement respecté.

Au-delà des sanctions économiques contre l’agression russe, la réponse de l’UE doit maintenant se concentrer sur l’accompagnement des réformes démocratiques et économiques en Ukraine. C’est tout l’objet de cet accord d’association, qui prévoit un soutien de l’UE à la mise en place d’un Etat de droit en Ukraine, basé sur les principes de démocratie, de justice et de respect des droits humains et des libertés fondamentales.

Les eurodéputés Europe Ecologie au Parlement européen réaffirment que seule une issue politique et pacifique est viable en Ukraine. Ils appellent donc l’UE et la communauté internationale à mettre en place les conditions d’une démilitarisation sous contrôle international de la zone de conflit, et de la tenue rapide d’élections législatives sur l’ensemble du territoire ukrainien sous observation d’une mission de l’OSCE. En aucun cas un soutien militaire des pays membres de l’OTAN ne constitue une solution au conflit. Ceci ne viendrait que renforcer l’escalade de violence dans la région, et alimenter les crimes de guerres constatés sur le terrain par les ONG.

Enfin, la crise ukrainienne démontre à quel point l’UE reste dépendante de puissances extérieures pour son approvisionnement en énergie. La Commission européenne doit présenter dans les plus brefs délais les détails de son plan d’urgence en cas de rupture de l’approvisionnement en gaz russe, et préciser les contours de sa stratégie pour renforcer son indépendance énergétique. Pour les écologistes, la seule diversification des sources d’approvisionnement ne constitue en rien une solution durable. L’UE doit investir massivement dans la transition énergétique pour permettre le développement des énergies renouvelables et la réduction de notre consommation finale d’énergie.

 

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De la crise ukrainienne 2 https://transnationale.eelv.fr/2014/09/06/de-la-crise-ukrainienne-2/ Sat, 06 Sep 2014 10:00:12 +0000 http://transnationale.eelv.fr/?p=3989 Lire la suite]]> Texte collectif de membres de la Commission Transnationale et de la Commission Europe, adopté par le Bureau de la Commission Transnationale

 

 

EELV accueille positivement l’annonce de cessez-le-feu décidé à Minsk entre le gouvernement de Kiev et les séparatistes du Donbass sous l’égide de l’OSCE.

L’Ukraine est depuis plusieurs mois dans une situation de conflit ouvert, mêlé d’une ingérence étrangère, attestée et quasiment reconnue par la Russie, qui fait peser de lourdes menaces d’escalade militaire sur l’unité de l’Ukraine avec des répercussions aussi sur l’ensemble du continent européen.

D’une part, l’ingérence étrangère est inacceptable, d’autant plus provenant d’un pays membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU et par conséquent en charge du maintien de la paix et de la sécurité internationale.

A ce titre, EELV réaffirme le principe d’inviolabilité des frontières, inscrit dans l’article 2-4 de la Charte de l’ONU, et dans l’article 1-III de l’Acte final de la Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe. La Russie qui prend part à ces deux organisations internationales, et qui aspire à voir son rôle international prendre de l’ampleur, doit se montrer une nation responsable et respectueuse de ces principes.

D’autre part, la confrontation militaire entre les forces sécessionnistes et l’état Ukrainien doit être traitée par une solution politique amenant à la table des négociations toutes les parties prenantes. Le cessez-le-feu est un premier pas sur ce chemin. Les belligérants et la communauté internationale se doivent de pérenniser cette mesure.

Afin d’ aller vers une solution politique durable il faut rechercher :

– le démilitarisation sous contrôle international de toutes les parties en conflit. Cette tâche peut-être prise en charge par les Casques bleus dont seront exclus les pays prenant part au conflit ;

– la tenue d’une consultation démocratique à l’échelle du territoire ukrainien et sous les auspices de l’OSCE sur le contenu de cet accord de paix  ;

– dans cette attente, la reconnaissance par les voisins de l’Etat ukrainien des frontières internationales établies par des précédents accords internationaux ;

– la tenue rapide d’élections législatives sur l’ensemble du territoire ukrainien.

En attendant le règlement politique du différend ukrainien, la France et l’Union européenne sont fondées à exercer des pressions à l’encontre de la Russie pour qu’elle cesse cette ingérence et vienne à la table des négociations. Cependant ces pressions ne peuvent prendre qu’une forme diplomatique, politique et économique, et non militaire pour éviter toute escalade.

Pour que de telles négociations aient une chance de s’ouvrir et de réussir, l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN doit être proscrite de façon explicite, car elle constituerait un casus belli pour la Russie.

EELV s’inquiète de la décision de l’OTAN en vue du renforcement de la « force de réaction rapide » qui pourrait faire augmenter la tension dans la région entre la Russie et l’Europe, déjà très dégradées depuis la mise en œuvre du bouclier antimissile.

Les sanctions économiques ciblées sur les personnalités, soutien du régime de Vladimir Poutine, ont déjà des résultats tangibles à l’intérieur de la Russie et peuvent être élargies et approfondies.

Dans ce cadre, EELV dénonce fermement la visite à Paris de deux personnalités russes visées par ces sanctions MM Serguei Narychkine, Président de la Douma, et Leonid Sloutsky, député russe et leur rencontre avec une série de parlementaires français minant ainsi l’efficacité des sanctions.

EELV prend note également de la décision du Président français de surseoir la livraison des Mistral dans le cadre des sanctions économiques décidées par l’Union Européenne. Les coûts éventuels de la suspension des Mistral en attendant le règlement pacifique, devront être portés par l’Union européenne, puisque la suspension découle d’une décision de cette dernière instance.

EELV regrette qu’une nouvelle fois dans l’affaire ukrainienne, l’Union européenne n’a pas su parler d’une seule voix laissant ainsi l’initiative au seul Président russe.

A long terme, l’Union européenne doit se dégager de la dépendance vis-à-vis de l’OTAN pour sa sécurité et créer une défense européenne commune, outil d’une diplomatie commune. A ce titre, la suspension de la vente des Mistral, et la mutualisation du coût de cette décision à l’échelle européenne, constitue un premier pas dans la création d’une défense européenne commune, avec la mutualisation des dépenses liées à l’industrie militaire.

EELV réitère ses craintes vis à vis d’une dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie. Il est urgent que l’Union européenne s’engage dans une transition énergétique couplant le développement des énergies renouvelables et des mesures d’efficacité énergétique afin, entre autres, de se dégager de la dépendance aux hydrocarbures provenant de Russie.

 

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Quelle réponse politique face à l’offensive de Poutine ? 🗺 https://transnationale.eelv.fr/2014/09/02/quelle-reponse-politique-face-a-loffensive-de-poutine/ https://transnationale.eelv.fr/2014/09/02/quelle-reponse-politique-face-a-loffensive-de-poutine/#comments Tue, 02 Sep 2014 13:00:59 +0000 http://transnationale.eelv.fr/?p=3945 Lire la suite]]> Atelier lors des Journées d’Eté d’Europe Ecologie les Verts, 23 août 2014, Bordeaux

Propos recueillis par Anne R.

 

jean_radvanyi
Jean Radvanyi

Jean Radvanyi : Géographe à Langues’O (INALCO), Directeur du Centre franco-russe en sciences sociales et humaines à Moscou (Académie des sciences de Russie) entre 2008 et 2012.

Anna Garmash : Porte-parole de EuroMaidan France.

Alexis Prokopiev : Président de Russie-Libertés.

 

Anne

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Au vu de l’actualité internationale, il nous a paru indispensable d’organiser un atelier portant sur la Russie. Je souhaiterais toutefois que la question de la politique intérieure soit également traitée. Elle s’avère intimement liée à la politique extérieure. Sans soutien interne, une politique extérieure aventuriste n’est pas possible. Et inversement, la politique extérieure actuelle semble conforter les bases du pouvoir de Poutine. Je propose que nous brossions un rapide aperçu de la situation intérieure avant de traiter de la questions des relations internationales avec bien sûr, en ligne de mire la question ukrainienne.

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Deux ans en arrière, nous avons assisté à des manifestations massives de contestation de Vladimir Poutine au moment des élections législatives et présidentielle de 2011-2012. En réaction à ces mobilisations, Dmitri Medvedev a tenté de calmer le jeu en proposant quelques réformes. Mais très rapidement, après l’investiture de Vladimir Poutine, des réformes liberticides, réprimant principalement les libertés d’expression, de rassemblement etc… ont été promulguées. Les intervenants pourront développer cette question.

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Or, aujourd’hui, on observe un soutien massif à la politique de Vladimir Poutine. Ceci constitue tout de même un revirement étonnant entre une opposition si ce n’est massive, du moins très visible il n’y a pas si longtemps que cela et un soutien massif aujourd’hui. Comment expliquer ce revirement dans l’opinion publique ?

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Alexis Prokopiev, Cécilia Joxe, Anne Rio, Anna Garmash (g. à d.). Photo : Françoise Diehlmann
Alexis Prokopiev, Cécilia Joxe, Anne, Anna Garmash (g. à d.). Photo : Françoise Diehlmann

Jean Radvanyi

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Bonjour. Pour me présenter, je suis géographe, je m’intéresse à la géopolitique. Je travaille principalement sur la Russie et sur le Caucase, et sur les relations de la Russie avec son environnement géographique et géopolitique.

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Pour répondre à cette question, je dirai que premièrement, Vladimir Poutine n’a jamais quitté le pouvoir. C’était clair même si on ne connaît toujours pas le deal exact qu’il avait passé avec Dmitri Medvedev. Toutefois, il apparaît évident que durant les années où Medvedev était président, une bonne partie du vrai pouvoir était concentrée dans les mains de Vladimir Poutine. Pour cela, il avait réorganisé les structures fondamentales du pouvoir. Par exemple, il a placé les ministères de force (armée, FSB..) qui étaient auparavant sous la tutelle du Président, sous la tutelle du Premier ministre lorsqu’il occupait ce poste. Il voulait à l’évidence conserver le vrai pouvoir.

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Pour autant, la période Medvedev était une période d’intenses débats, de relative liberté d’expression, limitée mais réelle. Ce n’était pas le cas à la télévision, mise à part une seule chaîne. Toutefois, des débats et une expression publique se sont manifestés à la fin du mandat de Medvedev par ces grandes manifestations.

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« Ces grandes manifestations de l’hiver 2011-2012 en Russie ont été très importantes. Il n’empêche qu’elles étaient tout de même à l’échelle de la population russe, limitées et marginales. »

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Ces grandes manifestations ont été très importantes. Il n’empêche qu’elles étaient tout de même à l’échelle de la population russe, limitées et marginales. Cela n’a pas de sens de parler en pourcentage. Il s’agissait véritablement de grandes manifestations et elles n’ont pas été seulement moscovites. Il y a eu beaucoup de manifestations en province. Elles ont touché une partie de la population dans toute la Russie. Bien qu’elles soient assez composites, elles se faisaient surtout l’expression d’une partie des jeunes, d’une partie des classes moyennes. Ces classes moyennes existent réellement et sont composées de personnes qui se sont intégrées et adaptées au nouveau système et dont les aspirations sont beaucoup tournées vers l’extérieur, vers les échanges, notamment avec l’Europe et l’Occident, vers une forme plus démocratique de la vie de la société. Ce sont ces couches qui se sont exprimées dans ces manifestations. Cette expression s’est avérée très forte, à la grande surprise de tous les observateurs, qui considéraient les Russes comme une population apathique, apolitique etc… Ce que je conteste personnellement depuis longtemps mais cette vision était l’expression générale qu’on en avait.

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Ce que nous constatons depuis quelques mois est peut-être un revirement, certainement un tournant très important. Je dirai de façon paradoxale que l’Ukraine pour les Russes, c’est de la politique intérieure, d’une certaine façon. Même si cette affirmation paraît bizarre et paradoxale, les Russes considèrent que l’Ukraine, c’est chez eux : Eto Nash. Remarquez bien qu’en Pologne, pour une grande partie de la population, la Galicie est aussi chez eux. En d’autres termes, l’Ouest de l’Ukraine pour beaucoup de Polonais c’est à eux, quoi qu’en pensent les Ukrainiens. Ainsi, pour les Russes, l’Ukraine relève de la politique intérieure, et non seulement la Crimée.

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« Il faudrait lire le discours de Vladimir Poutine du 18 mars au lendemain du référendum en Crimée. C’est le discours officiel qui marque le tournant vers ce nouveau patriotisme russe qui prend beaucoup de Russes dans le sens du poil. Ce moment marque également le tournant dans la popularité de Vladimir Poutine. Y compris les manifestants de la fin 2011 se retrouvent dans ce discours patriotique. »

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Affiche lors du référendum en Crimée
Affiche lors du référendum en Crimée

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Il faudrait lire le discours de Vladimir Poutine du 18 mars au lendemain du référendum en Crimée. Ce discours politique très important marque un tournant public, car dans son esprit, je pense que les choses ont évoluées avant. Il exprime diverses positions s’agissant de la défense des Russes de l’étranger, sa conception du monde russe. Il expose également certaines positions concernant la politique extérieure. C’est le discours officiel qui marque le tournant vers ce nouveau patriotisme russe qui prend beaucoup de Russes dans le sens du poil. Ce moment marque également le tournant dans la popularité de Vladimir Poutine. Y compris les manifestants de la fin 2011 se retrouvent dans ce discours patriotique, dont les leaders comme Alexey Navalnyi et d’autres. Ils appuient cette politique. Pour eux, la question de la défense des Russes, du patriotisme russe est loin d’être démêlée dans leur esprit. Elle fait partie tout de même des questions fondamentales qui entrent en accord avec leurs pensée, même si certains s’interrogent sur les conséquences d’une telle position. Beaucoup ont apprécié positivement l’annexion de la Crimée. Ils apprécient également que Vladimir Poutine défende les Russes d’Ukraine orientale.

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Anna Garmash

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Le collectif EuroMaidan France s’est organisé dès le début des manifestations à Kiev. Nous nous sommes rassemblés spontanément, mais très vite nous nous sommes rendus compte qu’il fallait poursuivre deux objectifs. Tout d’abord, il faut exprimer un soutien au mouvement à Kiev et faire comprendre au pouvoir en place qu’il y a une volonté de changement non seulement de la part des Ukrainiens à Kiev, mais également de la part de la diaspora ukrainienne. Ensuite, il faut informer l’opinion publique en France des évènements en Ukraine. Les informations nous parviennent plus rapidement que ne les publie la presse en France. Plus tard, nous nous sommes assignés d’autres objectifs comme faire parvenir une aide médicale aux personnes blessées dans les affrontements lors des manifestations.

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Rassemblement EuroMaidan France à Paris, 16 mars 2014. Photo : Anne Rio
Rassemblement EuroMaidan France à Paris, 16 mars 2014. Photo : Anne

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S’agissant du revirement de l’opinion publique en Russie, je partage l’opinion de M. Radvanyi. L’appui sur les options patriotiques est venu récemment. Les Russes ont effectivement considéré l’Ukraine de manière particulière. Officiellement, c’est l’étranger, mais ils ont l’habitude que ce pays fasse partie de leur zone d’influence depuis la chute de l’Union soviétique, qu’il ait fait partie du même pays à la période soviétique et tsariste. Les Russes avaient coutume de percevoir leur pays comme une puissance importante à l’époque soviétique. Le patriotisme est façonné par une volonté de puissance, en mémoire du statut de l’URSS à l’époque de la guerre froide. Maintenir la zone d’influence en Ukraine et la notion d’empire permet de maintenir le statut de la Russie sur la scène internationale.

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« Pour se maintenir au pouvoir, il faut bénéficier d’une opinion publique favorable, mais surtout il faut conforter la population autour d’une idée. »

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En appuyant cet aspect, Vladimir Poutine brosse en effet les Russes dans le sens du poil. Ces options politiques sont présentes depuis des années, voire des dizaines d’années. Le revirement existe aussi, essentiellement concernant le maintien de Poutine au pouvoir. Vladimir Poutine a effectué deux mandats de président, puis un mandat de Premier ministre, et il a entamé son quatrième mandat à la tête du pouvoir en 2012. Or, pour se maintenir au pouvoir, il faut bénéficier d’une opinion publique favorable, mais surtout il faut conforter la population autour d’une idée. Etant donné que les conditions économiques se sont dégradées avec la crise, il est d’autant plus essentiel de conforter la population. Quoi de mieux que d’utiliser l’idée nationale. Cette dernière est dans cette zone présente depuis longtemps. Elle parle à la population. Vladimir Poutine s’est vraiment servi de ce levier pour conforter la population. Il appuie sur des boutons préexistants.

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Alexis Prokopiev

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Cet atelier est très important car il faut que les écologistes se saisissent avec des intervenants extérieurs de cette question majeure. Elle a des répercussions sur la politique internationale mais aussi sur la politique interne en Europe comme nous avons pu le constater lors des dernières élections européennes. Nous avons également pu le voir lors de la visite de Philippe de Villiers en Russie. Il a manifesté sa proximité vis-à-vis de Poutine.

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J’interviens ici en tant que militant pour les droits humains en Russie. Je suis Président de l’association Russie-Libertés. Elle a été créée au début de l’année 2012 sur la vague des manifestations qui ont eu lieu d’abord en Russie, puis très rapidement en France pour dénoncer les fraudes électorales massives lors des élections législatives en décembre 2011 et lors de la présidentielle en mars 2012. Vladimir Poutine est revenu à la présidence pour un énième mandat.

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Action pour des élections justes en Russie organisée par Russie-Libertés, devant l'ambassade de Russie à Paris, 26 février 2012. Photo : Alexis Prokopiev
Action pour des élections justes en Russie organisée par Russie-Libertés, devant l’ambassade de Russie à Paris, 26 février 2012. Photo : Alexis Prokopiev

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Je pense qu’il est impossible d’analyser la situation en Ukraine, dans l’Est de l’Ukraine, et en Crimée, sans parler des évènements de la fin 2011 – début 2012. Comme l’a dit Jean Radvanyi, ils ont constitué un tournant majeur. Je partage l’avis des experts qui soulignent l’importance des manifestations massives de la population russe pour dénoncer les fraudes électorales et ce qu’il y a derrière, la corruption massive. On montre souvent la corruption de la période de Eltsine, mais en observant les montants en jeu et les pourcentages rapportés à l’économie russe, on se rend compte que la corruption a pris une autre dimension. La situation montre une corruption massive à tous les niveaux. Les problèmes sociaux s’accumulent, liés à l’éducation, à la santé. Ils sont causés notamment par la corruption. Tout ce mécontentement est sorti dans la rue sous forme de manifestations. Elles se sont avérées les plus importantes depuis les années 1990. Pendant une très longue période, la Russie n’a pas connu de manifestations de masse. Elles ont, à mon avis, surpris le pouvoir, mais aussi l’opposition. Celle-ci n’était pas prête mais elle a réussi à formuler des propositions claires.

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« Je pense que la majeure crainte du Kremlin porte sur le fait que les mouvements sociaux se sont joints aux jeunes dans les manifestations. »

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Quelle a été la réponse du pouvoir ? Il y a eu quelques réformes dont celle du code électoral. Toutefois, suite à la réélection de Vladimir Poutine, la décision a été prise d’un revirement de cap. Tout d’abord, nous avons assisté à des arrestations massives d’opposants et de manifestants. Nous l’avons particulièrement observé lors des affrontements du 6 mai 2012. Plusieurs lois liberticides ont été promulguées : des lois encadrant les manifestations, les médias etc… Elles se sont accompagnées de plusieurs injections idéologiques. Je pense que la majeure crainte du Kremlin porte sur le fait que les mouvements sociaux se sont joints aux jeunes dans les manifestations. J’ai pu le constater en me rendant aux manifestations en mars 2012 à Moscou et à Saint-Pétersbourg. Beaucoup de mouvements des retraités, quelques professeurs avec des slogans portant sur l’éducation, des médecins étaient présents pour réclamer la fin de la corruption etc… Je pense que quand le Kremlin a senti dans le pays cette jonction entre un mouvement pour plus de libertés et de droits, appuyés par les classes moyennes naissantes, et le mouvement des retraités, des chômeurs, des professeurs et enseignants etc…, il a perçu le réel danger pour son maintien au pouvoir.

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« Il faut analyser tous les évènements depuis 2011 comme la volonté de réinjecter de l’idéologie, de recréer cette idée nationale afin d’unir la population. »

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L’idée était de transformer le pouvoir en place, qui avait perdu toute forme d’idéologie. Fin 2011, le slogan le plus répété concernant Russie Unie, parti de Vladimir Poutine, était « le parti des voleurs et des escrocs », terme inventé par l’opposant Alexey Navalnyi. Quand les sondages posaient la question « A quoi pensez vous quand on vous parle du parti Russie Unie ? », les sondés pensaient immédiatement à ce slogan. Il faut analyser tous les évènements depuis 2011 comme la volonté de réinjecter de l’idéologie, de recréer cette idée nationale afin d’unir la population.

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Je termine par une remarque sur les propos de Jean Radvanyi concernant Alexey Navalnyi. Il est vrai que Serguey Oudaltsov, opposant récemment condamné à 4 ans de prison, le leader du Front de gauche, a soutenu le Kremlin dans sa politique en Ukraine et en Crimée. Edouard Limonov, opposant également connu, a soutenu à 200% la politique de Poutine en Ukraine. Alexey Navalnyi, pour sa part, se montre plus nuancé. Il a dit qu’il fallait défendre les populations russes en Crimée, mais s’est exprimé de manière plus nuancée sur le reste et se montre depuis le crash de l’avion MH17 extrêmement critique. Il met en avant l’isolement de la Russie sur la scène internationale.

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Anne

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Je rebondis sur les derniers propos d’Alexis pour vous proposer de faire un petit tour de table au sujet de la question de l’idéologie et de la propagande pour approfondir un peu. De nos jours, on revient à un affrontement Est-Ouest sur la question de l’Ukraine. Avec le recul de l’histoire, on constate que pendant longtemps l’idéologie était absente de cet affrontement. Or, on observe que Poutine, comme le disait Alexis, revient sur une ligne nationaliste. Il se lie à des partis nationalistes et d’extrême droite en Europe, qui viennent comme observateurs en Crimée. Qu’en est-il de l’idéologie dans l’affrontement Est-Ouest ?

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Par ailleurs, comment fonctionne la propagande à ce propos ? Les Russes y sont-ils réceptifs, alors qu’ils avaient l’habitude à la période soviétique d’être abreuvés de propagande mais de lire entre les lignes et de discuter dans les cuisines ?

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Jean Radvanyi

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Il est difficile de parler de tournant vers le patriotisme de Vladimir Poutine. Depuis longtemps, ces arguments sont présents dans les discours. On peut dire qu’à la faveur des évènements d’Ukraine, il les a exprimés de manière encore plus forte, peut-être plus organisée et en suscitant à l’intérieur de l’opinion russe ce mouvement dont on vient de parler.

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Par ailleurs, la propagande est absolument extraordinaire. Pour les Russes en général, à part dans les plus grandes villes, le grand moyen d’information est la télévision. Or, toutes les chaînes sont contrôlées soit directement soit indirectement. Soit ce sont des chaînes d’Etat, soit elles appartiennent à des sociétés en grande partie contrôlée par l’Etat. Nous avons pu constater qu’au moment des grands évènements récents, les chaînes ont diffusé de la propagande et non de l’information, en particulier s’agissant de l’Ukraine, mais pas seulement. La propagande est organisée, et par bien des aspects, ressemble à la propagande soviétique.

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« Les collaborateurs du Centre Levada1 étaient effarés par la puissance du renversement dans l’opinion : à la fois le soutien à Vladimir Poutine et l’importance de cette onde de choc. »

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Est-ce qu’elle est efficace ? A Pâques à Moscou, j’ai rencontré les collaborateurs du Centre Levada. Ces derniers étaient effarés par la puissance du renversement dans l’opinion : à la fois le soutien à Vladimir Poutine et l’importance de cette onde de choc dans l’opinion dans toutes les couches, que ce soient les retraités mais aussi les jeunes. Nous observons ce genre de phénomène depuis longtemps dans l’opinion russe. Parmi les sondages effectués très régulièrement par le Centre Levada, des questions portent sur l’opinion sur les Américains, la politique américaine, l’Union européenne. Selon l’actualité, et selon la manière dont est traitée l’actualité à la télévision, on observe des courbes en dents de scie. Ainsi, la réaction est extrêmement mobile et rapide aux évènements et à la façon dont ils sont présentés. En même temps, beaucoup de Russes ont accès à internet, et donc à d’autres sources d’information. Il ne faut pas négliger cet aspect. Il faut faire attention aux analyses dans des périodes de grande tension comme aujourd’hui. Ce type d’évolution qui paraît absolument extraordinaire peut aussi se renverser. Ceci n’empêche pas que les Russes se montrent critiques. Il existe quelques journaux d’opposition. Peu y ont accès réellement sous forme papier, et un peu plus sous forme numérique. Tous les journaux sont accessibles sur internet.

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L’internet est une des cibles des nouvelles lois poutiniennes. Les autorités cherchent à mettre un dispositif de contrôle d’internet, même si cette tâche s’avère ardue. Elles mettent en place un dispositif législatif pour surveiller internet et en particulier les blogueurs de façon à tenter de contrôler l’information d’une partie importante de la population, entre 50 et 60 millions d’internautes russes sur une population de 140 millions. Toutes les écoles et lycées sont équipés d’internet.

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Par ailleurs, on observe un isolement de la Russie de fait. Il cherche des alliés. Certains alliés sont de circonstance. On peut en discuter s’agissant de Marine Le Pen. Il existe des raisons sur lesquelles ils se rencontrent. Mais la Russie bénéficie d’autres types d’alliés, comme la Chine, l’Inde, dans des registres totalement différents. Il veut sortir de cet isolement et montrer que la Russie n’est pas aussi isolée qu’il n’y paraît.

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« Il ne faut pas négliger les sentiments critiques à l’intérieur de la Russie. Ils s’expriment peut-être peu en ce moment mais ils sont réels. »

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Manifestation pour la paix à Saint Pétersbourg. 30 août 2014.
Manifestation pour la paix à Saint Pétersbourg. 30 août 2014.

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Il ne faut pas négliger les sentiments critiques à l’intérieur de la Russie. Ils s’expriment peut-être peu en ce moment mais ils sont réels. Il y a beaucoup d’inquiétudes s’agissant de cette position vis-à-vis de l’Ukraine. Tous sont contents de l’annexion de la Crimée. Ils parlent de rattachement, de retour au bercail, de retour à la patrie. Ils se montrent beaucoup plus inquiets pour l’Ukraine orientale. Beaucoup de Russes ont des parents, des cousins, des amis en Ukraine. Il s’agit plus que d’un pays voisin. Ils sont inquiets sur les conséquences économiques, sociales, politiques. Il est clair que Vladimir Poutine utilise une grille de lecture depuis la fin 2011 mentionnant des ennemis de l’intérieur, financés par l’étranger. A mon avis, il pense fondamentalement de cette manière. Cela vient de son éducation et de son background. Il ne sort pas de cette analyse. Il a analysé les manifestations de la fin 2011 et début 2012 comme il avait analysé la révolution orange en Ukraine, c’est-à-dire la main de l’étranger qui veut déstabiliser le pays. Une série de commentaires sur les sanctions les présentent comme ayant pour finalité de renverser le pouvoir russe tel qu’il est aujourd’hui. Aux yeux de Poutine, tel est le but des sanctions, et non de faire pression pour l’Ukraine. Il considère donc qu’il faut s’unir contre cela.

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Anna Garmash

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S’agissant de la perception par les Russes de ce discours officiel, je constate parmi mes connaissances et mes liens familiaux, que l’adhésion est beaucoup plus importante qu’elle n’a pu l’être pendant des années sous l’Union soviétique. Plusieurs personnes ont comparé la propagande soviétique du temps de Brejnev à ce qui se passe aujourd’hui. Ces personnes sont effarées, tout comme les collaborateurs du Centre Levada en voyant que la situation a radicalement changé. Du temps de Brejnev, chacun savait qu’il y avait un discours officiel auquel il fallait adhérer dans l’espace public mais dans les cuisines, autour de la table, tout le monde savait ce qu’il se passait et pouvait échanger leurs vraies idées. Aujourd’hui, l’adhésion est beaucoup plus importante.

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En effet, beaucoup de personnes en Russie ont de la famille en Ukraine. On constate malheureusement que beaucoup de liens se brisent. Les Ukrainiens manifestent beaucoup d’incompréhension face à cette adhésion soudaine à un discours qui n’est certes pas nouveau. Mais une adhésion aussi brutale est nouvelle.

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En effet, sauf erreur, dans les derniers sondages, 97 % des Russes regardent beaucoup la télévision tout en consultant un peu internet et 75 % de la population prennent leur information essentiellement de la télévision. Sur les chaînes russes, le discours déroulé appuie sur des points qui ont toujours été importants pour les Russes. La manière de présenter le mouvement de l’EuroMaidan s’est avérée dès le début très particulière. Ils ont fait appel à des notions déjà présentes, notamment le souvenir de la Seconde guerre mondiale, dénommée par les Russes la Grande guerre patriotique. La glorification de cette grande guerre est montée en puissance depuis l’époque de Brejnev. On a observé une glorification de plus en plus importante des vétérans, l’organisation de grands défilés le jour en mémoire de la victoire. Ces éléments étaient très présents et Poutine l’a utilisé de manière très habile. On revient toujours à l’opposition entre le soldat soviétique ou russe et le méchant fasciste.

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« Poutine s’est montré très habile et n’a pas présenté le mouvement d’EuroMaidan comme un mouvement populaire. Il avait pourtant beaucoup de similitudes avec ce qui s’était passé en Russie auparavant. »

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Poutine s’est montré très habile et n’a pas présenté le mouvement d’EuroMaidan comme un mouvement populaire. Le mouvement EuroMaidan avait pourtant beaucoup de similitudes avec ce qui s’était passé en Russie auparavant. Les manifestants se prononçaient pour le respect des droits humains, contre la corruption etc. L’élément déclenchant le mouvement a été le refus du président Ianoukovitch de signer l’accord d’association avec l’Union européenne, mais après une semaine les enjeux du mouvement étaient essentiellement internes. Il a éclaté en raison de la montée du mécontentement pendant des années, notamment sous la présidence de Ianoukovitch. En effet, l’Ukraine a fait face à de nombreux problèmes. Or, Poutine a présenté EuroMaidan en enlevant son aspect de mécontentement populaire et l’a montré essentiellement comme une manifestation de l’extrême droite, fasciste. Poutine a appuyé sur cet élément pour éveiller des sentiments d’hostilité au mouvement dans la population russe. Poutine utilise ce levier de manière extrêmement habile, même si ces sentiments sont déjà présents dans la population russe.

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Alexis Prokopiev

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Russie-Libertés et ses partenaires ont constaté que depuis fin 2013-début 2014, une nouvelle vague de pression sur les ONG, sur l’ensemble des militants en faveur des droits humains, notamment en dehors de Moscou, sur la population russe et sur les médias. Nous avons observé l’entrée dans le discours officiel de la notion de « nationaux traitres ». Ceux qui se posent en désaccord avec la position du Kremlin en Ukraine ont été qualifiés de cette manière, et parmi eux les 40 000 manifestants qui se sont réunis en mars à Moscou contre la guerre en Ukraine. Ainsi, la Russie a tout de même connu une grande manifestation en 2014. Elle a été suivie par des déclarations virulentes du Kremlin contre les « nationaux traitres », contre les « ennemis de l’intérieur », bien entendu « financés par l’extérieur » et « soutenus par les Etats-Unis ».

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« Auparavant, dans la société russe, il y avait une possibilité de débat. Aujourd’hui, les échanges sont quasiment impossibles. »

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Auparavant, il y avait une possibilité de débat. Dans la société russe, apparaissaient des désaccords sur la politique, sur les questions de rapport au pouvoir etc. On peut considérer que les contestataires à la fin 2011 représentaient une large partie de la population, même si minoritaire. Ils entretenaient un débat avec l’autre partie de la population. Aujourd’hui, les échanges sont quasiment impossibles. Le débat dans la société russe est verrouillé, pratiquement à tous les étages. Un débat dans la sphère familiale, amicale sur les questions politiques, et par exemple sur la question des prisonniers politiques est devenu très difficile.

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En outre, on constate une explosion des emprisonnements politiques de militants des droits humains, d’écologistes etc… Un activiste écologiste, Evguenyi Vitishko, est actuellement dans les camps en Sibérie. Les militants pour les droits LGBT ou pour les droits sociaux sont concernés également. Dès que ce type de question est soulevée, les personnes sont immédiatement qualifiés de « nationaux traitres », d' »ennemis de l’Etat » etc… Ce phénomène est lié au fait que la propagande aujourd’hui est beaucoup plus efficace, plus technologique que pendant la période Brejnev ou à la fin de la guerre froide. Elle est très bien organisée, à tous les niveaux. S’agissant de l’internet, mes connaissances et mes amis avaient l’habitude de vérifier les informations qu’ils voyaient à la télévision en allant sur des sites internet comme gazeta.ru, lenta.ru, en lisant des journaux comme Kommersant etc… Ils le font toujours, mais ils ne savent pas que la direction de gazeta.ru, de lenta.ru, de Kommersant ont été remplacées. Les désinformations plutôt que les informations qu’ils lisent dans ces sources sont pratiquement identiques aux informations sur les chaînes de télévision. Aujourd’hui, il existe de moins en moins de sources d’information indépendantes, mis à part Novaya Gazeta et quelques sites internet.

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manipulations dans les médias russes. Source : Stop fake
manipulations dans les médias russes. Source : Stop fake

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L’utilisation des images de guerre par les autorités russes n’est pas à négliger. A l’évidence, il ne faut pas nier la présence de mouvements ultranationalistes comme Pravyi Sektor parmi les manifestants à Kiev. Mais il faut savoir que dans les médias russes, cette participation a été largement exagérée. Sur le terrain, sur la place Maidan, Pravyi Sektor représentait entre 5 et 10 % des manifestants. A la télévision russe, ils étaient montrés comme représentant 90 % des manifestants.

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En Ukraine, il faut déplorer le vote malheureux concernant la langue régionale russe. Contrairement à ce qui a été dit dans certains médias, dont des médias français, il n’a pas été question d’interdire la langue russe sur le territoire ukrainien. Il était question de revenir sur la loi portant sur les langues régionales, promulguée par Viktor Ianoukovitch. Cette loi n’a jamais été ratifiée par le président ukrainien par intérim. Par contre, dans les sondages du Centre Levada, 95 % de la population russe était persuadé que la langue russe était déjà interdite sur le territoire ukrainien. Cette décision malheureuse de la Rada ukrainienne a été transformée dans la propagande russe.

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« La présence des nationalistes et des ultranationalistes sur l’échiquier ukrainien est largement surestimée dans les médias russes. »

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La présence des nationalistes et des ultranationalistes sur l’échiquier ukrainien est largement surestimée dans les médias russes. Pour l’élection présidentielle ukrainienne, deux d’entre eux se sont présentés comme candidats. Or, ils ont obtenus à eux deux moins de 3 % des votes. Il suffit de comparer avec les scores du FN en France aux dernières élections pour se rendre compte que les choses ne vont pas si mal en Ukraine. La première chaîne russe a indiqué pendant plusieurs heures que le candidat de l’extrême droite, le leader de Pravyi Sektor, Dmytro Iarosh, avait remporté l’élection présidentielle avec 53 % des voix. Ce n’est que plus tard que les télévisions russes ont informé du véritable résultat et de l’élection de Petro Poroshenko. La première information parvenue et restée assez longtemps sur les chaînes de télévision russe était la victoire du nationaliste Iarosh. Ceci montre bien la déformation de la réalité par les chaînes de télévision russes.

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Contrairement à la période très récente, en 2011-2012, le débat et les échanges sont quasiment impossibles. Je le ressens personnellement dans la sphère familiale. Des familles se brisent. Des amis ne se parlent plus. La situation est véritablement très tendue.

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Selon une publication du Centre Levada, la popularité de Poutine est vraiment gonflée à bloc. Par contre, l’article expliquait qu’un échec militaire dans l’Est ukrainien peut avoir des conséquences négatives pour Vladimir Poutine. Ce serait une défaite non seulement de la politique étrangère, mais surtout sur le plan interne.

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Jean-Marc Denjean

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Je suis pour EELV et la Commission Paix et Désarmement les problématiques de défense, de géostratégie, de l’industrie militaire etc… Je souhaite apporter un autre éclairage sur la Russie de ce point de vue.

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S’agissant du nationalisme, nous pouvons constater que la résurgence du nationalisme est un phénomène européen. De ce point de vue, il convient de distinguer le mouvement nationaliste du mouvement néofasciste. Il faut conserver des nuances. Même en France, Philippe de Villiers n’est pas sur les mêmes positions que Marine Le Pen. Ainsi, globalement la situation en Europe est assez inquiétante du fait du réchauffement des mouvements nationalistes. Ils ont tous des racines historiques. J’ai voyagé récemment en Pologne et j’ai pu sentir la vitalité du nationalisme polonais. Pour eux, une grande partie de l’Ukraine fait partie de l’histoire et du territoire polonais. De la même manière, en Hongrie, on considère que le territoire historique hongrois englobe d’autres régions comme la Transylvanie. Ces éléments nationalistes sont dans la mentalité et la culture de chacun des peuples. De la même manière en France, on nous apprend que nos ancêtres sont les Gaulois. Ainsi, la résurgence du nationalisme grand russe n’est pas une surprise historique et stratégique.

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Je ne partage pas l’avis selon lequel les actions du gouvernement russe découlent des récentes manifestations. Poutine développe, au contraire, un projet géostratégique inscrit dans le cahier des charges qu’il se fixe quand il arrive au pouvoir en 1999. Il s’agit plutôt d’une continuité. Il ne s’agit pas d’un dictateur qui improvise cette politique pour conserver son pouvoir à court terme. Il est dans un projet à long terme qui se décline. Quand il est arrivé au pouvoir, il a hérité d’une situation absolument catastrophique : situation économique et financière très négative, armée en parfaite décomposition, complexe militaro-industriel démantelé.

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A mes yeux, on ne peut pas analyser la Russie sans comprendre le rôle important du complexe militaro-industriel. La Russie a hérité du complexe militaro-industriel soviétique qui comportait des millions d’emplois, des centaines d’usines. Pendant une bonne dizaine d’années, ce système s’est écroulé faute de financements, de volonté politique, et par la corruption. La corruption se développe à partir de ce secteur, elle est particulièrement prégnante dans le secteur militaire. C’est d’ailleurs le cas également en Ukraine qui a constitué une plaque tournante du trafic international d’armes pendant 20 ans. Aujourd’hui, la moitié des armées africaines sont équipées d’armes venues des pays de l’ex Union soviétique. Nous devons avoir ces éléments en tête.

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« Un pays qui se reconstruit sur des bases essentiellement militaires est en soi porteur de dangers. »

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Le projet politique et social de Poutine comporte un pan sur la reconstruction du complexe militaro-industriel. Ce secteur intègre une partie des couches moyennes, d’ingénieurs, de cadres, d’ouvriers, de jeunes. Ces éléments structurent la société. Un pays qui se reconstruit sur des bases essentiellement militaires est en soi porteur de dangers.

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De ce point de vue, la politique de l’Europe et de l’OTAN vis-à-vis de la Russie s’est montrée depuis 20 ans assez catastrophique car elle a contribué à alimenter la paranoïa des autorités russes. Le nationalisme repose en partie sur ce sentiment. L’industrie russe se reconstruit à partir du développement du complexe militaro-industriel. La Russie est redevenue le troisième exportateur d’armements. L’exportation d’armement est devenu un élément de la diplomatie, et de la puissance internationale de la Russie. Ces éléments se trouvent en arrière-plan de la crise ukrainienne.

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Par ailleurs, je souhaite relativiser les autres évènements intervenus entre temps. La crise politique et la montée de l’opposition il y a quelques années est liée au blocage de la modernisation de la société russe. Le système de développement actuel reproduit les défauts de l’ancien système soviétique. La Russie se retrouve avec les mêmes éléments de blocage : dépendance vis-à-vis des exportations d’énergie, faible développement de l’industrie manufacturière… Il s’agit là des grandes limites de la Russie actuelle.

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Le poids du fait militaire dans la vie politique et sociale russe constitue une véritable question. Je rappelle que la Russie est la deuxième puissance nucléaire mondiale. Même si elle est beaucoup plus faible qu’à l’époque soviétique, moment où on constatait une relative parité entre les USA et l’URSS. Aujourd’hui, le rapport s’établit de 1 à 4. L’arsenal russe est, pour autant, suffisant pour anéantir la planète deux ou trois fois. Le statut de deuxième puissance nucléaire explique beaucoup de choses. Je fais là un rapprochement avec la France. Ce statut est constitutif du nationalisme russe, du sentiment de grande puissance, de la même manière que Hollande est attaché au fait que la France reste une puissance nucléaire car ceci appuie notre statut international.

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Gérard Levy

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Je partage ce qui a été dit. Il faut néanmoins prendre en considération la position des écologistes. Il y a 25 ans, quand le Mur s’est effondré, Georges Krassovsky avec des Russes a effectué la traversée Paris-Moscou à vélo. C’était le symbole du pont entre l’Europe et la Russie pour montrer que l’Europe allait se construire sur la base de la confiance.

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Ministre des affaires étrangères soviétique Edouard Chevardnadze, Président de l'URSS Mikhaïl Gorbatchev, Président américain George H.W. Bush, et Secrétaitre d'Etat américain James Baker, Juin 1990. Source : White House photo.
Edouard Chevardnadze, Ministre des affaires étrangères soviétique ; Mikhaïl Gorbatchev, Président de l’URSS ; George H.W. Bush, Président américain et James Baker, Secrétaitre d’Etat américain. Juin 1990. Source : White House photo.

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Malheureusement, ce nouvel esprit dans les relations Europe-Russie a été entravé par des erreurs stratégiques venant de l’Ouest. Par exemple, James Baker avait pris l’engagement avec la main sur le cœur auprès de Gorbatchev que les Etats d’Europe de l’Est qui venaient de prendre leur autonomie n’entreraient pas dans l’OTAN. Malheureusement, cela n’a pas été respecté.

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Un autre élément déstabilisant est le bouclier anti-missile. La Russie s’est construite comme une forteresse après la révolution bolchévique avec beaucoup de paranoïa. De la même manière, suite à la Révolution française, la France s’est construite au départ contre tous les nobles d’Europe. Aujourd’hui, ils sont obligés de passer par une transition démocratique qui s’avère très difficile.

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« Il faut faire un reset. L’idée de se débarrasser des contentieux et de remettre tout à plat a échoué car nous avons maintenu l’entrée dans l’OTAN des pays de l’Est et le bouclier anti-missile. »

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Nous ne souhaitons qu’une chose, c’est que le partenariat entre l’Est et l’Ouest se développe. Selon les termes d’une Secrétaire d’Etat américaine, il faut faire un reset. L’idée de se débarrasser des contentieux et de remettre tout à plat a échoué car nous avons maintenu l’entrée dans l’OTAN des pays de l’Est et le bouclier anti-missile. Il faut donc qu’il y ait une négociation. Nous, écologistes, avons un rôle à jouer dans ce sens, notamment avec les Verts européens. Il faut soutenir l’idée auprès de tous que ce n’est pas en maintenant un affrontement stérilisant et provocant. Cent ans après la guerre de 1914-18, il ne faut pas répéter les mêmes erreurs.

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Je demande aux intervenants s’ils ont une solution non violente pour sortir de la crise, et qui intègre des méthodes de prévention des conflits pour éviter ce qui s’est passé en ex-Yougoslavie. Dans cette région, nous avons été incapables de gérer les conflits entre anciennes républiques de Yougoslavie. Est on capable de sortir d’un discours manichéen présentant des bons et des méchants ? Est on capable de restaurer la confiance et de servir de médiateur ?

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Un participant

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Je voudrais introduire un bémol dans ce qui vient d’être dit par les intervenants. Je partage avec les citoyens de Russie la grande difficulté à accéder à une information objective. La grande presse occidentale, la presse française, américaine ou autre, donne l’impression de ne pas être totalement objective. C’est grâce à internet qu’on arrive à glaner quelques informations. Très modestement, j’introduis aussi ce bémol. Je dois reconnaître que mon information est un peu erratique et très biaisée de l’intérieur.

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« On ne peut pas limiter la systémie à l’examen de la Russie. Cette systémie est fondamentalement planétaire. »

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Je pense que l’affaire ukrainienne se situe dans le cadre typique de guerre de frontières. On ne peut pas limiter la systémie à l’examen de la Russie. Cette systémie est fondamentalement planétaire. Il ne faut absolument pas faire l’impasse sur ce qui se passe aux Etats-Unis, au Moyen-Orient, en Extrême-Orient. Il faut analyser ce système complexe. Il convient également de relire Zbigniew Brzezinski, un des grands penseurs de la politique états-uniennes. Beaucoup d’autres également ont pensé ce conflit que nous décrivons. Ce conflit est clairement le type de conflit séculaire entre la thalassocratie et le pouvoir de la terre, entre l’impérialisme anglosaxon et l’impérialisme russe.

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L’impérialisme anglo-saxon connaît une crise très grave, celle du dollar. Les Etats-Unis ont la nécessité de militariser la police américaine pour faire face aux émeutes. Il faut prendre en considération également la théorie de la première frappe gagnante. Le Pentagone prévoit une première frappe globale pour éliminer les autres puissances. Mais ils ne peuvent s’affronter directement aux armements russes et chinois. Dans cette affaire, nous devons en France et en Europe bien observer ce qui nous arrive. La stratégie de l’impérialisme anglo-saxon est fondamentalement planétaire.

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N’êtes vous pas dans vos analyses fortement biaisés dès lors que vous êtes, d’après ce que j’ai pu remarquer, fortement marqués par la propagande du Pentagone ?

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Cécilia Joxe

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Je remercie les intervenants  pour leurs exposés qui montrent leur connaissance du terrain et la complexité de la situation.

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Vous avez mentionné la montée  ancienne et progressive du nationalisme, et les capacités militaires de la Russie. La nécessité de faire intervenir l’armée est en discussion. Je voudrais vous demander votre avis sur les perspectives d’un passage à l’acte plus fort que le transfert d’armes en Ukraine. A votre avis, ces provocations iront-elles plus loin ? La politique européenne joue à l’heure actuelle sur différents tableaux. Mais on sent que la diplomatie européenne est très indécise et dépassée par la politique russe.

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Jean Radvanyi

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Je suis d’accord avec l’idée que nous sommes face à un système complexe. Je ne pense pas fondamentalement que les réactions récentes de Poutine soient liées à l’Ukraine. Elles sont provoquées par la crise ukrainienne. Mais fondamentalement, un des gros défauts des Américains et des Européens est de ne pas répondre depuis une dizaine d’années aux questions posées par Poutine à la communauté internationale. Ces questions sont pourtant assez claires. Il y a eu la guerre froide, l’URSS l’a perdu, les Américains l’ont gagné. Ces derniers ont considéré à partir de ce moment-là qu’ils étaient la seule hyperpuissance, selon le terme de Brzezinski. Depuis cette époque, il n’y a pas eu de négociations réelles sur le nouvel état du monde. Depuis des années, concrètement depuis le discours de Munich de Poutine en 1999, les Russes posent les mêmes questions. Il faut renégocier l’état du monde. Il ne s’agit pas seulement de l’Ukraine, mais de l’état du monde. Il faut discuter des équilibres des forces, d’une nouvelle structuration des relations internationales dans un monde qui change.

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Boris Eltsine transmettant la Constitution à Vladimir Poutine, le 31 décembre 1999, dans le bureau présidentiel du Kremlin.
Boris Eltsine transmettant la Constitution à Vladimir Poutine, le 31 décembre 1999, dans le bureau présidentiel du Kremlin.

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« Un des gros défauts des Américains et des Européens est de ne pas répondre depuis une dizaine d’années aux questions posées par Poutine à la communauté internationale. Depuis le discours de Munich de Poutine en 1999, les Russes posent les mêmes questions. Il faut renégocier l’état du monde. »

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Vladimir Poutine dit depuis longtemps que le monde n’est plus bipolaire, n’est pas unipolaire, mais il est multipolaire et la Russie sera un acteur majeur. Poutine n’a jamais eu de réponse, ni de la part des Américains, ni de celle de l’Union européenne. Ceci constitue le fondement de la crise ukrainienne. Jusqu’à la crise ukrainienne, les Américains et l’Union européenne ont agi comme si l’Ukraine pouvait être simplement arrachée à l’influence russe en dépit de tout ce qu’a dit Vladimir Poutine à ce sujet. Ce dernier a dit clairement qu’il n’était pas question que l’Ukraine rentre ni dans l’Union européenne, ni dans l’OTAN. Ceci constituerait pour lui une situation de casus belli. On n’a pas voulu en tenir compte, et on a volontairement simplifié dans nos analyses ce qu’était l’Ukraine.

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Personnellement, je pense qu’il faut exercer des pressions, et peut-être aussi des sanctions, mais si on n’accompagne pas ces sanctions par des réponses réelles aux questions qu’il pose, cela ne servira à rien.

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S’agissant du complexe militaro-industriel, beaucoup d’articles dans la bonne presse russe – ils ont de bons experts à ce sujet – s’interrogent sur les effets de la crise ukrainienne sur le complexe militaro-industriel russe. La situation s’avère intéressante et compliquée. Evidemment, on peut comparer ces informations à un iceberg. Nous n’avons accès qu’à la partie émergée. A moins d’être dans ce milieu réellement – ce qui n’est pas mon cas -, nous ne pouvons pas savoir les détails. Certains articles intéressants expliquent que se profile une rupture à court et moyen terme des relations économiques entre l’Ukraine et la Russie. Ceci représente une catastrophe absolue pour l’Ukraine. Cette rupture posera des problèmes aux Russes aussi. En réalité, le complexe militaro-industriel ukrainien va disparaître inéluctablement car il repose sur une grande proportion d’échanges avec la Russie. Ce n’est pas le cas du complexe russe beaucoup plus indépendant. Toutefois, il dépend sur un certain nombre de points très précis de l’industrie ukrainienne.

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Ainsi, les sanctions telles qu’elles se présentent aujourd’hui ne seront pas efficaces. Ceci pose des problèmes politiques. De bons experts russes nous disent : « que voulez-vous ? allons nous continuer comme cela ? Les Russes doivent-ils interdire l’espace aérien russe aux compagnies occidentales ? Les Etats occidentaux vont interdire à Aéroflot le survol ? » La Russie ne sera pas la plus perdante dans cette affaire. Nous nous trouvons dans une impasse qui posera certainement des problèmes aux Russes. Mais les Russes ont une capacité de résistance beaucoup plus importante que les Ukrainiens et probablement aussi que les Européens.

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S’agissant de la vague nationaliste, elle est au moins européenne, si ce n’est mondiale. On constate la montée du nationalisme japonais, chinois, coréen etc. Certains analystes expliquent que Vladimir Poutine considère que ces sentiments sont l’avenir. Il penserait qu’il faut s’appuyer fondamentalement sur ces nouvelles idéologies nationalistes, au moins dans l’espace eurasiatique. Puisque la Russie a pris parmi les premiers de façon publique et déterminante cette option, il va rassembler une nouvelle Eurasie sur la base nationaliste dans toutes ces composantes. Il ne s’agit pas de néofascisme, mais d’un autre champ de réflexion. Ces nouvelles idéologies vont lui permettre de recréer une force importante au niveau européen et asiatique. Je ne suis pas sûr que ce soit précisément son objectif, mais il s’agit bien d’une question posée.

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Anna Garmash

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Je reviens sur la question de l’adhésion à l’OTAN des pays Baltes et autres pays de l’Est qui étaient dans la sphère d’influence russe. On observe aussi cette volonté-là en Ukraine. Il est clair que la Russie en montrant des cartes avec la position des bases de l’OTAN qui encerclent le pays présente cette situation comme étant menaçante. Les autorités soulignent un certain isolement de la Russie et une volonté de la part des Occidentaux de la contenir. Toutefois, au vu des interventions comme celle actuelle en Ukraine, ou en Géorgie et en Transnistrie, les pays environnants, qui font partie de la zone d’influence russe, ont la volonté de se protéger de ce type de conflits. Cette volonté reçoit un soutien populaire dans les pays Baltes et dans les autres pays.

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Carte russe présentant les bases de l'OTAN autour de la Russie
Carte russe présentant les bases de l’OTAN autour de la Russie

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Jusque récemment, l’opinion publique en Ukraine était assez défavorable à une entrée dans l’OTAN, en raison de la proximité avec la Russie et de ses racines historiques. Aujourd’hui, l’opinion publique évolue très rapidement sur cette question. L’objectif n’est pas d’attaquer la Russie d’une quelconque façon, comme c’est présenté et perçu en Russie. L’objectif est au contraire de se protéger et de peut-être éviter un conflit tel que l’Ukraine le vit aujourd’hui.

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« La chute de l’Union soviétique puis l’état dramatique dans lequel a été plongé la Russie par la suite ont été perçus comme une humiliation. »

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La réponse à mettre en œuvre face à la politique russe s’avère très compliquée. Un mot revient très souvent : humiliation. La chute de l’Union soviétique puis l’état dramatique dans lequel a été plongé la Russie par la suite ont été perçus comme une humiliation. Ce pays avait auparavant la conscience d’être l’une des superpuissances pendant des décennies et même une grande puissance pendant des siècles. A cette époque, le pays s’est retrouvé à genoux. C’est en tout cas, de cette manière que la situation a été perçue. Malgré les fonds versés pour aider l’économie russe à se relever, les Russes ont perçu cette humiliation. Ce sentiment rend la situation extrêmement délicate.

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Je partage l’avis selon lequel la Russie a posé des questions qui n’ont pas obtenu de réponses. Il est difficile tout à la fois de répondre de façon ferme, mais aussi de ne pas les isoler. Je n’ai pas forcément de réponse très concrète à donner. Mais il faut respecter ces deux aspects. Il faut répondre de manière ferme car la Russie va de plus en plus loin tant qu’elle ne rencontre pas de réaction véritablement ferme. Les moyens qu’utilisent la Russie relèvent de la force. C’est le seul langage actuellement compris par la Russie et qui peut faire stopper l’ingérence russe. Il faut trouver le bon équilibre : être suffisamment ferme pour arrêter la progression, et éviter l’isolement total car cela ne peut qu’accentuer cet esprit revanchiste.

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Alexis Prokopiev

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« De manière générale, je suis d’accord qu’il est important de poser des questions de géopolitique, de défense, de politique internationale, mais il ne faut pas oublier la volonté des personnes. »

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De manière générale, je suis d’accord qu’il est important de poser des questions de géopolitique, de défense, de politique internationale, mais il ne faut pas oublier un point important qui est la volonté des personnes. Les médias occidentaux ont souvent tendance à ouvrir de grands débats sur la géopolitique, sur les puissances en présence. Il ne faut pas oublier que des centaines et des milliers d’Ukrainiens sont sortis dans la rue pendant plusieurs mois dans le froid pour pouvoir changer les choses. Ce n’est pas la CIA, le Pentagone ou l’Union européenne qui les ont fait sortir dans la rue. Il faut se rappeler aussi que des dizaines de milliers de Russes sont sortis dans le froid à la fin 2011-début 2012.

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Les erreurs de l’Union européenne ont été nombreuses. J’aime beaucoup en citer une en particulier. En 2005, après la révolution orange, l’Ukraine choisit démocratiquement un chemin étonnant, ou plutôt différent. Elle se tourne vers l’Union européenne. L’Ukraine abolit les visas pour les citoyens européens et demande à l’Union européenne un geste. L’UE n’a rien répondu. Je pense qu’il s’agit là d’une erreur fondamentale. Une des explications du retour de Ianoukovitch au pouvoir vient de la déception des Ukrainiens qui ont cherché à s’ouvrir vers la démocratie et qui n’ont pas reçu de signes positifs de la part de l’Union européenne.

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Les origines du régime de Poutine se trouvent dans la période Eltsine. Ce dernier est sorti du chemin démocratique lors des falsifications électorales au moment de sa réélection en 1996. Ainsi, toutes les élections depuis 1996, dont celles qui ont mené Poutine au pouvoir la première fois, ont été falsifiées. Les experts constatent tout de même que la plus grande falsification a eu lieu en décembre 2011. En réalité, Russie Unie crédité de 49 % des voix, ce qui constitue en soi un échec pour ce parti, a obtenu 22-23 %.

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Le discours nationaliste de Poutine a subi des inflexions depuis son arrivée au pouvoir. Quand il est arrivé au pouvoir, il parlait de la reconstruction nationale. Ce discours était basé sur un pacte non écrit avec la population russe : une amélioration de la situation économique et sociale en échange d’un recul sur les libertés et les droits, recul qui avait déjà commencé à la fin de la période Eltsine. Je pense que ce pacte s’est essoufflé en 2010-2011 avec les difficultés économiques d’un côté et les aspirations démocratiques de l’autre. Des Russes ont commencé à s’engager, à investir Internet. Ils se demandaient : « Pourquoi sommes nous obligés de payer pour se faire soigner ? Pourquoi un flic peut nous arrêter dans la rue et nous demander de l’argent ? Pourquoi un homme d’affaires peut éliminer un concurrent à cause d’une justice complètement corrompue ? » La réponse à ces questions apportée par les autorités russes n’est pas la reconstruction nationale, mais le repli national avec l’exaspération de l’image de l’ennemi.

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« L’information objective est à l’appréciation de chacun d’entre nous. La question est de savoir si l’information est plurielle. »

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L’information objective est à l’appréciation de chacun d’entre nous. La question est de savoir si l’information est plurielle. Je constate que sur les trois premières chaînes russes, deux positions sont présentées : la position officielle du Kremlin est présenté 90 % du temps, le reste du temps est consacré à la position de Vladimir Jirinovski qui adopte une posture encore plus radicale. Ce dernier déclare qu’il faut bombarder Kiev, Paris et Berlin pour en finir. Les télévisions françaises et européennes présentent beaucoup plus de positions. A la suite d’une émission intéressante sur l’Ukraine à une heure de grande écoute sur France 2, un seul invité participait à un débat et il présentait la position du Kremlin. Je pense donc que l’information en France est plurielle. Cette pluralité est, en revanche, vraiment absente en Russie.

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Russie-Libertés agit dans le domaine des droits humains. Ce n’est pas notre rôle de définir une position pour l’Union européenne dans cette affaire. Notre position officielle est la suivante : la solution n’est pas militaire, elle ne peut être que politique. La solution ne peut être débattue seulement entre Russie et Ukraine, mais doit inviter les autres acteurs internationaux. Nous nous prononçons pour un libre accès de l’aide humanitaire sur les zones de conflit, pour la possibilité de travailler pour les ONG internationales. Il nous apparaît difficile qu’une aide uniquement russe soit apportée aux populations. Je ne crois pas qu’une partie clairement belligérante puisse faire un travail adéquat. Pour nous, il n’y a pas de solution militaire, elle ne peut être que politique.

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Une participante

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Je comprends que l’étau se resserre autour des opposants, qui sont qualifiés de « nationaux traitres ». Je voudrais savoir si ces opposants ou d’autres associations attendent une aide des associations basées en Europe. Je voudrais savoir également si cette aide peut constituer un danger pour eux.

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Pierre Jourdan

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J’ai une question d’ordre sociologique. Quel peut être aujourd’hui le degré de maturité démocratique atteint par la société russe ? Dans cette optique peut-on dresser un bilan du système éducatif russe ? Est ce que les gens ont l’esprit critique ? Comment réagissent-ils face à l’information ?

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Une participante

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Peut-on attendre de l’Europe qu’elle soit plus active ? Nous avons tous été touchés par ces manifestations. J’ai le sentiment que l’Europe ne fait pas grand chose. Est-ce qu’en sous main, elle agit tout de même ?

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Jean Radvanyi

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Je crois qu’on ne peut pas attendre grand chose de l’Europe du fait qu’elle n’existe pas politiquement, et en particulier sur les questions internationales. Il suffit d’observer l’action de Catherine Ashton pour comprendre que l’Europe n’existe pas. Cette situation est normale puisqu’à autant de pays correspond autant de positions sur la crise ukrainienne et sur les rapports à la Russie. Ceci ne signifie que rien ne se passera de ce côté. Les négociations de Berlin sont mal connues. Et c’est bon signe.

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Catherine Ashton, Vladimir Poutine et Petro Poroshenko à la Conférence de Minsk, 26 août 2014. Source : Sergei Bondarenko / Kazakh Presidential Office / Pool / Reuters
Catherine Ashton, Vladimir Poutine et Petro Poroshenko à la Conférence de Minsk, 26 août 2014. Source : Sergei Bondarenko / Kazakh Presidential Office / Pool / Reuters

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A l’évidence, il n’y a pas d’issue militaire à cette crise. Il faut une issue politique. Mais cette dernière s’avère très compliquée. En effet, beaucoup de questions sont en jeu : elles concernent l’avenir de l’Ukraine, les rapports entre Ukraine et Russie, les différentes populations en Ukraine dont les Russes et russophones, les rapports entre la Russie et l’Union européenne. Tous ces sujets demandent beaucoup de précisions, du temps etc. L’absence de résultat n’est pas forcément un mauvais signe, car cela signifie peut-être que de vraies discussions ont commencé. Je l’espère.

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« S’il se déroule à Donetsk des évènements semblables à ceux de Grozny, c’est-à-dire de grands bombardements, Moscou interviendra. »

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Pour autant, l’information est sortie ce matin d’un bombardement sur le centre de Donetsk avec de nombreux morts. Pour répondre à votre question, on ne peut pas exclure que des évènements très graves arrivant à Donetsk ne force Vladimir Poutine à intervenir. Il en serait obligé devant son opinion publique. S’il se déroule à Donetsk des évènements semblables à ceux de Grozny, c’est-à-dire de grands bombardements, Moscou interviendra. Il ne veut pas intervenir, mais il sera obligé de le faire. J’espère qu’on n’en arrivera pas là. L’Union européenne peut intervenir pour éviter un tel scénario.

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S’agissant de la question sociologique, je pense que le système d’enseignement s’est affaibli, délité, complexifié. Une partie est devenue privée et des étudiants doivent payer leurs études. Toutefois, les Russes demeurent des gens instruits, cultivés, curieux, intéressés. Il ne faut pas sous-estimer ni leur niveau d’information, ni leur niveau critique, y compris dans cette période de vague nationaliste dont profite Poutine. A l’évidence, il y a un danger. Nous sommes tous en contact avec des ONG russes, qui sont en difficultés, comme Mémorial, le Centre Levada. Pour ma part, j’ai interrogé un responsable du Centre Levada au sujet des financements. Il répondait : nous sommes restreints, nous avons des problèmes. Il se demandait s’ils devraient se déclarer comme agent de l’étranger. Toutes ces ONG se trouvent dans une situation extrêmement difficile, sous pression. Les organisations les plus connues obtiennent néanmoins un large soutien.

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Anna Garmash

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« Au début des manifestations à Kiev, les Ukrainiens s’attendaient à un grand soutien de la part de l’Union européenne. Aujourd’hui, l’esprit qui règne au sein de la population est qu’il ne faut s’attendre à rien. »

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Au début des manifestations à Kiev, les Ukrainiens s’attendaient à beaucoup, un grand soutien de la part de l’Union européenne. Très rapidement, la déception a fait place à l’espoir vis-à-vis de l’Union européenne. Aujourd’hui, l’esprit qui règne au sein de la population est qu’il ne faut s’attendre à rien. Lors des manifestations au mois de décembre, Viktor Ianoukovitch a fait une tentative de nettoyer la place Maidan. Cette tentative s’est déroulé précisément au moment de la visite de Catherine Ashton. Or, à ce moment, elle était auprès de Ianoukovicth qui l’assurait qu’il n’y aurait pas d’action pour disperser les manifestants, aucune action violente. Or, une dispersion violente a été ordonnée. En d’autres termes, cet évènement montre bien l’attitude du pouvoir ukrainien vis-à-vis de l’Union européenne. Il ne la prenait pas au sérieux.

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Ceci est révélateur aussi de l’attitude actuelle du Kremlin vis-à-vis de l’UE. Le Kremlin ne considère pas aujourd’hui l’Union européenne comme une entité. Cette dernière possède en soi le potentiel de créer un véritable équilibre par la puissance économique, par sa population. Mais la Russie traite avec les différents pays séparément. Les autorités russes n’ont pas tort puisque l’Europe politique n’existe pas.

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Cette attitude s’accorde avec la politique du Kremlin de soutien des partis d’extrême droite en Europe. Effectivement, on observe une résurgence du nationalisme un peu partout. Néanmoins, il faut prendre en compte aussi la politique de soutien du Kremlin. Plus ces mouvements nationalistes en Europe montent en puissance, moins l’Europe politique a de chances de se construire puisqu’ils promeuvent une isolation de chaque pays. En conséquence, les pays isolés se pensent plus faibles face à la Russie que ne pourrait l’être l’Union européenne dans son ensemble.

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Cette situation est d’autant plus vraie du point de vue énergétique. Si on considérait le marché de l’énergie comme une entité, l’Union européenne aurait pu jouer un rôle plus important. Car effectivement, les Russes détiennent le gaz. Mais les Européens détiennent l’argent et achètent ce gaz.

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Alexis Prokopiev

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« Le régime russe craint l’émergence d’une Europe politique unie. Le soutien affiché aux différents partis nationalistes européens va dans ce sens. »

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Il me paraît incroyable que l’Union européenne ne se rende pas compte aujourd’hui de sa force potentielle, potentielle mais non pas réelle. Comme vient de le souligner Anna Garmash, le régime russe craint l’émergence d’une Europe politique unie. Le soutien affiché aux différents partis nationalistes européens va dans ce sens. Aujourd’hui, le Kremlin veut à tout prix empêcher toute montée en puissance d’une Europe unie, plus fédérale, se dotant éventuellement d’une armée commune. Pour Poutine, ce serait un échec absolu.

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Par ailleurs, Poutine craint aussi que les politiques d’efficacité énergétique, le développement des énergies renouvelables soient mis en place en Europe. Une telle situation rendrait l’Union européenne moins dépendante des hydrocarbures russes.

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La question des sanctions européennes et de l’embargo russe sur les produits agro-alimentaires européens a été à peine effleurée. Pour l’instant, la Russie vient de débloquer une aide de 13 milliards d’euros à l’agriculture russe. L’embargo sur les produits agro-alimentaires européens coûtent donc 13 milliards d’euros. Pour l’Union européenne, le coût est actuellement estimé à 150 millions d’euros. L’impact s’avère donc bien différent. Sur Twitter, beaucoup de Russes tweetent des photos de supermarchés vides. La population se montre donc un peu mécontente. Cet exemple montre que l’Union européenne devrait se rendre compte de sa puissance potentielle.

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S’agissant de l’éducation, je me montre un peu plus catastrophiste que Jean Radvanyi. Pour ma part, je constate une dégradation très rapide, notamment dans l’enseignement supérieur, mais aussi dans l’enseignement scolaire. Le dernier débat en date porte sur les manuels scolaires. Se met en place une nouvelle révision des manuels scolaires, notamment ceux d’histoire. Le pouvoir manifeste la volonté de refaire l’histoire, de recréer une nouvelle histoire officielle. Le niveau d’éducation reste très élevé, mais il se dégrade très rapidement. Certains professeurs à l’université témoignent d’une situation difficile, accompagnée d’une montée de la corruption.

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Concernant le travail des ONG russes, on observe des pressions énormes. Des ONG mettent la clé sous la porte. Des militants d’ONG sont emprisonnés. L’opposant Serguey Oudaltsov a reçu une peine de 4 ans de prison. L’opposant Alexey Navalnyi est assigné à résidence. L’écologiste russe Evguenyi Vitishko se trouve actuellement en camp en Sibérie. Tout ceci témoigne de la pression des autorités. Toutefois, si les Européens veulent manifester leur soutien, ils doivent prendre des précautions. Les mouvements pour les droits humains, pour la démocratie, les partis d’opposition en Russie ne doivent pas avoir pour image d’être créés par l’étranger, même si ce n’est pas le cas.

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Comment les aider ? Premièrement, je pense qu’on peut les aider en relayant l’information. Deuxièmement, nous avons constaté que les pétitions ont parfois des résultats. Par exemple, une pétition a été lancée sur Avaaz pour soutenir Evguenyi Vitishko. Le fait de relayer ces pétitions s’avère très important. Dans certains cas, les ambassadeurs étrangers ont demandé de rencontrer des opposants politiques ou des militants d’ONG emprisonnés. Ils ont réussi par la suite à les sortir de prison. Troisièmement, on peut développer l’aide aux réfugiés politiques. Il y a deux semaines, j’ai rencontré en Lituanie un des participants des évènements du 6 mai 2012. Il a réussi à obtenir l’asile politique en Lituanie. Il n’aurait jamais réussi à l’obtenir sans l’aide logistique, sans l’hébergement par les ONG locales, et les contacts qu’elles fournissent. En France, des personnes demandent l’asile politique également. A l’évidence, il faut se mobiliser sur tous ces fronts : l’aide aux militants sur place, qui font face à des difficultés et se retrouvent parfois en prison, et l’aide aux militants qui demandent l’asile politique en Europe.

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No extradition to Russia of Nikolay Kobliakov. Source : Russie-Libertés
No extradition to Russia of Nikolay Kobliakov. Source : Russie-Libertés

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Pour finir, un des membres de Russie-Libertés, Nikolay Kobliakov a été arrêté récemment en Bulgarie. Il a donc été arrêté sur le territoire européen, en fonction d’une demande d’extradition venant de la Fédération de Russie. Par des moyens médiatiques, diplomatiques, grâce à certaines personnes du MAE en France et à Sofia, nous avons réussi à éviter son extradition dans les heures qui ont suivi son arrestation. Aujourd’hui, il est assigné en Bulgarie. Une pétition circule sur internet et a déjà reçu plus de 20 000 signatures. Je vous invite vivement à la signer et à faire circuler l’information afin que notre ami, Nikolay, ne soit pas extrader vers la Russie où il risque un procès inéquitable et une peine de prison pour des faits imaginaires. Nous espérons l’accueillir bientôt en France puisqu’il est un citoyen français.

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​1Le Centre analytique Levada (Centre Levada) est une organisation indépendante russe non-gouvernementale de recherches sociologiques et de sondages. Elle tire son nom de Iouri Levada (1930-2006), le premier professeur russe de la sociologie. Le centre est issu du VTsIOM (le Centre panrusse d’étude de l’opinion publique) fondé en 1987 par l’académicienne Tatiana Zaslavskaïa. Elle est aujourd’hui présidente d’honneur du centre, dirigé par Lev Goudkov. Le Centre Levada fournit de nos jours les sondages d’opinion les plus fiables : http://www.levada.ru/eng/

 

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De la crise ukrainienne https://transnationale.eelv.fr/2014/04/25/de-la-crise-ukrainienne/ Fri, 25 Apr 2014 09:57:53 +0000 http://transnationale.eelv.fr/?p=3699 Lire la suite]]> Position du Bureau de la Transnationale

Par le Traité de Budapest de 1994, l’Ukraine a accepté son désarmement nucléaire en contrepartie de son intégrité territoriale et de son indépendance. Ce traité est garanti par les Etats-Unis, le Royaume-Uni, mais également la Russie. La remise en cause brutale et unilatérale de ce traité par la Fédération de Russie est inacceptable. Cet acte rompt un équilibre fondé sur le principe de la dénucléarisation des nouveaux Etats issus de l’ancienne Union Soviétique en contrepartie de la reconnaissance mutuelle de leur indépendance et de leur intégrité territoriale. La Russie, par ses organes officiels, par son président même, objecte actuellement au droit international issu de ce traité une légitimité historique. L’action de la Russie déstabilise le cadre de paix européen qui repose sur le renoncement à la violence. Il s’agit d’une violation de la Charte des Nations Unies par un membre du Conseil de sécurité. Le droit international est remplacé par la loi du plus fort.

Par conséquent Europe Écologie-Les Verts condamne fermement l’attitude agressive du président russe Vladimir Poutine envers l’Ukraine depuis que la mobilisation majoritairement pro-démocratique des citoyens ukrainiens eût conduit son allié, l’ex-président Viktor Ianoukovitch, à quitter le pouvoir le 22 février 2014 après une répression sanglante. Le Président russe est manifestement effrayé par la perspective de voir une Ukraine plus démocratique s’installer à ses portes, qui pourrait avoir une influence contagieuse en Russie et remettre en cause son pouvoir autoritaire, largement corrompu et anti-démocratique.

Vladimir Poutine avait déjà pu tester en Syrie l’inertie et la pusillanimité de l’Occident. Il a pu les vérifier en procédant à l’invasion par ses troupes puis à l’annexion de la Crimée suite à un simulacre de référendum organisé dans cette république autonome d’Ukraine le 16 mars 2014. Celles-ci n’ayant entrainé que des sanctions insuffisantes de la part des Etats-Unis et de l’Union Européenne.

Face à la crise actuelle, et fidèle à son principe de résolution pacifique des conflits, Europe Ecologie-Les Verts se prononce pour un règlement négocié de la situation ukrainienne. Le spectre de la guerre civile et d’une intervention étrangère doit être repoussé par tous les participants de cette négociation.

La situation ukrainienne est en ce moment préoccupante au plus haut point. Les menées de soldats sans insignes, les provocations de la 5e colonne russe , loin d’être des manifestations spontanées de la population de l’Est de l’Ukraine, ainsi que la concentration de troupes russes aux frontières de l’Ukraine et les discours mensongers bellicistes des organes officiels russes font peser une menace de guerre civile et d’ingérence militaire étrangère en Ukraine, qui par bien des aspects sont déjà en oeuvre. Il n’est pas acceptable qu’un Etat exerce des pressions par la force sur un autre Etat souverain et entrave le processus de rétablissement d’une gouvernance politique légitime et démocratique, avec comme première étape la tenue d’une élection présidentielle le 25 mai prochain.

Les peuples sont acteurs de leur histoire, il appartient aux citoyens ukrainiens dans toutes leurs composantes et à eux seuls de trouver leur équilibre politique. Vladimir Poutine prétend que l’équilibre ukrainien soit fragile. Un équilibre précaire, qui peut être aisément remis en question par des éléments étrangers et par des manipulations politiques habiles à renforcer des dissensions. Les élections démocratiques permettent d’aller au-delà de cet équilibre dit instable.

Europe Ecologie-Les Verts recommande la bonne tenue, sans entraves extérieures, de l’élection présidentielle, mais également la tenue rapide d’élections législatives, dans le cadre du régime parlementaire issu de la négociation après la Révolution orange et inscrite dans la constitution de 2004. Elles permettront à toutes les sensibilités d’être rapidement représentées, y compris les citoyens ukrainiens qui ont pu prendre quelques distances avec le mouvement de Maïdan, tel qu’il a pu s’exprimer. Le vide institutionnel doit être vite comblé, et l’élection présidentielle en sera le premier pas. Europe Ecologie-Les Verts soutient le Parti Vert d’Ukraine (Партія Зелених України / Партия Зеленых Украины) dans cet effort.

Europe Ecologie-Les Verts salue l’accord de Genève signé par la Russie, l’Union Européenne, les Etats-Unis et le représentant légal de l’Ukraine le 17 avril 2014 qui constitue une première étape dans le règlement négocié de la situation ukrainienne. Les participants, qui aiment s’en réclamer, ne doivent pas dénaturer l’accord, mais au contraire chercher à l’appliquer de manière sincère. Europe Ecologie-Les Verts défend une démarche de désescalade du conflit, de désarmement des milices pro-russes, soutenues par la Russie, qui agitent l’Est de l’Ukraine, mais également de neutralisation des nationalistes de toutes parts et le désarmement des bandes armées qui alimentent les tensions en Ukraine. La désescalade doit aussi être militaire tant du côté russe que du côté de l’OTAN. Dans l’intérêt d’une solution pacifique, l’Ukraine devrait faire partie d’une zone démilitarisée.

La situation économique de l’Ukraine est fortement préoccupante. L’Etat ukrainien, par un cumul de déficits de plusieurs natures dû à la dictature de Ianoukovitch et de sa corruption, est menacé par une faillite. L’Union européenne se doit d’apporter une aide financière à la hauteur de l’enjeu dans le cadre d’un plan international. Des réformes seront sans doute nécessaires et doivent être accompagnées par l’Union européenne, qui aura à quitter le dogme de l’austérité et qui prendra en compte la dimension sociale sans laquelle les citoyens ukrainiens ne pourront les accepter.

C’est aussi l’occasion de promouvoir un partenariat avec et entre les pays de l’Europe orientale, sans exclusif. Il s’agit aussi de dépasser les tiraillements que connaissent les Etats situés entre les sphères géopolitiques de l’Union européenne et celle de la Russie, par leur appartenance fondamentalement européenne, leur volonté de participer au pôle de stabilité de l’Europe, leur volonté d’accéder à une plus grande prospérité et de renforcer leur liens historiques, économiques et humains de part et d’autre. Afin de ne pas briser ces liens multiples, il convient de chercher un nouvel équilibre renforçant les coopérations déjà existantes sur l’ensemble du continent.

L’Union Européenne, par sa politique de voisinage à l’Est, doit continuer d’œuvrer au renforcement des institutions politiques et au rétablissement économique de ses voisins immédiats, gage de prospérité et de paix sur le continent européen. Ces objectifs du partenariat oriental doivent être poursuivis tout en prenant en compte des objectifs de développement écologiquement soutenable et socialement équitable. Parmi ces objectifs, l’Union Européenne se doit de continuer et de renforcer la promotion du respect des droits humains et des procédures démocratiques avec ses partenaires. Ces objectifs méritent d’être également partagés par l’ensemble des Etats européens, y compris par les citoyens des pays concernés. Il s’agit là d’une oeuvre politique plus que d’une procédure technocratique.

Toutefois, ce partenariat ne peut exclure la Russie. La Russie et les membres de l’Union européenne sont d’ores et déjà engagés dans des coopérations économiques et des échanges dans plusieurs dimensions. La coopération dans le domaine spatial en est un exemple réussi. Il convient que ce soient les civils qui jettent des ponts entre Russie et pays membres de l’Union européenne et non les militaires.

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JO DE SOTCHI : SOYONS LES PORTE-VOIX DE CEUX QUI SE BATTENT POUR L’ENVIRONNEMENT ET LES LIBERTES EN RUSSIE https://transnationale.eelv.fr/2014/02/19/jo-de-sotchi-soyons-les-porte-voix-de-ceux-qui-se-battent-pour-l-environnement-les-libertes-en-russie/ Wed, 19 Feb 2014 13:41:27 +0000 http://transnationale.eelv.fr/?p=3641 Lire la suite]]> Motion adoptée par le Conseil Fédéral des 8 et 9 février 2014

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Exposé des motifs

Depuis les grandes manifestations des citoyens russes pour les libertés et les droits humains en 2012, le pouvoir russe œuvre pour instaurer une chape de plomb. Après l’entrée en vigueur de lois limitant le droit de manifester, la liberté d’expression et les droits de la société civile et des ONG, la promulgation de la loi « contre la propagande de l’homosexualité auprès des mineurs », en réalité une loi tournée contre les Lesbiennes, Gays, Bisexuelles et Transsexuelles en Russie, il est évident que le pouvoir russe souhaite faire de ce pays une terre de répression des droits fondamentaux d’égalité.

Un certain nombre de Chefs d’Etats comme François Hollande, Barack Obama ou Joachim Gauck ont d’ores et déjà annoncé leurs absences lors des cérémonies d’ouverture des Jeux olympiques d’Hiver 2014 qui se dérouleront à Sotchi en Russie.

De nombreuses-eux sportives-ifs, qui se rendront à ces Jeux, sont à l’initiative d’actions et de pétitions afin de soutenir les LGBT et la société civile russe.

La répression n’est pas qu’orientée vers les LGBT, ainsi le 20 décembre dernier, Evgueni Vitichko, militant écologiste russe, a été condamné à trois ans de camps pour une action pacifique dénonçant les dégâts écologiques du chantier des Jeux.

Ces JO s’inscrivent dans une logique de grands projets inutiles de la démesure et du court terme et provoquent un désastre environnemental.

De même, de nombreux-euses prisonniers-ières du 6 mai 2012, arrêté-es pour avoir protesté contre la réélection de Poutine sont moins visibles médiatiquement et restent toujours en prison.

Malgré des libérations d’opposant-e-s comme Khodorkovski ou les dernières Pussy Riot emprisonnées, personne n’est dupe quant à ces actions qui se voudraient clémentes mais qui ne sont que cosmétiques, à l’attention du reste du monde s’inquiétant des dérives de Poutine.

Le premier réflexe serait de demander le boycott de ces Jeux olympiques, mais pratiquer la politique de la chaise vide serait tourner le dos à l’action et masquerait la résistance des organisations russes combattant pour l’égalité et les libertés de toutes et tous.

EELV demande donc

– Aux personnalités politiques officielles, journalistes ou sportifs qui se rendront à Sotchi de porter la voix des Droits Humains et de montrer que la République française ne peut accepter qu’un pays entretienne une répression d’un autre âge.

– A la France de revenir sur sa décision de ne pas intégrer un-e ou des représentant-e-s du monde sportif engagé-e-s dans la lutte contre les discriminations ou d’activiste LGBT à sa délégation officielle, contrairement aux Etats-Unis qui envoient Billie Jean King, l’une des premières sportive à avoir déclaré publiquement son homosexualité, la hockeyeuse Caitlin Cahow, qui se revendique également lesbienne, ainsi que Brian Boitano (un patineur gay).

– A Valérie Fourneyron, ministre des Sports, de la Jeunesse, de l’Education populaire et de la Vie associative, de profiter de son déplacement à Sotchi pour rencontrer des représentant-e-s de Fédération sportive LGBT russe et de l’opposition russe, et plus généralement, les associations luttant pour la défense des droits humains.

– Aux ministres chargés de l’écologie et des sports de demander au CIO de s’engager dans un changement radical d’orientation dans l’organisation des prochains JO:

­‐en portant un coup d’arrêt aux projets démesurés, aux coûts pharaoniques.

­‐en mettant au premier plan le respect de l’environnement, des droits des habitants et des travailleurs embauchés pour les JO

– A la diplomatie française d’exiger du gouvernement russe de cesser le harcèlement des opposants et des défenseurs des droits de l’homme et de mettre un terme aux lois répressives concernant le droit de manifester, la liberté des médias d’opposition, l’activité des ONG oeuvrant pour la défense des droits de l’homme.

– A la diplomatie française d’exiger du gouvernement russe d’agir pour prévenir et réprimer la torture dans toute la chaîne pénale russe, depuis l’arrestation jusqu’à l’exécution de la peine en colonie pénitentiaire.

– A la diplomatie française d’exiger du gouvernement russe de mener des campagnes de valorisation des ressortissants du Caucase et d’Asie centrale et de réprimer les violences contre ces populations.

– A la diplomatie française d’exiger du gouvernement russe de redresser la barre concernant l’avenir de la région du Caucase du Nord. Les populations lésées, notamment dues aux expropriations et aux conditions de travail déplorables sur le chantier devraient être justement compensées. Les activistes sociaux et environnementaux devraient être associés aux projets de développement économique de la région. La sécurité passant par l’apaisement des tensions confessionnelles, le rétablissement de conditions démocratiques dans les juridictions locales et la réhabilitation des anciens combattants devrait être rétablie conjointement à la mise en oeuvre de projets de développement économique pour la région.

70 pour, 1 blanc.

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Сочи 2014 : Médaille d’or du grand projet inutile et imposé ? https://transnationale.eelv.fr/2014/02/06/%d1%81%d0%be%d1%87%d0%b8-2014-medaille-dor-du-grand-projet-inutile-impose/ Thu, 06 Feb 2014 10:20:50 +0000 http://transnationale.eelv.fr/?p=3614 Lire la suite]]> par Anne R.

En ce mois de février 2014, la Russie sera sous les projecteurs des caméras du monde entier, pour un évènement qui généralement met à l’honneur le pays hôte. En effet, du 7 au 23 février 2014 se dérouleront les XXIIe Jeux Olympiques d’hiver, à Sotchi, aux confins méridionaux de la Russie. Toutefois à l’approche de la fête, les médias occidentaux se font les critiques acerbes du régime politique russe et des conditions de réalisation du chantier des jeux. L’enjeu de la fête pour Poutine et la Russie relève du prestige et du symbolisme. Mais les fins justifient-elles les moyens ?

Olympiada Vladimirovna

« Olympiada Vladimirovna », comme une femme portant le prénom Olympiade et le prénom patronymique Vladimir, telle est la manière dont les Russes personnifient les JO de Sotchi. Il n’échappe à personne que les jeux sont le projet de Vladimir Poutine. Il s’agit en effet d’un projet très identitaire et très personnel du dirigeant. Ce phénomène n’est, toutefois, pas propre aux régimes autoritaires, les régimes démocratiques en usent aussi, à l’instar des grands projets d’architecture et d’urbanisme de Mitterrand.

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Le Président Poutine à la station de ski Krasnaïa Poliana. Source : Alamy

La libération de certaines personnalités et considérées comme des prisonniers politiques par l’opposition et les défenseurs des droits de l’homme en Russie et ailleurs dans le monde confirme l’importance qu’accorde Vladimir Poutine à ces jeux olympiques. Les deux membres du groupe punk féministe Pussy Riot, les trente membres de l’équipage du navire Arctic Sunrise de Greenpeace ont été libérés opportunément à quelques semaines de l’ouverture des JO. De même, Mikhaïl Khodorkovski, l’oligarque russe appelé « le prisonnier personnel de Poutine » a été libéré le 20 décembre 2013, suite à une négociation engagée avec l’Allemagne1, dans laquelle l’enjeu des olympiades apparaît au premier plan.

Au-delà de la glorification de l’effort et du plaidoyer de l’amitié entre les nations, l’attribution de ces jeux à un pays hôte n’est pour autant pas dénué d’enjeux géopolitiques et de puissance. De manière constante s’agissant de sa politique extérieure, Vladimir Poutine cherche à restaurer la puissance russe sur la scène internationale, promouvoir le multilatéralisme dans la gestion des affaires mondiales, multilatéralisme que la Russie pourrait grandement contribuer à façonner. Tel est le sens de sa doctrine diplomatique et militaire, rédigé dès 2000 dans le document Concept de sécurité nationale2. Il est ainsi dit que la Russie doit « aider à façonner l’idéologie derrière l’émergence d’un monde multipolaire« , tandis que sont dénoncées « les tentatives de créer une structure de relations internationales fondée sur la domination des pays occidentaux sur la communauté internationale, sous leadership américain, et conçue pour des solutions unilatérale« .

L’instauration d’un multilatéralisme tel que souhaité par la Russie a commencé avec la guerre de Géorgie déclenchée en 2008 par la Russie, suite à des escarmouches entre les deux pays, et des provocations de la Géorgie. Ce retour de la Russie s’est manifesté après des actions internationales vécues comme une manifestation de l’unilatéralisme occidental des années 2000, notamment dans la gestion des crises des Balkans, la reconnaissance du Kosovo, la guerre contre la Serbie, la guerre en Irak, qui ont touché des partenaires de la Russie, et pour lesquels cette dernière s’est montrée impuissante à contrer les décisions occidentales. De la guerre avec la Géorgie aux positions de fermeté s’agissant de la Syrie ou de l’Ukraine, autres partenaires traditionnels de la Russie, la doctrine est ainsi appliquée au grand dam des Occidentaux. Ainsi, l’organisation des JO de Sotchi participe à cette ambition de restaurer l’aura de la Russie.

L’organisation de cet évènement mondial et la venue des chefs d’Etat à Sotchi, au coeur du Caucase du Nord permettra, en outre, la légitimation de toute la politique du Kremlin dans cette région. Au premier chef, la politique de pacification en Tchétchénie menée depuis la fin de la deuxième guerre (1999-2009), avait reçu des critiques de la part des chancelleries étrangères. La gestion de cette province méridionale constitue un des freins à son retour sur la scène diplomatique mondiale3.

Ainsi, en juillet 2007, Poutine déclarait ainsi : « Je peux le dire en toute certitude : si nous n’avions pas pu rétablir l’intégrité territoriale du pays, si nous n’avions pas arrêté les conflits dans le Caucase comme il y a cinq – sept ans, si nous n’avions pas changé fondamentalement la situation économique, si nous n’avions pas résolu un certain nombre de problèmes sociaux, alors nous n’aurions jamais obtenu ces Jeux Olympiques« 4. Il présente de cette manière le choix du Comité international olympique comme un banc-seing de sa politique dans le Caucase et comme une reconnaissance du statut de grande puissance retrouvé.

Sur le plan intérieur plus généralement, c’est aussi l’occasion pour Vladimir Poutine de démontrer qu’il a les choses en mains, après une réélection contestée à l’hiver 2011-20125.Selon Thomas Gomart6, Vladimir Poutine se moque du jugement des occidentaux sur sa politique. Il se juge à la hauteur de sa propre lecture de l’histoire russe et se compare aux grands monarques qu’étaient Pierre le Grand, Catherine II, Brejnev ou encore Gorbatchev. Il souhaite influer sur la génération Poutine et restaurer son pays qui était au plus bas, suite à la grande crise de 1998, et placé au ban des nations civilisées. Cette volonté de grandeur se traduit dans la communication autour de l’évènement7.

L’investissement de Poutine dans la défense de cette candidature, les entretiens personnels avec chacun des membres du CIO, les promesses de contrat pour les entreprises autrichiennes8 alors que Salzbourg était en compétition, et son discours en anglais mâtiné de français à Guatemala City lors de la 119e session du CIO, le 4 juillet 2007 ont fait penché la balance en faveur de Sotchi. La décision a été accueillie par la joie des Russes et une foule en liesse sur la place du Kremlin…

Un projet prométhéen

Lors de la présentation des candidatures au CIO, le projet de Sotchi se référait à la légende de Prométhée, qui ayant provoqué la colère de Zeus, s’est trouvé enchaîné à la montagne du Caucase9. La légende est parfois interprétée comme la punition d’un homme qui a voulu se mesurer aux Dieux. Cette interprétation prend tout son sens lorsque l’on considère le projet de Poutine de monter cet évènement de classe mondiale sur ce site particulier contraint par la géographie et l’absence d’infrastructures adéquates.

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Image satellite de la station de ski de Krasnaïa Poliana, avant le chantier en 2010. Source : Le Monde

Sotchi, rare ville ouverte aux étrangers à l’époque soviétique, aux côtés de Moscou, Léningrad, Stalingrad, Odessa, Kiev, le canal Volga-Don, un kholkoze exemplaire et les usines automobiles du nom de Staline. C’est la ville du repos des dignitaires de Staline à Brejnev et jusqu’à Poutine. Développée à partir des années 1920, elle est devenue la station thermale synonyme de « Riviera soviétique » parmi les rares lieux de loisirs que comptaient l’URSS à cette époque10.

Même si le choix de Sotchi par les autorités russes s’inscrit dans le passé récent, puisque les premières candidatures de Sotchi comme ville hôte des JO a été faite dès 1989 sous l’URSS, puis de nouveau en 1993 et une nouvelle fois en 200211, il n’est pas anodin. La cité balnéaire représente une des villes les plus chaudes, dans une région marquée par un microclimat subtropical, dans ce pays connu par ailleurs pour ses hivers rigoureux et longs. Le profil climatique de la région n’est donc pas des plus propices.

De plus, les bâtisseurs olympiques sont confrontés à une géographie capricieuse. La capacité de la ville et la topographie induisent des limites objectives, la zone est enclavée entre mer et montagne, le site n’est donc pas extensible. A seulement 50 km du littoral, les contreforts du Caucase occidental atteignent des altitudes de 2 000 à plus de 3 300 mètres. De plus, la ville peuplée de 400 000 habitants est déjà saturée, du point de vue des transports, de l’approvisionnement en eau, en électricité, de la gestion des eaux usées. La région est, en outre, marécageuse. Même Staline qui s’est penché sur le développement de Sotchi dès le début XXe siècle et qui ne reculait pas devant les grands travaux, quitte a faire travailler les zeks dans des conditions inhumaines, a renoncé à un projet urbanistique sur les marais de la vallée Imeretinskaïa. Mais pour Poutine ceci ne constitue plus un frein. C’est sur cet espace quelque peu plus large du côté d’Adler, que sera construit le village olympique.

En outre, presque aucune infrastructure est préexistante, le domaine skiable ne comporte qu’une seule remontée mécanique. Une route unique menait au parc naturel. Tout est à construire de zéro. La construction de près de 400 objets olympiques, le développement du réseau routier et des voies de chemin de fer, l’augmentation des capacités de fourniture d’électricité, l’amélioration de l’aéroport existant, le remplacement de la fourniture d’eau et du traitement des eaux usées sont les tâches incontournables du projet.

Image satellite de la station de ski de Krasnaïa Poliana, après le chantier en 2014. Source : Le Monde
Image satellite de la station de ski de Krasnaïa Poliana, après le chantier en 2014. Source : Le Monde

Un déficit démocratique

Le chantier de construction ne s’est pas déroulé dans des conditions des plus démocratiques. Le maire de Sotchi qui a chapeauté tous ces travaux, Anatoli Pakhomov, s’est fait élire dans des conditions plus que troublées12. Même si le Président de l’époque Dmitri Medvedev a qualifié la campagne de « véritable bataille politique », qui contribue au développement de la démocratie russe, les journalistes étrangers étaient effarés du manque de débat, de tracts, d’affiches. Six candidats étaient finalement autorisés à concourir sur les vingt prétendants, plus ou moins sérieux. Certains employés d’entreprises, représentant près de 3 % du corps électoral, ont été contraint à un vote anticipé plusieurs jours avant la date du vote, et ont voté sous le regard de leur hiérarchie et des officiels russes13. Des ressortissants d’Abkhazie, région séparatiste de Géorgie, reconnue indépendante par la Russie, ont également participé au vote. Arrivé au bureau de vote, certains électeurs se sont rendus compte que leur vote avait déjà été comptabilisé. Le candidat sérieux de l’opposition, Boris Nemtsov a été accusé d’être financé de l’étranger, par les Etats-Unis. Il a été victime de l’agression de trois inconnus qui l’ont aspergé d’ammoniac. Ses tracts de campagne ont été saisis par la police, avant leur distribution. Une journaliste voulant l’interviewer a reçu des menaces. L’opposant a dénoncé les infractions commises durant cette élection mais il a été débouté dans son procès devant les tribunaux locaux14. Anatoli Pakhomov, candidat soutenu par le parti du pouvoir Russie Unie a ainsi obtenu 77 % des voix.

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Boris Nemtsov parmi les manifestants de la Place Pouchkine, mars 2012. Source : RIA Novosti

S’agissant de la liberté d’expression, les pratiques ne sont pas des plus vertueuses. Peu d’informations sur les dégâts économiques, écologiques et humains ne transparaissent dans la presse officielle. Les journaux locaux ne résistent pas à l’omerta imposée par les autorités locales. Les journalistes de la télévision ne se déplacent même plus, sachant pertinemment que leur reportage ne sera pas diffusé15. Les autorités russes cherchent en vain à étouffer les faits de corruption qui transpirent de toute part. En novembre 2013, on apprend à travers la presse que les officiels russes cherchent à empêcher la sortie d’un documentaire sur la corruption de la réalisatrice Simone Baumann en tentant de la soudoyer16. Mais les informations filtrent grâce aux blogueurs et aux activistes. Les informations circulent principalement sur internet, grâce à des activistes de tout poil. Et à quelques mois de l’évènement, les tares du grand projet font les choux gras de la presse occidentale.

51 milliards de dollars

12 milliards de dollars est le budget annoncé par Vladimir Poutine en 2007 à Guatemala City. 51 milliards de dollars estiment Boris Nemtsov et Leonid Martynyuk pour le montant des travaux en mars 201317. 45,8 milliards de dollars estime, pour sa part, l’opposant médiatisé lors des manifestations de l’hiver 2012012 et champion anti-corruption, Alexei Navalny18. De ce budget global : 25,1 milliards de dollars auraient été financés par le budget fédéral, 1 milliard de dollars par la région du Kouban, 10,5 milliards de dollars par des compagnies d’Etat, 7,6 milliards de dollars proviennent des financements accordés par la Banque d’Etat du commerce extérieur à des entrepreneurs privés et 1,6 milliard de dollars reviennent directement aux investisseurs privés. Selon ce décompte, près de 97 % de la facture revient aux finances publiques.

Les chiffres sont vertigineux. Les comparaisons avec les budgets des précédents JO d’hiver font depuis quelques mois le tour de la presse internationale. Pour justifier ce budget colossal, le Premier Ministre, Dmitri Medvedev expliquait en décembre 2013 que « Sotchi a toujours été vue comme la station balnéaire la plus importante. Or, ces derniers temps, le niveau de confort et de qualité de prestation y est devenu presque moyen. C’en était presque gênant. Aujourd’hui Sotchi compte une chaîne d’hôtel acceptable, des espaces sportifs et de bien-être, une infrastructure touristique, un chemin de fer qui mène en montagne, tout ceci ne seraient jamais construits sans les JO« 19. Le Président du CIO, Thomas Bach concorde avec cette analyse : « Nous sommes pleinement confiant sur le fait que les Jeux seront d’un niveau fantastique » et « Sotchi et la région entière a réussi un cheminement de développement très important et avec succès. Nous avons été réellement impressionné par ce parcours« 20. Pour sa part, Dmitri Kozak, vice-premier ministre et responsable de la préparation des JO, explique que seuls 6 milliards de dollars payés à 50/50 par l’Etat et par les investisseurs sont allés dans la préparation des JO mêmes et que 15 milliards de dollars ont concerné le financement des infrastructures et le développement économique de la région. Toujours selon lui, ces investissements auraient eu lieu même sans les jeux21.

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Website de la Fondation Anti-corruption de l’opposant Alexei Navalny. Source : http://sochi.fbk.info

Mais de nombreuses voix critiques dénoncent la corruption comme premier facteur explicatif de ce dérapage. Le doctorant Alexandre Sokolov22 rappelle que le coût de la construction des infrastructures de Sotchi dépassent les 50 milliards de dollars, tandis que les jeux olympiques d’été de Pékin (2008) ont coûté selon les chiffres officiels 43 milliards de dollars, ceux d’été de Londres (2012) ont coûté 15,39 milliards de dollars et les jeux d’hiver de Vancouver (2010) 6,08 milliards de dollars. Il est un des premiers à avoir analysé le coût comparé de la construction des infrastructures. A titre d’exemple, le stade olympique Fisht de Sotchi, d’une capacité de 40 000 places revient à un coût de 17 300 dollars par spectateurs, tandis que les infrastructures similaires ont coûté 1 580 dollars par spectateur à Salt Lake City (JO 2002) ou 5 700 dollars par spectateur à Pékin (JO 2008). Le plus cher hormis Sotchi revient à Vancouver (JO 2010) avec un coût de 14 910 dollars par spectateur.

Boris Nemtsov, ancien ministre de l’époque eltsinienne, actuel opposant au président en exercice, leader du parti RPR-Parnas, et orginaire de la ville de Sotchi a publié avec Leonid Martynyuk un dossier à charge, prenant la mesure de la corruption qui a prévalu dans la tenue des travaux d’aménagement à Sotchi, et incriminant directement des oligarques proches de Poutine23. Selon ces auteurs, le coût des constructions s’avère environ 2,5 fois plus important que pour la construction d’infrastructures similaires. Sur les 50 milliards du coût total, ils estiment à 25-30 milliards de dollars le vol pur et simple. Ce montant correspond aux pots-de-vin moyens dans tout projet industriel en Russie.

Des exemples des dérives budgétaires font légion dans la presse internationale. La route combinée chemin de fer / autoroute entre Adler et Krasnaïa Poliana représente le projet le plus coûteux. Son budget a grimpé jusqu’à 8,7 milliards de dollars, soit un montant supérieur au financement de la NASA pour la fourniture et la maintenance d’une nouvelle générations de rovers martiens. Même si la réalisation apparaît très moderne et a demandé une ingénierie poussée, le trajet ne fait pourtant que 48,2 kilomètres. Le coût s’est élevé ainsi à 4 millions d’euros le kilomètre, alors qu’un projet ambitieux comme la construction du pipeline sous la mer baltique, n’a coûté que 3,6 millions d’euros le kilomètre. Ce dernier coût avait été estimé trois fois supérieur à la norme européenne24. Aucune dépense n’a été épargnée pour construire malgré les avaries. Lorsque la route pour monter à Krasnaïa Poliana n’était pas terminée, le béton servant à la construction des remontées mécaniques était livré en hélicoptère25.

En 2009, des députés de la douma ont tenté de faire passer une loi pour mener un contrôle financier de la compagnie d’Etat créée pour l’organisation des jeux, Olympstroï, préconisant un audit financier, une évaluation de la rentabilité à long terme, et la supervision des dépenses. Mais la Douma contrôlée par le parti du pouvoir Russie unie n’a pas permis l’adoption de cette loi. Un compromis a cependant été passé et la Chambre des comptes, organe d’Etat qui a la compétence pour les questions financières relatives aux entreprises d’Etat doit établir un rapport qui ne sera pas rendu public. Début 2013, dans le cadre de sa comptabilité annuelle, La chambre des comptes a accusé Olympstroï de surcouts injustifiés de 15,5 milliards de roubles. L’entreprise d’Etat a expliqué ces surcouts par des décisions additionnelles d’ordre technique ou structurelle de la part du CIO et d’autres parties prenantes.

Et les shadoks pompaient…

Cette gabegie s’explique par la nécessité de tout construire ex nihilo, par la corruption, mais aussi par l’incompétence des maîtres d’oeuvre. La construction du complexe de saut à ski « Les collines russes » pourrait être emblématique du gâchis causé par le manque d’études préalables et l’incompétence. Sans étude géologique préalable, et malgré les informations fournies par les résidents locaux, le saut à ski a été construit sur une zone non propice. De plus, l’arrachage massif des arbres alentours a conduit à des glissements de terrain. Au printemps 2012, des tonnes de terre se sont éboulées sur le chantier de construction du complexe. Comme résultat, la construction du saut à ski a accusé un retard de 2 ans, et son budget est passé de 40 millions de dollars à 265 millions de dollars. Lors d’une inspection à un an des JO, Vladimir Poutine n’a pas caché son mécontentement. Devant les caméras, il a rudoyé Dmitri Kozak : « Bravo ! Tu as fait du bon travail !« 26 avant de s’enquérir du nom du responsable du chantier. Ce dernier, Akhmed Bilalov a été démi de ses fonctions dès le lendemain27. Une affaire de justice pour abus de position comme chef d’une compagnie d’Etat a été ouverte contre lui. Depuis, il a fui à Londres. Et en avril 2013, il accuse Poutine de l’avoir fait empoisonné au mercure28.

Le port de fret installé sur la zone côtière a, de la même manière, pâti de l’impéritie des autorités. D’après le programme de construction officiel29, le port de fret Sotchi-Imeretinski était prévu pour recevoir les matériels de construction du chantier, soit 15 à 20 millions de tonnes de marchandises. Construit sans prise en compte des conditions climatiques, il a été totalement dévasté par une tempête de force 7 en décembre 200930, occasionnant près de 500 millions de roubles de dégâts31. Il a ainsi accusé un retard dans la construction de 2 ans. Achevé en juin 2012, il a nécessité un budget final fortement en hausse à 9,3 milliards de roubles32. L’acheminement des marchandises a finalement été reporté sur d’autres modes de transport33. Le port de fret doit être reconverti en marina pour yachts après les jeux, le budget total de ces travaux devraient atteindre 23 milliards de roubles.

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Tempête sur le port de Sotchi-Imeretinski en décembre 2009. Source : http://bednenkiy.livejournal.com/48488.html

Et le résultat à deux semaines de l’ouverture des jeux, les photos de l’intérieur du parc olympique dans la plaine Imeretinskaïa sont éloquentes34. Huit jours avant la cérémonie d’ouverture, tous les travaux ne sont pas terminés35.

Des dégâts environnementaux

Entre mer et montagne, la région de Sotchi se distingue aussi par la qualité et la spécificité de son écosystème. Dès 1983, le parc naturel de Sotchi est créé afin de protéger la grande variété de flore et de faune endémiques. Tandis que la réserve de biosphère du Caucase du Nord est inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1999 précisément en raison de ces critères naturels et de la conservation de la diversité biologique qu’elle renferme36.

Dès 2006, avant même le choix final du CIO de la ville hôte de ces olympiades, des écologistes locaux alertent l’opinion sur les risques environnementaux du projet37. Ils s’inquiètent notamment des modifications de la législation s’agissant de la protection des réserves naturelles. L’évaluation de l’impact environnemental préalable à la mise en oeuvre de tout projet urbanistique et industriel est supprimé. Les ONG environnementales sont, en outre, exclues des discussions autour de ces projets. Le plan de développement de la ville de Sotchi n’est pas discuté publiquement tandis que le tracé des frontières du parc naturel et l’interdiction des constructions en son sein sont remis en question.

Leurs inquiétudes s’avéreront malheureusement justifiées. La loi n°310 du 1er décembre 2007 a modifié la législation s’agissant des parcs naturels. Alors que jusqu’à cette date, il était interdit de construire dans ses limites, des pistes et des remontées mécaniques sont aménagées sur la crête de Psekhako, au milieu de la réserve naturelle du Caucase. Des hectares d’arbres endogènes protégés ont été arrachés à cette occasion38. Vladimir Poutine et certains oligarques proches ont construit leur dacha précisément dans cette zone. Le 30 novembre 2011, une loi inspirée par Poutine a rendu désormais légales de telles constructions au sein d’une réserve naturelle. Sur le littoral, les dégâts sont considérables également. La côte de la plaine Imeretinskaïa restait une des dernières plages naturelles de la région. Les constructions massives l’ont totalement transfigurée. Les amphibiens et les oiseaux migrateurs, habitants naturels des marais de Colchide ont simplement disparus. Plusieurs espèces classées dans le Livre rouge de l’Union internationale pour la protection de la nature, ayant le statut d’observateur à l’ONU, ont été saccagées et éliminées lors de la construction du village olympique dans la plaine Imeretinskaïa. Les terres arables qui supportaient trois cultures par an ont été définitivement polluées. C’est aussi une réserve ornithologique qui réunit plus de 100 espèces qui a été perturbée et les oiseaux migrateurs n’y viennent plus nicher.

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Datcha de Vladimir Poutine sur le site de Krasnaïa Poliana. Source : http://ruleaks.net/

La construction de la route combinée Adler-Krasnaya Poliana a également engendré de nombreuses pollutions. Tout d’abord, le débit de cette rivière a été réduit jusqu’à 50% voir 70% à certains endroits. Or, la Mzymta est capricieuse et connaît des crues régulières. De plus, l’arrachage des arbres sur ses rives, utiles pour piéger l’humidité, aggrave la situation. Ainsi, à plusieurs reprises, le chantier et les installations en aval ont été inondés. Le creusement des tunnels dans la roche a fait affleurer des substrats toxiques tels que le mercure et l’uranium et d’autres métaux nocifs qui se retrouvent dans les eaux de la rivière. Or, la Mzymta servait à approvisionner la moitié de la ville en eau potable. Mais du fait des pollutions massives dues au chantier, ses eaux ne peuvent plus servir aux habitants. Les poissons ne peuvent plus y vivre, et la modification des températures créées par ces infrastructures compromettent également la végétation sur ses rives et plus en hauteur. L’académicien Sergueï Volkov, ancien expert travaillant auprès d’Olympstroï, avait prévenu de ces dégâts potentiels dans une lettre ouverte au président Medvedev au début 201039. Menacé de poursuites judiciaires, il a depuis quitté le pays et s’est réfugié en Ukraine. Ses prévisions se sont, malheureusement réalisées.

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Inondation du chantier de la route Adler-Krasnaïa Poliana en janvier 2010. Source : http://bednenkiy.livejournal.com/752.html

La pollution des écosystèmes se produit également sur d’autres plans. Le slogan officiel de la compagnie Olympstroï est « zéro déchets » et respect des « standards environnementaux ». Pourtant, en septembre 2010, la Cour des comptes russe publie le rapport de Mikhaïl Oudinstov qui expose que la ville de Sotchi fait face à un énorme problème de gestion des déchets40. D’après ce document, il n’existe aucune décharge légale dans la région, et les eaux usées sont déversées sans traitement dans la mer Noire. En 2011, les journalistes qui se rendent sur place font pourtant état des désagréments que subit la population locale, à commencer par l’odeur pestilentielle41. Le village de Akhshtyr figure au nombre des victimes de l’entassement des déchets. En juillet 2013, le Vice-Premier ministre Dmitri Kozak a choisi ce village de 200 habitants comme site des décharges pour les déchets des chantiers et les terres extraites de tous les coins de la région. Malgré les protestations des écologistes et des populations locales, et malgré l’appui du représentant local du Ministère de la protection de la nature, la société de construction des chemins de fer russes (RJD) et Dmitri Kozak ont rejeté le arguments d’un revers de la main42.

Une gestion inhumaine

Le chantier olympique se caractérise également par des abus auprès des résidents et des travailleurs. La loi fédérale n°310 adoptée le 1er décembre 2007, communément appelée loi olympique, libéralise les règles d’urbanisme et facilite les expropriations. En conséquence des milliers de logements des habitants de Sotchi sont détruits pour faire de la place aux bâtiments olympiques. Près de 2 300 logements sont touchées par les expropriations, notamment dans la région de Adler et dans les villages de montagne. Les statistiques officielles du district de Krasnodar mentionne le versement de 21,5 milliards de roubles de compensation financière43. Mais les associations des droits de l’homme44 et de nombreux témoignages indiquent que le processus de relogement ou de compensation n’a été ni équitable, ni transparent. Beaucoup de personnes se considèrent largement lésées. Des évictions ont été forcées. Les résidents en viennent à mener à plusieurs reprises des manifestations allant même jusqu’à Moscou en 2009 pour faire entendre leur voix45.

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Maison de la famille Khlistov, opposée à son expropriation en 2012. Source : Human Rights Watch

Corruption et gabegie pour les autorités publiques et les entrepreneurs, mais exploitation et salaires de misère, s’il y en a, pour les travailleurs. Human Rights Watch a publié un rapport de 67 pages en février 2013 présentant les mauvaises conditions pour les travailleurs migrants très souvent issus des républiques d’Asie Centrale46. Le rapport dénonce ainsi certaines pratiques des employeurs telles que le non paiement des salaires ou un retard excessif dans leur paiement. Certains d’entre eux récupèrent le passeport et le permis de travail de ces migrants afin de les contraindre à revenir sur le chantier alors que le paiement de leurs salaires accuse un retard important. Les conditions de vie des travailleurs sont aussi scandaleuses : surpopulation des baraquements et nourriture médiocre. Si les travailleurs dénoncent ces conditions, il est arrivé des cas où les employeurs peu scrupuleux appellent les autorités pour dénoncer des travailleurs illégaux, puisque leur passeport leur a été retiré, et ces derniers sont reconduits à la frontière sans paiement du salaire47.

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Travailleurs migrants sur le chantier de Sotchi. Source : Reuters

Un défi sécuritaire

Corruption, déficit démocratique, dégâts environnementaux, gestion inhumaine de la population ne sont pas les seules tares du chantier. La tenue des JO en plein Caucase du Nord présente des risques sécuritaires. En effet, Krasnaya Poliana, site montagnard des JO, est l’endroit exact de la dernière bataille des troupes de l’Empire russe contre les peuples caucasiens qui s’est déroulé en 1864. C’est aussi la région de peuplement originel des Oubykhs. Suite à cette défaite, ce peuple d’à peu près 50 000 personnes a été rayé de la carte au sens strict puisque les cartes russes des nationalités n’y font plus mention, et au sens figuré puisqu’une grande partie de la population a péri lors de ces batailles, une autre partie a émigré sur des navires de fortune vers la Turquie et une autre partie a été déportée vers la région du Kouban plus au Nord. Les oubykhs de Turquie se sont fondus parmi les autres peuples caucasiens tcherkesses et abkhazes48. Le dernier locuteur de la langue oubykh, Tevfik Esenç, s’est éteint en octobre 1992. La « montagne des langues », comme les Arabes appelaient jadis le Caucase et comme aimait à le rappeler George Dumézil, perd peu à peu ses langues.

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Carte des peuples caucasiens, 2009. Source : Wikipedia

En mémoire de cet évènement, Dokou Oumarov lance un appel guerrier en juillet 2013 : « J’appelle tous les moudjahidines, où qu’ils se trouvent – au Tatarstan, au Bachkortostan ou dans le Caucase – à fournir un maximum d’efforts sur le chemin d’Allah pour faire échouer ces danses sataniques sur les os de nos ancêtres« . En raison du symbolisme de ces lieux, l’émir autoproclamé du Caucase a publié cette vidéo de menaces à l’encontre des autorités russes. Il a exhorté les combattants musulmans de toute la Russie de perturber les jeux par tous les moyens.

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Dokou Oumarov dans sa vidéo de juillet 2013

La Russie, notamment dans sa zone méridionale, est touchée par les attentats terroristes depuis les années 1990, presque au même titre que l’Irak ou l’Afghanistan. Elle se classe, en effet, au 7e rang mondial pour le nombre d’attaques terroristes et de victimes. En 2010, on dénombre un pic de 250 attaques terroristes49. La majorité des attaques sont perpétuées dans le Caucase du Nord, et dans une moindre mesure à Moscou. Depuis 2009, le Daghestan semble l’épicentre de la violence. Cependant, elle n’épargne pas les républiques voisines comme la Kabardino-Balkarie, la Tchétchénie qui a connu deux conflits extrêmement violents dans la dernière décennie, et l’Ingouchie.

Dans le sillage des deux guerres de Tchétchénie (1994-1996) et (1999-2009), les luttes initialement d’indépendance se sont confessionnalisées. Un maquis de combattants islamistes s’est diffusé dans la région. Les autorités locales ou fédérales ne réussissent pas à le maîtriser50. La Tchétchénie, pour sa part, est dite « normalisée » mais se trouve sous la coupe d’un potentat local, Ramzan Kadyrov et sous perfusion du budget fédéral51. Sotchi comporte aussi une frontière commune avec l’Abkhazie, un territoire séparatiste de Géorgie. Pour mémoire, la guerre de Géorgie menée par la Russie à l’été 2008 a conduit à l’indépendance de ce territoire reconnu par seulement quatre Etats autres que la Russie (Venezuela, Nicaragua, les deux îles-Etats du Pacifique Nauru et Tuvalu) ainsi que l’autre territoire indépendantiste de Géorgie, l’Ossétie du Sud.

Face à ces menaces, les autorités russes déploient des mesures de sécurité, conformément au décret présidentiel du 19 août 201352, qui rappellent un état d’urgence, Près de 40 000 fonctionnaires de police ou du FSB seront dépêchés sur place. Des restrictions dans les déplacements dans la ville de Sotchi et encore plus dans les sites olympiques seront instaurées. La cybersurveillance sera intensive. Le programme SORM-3 n’aura rien à envier à son homologue américain PRISM. Le passage de drones est prévu. Contrairement à la Constitution qui garantit le libre déplacement des citoyens russes sur tout le territoire, ceux-ci sont contraints au même titre que les étrangers de se doter d’un « passeport du supporter » délivré par le FSB qui leur donnera accès au site, et devront comme tout étranger s’enregistrer auprès des autorités locales dans les trois jours. 56 checkpoints avec détecteurs de métaux dans tous les endroits stratégiques à commencer par l’aéroport contrôleront 7 200 personnes par heure. Des sonars manipulés par des militaires surveilleront l’approche de sous-marins. Les montagnes et les gorges seront parcourues pour éviter l’infiltration de terroristes. Le décret présidentiel portant sur le plan de sécurité des JO prévoyait initialement une restriction totale des manifestations, marches, meetings sur les sites des JO. Face à la polémique qui enflait, ces mesures ont été assouplies en décembre 201353. De telles actions devront être autorisées préalablement par le Ministère de l’Intérieur et le FSB. Sotchi sera ainsi transformée en un véritable bunker.

Un héritage incertain

Pour expliquer leur désignation face à la candidature de Paris en 2005 à Singapour54, les Anglais aiment expliquer que le projet d’héritage des JO après l’évènement en 2012 a fait la différence55. Leur promesse en 2005 se résume ainsi : « Choisissez Londres et nous allons créer un héritage extraordinaire pour le Royaume Uni et pour le monde » Réhabilitation d’un quartier défavorisé de East London. Amélioration des infrastructures de transports. Création de structures modulables pour réduire la capacité d’accueil du public des bâtiments une fois les jeux terminés, à l’instar de la piscine du parc Olympique56. Les Anglais ont voulu rendre pérennes si ce n’est durables ces investissements gigantesques pour une fête éphémère.

Qu’en est-il à Sotchi ? Le gouvernement russe prévoit d’utiliser la ville de Sotchi et ses nouvelles facilités en termes d’accueil du tourisme de masse pour accueillir le Sommet du G8 en juin 2014, une course de Formule 1 à l’automne 2014 et en partie la Coupe du monde de football en 2018. Mais au-delà de ces grands évènements, quel sera l’héritage de la nouvelle Sotchi ?

Le gouvernement russe cherche à sortir cette région de la violence et de la misère. Au niveau proprement local, le choix de la cité balnéaire de Sotchi répond aussi à l’ambition de développer une région pauvre, de la désenclaver, et de la sortir de la pauvreté et de la violence. Le tourisme est conçu comme étant le coeur de ce développement. Le programme de développement du Caucase du Nord à horizon 202557 vise précisément à renforcer le maillage des infrastructures, attirer les investissements étrangers, créer des installations touristiques modernes, pour atteindre à terme une augmentation du PIB par habitant et une réduction du chômage.

Toutefois, la rentabilité ne semble pas au rendez-vous. L’écrasante majorité des investissements proviennent de l’Etat ou d’autres institutions publiques. Sur ces investissements, Vladimir Dmitriev, Directeur de la banque de développement et de l’activité économique extérieure (Vneshekonombank), banque d’Etat, a déclaré en juin 2013 que 8 des 19 projets d’infrastructures olympiques ne seraient pas rentables58. Les rares investisseurs qui ont mis la main à la poche, Oleg Deripaska et Vladimir Potanine, cherchent à se dégager de ses investissements le plus rapidement possible, car ils ont pleinement conscience que la rentabilité des infrastructures notamment des hôtels de tourisme liés à la future station de ski sera inexistante. Ainsi, Vladimir Potanine, magnat du nickel, et bâtisseur de la station de montagne Rosa Khutor, explique dans une longue interview que la station de ski a une capacité de lits et un standing bien trop élevé et ne correspond pas à la taille du marché de Sotchi59. Il attendait un soutien financier de l’Etat pour soutenir les investissements engagés à perte.

Ensuite, la neige ne sera peut-être pas non plus au rendez-vous. L’idée de développer les stations de ski en Russie qui font défaut, et éviter que les riches Russes ne partent dans les Alpes paraît intéressante à première vue. Néanmoins, le choix du site est quelque peu incongru. En effet, Sotchi se trouve dans la région la plus chaude de Russie, sous un micro-climat subtropical. L’enneigement n’y est pas assuré, à tel point que les responsables du chantier des olympiades stockent de la neige depuis un an pour être sûrs que les pistes soient assez enneigées lors des JO60. Au printemps 2013 puis en décembre 2013, 700 000 m3 de neiges ont été entassées dans 14 collines, et placées sous des bâches en tissus géotextile, conçus pour l’occasion par la société Snow Secure61.

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Colline de neige en prévisions des JO. Source : Артур Лебедев/РИА Новости

De plus, une étude récente62 montre que bon nombre de stations qui ont accueilli depuis près d’un siècle des Jeux Olympiques d’hiver ne seront plus en mesure de le faire à horizon 2080 en raison du changement climatique. La station de Sotchi fait partie des premières touchées par le phénomène. Mais celui-ci n’épargne pas les stations Squaw Valley (USA, JO 1960), Garmisch-Partenkirchen (Allemagne, JO 1936), Grenoble (France, JO 1968), Chamonix (France, JO 1924), Vancouver (Canada, JO 2010), Sarajevo (Bosnie-Herzégovine, JO 1984), Oslo (Norvège, JO 1952).

Quant aux infrastructures de sport proprement dites, Boris Nemtsov et Leonid Martynyuk alarment les autorités dans leur rapport sur le fait qu’elles risquent vraisemblablement d’être inutilisées après la fête63. En effet, la ville de Sotchi compte 420 000 habitants selon les données du récensement de 2010 et les sites olympiques sont prévus pour accueillir près de 200 000 personnes. Le plus grand stade de Sotchi, préexistant aux Olympiades, le stade de l’équipe Zhemchuzhina d’une capacité de 10 200 places n’a été rempli qu’une fois dans son histoire depuis sa construction en 1964. Ainsi le stade olympique Fisht conçu pour accueillir 40 000 personnes, le Palais de glace Bolshoï d’une capacité de 12 000 places, le Centre de patinage Adler-Arena de 8 000 places, le centre de patinage artistique de 12 000 places, le centre de curling Ice Cube de 3 000 places, l’arène de glace Chaïba de 7 000 places, totalisant ainsi un accueil maximal de 82 000 places, sont surdimensionnés pour la région. Faute des financements pour leur entretien, et à défaut d’une fréquentation suffisante, ces infrastructures risquent d’être simplement abandonnées.

Un Grand Projet Inutile et Imposé

Les JO de Sotchi cumulent donc de nombreuses tares. Désastre écologique, social et humain, absence d’intégration de la participation effective de la population à la prise de décision, agissements dans l’opacité, priorité donnée aux grands équipements plutôt qu’aux besoins locaux, projet qui garantit des profits aux grands groupes industriels et financiers, à la charge des budgets publics… telles sont les caractéristiques des grands projets inutiles et imposés décrits dans la Charte de Tunis adoptée au Forum social de Tunis le 29 mars 2013, lors du Forum contre les Grands Projets Inutiles et Imposés64. Le projet de Sotchi répond à bon nombre des critères de cette charte.

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Plage de Sotchi. Source : Фото с сайта yarobltour.ru

Il reste l’enjeu de prestige et de symbolisme, celui de la consécration du retour de la Russie sur la scène internationale. Une fois encore, la fête est quelque peu gâchée par l’absence de certains chefs d’Etat occidentaux et de responsables de l’Union européenne : Joachim Gauck, président de l’Allemagne, Viviane Reding, vice-présidente de la Commission européenne, François Hollande, président de la France et Barack Obama, président américain. La fête est aussi gâchée par les mobilisations internationales de la communauté LGBT qui reproche à Poutine le vote de la loi contre « la propagande des relations sexuelles non traditionnelles envers les mineurs » en juin 2013.

Pour redresser la barre et assurer un héritage durable à la fête éphémère, l’International Crisis Group65 émet plusieurs recommandations à l’adresse des autorités russes. Le centre d’études enjoint les autorités locales d’instruire les plaintes des résidents expropriés, d’investiguer les cas de violations des droits s’agissant des travailleurs migrants, de respecter le programme « zéro déchets » et d’inclure les activistes environnementalistes dans la planification d’un programme de développement durable, et enfin de cesser de tourmenter les journalistes et les activistes. A l’adresse du Comité national anti-terroriste, il recommande de cesser les violations des droits humains, et les intimidations contre les communautés musulmanes modérées. Il préconise également de réhabiliter les anciens combattants et de faciliter le dialogue interconfessionnel. Enfin pour assurer le succès du projet gouvernemental de développement du tourisme dans la région, le centre de recherches considère comme primordial de mener des études préalables de faisabilité, de lancer les projets économiques dans toutes les régions du Caucase, en assurant préalablement la sécurité. L’amélioration des relations inter-ethniques, en passant par la promotion des Nord-Caucasiens dans les médias dans toute la Russie, pourrait également favoriser la réussite de ces projets. Enfin, les entreprises de tourisme dans le Nord Caucase sont invitées à consulter les populations locales sur les projets d’infrastructures, et les inclure réellement dans le processus décisionnel. Elles sont incitées à respecter les propriétés privées des résidents, recruter du personnel local et garantir des pratiques d’affaires éthiques et en respect avec les normes environnementales. Des mesures de lutte contre la corruption sont enfin encouragées.

Anne

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Notes

1Michelle Martin et Lidia Kelly, « Inside Germany’s campaign to free Khodorkovsky », Reuters, 27 décembre 2013 : http://in.reuters.com/article/2013/12/26/germany-khodorkovsky-idINDEE9BP09T20131226

2« Концепция национальной безопасности Российской Федерации », Независимая газета, 14 janvier 2000, http://nvo.ng.ru/concepts/2000-01-14/6_concept.html

3Régis Genté, « Russie. Pourquoi VPoutine a tant besoin des JO de Sotchi », La Documentation française, P@ges Europe, 21 janvier 2014 : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/pages-europe/d000708-russie.-pourquoi-vladimir-poutine-a-tant-besoin-des-jo-de-sotchi-par-regis-gente/article

4Citation par Itar-Tass, reprise par Vesti.ru : http://www.vesti.ru/doc.html?id=131696

5Anne R., « Rétrospective et bilan du mouvement contestataire en Russie », Commission Transnationale, janvier 2013 : https://transnationale.eelv.fr/2013/01/25/retrospective-et-bilan-du-mouvement-contestataire-en-russie/

6Thomas Gomart dans « 3D, le journal : Les Jeux de Sotchi feront-ils le jeu de Poutine », France Inter, 5 janvier 2014 : http://www.franceinter.fr/emission-3d-le-journal-les-jeux-de-sotchi-feront-ils-le-jeu-de-poutine-et-le-nouveau-visage-de-marse

7Vidéo promotionnelle « Фильм о Сочи: Сочи Красная Поляна 2014 » : https://www.youtube.com/watch?v=KpH4oYVQTnE

8Alexander Gentelev, documentaire « Quand Poutine fait ses jeux », Arte, janvier 2013 : http://future.arte.tv/fr/sotchi

9« В основу концепции проведения Олимпиады-2014 в Сочи положена легенда о Прометее », Кавказский узел, 12 janvier 2007 : http://www.kavkaz-uzel.ru/articles/108615/

10Kurt Scharr, Ernst Steinicke et Axel Borsdorf, « Sotchi/Сочи 2014 : des Jeux Olympiques d’hiver entre haute montagne et littoral », Revue de Géographie Alpine, n°100-4, 2012, mis en ligne le 01 décembre 2013 : http://rga.revues.org/1745 ; DOI : 10.4000/rga.1745

11idem

12« На выборах мэра Сочи побеждает Анатолий Пахомов », Кавказский узел, 27 avril 2009 : http://www.kavkaz-uzel.ru/articles/153420/

13« В Сочи на выборах мэра проголосовали более 3% избирателей (Видео) », Кавказский узел, 23 avril 2009 : http://krasnodar.kavkaz-uzel.ru/articles/153283

14« Суд отклонил иск Немцова об отмене итогов выборов мэра Сочи », Кавказский узел, 26 juin 2009, http://www.kavkaz-uzel.ru/articles/155881/

15Ирина Фуфаева, « Олимпстрой : дурной сон древних гор », Берегиня, novembre 2011 : http://www.greensalvation.org/uploads/201111bereginya.pdf

16Nick Holdsworth, « The film Russia tried to block: The ‘threats and corruption’ behind Sochi Olympics », The Telegraph, 24 novembre 2013 : http://www.telegraph.co.uk/news/worldnews/europe/russia/10469999/The-film-Russia-tried-to-block-The-threats-and-corruption-behind-Sochi-Olympics.html

17Boris Nemtsov and Leonid Martynyuk, « Winter Olympics in the Subtropics », mai 2013 : http://www.putin-itogi.ru/winter-olympics-in-the-subtropics/

18The Anti-Corruption Foundation, « Champions of corruption race », janvier 2014 : http://sochi.fbk.info/en/award/

19 Интервью Дмитрия Медведева »Медведев: инвестиции в Олимпиаду в Сочи оправданы », Аргументы и Факты, 6 décembre 2013 : http://www.aif.ru/money/economy/1039069

20Alexei Anishchuk, “Gay people welcome at Sochi Olympics, says Russia’s Putin”, Reuters, 28 octobre 2013 : http://www.reuters.com/article/2013/10/28/us-olympics-ioc-sochiidUSBRE99R0LK20131028

21 « Затраты на подготовку к ОИ в Сочи на 1 января превысили 1,1 трлн руб », РИА Новости, 1er février 2013 : http://ria.ru/sport/20130201/920829446.html#ixzz2pdMTm3kv

22Александр Соколов, « Затраты на Олимпиаду Сочи-2014 рекордные за всю историю Олимпийских игр », За ответственную власть!, 16 août 2012 : http://igpr.ru/articles/zatraty_na_olimpiadu_v_sochi

23Boris Nemtsov et Leonid Martynyuk, op.cit.

24Joshua Yaffa, « The Waste and Corruption of Vladimir Putin’s 2014 Winter Olympics », Bloomberg Business Week, 2 janvier 2014 : http://www.businessweek.com/articles/2014-01-02/the-2014-winter-olympics-in-sochi-cost-51-billion#p1

25idem

26Vidéo « Путин раскритиковал работу Билалова в Сочи », Russia Today, 6 février 2013 : https://www.youtube.com/watch?v=7-A5jWBAN7c

27Vidéo « Дмитрий Козак: Ахмед Билалов покинет посты в ОКР и «Курортах Северного Кавказа» », Russia Today, 7 février 2013 : http://russian.rt.com/article/4003

28Miriam Elder « Axed Russian Winter Olympics official ‘poisoned' », The Guardian, 28 avril 2013 : http://www.theguardian.com/world/2013/apr/28/axed-russian-winter-olympics-official-poisoned

29 Правительство Российской Федерации, « Постановление от 29 декабря 2007 года N 991. О Программе строительства олимпийских объектов и развития города Сочи как горноклиматического курорта (с изменениями на 17 января 2014 года) » : docs.cntd.ru/document/902081258

30Vidéo « В Имеретинской бухте шторм разрушил строящийся порт » : http://www.funsochi.ru/blogs/denis77/2009/v-imeretinskoi-bukhte-shtorm-razrushil-stroyashchiisya-port

31« Пострадавшему от шторма порту в Сочи нанесен ущерб в пределах 500 млн. рублей », Кавказский узел, 22 décembre 2009 : http://www.kavkaz-uzel.ru/articles/163422/

32Алексей Пастушин, « Дерипаска приведет яхты в Сочинский грузовой порт », РосБизнесКонсалтинг daily, 10 juillet 2013 : http://www.rbcdaily.ru/market/562949987784417

33« Предолимпийская тяжба », Эксперт, 23 décembre 2013 : http://expert.ru/south/2014/02/predolimpijskaya-tyazhba/

34Photos de Александр Валов, « Олимпиада через задницу », ФотоТелеграф, 24 janvier 2014 : http://fototelegraf.ru/?p=215487

35Photos de Александр Валов, « Восемь дней до Сочи. Фото », Эхо Москвы, 30 janvier 2014 : http://www.echomsk.spb.ru/blogs/EchoSPB/19385.php?

36Classement du site à l’UNESCO : http://whc.unesco.org/fr/list/900/

37« Заявление экологов против проведения Олимпиады-2014 в Сочи », 29 décembre 2006 : http://www.ikd.ru/node/1876

38Анна Лесневская, «Им самим стыдно», New Times, n°31, 30 septembre 2013 : http://newtimes.ru/articles/detail/72109/

39« Обращение эксперта по геоэкологическим проблемам строительства олимпийских объектов к Президенту РФ Д.А. Медведеву », issu du journal Ведомости, 29 juin 2009 : http://www.biodiversity.ru/programs/law/bulletin/n161.html

40« Счетная палата проверит Павловскую опытную станцию », Департамент информации
Счетной палаты Российской Федерации, 6 septembre 2010 : http://www.ach.gov.ru/ru/news/archive/06092010-1/

41Ирина Фуфаева, op. cit.

42 Светлана Кравченко, « Владимир Остапук: размещение строительных отходов в Ахштырском карьере в Сочи ведется с нарушениями », Кавказский узел, 28 août 2013 : http://www.kavkaz-uzel.ru/articles/229160/

43 « Статистика по изъятию и предоставлению объектов недвижимости », (на 27.01.2014), Департамент Краснодарского края по реализации полномочий при подготовке зимних Олимпийских игр 2014 года : http://www.relocation.olympdep.ru/

44 « Don’t Trample the Olympic Ideals in Russia », Human Rights Watch, 25 mai 2009 : http://www.hrw.org/news/2009/05/25/dont-trample-olympic-ideals-russia, « Russia: Halt House Demolition for Olympic Construction », Human Rights Watch, 6 juin 2012 : http://www.hrw.org/news/2012/06/06/russia-halt-house-demolition-olympic-construction ; « Russia: Forced Eviction Tramples Olympic Ideals », Human Rights Watch, 19 septembre 2012 : http://www.hrw.org/news/2012/09/19/russia-forced-eviction-tramples-olympic-ideals

45« Жители Сочи протестовали в Москве против изъятия земель для Олимпиады », Кавказский узел, 23 novembre 2009 : http://www.kavkaz-uzel.ru/articles/162320/

46Human Rights Watch, « Race to the Bottom : Exploitation of Migrant Workers Ahead of Russia’s 2014 Winter Olympic Games in Sochi », 6 février 2013 : http://www.hrw.org/sites/default/files/reports/russia0213_ForUpload.pdf

47Documentaire de Hervé Ghesquière et de Christophe Kenck, « Sotchi : Les jeux à tout prix », France 2, Envoyé spécial, 23 mai 2013 : https://www.youtube.com/watch?v=rNChN1rZKBk

48Conférence de Bernard Outtier, « Sotchi, un village olympique sur un cimetière », Maison d’Europe et d’Orient, Paris, 31 Janvier 2014

49Erin Miller, « Terrorism and the Olympics: Sochi, Russia 2014, The National Consortium for the Study of Terrorism and Responses to Terrorism » (START), janvier 2014 : https://www.start.umd.edu/pubs/STARTBackgroundReport_TerrorisminOlympicsSochiRussia_Jan2014.pdf

50« De l’Himalaya au Caucase: la montagne, objet de convoitise (4/4) – A Sotchi comme ailleurs, la ruée vers l’or blanc », Emission Culturesmonde invitée : Aude Merlin, France Culture, 19 décembre 2013 : http://www.franceculture.fr/emission-culturesmonde-de-l%E2%80%99himalaya-au-caucase-la-montagne-objet-de-convoitise-44-a-sotchi-comme-ai

51Régis Genté, op.cit.

52Указ Президента Российской Федерации от 19 августа 2013 г. N 686 « Об особенностях применения усиленных мер безопасности в период проведения XXII Олимпийских зимних игр и XI Паралимпийских зимних игр 2014 года в г. Сочи » : http://www.rg.ru/2013/08/23/bezopasnost-dok.html

53Анастасия Корня, « Митинги в Сочи придется согласовывать с ФСБ », Ведомости, 5 décembre 2013 : http://www.vedomosti.ru/politics/news/19704991/fsb-razreshit-mitingi-v-sochi

54« 2012 Olympic Bid – London », GamesBids.com, : http://www.gamesbids.com/eng/bid_archives.html#2012

55 Department for Culture Media & Sport, Government of United Kingdom, « Beyond 2012: The London 2012 Legacy Story », 24 April 2012 : https://www.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/77993/DCMS_Beyond_2012_Legacy_Story.pdf

56Julia Z. « La piscine des Jeux Olympiques de Londres 2012 par Zaha Hadid », architecture-urbanisme.fr, 29 novembre 2011 : http://projets-architecte-urbanisme.fr/piscine-londres-jeux-olympiques-zaha-hadid/

57« State programme: North Caucasus Federal District Development to 2025 », Russian government, 21 décembre 2012 : http://government.ru/en/docs/7303

58 « ВЭБ усомнился в возврате олимпийских кредитов », Lenta.ru, 14 juin 2013 : http://lenta.ru/news/2013/06/14/veb/

59Александра Терентьева, Виталий Петлевой, « Интервью — Владимир Потанин, гендиректор «Норильского никеля» », Vedomosti, 16 septembre 2013 : http://www.vedomosti.ru/library/news/16375021/glavnoe-v-nashih-otnosheniyah-s-deripaskoj-to-chto-my

60Jeanne Cavelier, « Comment la Russie a fabriqué la neige des JO de Sotchi », terraeco.net, 21 janvier 2014, http://www.terraeco.net/La-Russie-fait-des-reserves-de,53407.html

61Site de l’entreprise Snow Secure : http://www.snowsecure.fi/

62Daniel Scott, Robert Steiger, Michelle Rutty, Peter Johnson, « The Future of the Winter Olympics in a Warmer World », Interdisciplinary Centre on Climate Change de l’Université de Waterloo (Canada), Manager Center Innsbruck (Autriche), janvier 2014 : https://uwaterloo.ca/news/sites/ca.news/files/uploads/files/oly_winter_games_warmer_world_2014.pdf

63Boris Nemtsov et Leonid Martynyuk, op. cit.

64« Charte de Tunis », adoptée au Forum social mondial lors du Forum contre les Grands Projets Inutiles et Imposés, 29 mars 2013 : http://www.presidioeuropa.net/blog/la-carta-di-tunisi-la-charte-de-tunis/

65« Too Far, Too Fast : Sochi, Tourism and Conflict in the Caucasus », International Crisis Group, Europe report n°228, 30 janvier 2014 : http://www.crisisgroup.org/~/media/Files/europe/caucasus/228-too-far-too-fast-sochi-tourism-and-conflict-in-the-caucasus.pdf

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Rétrospective et bilan du mouvement contestataire en Russie https://transnationale.eelv.fr/2013/01/25/retrospective-et-bilan-du-mouvement-contestataire-en-russie/ Fri, 25 Jan 2013 12:07:37 +0000 http://transnationale.eelv.fr/?p=3374 Lire la suite]]> Le mouvement de contestation en Russie a fêté son premier anniversaire en décembre 2012.  Les opposants déplorent sans conteste que Poutine occupe toujours le sommet du pouvoir russe. Force est de constater qu’il n’y a pas eu de révolution de couleur en Russie. Pour autant, l’engagement des citoyens et la vie politique ont évolué en l’espace d’un an. Rétrospective sur une année de contestation sans précédent en Russie.

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Mobilisations spontanées contre les fraudes électorales

Le 4 décembre 2011, une manifestation non autorisée rassemblait quelques milliers de personnes le soir même des élections législatives. L’ampleur des fraudes constatées et diffusées sur internet grâce aux photographies et vidéos prises par téléphone portable a poussé des citoyens ordinaires, non-adhérents à un parti dans leur majorité, à manifester leur désaccord. En outre, le roque dans le tandem Medvedev-Poutine avait exaspéré bon nombre de citoyens. En effet, quelques mois plus tôt, le 24 septembre 2011, au cours du XIIe congrès du parti Russie Unie, Vladimir Poutine « accepte la proposition qui lui est faite » d’être le candidat à la présidentielle du 4 mars 2012. Il indique dans la foulée que s’il accède à la fonction suprême, il demandera à Dmitri Medvedev de devenir son Premier ministre.

Dans le mois précédant les élections, des citoyens, membres d’associations ou simples civils, se sont constitués observateurs. Parmi les associations organisatrices, Golos[1] s’est fait une spécialité de traquer ces manquements aux règles du jeu démocratique depuis le début de l’ère Poutine tandis que la plateforme collaborative « Carte des infractions »[2] a répertorié tous les cas de fraudes. Des partis d’opposition, quelque peu marginalisés, dont Solidarnost et le Front de gauche avaient déposé une demande préalable pour une manifestation de 300 personnes. L’afflux des électeurs indignés a dépassé toutes leurs attentes. Parmi les participants les plus actifs, on retrouve les représentants de la classe créative : les internautes politisés des forums, les fans des chanteurs de rock importants , des jeunes free-lancers, journalistes, artistes, designers, juristes, rédacteurs, spécialistes en technologies informatiques et en relations publiques… mais pas seulement.

De larges segments de la population ne se reconnaissent pas dans l’offre politique officielle, plus ou moins contrôlée par le pouvoir. Dans la décennie 2000, Vladimir Poutine contrôle une opposition, qu’il a parfois contribué à créer de toutes pièces. A côté du parti présidentiel Russie Unie, subsistent deux partis issus des années 1990 : le Parti communiste de la Fédération de Russie (KPRF), dirigé par Guennadi Ziouganov, et dont les scores ont été divisés par deux depuis l’ère Elstine, et le Parti Libéral-Démocrate de Russie (LDPR), mené par Vladimir Jirinovski, qui obtient environ 10 % des votes. Le parti LDPR reste sous contrôle du Kremlin, tandis que le parti KPRF balance entre l’opposition modérée et le soutien du régime. Le parti Russie Juste, dirigé par Sergueï Mironov, s’inscrit dans la lignée de la social-démocratie. Il est réputé contrôlé par le Kremlin, et sert à donner l’illusion d’un multipartisme à la Douma. Ces trois formations représentent l’opposition dans le système.

Entre les élections législatives et les élections présidentielles, des manifestations de masse ont occupé les rues de Moscou et des villes millionnaires de Russie. Le 10 décembre, malgré une intimidation importante, la menace de licenciements et l’appel de célébrités à ne pas sortir dans la rue, une autre manifestation d’envergure[3] a rassemblé plusieurs dizaines de milliers de personnes, initialement prévue Place de la Révolution, et finalement déroutée Place du Marais (Bolotnaya)[4]. Il s’agit de mobilisation avant tout spontanée. Certains manifestants se sont mobilisés via les réseaux sociaux et les plateformes de blog, mais ils sont loin de constituer la majorité des personnes qui se sont déplacées lors des manifestations. Même si Internet constitue un outil important de mise en relations d’individus politisés, une partie non négligeable des individus sont venus sans la médiation d’internet. Parmi les revendications, tous réclament la tenue de nouvelles élections, non entachées de falsifications.

Le 24 décembre, le rassemblement, certainement le plus important, se déroule place Sakharov tandis que le 4 février, il est tenu de nouveau à la place du Marais. Le 27 février, les opposants organisent un « Cercle blanc », c’est-à-dire une longue chaîne humaine entourant le Cercle des jardins, un boulevard circulaire du centre-ville de Moscou[5]. Les activistes pro-Poutine réagissent à cette manifestation en venant avec des pancartes en forme de cœur où est inscrit « Poutine on t’aime tous ! ». Dans les grandes villes, des manifestations se tiennent également, même si les autorités régionales se montrent souvent plus sévères, comme à Nijniy Novgorod.

Une opposition extraparlementaire sur le devant de la scène

Des figures nouvelles ou anciennes de l’opposition dans le système ou hors système, se sont attachées au mouvement spontané et ont cherché à en prendre la direction. Ainsi, des tours de parole ont été organisés sur une scène. Toutefois, les participants à ces mobilisations ont manifesté avant tout leur opposition au Kremlin, plus que leur adhésion à l’opposition[6]. A partir du 24 décembre, la prise de parole des orateurs faisait l’objet d’un vote sur Facebook au préalable. A la surprise des politiciens, le choix des orateurs se portait souvent sur les intellectuels et les gens de culture comme le poète Dmitri Bykov, le journaliste Leonid Parfionov ou l’écrivain Boris Akounine. De nouvelles figures comme Alexei Navalny étaient aussi plébiscitées.

Trois grandes composantes, presque antagonistes, s’unissent dans ces manifestations anti-Kremlin : les libéraux, la mouvance nationaliste et les forces de gauche. Les libéraux rassemblés dans les formations telles que Solidarnost, mené par Boris Nemtsov et PARNAS mené par des leaders comme Vladimir Ryjkov, Mikhaïl Kassianov. Dans le spectre politique russe, les libéraux défendent l’Etat de droit, le pluralisme politique, la démocratie parlementaire, le règne de la loi, l’économie de marché et la tolérance sociale et vis-à-vis des immigrés.

Boris Nemtsov compte dans ses expériences le poste d’ancien vice-premier ministre de Boris Elstine, et d’ancien conseiller du président ukrainien issu de la révolution orange, Viktor Iouchtchenko. En 2008, il fonde le mouvement démocratique Solidarnost, coalition de partis et d’associations de défense des droits de l’homme, avec l’ancien dissident Vladimir Boukovski, l’opposant et ancien joueur d’échec Garry Kasparov et Ilya Iachine.

Evguenia Tchirikova (photo) pour sa part, est une nouvelle venue sur la scène de l’opposition. Elle se présente comme une simple mère de famille, venue s’installer dans la banlieue de Moscou, près de la forêt de Khimki, et qui a été scandalisée par le projet autoroutier de Vinci et s’est donc lancée dans une bataille contre la multinationale française et la mairie de Khimki. Elle porte ce combat écologiste jusqu’aux instances européennes. Elle a été plébiscitée par les internautes pour participer au Comité d’organisation du mouvement « Pour des élections honnêtes », composé majoritairement de représentants de la société civile.

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Cette frange de l’opposition peut s’appuyer sur les médias libéraux, presse, radio, télévision, qui bénéficient d’une audience certaine et constitue un véritable marché.

Une myriade de groupuscules nationalistes, aux noms très évocateurs tels que le Mouvement civique russe « La Renaissance, le Siècle d’or », le Mouvement contre l’immigration illégale, la Force slave, les Loups blancs… s’opposent également au pouvoir pour des motifs différents. Ils s’attaquent aux migrants issus du Nord Caucase et d’Asie centrale, qui occupent des emplois non qualifiés dans les grands centres urbains.

Enfin, une composante de gauche représentée, entre autres, par le Front de gauche. Le Front de gauche défend un Etat fort, le développement de l’industrie nationale, la nationalisation des ressources naturelles, l’interdiction de la propriété privée sur le foncier, la nationalisation du système financier, l’introduction du contrôle sur le commerce extérieur, la nationalisation des principaux moyens de production et a parfois des accents anti-occidentaux[7]. Pour la présidentielle russe, le parti soutient la candidature du communiste Guennadi Ziouganov. Son leader, le trentenaire Sergueï Oudalstov, bat les records d’arrestation et d’emprisonnement depuis le début des manifestations. Fils d’un diplomate et directeur d’université, Sergueï Oudaltsov entre en politique, dès la fin de ses études, dans des formations de gauche et est à l’origine de la création du Front de gauche en 2008.

La plateforme commune de ces trois mouvances consiste à revendiquer la dissolution de la Douma et après le 6 mai, la libération des prisonniers politiques.

Certains intellectuels et gens de culture, quant à eux, se sont constitués en une Ligue des électeurs dès décembre 2011. Elle compte Boris Akounine, écrivain et traducteur du japonais, Leonid Parfionov, journaliste et présentateur télé, Sergueï Parkhomenko, journaliste de la presse libérale qui a travaillé un temps à la radio « Echo de Moscou », puis est passé journaliste à la revue « Autour du monde ». Parmi ses rangs, se trouve aussi Olga Romanova, journaliste et responsable de l’ONG « Rous’ Sidyachaya »[8], constituée en février 2012 et qui s’est fixé comme objectif d’aider et d’apporter des financements pour affronter le système judiciaire aux personnes inculpées à tort. La ligue des électeurs déclare s’opposer aux falsifications des élections et soutenir un travail honnête des médias et des organes d’Etat. D’autres organismes de la société civile se sont constitués à cette occasion.

Réaction ambivalente de Medvedev

Face à ces mobilisations de masse, la réaction du pouvoir s’est montrée ambivalente. Tout en niant la réalité de ces fraudes, Dmitri Medvedev a promu deux réformes de libéralisation politique.

D’une part, l’enregistrement des partis en vue des élections a été assoupli. Quand, auparavant, un parti était autorisé à concourir s’ils réunissaient 40 000 militants, et des antennes régionales comptant au moins 400 membres chacune dans au moins 83 régions de la Russie, la nouvelle loi abaisse à 500 le nombre de militants minimum pour l’enregistrement. Aux 7 partis enregistrés officiellement, se sont ajoutés 47 nouveaux partis enregistrés jusqu’en janvier 2013[9]. Bien évidemment, la profusion des partis peut constituer un obstacle à l’émergence d’une opposition forte, capable de concurrencer Russie Unie. De plus, la nouvelle loi n’autorise pas la constitution de blocs réunissant plusieurs partis pour se présenter à une élection. Dans une telle situation, quatre partis communistes risquent de se présenter à la même élection. Grâce à cette loi, le parti RPR-PARNAS (Parti républicain de Russie – Parti de la liberté populaire), parti assez conséquent parmi l’opposition libérale, a pu s’enregistrer auprès du Ministère de la Justice dès le 5 mars 2012.

D’autre part, l’élection des gouverneurs de région est rétablie. Toutefois, un « filtre municipal » est instauré, c’est-à-dire que les candidats doivent réunir les signatures de 5 à 10 % des conseillers municipaux en vue de l’élection. En pratique, Russie Unie est largement majoritaire dans les conseils municipaux, ce qui constituera un frein évident à la candidature de gouverneurs en dehors de ce parti.

Dans le même temps, le pouvoir dénie toute légitimité du mouvement à représenter la population russe et y voit l’action de l’étranger, notamment de l’Occident. A titre d’exemple, le documentaire « Anatomie de la contestation »[10] diffusé le 15 mars sur la chaîne NTV explique que les opposants au régime de Vladimir Poutine agissent pour le compte des Etats-Unis et sont payés pour déstabiliser le pays. Les opposants sont accusés d’avoir organisé les fraudes aux élections et les manifestants d’être payés pour se rendre aux meetings. Ce documentaire a provoqué la colère des opposants, qui, dès le 18 mars, près du Centre de télévision Ostankino, organisent les funérailles symboliques d’une « télévision qui dit la vérité ».

Pour démontrer le soutien populaire du régime, le Kremlin organise des meetings de soutien en faveur du candidat Poutine, très vite dénommés « poutings ». Ces rassemblements de sympathie sont montés de toutes pièces : les fonctionnaires, les ouvriers, les employés des entreprises publiques reçoivent des pressions plus ou moins explicites de leur administration ou de leur employeur. Certaines personnes sont payées. Des autocars viennent récupérer les employés à la sortie d’une entreprise. Certains opposants se sont rendus à ces « poutings » et ont questionné les manifestants sur leurs motivations. Ces derniers se sont montrés incapables de dire pourquoi ils sont venus, pourquoi ils soutiennent Poutine et ce que signifient les slogans sur leurs pancartes[11].

Les présidentielles confirment Poutine, l’opposition ne désarme pas

Les citoyens se mobilisent encore davantage pour l’observation des élections présidentielles du 4 mars. En définitive, les fraudes se sont avérées moins massives que lors des élections législatives trois mois plus tôt. Vladimir Poutine ressort encore une fois grand vainqueur de ces élections. Il remporte l’élection au premier tour avec 63,9 % des voix devant le communiste Guennadi Ziouganov (17,18 %), le libéral Mikhaïl Prokhorov (7,7 %), le nationaliste Vladimir Jirinovski (6,24 %) et le social-démocrate Sergueï Mironov (3,84 %). Même s’il faut compter avec les fraudes, force est de constater qu’une large part de la population ne souhaite pas le changement. De plus, les lois électorales mises en place depuis 2000 et l’ensemble de la politique du Kremlin ont entravé l’émergence de leaders politiques crédibles.

Aux lendemains des élections, même si la fréquentation est en baisse, les manifestations ne cessent pas. Et le pouvoir réagit désormais de manière plus autoritaire. Le 5 et le 10 mars, se déroulent deux larges meetings. La veille de l’investiture de Vladimir Poutine, le 6 mai, est organisée la « Marche des millions », selon le terme popularisé par Sergueï Oudalstov. Dans une dynamique plus radicale, ils réclament une « Russie sans Poutine » et « un pouvoir honnête ». La manifestation s’est caractérisée par des heurts entre la police et les manifestants. Douze personnes sont arrêtées.

A la suite de ces heurts et de la fermeté des policiers au cours de la manifestation du 6 mai, les opposants russes ont manifesté une semaine entière, se déplaçant par groupe de 200 personnes d’un lieu à l’autre. Ils ont réussi à s’installer sur quelques boulevards. Prenant l’exemple américain d' »Occupy Wall Street », les activistes russes adoptent la formule « Occupy Abaï », en référence à la statue du kazakh Abaï Kounanbaev, dressée sur le boulevard Tchistie prudi. Le 11 mai, plusieurs personnalités de la culture organisent en signe de protestation contre les répressions une « Promenade des Hommes de lettres », le long des boulevards de la capitale. La douzaine d’écrivains, journalistes et musiciens, dont l’écrivain Boris Akounine et le journaliste Dmitri Bykov, ont été rejoints par plusieurs milliers de personnes le long de leur parcours. Le 26 juillet puis le 15 septembre, les manifestants se rassemblent de nouveau pour exiger en plus des exigences précédentes, la libération des prisonniers politiques.

Un problème de leadership dans l’opposition

Le mouvement s’essouffle, les manifestations rassemblent de moins en moins de monde. Les citoyens retournent à leurs occupations quotidiennes, tandis que l’opposition se trouve confrontée aux dissensions entre libéraux et nationalistes et à un problème de leadership.

Ces éléments n’échappent pas au pouvoir, qui accuse l’opposition de ne pas être suffisamment représentative de la population, et de ne faire émerger aucun leader solide, capable de challenger Vladimir Poutine. Face à ces critiques, les opposants entreprennent d’organiser des élections par internet au sein de l’ensemble du mouvement pour former le Conseil de coordination de l’opposition. Ce conseil doit comporter 45 députés, dont 30 seront issus d’une liste générale et 15 choisis selon des quotas idéologiques parmi les listes des libéraux, des forces de gauche et des nationalistes. Le scrutin prévu les 20 et 21 octobre 2012, est prolongé de 24 heures en raison d’une attaque informatique. 209 candidats sont en lice, dont les stars de l’opposition, mais aussi des étudiants, des blogueurs, des entrepreneurs, des écrivains… Néanmoins, plusieurs leaders de l’opposition se refusent à participer. Ilya Ponomariov, jeune garde du parti social-démocrate, présent à la Douma, Russie Juste, a retiré sa candidature, justifiant sa décision par des critiques portant sur l’organisation du vote. Plusieurs militants sont également dissuadés de se porter candidats en raison de changements fréquents dans les règles de l’élection. Au final, plus de 81 000 personnes participent au vote. Alexei Navalny et Dmitri Bykov, deux figures indépendantes des partis, arrivent en tête[12].

L’avocat et blogueur Alexei Navalny[13] a d’abord rejoint le parti d’orientation libérale Iabloko en 2000, et adhère ensuite au parti nationaliste Narod. Proche de certaines factions nationalistes, il combine ce choix avec une orientation libérale modérée. Il a notamment participé depuis plusieurs années aux « Marches russes », grand défilé, rassemblant les nationalistes modérés autant que des néo-nazis. A partir de 2007, il s’attaque à la corruption des grandes compagnies d’Etat. Sur son blog, il dévoile des affaires de corruption, comme au sein de la banque d’Etat VTB ou celle de la compagnie gérant les oléoducs Transneft. Il devient actionnaire minoritaire de ces sociétés pour agir de l’intérieur, dénoncer certaines malversations et réclamer plus de transparence. Il s’est fait largement connaître en Russie à travers plusieurs plateformes collaboratives qu’il animait autour de la corruption des autorités publiques. Lancé en décembre 2010, RosPil[14] consiste en une plateforme collaborative où les internautes font état des malversations dans l’octroi des marchés publics, tandis que le site RosYama[15], lancé en mars 2011, propose de poster des photographies des routes endommagées pour contraindre les autorités publiques à la réparation des nids de poule. Au moment des élections, il lance la plateforme RosVybory qui pousse les internautes à se faire observateurs pendant les élections, tout en fournissant les documents nécessaires. Pour l’élection présidentielle du 4 mars, il a été un moment pressenti comme candidat pour affronter Vladimir Poutine. Il est à l’origine de l’expression « Le parti des escrocs et des voleurs » pour qualifier Russie Unie, laquelle a fait florès parmi les opposants. Accusé par le pouvoir d’être à la solde du Département d’Etat, il flirte souvent avec des positions nationalistes.

Dmitri Bykov (photo), pour sa part, se définit comme un poète professionnel. Il a œuvré comme éditorialiste et journaliste dans de nombreux journaux, dans la presse libérale et satirique. Il est connu pour l’écriture des sketchs de l’émission  » le poète citoyen » sur le portail F5. L’émission satirique diffusée régulièrement mettait en scène le comédien Mikhaïl Efremov interprétant les vers de Bykov. Un sujet d’actualité brûlante tel que « Medvedev propose la candidature de Poutine à la présidentielle », ou « Le procès de Ioulia Timochenko », à la manière des grands auteurs comme Schakespeare, Gogol ou Gorki. Le feuilleton rencontre un large succès et le poète un accueil enthousiaste du public. Par le choix de ces deux figures aux premiers rangs, les votants n’ont pas tranché la question du leadership du mouvement de l’opposition.

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Répressions législatives et judiciaires, remise au pas par le Kremlin.

Face à ce mouvement, le Kremlin cherche à calmer la rue, en effrayant plus qu’en réprimant massivement. Il durcit certaines législations et opère des répressions ciblées contre certaines personnes, des leaders en vue ou des membres des organisations de défense des droits de l’homme. La remise au pas s’avère plus insidieuse que massive.

D’un point de vue juridique, la législation sur les meetings a été durcie au printemps-été 2012. A partir du 7 janvier 2013, la loi sur « Hyde park » entre en vigueur. Elle définit les emplacements où les activistes peuvent tenir des meetings sans déclaration préalable auprès des autorités. A Moscou, les lieux comme le parc Gorki ou le parc Sokolniki sont désignés.

La législation touche aussi les ONGs, principalement œuvrant dans la défense des droits de l’homme. Un texte de loi, adopté le 13 juillet, qualifie d' »agents de l’étranger » les associations bénéficiant d’un financement étranger et ayant une activité politique. Ces ONGs doivent désormais s’enregistrer au Ministère de la Justice dans la liste des « agents étrangers » et déclarer l’obtention de leurs financements. La sanction suprême pour le non-respect de cette loi consiste en deux ans d’emprisonnement. Toutefois, malgré l’évidence du financement étranger de certaines ONGs, aucune d’entre elles ne s’est encore enregistrée[16]. La loi n’est pas encore appliquée, et les associations ne sont pas encore inquiétées. Tout laisse à penser qu’il s’agit plus d’intimidation que de répression effective.

Dans la lignée du durcissement de la législation, fin octobre, la chambre basse du Parlement vote une loi qui élargit les notions d’espionnage, de trahison et de secret d’Etat. Une personne peut être accusée de haute trahison, si elle transmet des informations secrètes aux gouvernements étrangers, comme tel est le cas auparavant, mais aussi si elle fournit des consultations ou des aides matérielles ou financières à des organisations internationales, qui cherchent à nuire à la sécurité, au système constitutionnel, à l’intégrité territoriale de la Russie. La peine peut aller jusqu’à 8 ans de prison.

Fin juillet, une nouvelle loi sur la diffamation est promulguée. Elle implique une responsabilité non plus civile, mais pénale, et fait peser un risque sur la liberté d’expression. De plus, depuis l’automne, les députés préparent une loi sur « la régulation d’internet ».

Outre la remise au pas législatif, plusieurs leaders en vue ou certains manifestants pris au hasard subissent des répressions ponctuelles. Une vingtaine d’activistes, dont les personnes arrêtées le 6 mai sont à l’heure actuelle aux arrêts. Le pouvoir n’organise pas un procès collectif mais des jugements au cas par cas[17]. D’autres leaders de l’opposition, dont Sergueï Oudalstov et Leonid Razvozjaev, du Front de gauche, ou encore Alexei Navalny, sont inquiétés par la justice.

Leonid Razvozjaev, l’assistant parlementaire d’Ilya Ponomariov, est accusé d’avoir voulu organiser des troubles de masse, en collaboration avec le gouvernement géorgien. L’enquête a été ouverte suite à la diffusion d’un documentaire de la chaîne NTV « Anatomie de la contestation-2[18]« . Il a été arrêté en Ukraine, où il cherchait à fuir pour obtenir l’asile politique et les policiers lui ont arraché des confessions. Enfermé en détention provisoire, il risque 10 ans de prison.

Les répressions peuvent être parfois moins dramatiques : Ksenia Sobtchak, la journaliste et présentatrice de télé a perdu tous ses contrats avec les grandes chaînes de télévision fédérales, après sa participation active au mouvement d’opposition et dans le conseil de coordination de l’opposition. Sa sincérité a été initialement mise en doute, en raison de son lien avec Vladimir Poutine. Son père, Anatoly Sobtchak, ancien maire de Saint-Pétersbourg, était aussi le parrain politique de l’actuel locataire du Kremlin.

Le discours du Kremlin convainc-t-il encore ?

Pour soutenir le pouvoir en place et sa légitimité, le Kremlin développe une ligne idéologique qui pourrait se résumer dans la formule « tous ensemble pour la Russie prospère ». En effet, l’unité du pays et des citoyens est mise en avant. Les opposants menacent cette union et font peser le risque de l’éclatement du pays. Il semblerait que le pluralisme politique constitue encore une étrangeté et soit perçu négativement, comme porteur de risques.

Par ailleurs, Poutine agite le spectre de la « révolution de couleur » devant la population russe. Dans l’ancien espace soviétique, la « révolution des roses » en Géorgie en 2003, la « révolution orange » en Ukraine en novembre 2004 ou encore la « révolution des tulipes » au Kirghizstan en mars 2005 sont réputées être téléguidées et financées par l’Occident. Ainsi, la peur de l’immixtion des puissances étrangères, et au premier rang desquelles les Etats-Unis, inquiète la population autant que le pouvoir. Le Kremlin frappe souvent ses adversaires de l’anathème selon lequel ils seraient financés par le Département d’Etat.

De plus, le Kremlin s’appuie sur le désir de stabilité de la population. Cette notion reste encore plébiscitée. Les années 1990, avec la succession de crises politiques et économiques, représentent un repoussoir pour la population, dont se sert aussi le pouvoir, pour justifier sa longévité aux affaires. Enfin, le pouvoir en place souligne l’absence de leader assez solide pour prendre la place de Poutine. Les formules : « Si ce n’est Poutine, qui d’autre ? » et « Poutine ou le chaos » sont exploitées dans les meetings et dans la presse.

Le Kremlin peut encore s’appuyer sur une large portion de la population. Même si elle s’avère désenchantée par le locataire du Kremlin, elle ne considère pas l’opposition comme une solution. Entre les deux maux, certaines franges de la population optent pour la stabilité plutôt que pour des choix trop aventureux. Ainsi, en août 2012, l’institut de sondages, le Centre Levada, montre que les Russes soutiennent la censure d’internet à 62 %, la loi sur la diffamation à 58 % et le contrôle plus strict des ONG à 45 %[19].

De la même manière, en octobre 2012, les sociologues du Centre Levada montrent que les Russes considèrent que l’action de Pussy Riot dans la cathédrale relève de l’hooliganisme à 41 % et que les trois jeunes femmes ont reçu une peine trop clémente à 43 %[20]. Pour mémoire, Pussy Riot est un groupe punk féministe, dont trois membres, Ekaterina Samoutsevitch, Nadejda Tolokonnikova et Maria Alekhina, ont été placées en détention provisoire en mars 2012 pour avoir, selon la justice russe, profané l’autel de la Cathédrale du Christ-Sauveur à Moscou, en chantant une prière punk contre Vladimir Poutine. Elles protestaient contre l’instrumentalisation par le Kremlin de l’Eglise orthodoxe, qui conserve la sympathie d’une large frange de la population russe. Après un premier jugement en août 2012 et un appel en octobre suivant, deux des jeunes femmes sont condamnées fermement à 2 ans de détention en camp, quand la troisième voit sa peine muer en condamnation avec sursis. Au vu de la peine sévère, l’opinion publique internationale s’est émue et mobilisée en leur faveur.

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Dans son entreprise de conquête de l’opinion publique, Vladimir Poutine est aidé par les bonnes performances économiques du pays. Dans la décennie 2000, la croissance s’établit aux alentours de 6-7 % par an. Après la crise de 2008, elle s’est néanmoins vue réduite de moitié[21]. La Russie bénéficie évidemment de la rente pétrolière dans une décennie où les prix du pétrole ont été multipliés par 4[22]. Les responsables politiques ont diffusé cette manne financière à la population à travers différents subsides. Les pensions de retraite ont été relevées, tandis que les salaires de certaines catégories comme les enseignants et les personnels de santé ont connu également des hausses. La politique sociale active renforce les bases de l’électorat de Russie Unie, constitué par les retraités, les fonctionnaires, les employés des entreprises publiques.

Emergence d’une société civile

Ainsi, la « révolution de couleur » ne s’est pas produite et l’équipe au pouvoir est restée en place. Echaudée par l’expérience des années 1990, la majorité de la population ne souhaite pas de révolution, qui risquerait de placer au pouvoir non pas les personnes les plus compétentes, mais les plus aventureuses et les plus ambitieuses. Il s’agit avant tout de consolider l’Etat de droit dans un pays qui a commencé à s’ouvrir aux règles de la démocratie et du marché il y a une vingtaine d’années seulement.

Une partie de l’opposition réclame également une évolution, et non une révolution. Toutefois, le pouvoir ne s’y résout pas de lui-même et l’opposition libérale poursuit ses pressions à travers des mobilisations de rue. Le 13 janvier 2013, la « marche contre les canailles » a réuni 50 000 manifestants selon les organisateurs et 7 000 personnes selon la police. En plus des slogans habituels, ils entendaient protester contre la loi interdisant l’adoption d’enfants russes par les ressortissants américains, loi adoptée en réponse à la loi Magnistki promulguée par Barack Obama en décembre 2012. Pour mémoire, d’après cette loi, les fonctionnaires de police, de justice et du service des impôts russes, impliqués dans l’affaire suivi par l’avocat Sergueï Magnistki, mort en prison, verront leur demande de visa pour les Etats-Unis refusée et leurs avoirs immobiliers et leurs comptes bancaires gelés.

Il semble que les bases du mécontentement se soient élargies après cette année marquée par une vague de protestation, inconnue depuis l’avènement de Poutine au pouvoir, et une remise au pas ciblée mais ferme. L’intérêt pour le débat politique s’est renforcé. Le lien entre la vie quotidienne et les décisions gouvernementales est plus fréquemment établi. La rhétorique du Kremlin a moins de prise sur la population russe. Même si des contestations préexistaient et des associations défendaient certains droits outragés, le mouvement de contestation peut être considéré comme l’émergence de la société civile russe. Toutefois, de cette année de protestations, il ne s’est pas dégagé de leaders incontestés, capables de challenger Vladimir Poutine, ni de parti suffisamment fort pour s’opposer à Russie Unie. Une profusion de partis a vu le jour, suite à la réforme promulguée sous Medvedev, grâce aux mobilisations de l’hiver 2011-2012. Comme souvent après une période d’autoritarisme, l’offre politique se montre pléthorique. En l’absence de réformes politiques et socio-économiques d’envergure, le désenchantement de la population ne pourra être que croissant.

Anne


[1] ONG Golos, dirigée par Karine Clément : http://www.golos.org/news/4567

[2] plateforme collaborative Carte des infractions : http://www.kartanarusheniy.org/

[3] Manifestation du 10 décembre 2011 sur le site ria.ru : http://ria.ru/trend/mass_street_protest_Moscow_10122011/

[4] Photos des rassemblements sur la Place Bolotnaya : http://www.ridus.ru/news/14365/

[5] Sur la manifestation du « Cercle blanc » :http://www.ng.ru/regions/2012-02-27/2_ring.html

[6] Alexandre Bykbov, « Mobilisation à Moscou : ni « manifestation de l’opposition », ni « révolution arabe », revue Mouvements, 12 janvier 2012 : http://www.mouvements.info/Mobilisation-a-Moscou-ni.html

[7] Programme minimum du Front de gauche : http://www.leftfront.ru/48F784C4B937D/4F17DEC000CC2.html

[8] Site de l’ONG Rous’ sidyachaya : http://rus-sidyashaya.org/?page_id=100

[9] Liste officielle des partis enregistrés par le ministère de la Justice : http://www.minjust.ru/nko/gosreg/partii/spisok?theme=minjust

[10] Documentaire « Anatomie de la contestation » sur la chaîne NTV : http://www.ntv.ru/video/peredacha/296996/

[11] Vidéos de poutings : https://www.youtube.com/watch?v=NoIxj_OxR-0, https://www.youtube.com/watch?v=437hhWWI03g

[12] Résultats du scrutin sur le site du Conseil de coordination de l’opposition : http://www.cvk2012.org/news/rezultaty_golosovaniya/

[13] Bio Navalnyi sur son site : http://www.navalny.ru/about/

[14] Plateforme collaborative RosPil : http://rospil.info/

[15] Plateforme collaborative RosYama : http://rosyama.ru/

[16] Liste vide des agents étrangers sur le site du Ministère de la Justice : http://unro.minjust.ru/NKOForeignAgent.aspx

[17] Le comité du 6 mai, constitué en soutien à ces manifestants arrêtés organise des actions et informe sur leur situation : http://6may.org/

[18] Documentaire « Anatomie de la contestation-2 » : http://video.yandex.ru/users/vikinformburo/view/5/#

[19] Résultats d’enquête du Centre Levada : http://www.levada.ru/01-08-2012/otnoshenie-k-zakonodatelnym-initsiativam-poslednego-vremeni

[20] Résultats d’enquête du Centre Levada : http://www.levada.ru/02-10-2012/nakazanie-uchastnitsam-gruppy-pussy-riot-tret-rossiyan-sochla-adekvatnym

[21] Données sur la croissance du PIB de la Fédération de Russie sur le site de la Banque mondiale : http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/NY.GDP.MKTP.KD.ZG

[22] Données sur la croissance du prix du pétrole sur le site de l’OPEP : http://www.opec.org/opec_web/en/data_graphs/40.htm

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