Ukraine – Commission Transnationale https://transnationale.eelv.fr Un site utilisant Réseau Europe Ecologie Les Verts Wed, 04 Apr 2018 15:09:09 +0000 fr-FR hourly 1 Ukraine : nous étions observateurs électoraux au cœur d’une commission corrompue https://transnationale.eelv.fr/2014/11/05/ukraine-nous-etions-observateurs-electoraux-au-coeur-dune-commission-corrompue/ Wed, 05 Nov 2014 08:27:59 +0000 http://transnationale.eelv.fr/?p=4151 Lire la suite]]> Par Anne R. disponible sur le site Médiapart

Les résultats définitifs du vote aux élections parlementaires en Ukraine ne sont pas encore tombés. D’après les sondages de sortie d’urnes, les partis pro-européens ont largement remporté le scrutin. Habituellement le processus électoral remplit dix bonnes journées week-end compris. En raison de la pression des élections dans la LNR et la DNR1, et malgré le faible taux de participation, les élections législatives en Ukraine  revêtent cette année une importance capitale. J’ai pris ma modeste part dans cette grande histoire, en remplissant le rôle d’observateur électoral international, envoyé par le Congrès mondial des Ukrainiens (CKU). Premier voyage en Ukraine, première expérience d’observatrice électorale internationale, premier séjour dans un pays en guerre.

Statue de la mère patrie à Kiev. Crédits : Anne Rio
Statue de la mère patrie à Kiev. Crédits : Anne

Âme slave

C’est ma première visite à Kiev, mais connaissant un peu la Russie, je ne suis pas dépaysée. Au contraire, et au risque de fâcher des Ukrainiens patriotes, je suis frappée par la ressemblance. Le même métro plongeant jusqu’à 100 mètres de profondeur. Les mêmes banlieues peuplées d’immeubles hauts et larges, austères et minéraux, traversées de boulevards aussi larges que huit voies. La même féminité jusqu’au bout des ongles des Kiéviennes que leurs consoeurs de Moscou, que Madeleine Leroyer a si bien décrite2. La même cuisine : borchtch – qui est ukrainien- , kotlets, boeuf stroganov, cornichons et tomates molossol, pain noir, champignons et baies en tout genre… Un passé partagé : Kiev ville héros de la grande guerre patriotique aux côtés de ses douze consoeurs de l’ancienne URSS. Le musée de la guerre d’Afghanistan rappelle lui aussi le passé commun. Même la manie de multiplier les cartes de réduction pour tout commerce ou restaurant qui garnissent les porte-feuilles ukrainiens est semblable à Moscou.

Elena, à qui je fais cette remarque, acquiesce : « Oui, c’est pour cela que nous avons été très surpris par ce conflit. C’était inattendu. Nous n’aurions jamais imaginé. C’est vrai qu’en 2008, nous avons vu comment la Russie s’est comportée avec la Géorgie. Mais nous ne pensions pas que cela pourrait arriver en Ukraine ». Elena, la quarantaine, parlant russe avec sa fille, vivant dans une khrouchovka3 en briques dans la proche banlieue de Kiev ne s’attendait pas à l’agressivité de la Russie en dépit de ces liens entre les deux peuples.

Alexis, un français habitué de la Russie, m’explique au contraire avoir ressenti un « choc culturel » entre Moscou et Kiev. Le choc culturel concerne l’attitude des Ukrainiens. Ils sont souriants, accueillants, serviables. Le sourire, pour les Russes, est quelque chose de trop sérieux et intime pour l’offrir au premier venu4. « A Moscou, rendre la monnaie à une caisse de supermarché peut engendrer une querelle et voir donner des noms d’oiseaux ». Ici non. « Les Russes ont la haine d’eux-même et des autres. En tant qu’étranger, quand je me balade à Moscou, c’est comme si j’étais transparent ».

Pour les Russes, avant le conflit, les Ukrainiens véhiculaient l’image de ploucs ou de personnes rusées et malignes, essayant d’obtenir toujours plus et d’outrepasser leurs prérogatives alors que les Russes conservent leur fierté.

Embedded

48 heures avant la mission, je suis propulsée chef d’équipe d’une dizaine d’observateurs électoraux, envoyés observer le bon déroulement des élections dans l’okroug n°140, circonscription électorale des villes d’Illichivsk, de Beliaevka et de Teplodar dans la campagne environnante d’Odessa. L’équipe de dix observateurs comprend une moitié de russophones ou ukrainophones et une moitié de francophones, l’anglais ne servant à rien dans le contexte, elle répond à une parité stricte et inclut des représentants de toutes les décennies entre 20 et 60 ans. Annick, Maxime, Mélodie, Arnaud, Maroussia, Eric, Tatiana, Bernard, Alain et moi sommes du voyage, motivés pour aider les Ukrainiens dans ce moment délicat, et enthousiastes pour cette aventure humaine.

Nous sommes envoyés par le Comité représentatif de la Communauté Ukrainienne de France5 (CRCUF), présidée par l’infatigable Nathalie Pasternak, et l’ensemble de la mission est chapeautée par le Congrès mondial des Ukrainiens (CKU)6 . Le CKU envoie plus de 200 observateurs sur le terrain. Des équipes sont envoyées à Cherkassy, Chernivtsi, Sumy, Kharkiv, Lviv, Kherson, Kiev, Dnipropetrovk, Odessa et même Sloviansk et Kramatorsk dans le Donbass, qui viennent juste d’être libérées par l’armée ukrainienne. Julien Bayou racontera son expérience d’observateur à Cherkassi7, ainsi que d’autres membres de la délégation française8.

Dans les bureaux du CKU à Kiev. Crédits : Anne Rio
Dans les bureaux du CKU à Kiev. Crédits : Anne

Forte d’une diaspora de 1,2 à 1,4 million de membres au Canada, les Ukrainiens du Canada sont les plus nombreux dans le CKU. Ceux qui dirigent la mission et qui sont venus à Kiev ont tout du style nord américain : la manie de donner des tips et de faire des toasts, la formation avant la mission à l’université Shevchenko comprend un briefing sur la sécurité par un militaire qui a fait la guerre d’Irak ! Mais les Ukrainiens du Canada paraissent plus ukrainiens que les Ukrainiens, plus patriotes aussi s’agissant du sort de l’Ukraine. Selon Michael, lui-même descendant d’Ukrainiens du Canada, mais qui se définit comme européen étant donné les longues années passées en Suède, en Allemagne, en France…, « ils doivent en faire plus que leurs compatriotes d’Ukraine pour être légitimes ».

Kit de premiers secours de l'ONG Patriot Defence. Crédits : Anne Rio
Kit de premiers secours de l’ONG Patriot Defence. Crédits : Anne

Le bureau voisin de celui du CKU est occupé par l’ONG Patriot Defence / Захист Патріотів9. La directrice de l’ONG, Ulana Suprun, médecin américain et ukrainienne de la diaspora, a eu l’initiative du projet. Elle était sur le Maïdan pendant la révolution pour soigner les blessés. Depuis l’invasion russe des régions de l’Est, elle a pris conscience du manque de soins de premiers secours pour les soldats envoyés sur le front. Tandis que la prise en charge dans les hôpitaux à l’arrière est tout à fait satisfaisante, les soldats meurent faute de premiers soins et en raison de trois causes principales : hémorragie (60%), pneumothorax sous tension (30%), voies respiratoires entravées (10%). Elle a donc conçu un kit de premier secours pour soigner ces trois affections. Ces kits sont destinés à être portés par les soldats qui viendront en aide à leurs camarades. Des formations de deux jours sont aussi organisées pour permettre aux soldats de s’approprier l’emploi de ces matériels médicaux. Dans une Ukraine en guerre, l’initiative est saluée et l’ONG bénéficie de la solidarité des Ukrainiens de la diaspora et des entreprises ukrainiennes. Ukraine International Airlines transporte gratuitement les éléments du kit, un service douanier se charge également gratuitement de la gestion des démarches administratives d’import, les Ukrainiens de la diaspora sont sollicités financièrement…

En route pour Odessa

Avec sept autres membres de l’équipe d’observateurs, je pars en route pour Odessa en train de nuit, sur les traces des eurodéputés verts, Pascal Durand et Karima Delli, qui s’étaient rendus en Ukraine en mars 2014, guidés par Nathalie Pasternak, pour tâter le pouls de la révolution10. Odessa, c’est un peu là que la guerre a commencé en quelque sorte… Elle a commencé le 2 mai 2014 quand des activistes pro-ukrainiens ont brûlé vif des partisans pro-russes dans la Maison des syndicats. Certains considèrent cette action comme un coup monté par Poutine pour créer des martyrs de la cause pro-russe et susciter des engagements de volontaires aux côtés des séparatistes du Donbass. Michel Eltchaninoff a bien décrit l’ambiance dans la ville après le tragique évènement11.

Escaliers Potemkine à Odessa. Crédits : Anne Rio
Escaliers Potemkine à Odessa. Crédits : Anne

Etant donné le contexte de changement de pouvoir, de guerre dans le Donbass, des attaques de la Russie contre la légitimité de la nouvelle équipe au pouvoir, les élections législatives ukrainiennes s’avèrent d’une importance capitale pour l’Ukraine post-EuroMaïdan. Le système de vote parallèle, qui a prévalu en 2012, est maintenu malgré une tentative de réforme en juillet 2014 rejetée par la Rada (parlement ukrainien). Ainsi, 50% des sièges (soient 225 sièges) sont élus suite au vote sur liste nationale et 50% des sièges sont élus dans un système de vote uninominal majoritaire à un tour parmi des candidats qui se présentent localement dans les 225 circonscriptions électorales (okrougs) d’Ukraine. A l’échelle nationale, 29 listes sont présentées au choix des électeurs, et dans l’okroug n°140, 25 prétendants à la députation présentent leur candidature personnelle, les candidats « majoritaires »12.

Prise de contacts

Arrivée à Odessa, je prends contact avec Anatolii Boyko, activiste de la branche locale de l’ONG Opora13. Opora née avant la révolution orange de 2004 s’est fait une spécialité du monitoring des processus électoraux, de la lutte contre les fraudes électorales et la dénonciation des politiciens corrompus et criminels. L’emploi du temps d’Anatolii est rempli et il n’a pas le temps de nous rencontrer. Mais il nous fait parvenir des rapports sur la situation politique et électorale locale. En octobre, l’organisation avait déjà enregistré des actes de corruption auprès des électeurs par différents candidats dans les cinq circonscriptions (okrougs) de la région d’Odessa. Elle déplore également l’utilisation des ressources administratives par les candidats sortants, c’est-à-dire que les candidats, élus de la dernière mandature, emploient le budget et les fonctionnaires de leur administration au service de leur campagne. Des cas de coups et blessures sont aussi répertoriés. Dans certains okrougs, des candidats sont poussés à retirer leur candidature ou se voient refuser leur candidature. Anatolii nous explique que notre présence dans les commissions électorales de district le lendemain et le surlendemain du vote sera d’une importance capitale. De nombreuses fraudes, et enregistrements fallacieux de résultats altérés se déroulent à cette étape du processus électoral au moment de la centralisation des résultats.

Je prends également contact avec des représentants des partis locaux. Valerii Ossipov, représentant du parti vert d’Odessa nous informe des malversations dans l’okroug n°135, l’arrondissement Primorski de la ville même d’Odessa. La commission de district ne comporte que 18 membres, alors qu’elle devrait en compter 25 et 10 d’entre eux sont représentants du même parti. Ces irrégularités sont déjà dénoncées dans les journaux locaux et internationaux14. Une autre équipe d’observateurs envoyée par le CKU est justement chargée de contrôler ce qui s’y passe.

Mis en relation par le CKU, Vassilii Bougaïtchouk, le représentant du parti Batkivchtchyna, le parti de la femme à la tresse blonde, Ioulia Timoshenko, lui même candidat « majoritaire » dans cette circonscription nous expose la situation dans l’okroug n°140. Le candidat sortant est David Jvania, oligarque d’origine géorgienne et se classant parmi les 200 personnes les plus fortunées du pays15. En 2012, il se fait élire en tant que membre du Parti des régions du président déchu Viktor Ianoukovitch. Cette fois-ci, il a rejoint le parti du président Petro Poroshenko. David Jvania est conscient qu’il n’est pas dans les cœurs de ses concitoyens de sa circonscription et les sondages préélectoraux ne lui sont pas favorables. Début septembre, il sort dans les sondages en troisième position16. Quelques jours avant le vote, les sondages sont encore plus négatifs pour lui17.

candidature Vassilii Bougaitchouk. Crédits : Maxime
candidature Vassilii Bougaitchouk. Crédits : Maxime

Pour assurer sa réélection, Vassilii nous explique qu’il a corrompu les membres de la Commission électorale d’okroug. La méthode est simple : les résultats issus des 111 bureaux de vote de la circonscription sont altérés au moment de leur transmission à la Commission électorale centrale située à Kiev. Vassilii nous explique également qu’en amont des élections, une contestation contre la commission électorale du district de Beliaevka a donné lieu à un procès en justice. Malgré les irrégularités dans la constitution de la commission, les plaignants ont été déboutés. En effet, plusieurs semaines avant le vote, les membres de plusieurs commissions électorales d’okroug dans la région d’Odessa sont remplacés par des personnes favorables aux candidats sortants et entravant le bon enregistrement des autres candidats. Les membres de la commission de l’okroug voisin n°139 ont été condamnés par la justice. Mais ceux de la commission n°140 s’en sont sortis indemnes. Vassilii nous alerte sur le fait que nous pouvons nous attendre à des fraudes massives dans l’okroug n°140.

Dans les bureaux de vote

Dimanche 26 octobre, les dix membres de notre équipe d’observateurs, répartis en binômes, sur le pied de guerre dès 7h15 du matin chacun dans un bureau de vote de la circonscription n°140, sillonnent la campagne odessite toute la journée. Le système de vote ukrainien sécurise la délivrance des bulletins tandis que, par comparaison, le système de vote français sécurise l’urne de vote. En effet, les bulletins de vote sont comptés au plus près du nombre d’électeurs, le nombre de bulletins supplémentaires doit être raisonnable. La remise des bulletins de vote aux électeurs donne lieu à la signature d’un talon de remise par l’électeur. En revanche, les quatre ou cinq urnes ne sont pas contrôlées de près, mais placées au milieu du bureau de vote, libres d’accès pour toutes les personnes circulant dans les lieux. Un tel dispositif favorise le bourrage d’urnes : une personne, munie frauduleusement de plusieurs bulletins, pourrait les insérer par paquet dans l’urne.

Au cours de la journée de vote, chaque binôme de notre équipe observe des situations dérogeant à la stricte loi électorale et relevant du folklore électoral ukrainien. Les affiches des candidats « majoritaires » devant être accrochées dans tous les bureaux de vote, au même titre que les affiches des partis, sont très souvent absentes. Alain et moi nous rendons dans un bureau de vote du village de Troitskoe. Comme à l’époque soviétique, de la musique pop locale hurlant depuis la sono installée à l’entrée de l’école nous accueille. Elle est censée rendre la journée de vote un moment de fête et attirer les électeurs aux urnes. Nous nous enregistrons immédiatement auprès du secrétaire du bureau de vote en tant qu’observateurs. Un homme de la cinquantaine, posté à côté de la présidente du bureau de vote remet ainsi son badge « Presse » à son veston. Je lui demande pour quel journal il travaille, il est obligé de décrocher son badge et de le lire pour pouvoir me répondre. Il donne l’impression d’être le maître à bord du bureau de vote, donnant des ordres à la présidente du bureau de vote. C’est lui qui nous emmène dans la salle de repos et de restauration de la commission et nous emmène rencontrer la milice (police nationale) qui s’est installée également dans des arrière-salles de l’école. La carte de presse donne l’autorisation à ses détenteurs d’être présents toute la journée et au moment du dépouillement dans les bureaux de vote. Elle est largement utilisée de cette manière en Ukraine les jours d’élection.

Fidèle à la tradition d’accueil en Ukraine, dans chacun des bureaux de vote où nous entrons un café ou un thé nous est offert, si ce n’est le repas complet avec borchtch, kotlets, pommes de terre… Il suffit d’un moment d’hésitation, le temps de traduire la proposition à mon partenaire Alain, pour nous retrouver presque de force à table avec eux. Selon les consignes du CKU, nous devions refuser toute collation et tout breuvage dans les bureaux de vote. En effet, des personnes malintentionnées pourraient y ajouter un sédatif ou un laxatif afin de nous neutraliser pour le reste de la journée… Ce ne fut pas le cas. Mais les collations étaient les bienvenues car dans notre périple dans ce bout de campagne ukrainienne entre Odessa et la frontière de la Transnistrie, aucun restaurant ou café n’est en vue. C’est aussi l’occasion de discuter de la situation politique locale avec les habitants du cru.

Dans un autre bureau de vote, Pavel, observateur pour le parti Bloc de Poroshenko, pour le candidat David Jvania donc, nous tient un discours anti-maidan classique. Il nous paraît un bon garçon, instituteur dans l’école du village de 3000 habitants, fils du directeur de la Maison de la culture, bâtiment qu’il est fier de nous faire visiter et qui a été entièrement rénové « sous la présidence Ianoukovitch ». Il décrit la situation politique générale du pays comme étant encore l’affrontement entre les pro-occidentaux et les russophones. Mais selon lui, comme la Crimée est perdue, les régions du Donbass empêchées de voter, l’issue du vote ne fait pas de doutes. Il nous parle lui aussi des « fascistes au pouvoir ». Je lui demande comment il est informé de ces faits, il me répond qu’il suit les informations publiées dans les groupes « Anti-Maidan » sur le réseau social russe vKontakte. La télévision russe est interdite de diffusion dans le pays, décision qu’il juge anti-démocratique.

Tatiana et Bernard, quant à eux, sont mis sur la piste d’un bureau de vote frauduleux par un journaliste local, Denys Tkatchenko. Ce dernier les alerte sur le fait que dans un bureau de vote installé dans l’hôpital du village Velikii Dalnik, la commission électorale de bureau s’avère plus que douteuse. Contrairement aux règles communes, ses membres sont originaires de la ville d’Odessa et non du village et sont pour la grande majorité tous membres de la même famille. Ils ont été recrutés pour veiller aux intérêts du candidat David Jvania. Sur place, Tatiana et Bernard reçoivent des témoignages concordants par des observateurs d’autres partis. Le binôme ne lâchera pas d’une semelle les agissements de la commission électorale et accompagnera son travail jusqu’à 10h du matin le lendemain. Tatiana et Bernard ont dû lutter pied à pied pour que la loi électorale soit respectée. Ils ont dû négocier quelques entorses pour pouvoir accompagner le sac de bulletins et les procès verbaux (protokols) à la commission électorale d’okroug le lundi matin.

Aux alentours de 19h, la participation moyenne dans notre okroug se situe autour de 30 %.

A la commission électorale d’okroug

Alain et moi passons la soirée à la commission électorale d’okroug. Nous y sommes dès 20h. Au début, tous ne sont pas admis dans la salle de session, en raison d’un nombre limité de places. La session est entamée par une série de recours des candidats ou de représentants des candidats, recours qui sont tous balayés d’un revers de main. Un partisan du candidat Choumski expose sa plainte sur le fait que David Jvania n’a pas respecté la loi électorale et ses affiches de campagne étaient encore visibles dans la circonscription pendant la période de silence avant le vote. Le secrétaire de la commission explique qu’il est du ressort de la police et de la mairie des villes en question de faire retirer ces affiches mais que la commission électorale d’okroug ne s’occupe pas de ce genre de problèmes. Après quelques heures d’attente, les premières commissions de bureau de vote apportent les sacs remplis des bulletins et les procès verbaux des résultats. La commission d’okroug se montre très tatillonne. Elle refuse les procès verbaux de deux commissions de bureau de vote sur trois pour des vices de procédure. Les résultats qui arrivent ne sont sûrement pas à son goût.

Vers 2h du matin, nous sommes rejoints par Maxime et Annick qui ont réussi à accompagner le voyage du sac de bulletins et des procès verbaux depuis leur bureau de vote jusqu’à la commission d’okroug. A Beliaevka, le ballet de présentation des procès verbaux continue et le refus de la commission d’okroug est toujours aussi fréquent. L’attente est longue. Les membres des commissions de bureau de vote sont sur le pied de guerre depuis plusieurs jours et l’enregistrement des résultats au niveau de la commission d’okroug peut intervenir le lendemain voire le surlendemain. Une personne perd connaissance dans le lobby de la Maison de la Culture de Beliaevka, où se tient les sessions de la commission électorale d’okroug.

Vers 3h30 du matin, Andreï Levtchenko, soutien d’un des candidats, nous interpelle. Les résultats de plusieurs bureaux de vote proclamés par la commission électorale d’okroug sont altérés par rapport aux procès verbaux. Des résultats pour plusieurs candidats sont intervertis. Nous prenons en photographie les exemplaires originaux des procès verbaux et vérifierons ceux publiés sur le site officiel.

Sauf Tatiana et Bernard qui sont restés dans leur bureau de vote, toute l’équipe d’observateurs quitte la commission d’okroug vers 5h du matin, après avoir fait le tour du cadran.

Dans les heures qui suivent, des fraudes électorales sont constatées dans l’okroug18. Neuf membres de la commission d’okroug démissionnent le lendemain du vote sous le prétexte qu’ils auraient reçu des menaces de mort et fuient la région19. Leur démission en masse empêche d’atteindre le quorum nécessaire pour valider les protokols qui affluent encore à la commission et les travaux d’enregistrement des résultats sont interrompus20. Le lendemain, nous apprenons que ces membres sont recherchés par la police21 pour entrave à l’exercice des droits électoraux. Le journaliste Denys Tkashenko nous dit que notre présence dans l’okroug a aidé à la fuite des membres corrompus de la commission électorale d’okroug. Ils ont pris peur des contrôles. Denys nous demande de revenir pour les élections locales qui doivent se dérouler prochainement. Côté candidat majoritaire, Vassili Gouliaev, un candidat non affilié à un parti, est élu22.

A la commission électorale centrale

A la commission électorale centrale de Kiev. Crédits : Anne Rio
A la commission électorale centrale de Kiev. Crédits : Anne

Mardi 28 au matin, nous sommes de retour à Kiev. Grâce à notre carte d’accréditation d’observateur électoral international, nous avons accès également aux sessions de la Commission centrale électorale (TsVK), présidée par Mykhaylo Okhendovsky et située dans le bâtiment de l’ancien très puissant Comité d’arrondissement du PC ukrainien. Le principe de la validation des résultats des différents okrougs reproduit le schéma de validation à l’échelle de l’okroug. Des représentants des 225 commissions électorales d’okroug viennent à Kiev présenter à tour de rôle leurs résultats avec les protokols officiels contresignés par tous les membres des commissions d’okroug. Ceux-ci sont présentés en séance et adoptés par la Commission centrale électorale. Mardi 28 octobre dans l’après-midi, seules deux commissions d’okroug avaient déjà présenté leurs résultats, la troisième venait d’annuler la séance car ses membres étaient encore en route pour Kiev. La session est donc annulée.

Nathalie et moi croisons dans les couloirs Olexandre Gorodetski venu à la Commission centrale électorale défendre son bon droit. Olexandre est un Ukrainien de la diaspora, membre très actif du CKU, originaire d’Italie. Il s’est présenté à la 57e position de la liste du Front populaire23 menée par Arseni Iatseniouk et est potentiellement élu député d’après les résultats provisoires à la sortie des urnes. Cependant, l’enregistrement de sa candidature a été refusé une première fois en raison de certains critères non respectés. Il lui manquait 20 jours de résidence en Ukraine en 2011 alors que la loi stipule qu’un candidat doit résider au moins 183 jours par an dans le pays du trident. Justifiant de ses absences répétées en raison d’obligations professionnelles, Olexandre Gorodetski reçoit un jugement favorable à son enregistrement comme candidat à l’échelon de la cour d’appel24. Toutefois le verdict tombe à quelques heures du vote du 26 octobre. Olexandre se rend immédiatement à la Commission électorale pour faire enregistrer sa candidature. Cette dernière joue la montre, tergiverse et Olexandre n’est pas enregistré à temps.

Les mésaventures d'Olexandre Gorodetski à la Commission électorale centrale de Kiev. Crédits : Anne Rio
Les mésaventures d’Olexandre Gorodetski à la Commission électorale centrale de Kiev. Crédits : Anne

Dans les bureaux du dernier étage de la Commission centrale électorale, Olexandre explique sa situation. Le haut fonctionnaire lui rétorque : « La décision de la cour d’appel est venue trop tard, les électeurs du Japon ou d’Australie étaient déjà en train de voter lorsque vous receviez l’autorisation de vous enregistrer comme candidat ». Une femme intervient dans la conversation : « Une personne nous a apporté aujourd’hui une lettre signée de votre main indiquant que vous vous désistiez de votre candidature à la députation ». Après plusieurs semaines pendant lesquelles Olexandre s’est débattu pour faire enregistrer sa candidature allant jusqu’en cour de justice, cette supposée démarche paraît déconcertante. Olexandre s’en défend : « Je n’ai jamais apporté une telle lettre à la Commission centrale électorale ». La femme apporte la lettre manuscrite, signée et tamponnée à la date du jour même… Un ange passe… « Si vous contestez la validité de cette lettre, elle fera l’objet d’une expertise »… « Avez vous été contraint de rédiger cette lettre ? ». Olexandre explique qu’il a effectivement rédigé la lettre, qu’il ne peut dire qui le lui a demandé, et affirme que la date est incorrecte et qu’il n’a jamais demandé de la faire apporter à la Commission centrale électorale… Nous devons malheureusement quitter le bureau de la Commission centrale électorale, mais nos suppositions vont bon train sur les conditions de rédaction de cette lettre.

De l’avis des observateurs de l’OSCE25, les fraudes aux élections parlementaires ukrainiennes ont été plutôt limitées, les processus démocratiques respectés, et la commission centrale électorale efficace. Comment juger donc ce qui s’est passé dans l’okroug n°140 ? La perpétuation des veilles habitudes de fraudes dans un district reculé de campagne. Mais finalement, les fraudeurs ont pris peur. Les électeurs, les journalistes, les ONG se sont mobilisés contre ces vieilles pratiques. Et la présence d’observateurs électoraux internationaux ajoutaient au processus vertueux d’élimination des brebis galeuses…

1Sébastien Gobert, « Separatist LNR prepares for separated elections », 1er novembre 2014 : http://nouvellesest.com/2014/11/01/separatist-lnr-prepares-for-separated-elections/

2Madeleine Leroyer, Une vie de pintade à Moscou, Calmann-Levy, 2012 : http://www.lespintades.com/collection-pintade-moscou.html

3immeuble préfabriqué de 5 étages, construit à la hâte à l’époque de Khrouchtchev censé être temporaire pour parer au problème urgent de logement dans les années 1960.

4Iossif Sternine, « 10 raisons pour lesquelles les Russes ne sourient pas », Russia Beyond The Headlines, 29 novembre 2013 : http://fr.rbth.com/art/2013/11/29/10_raisons_pour_lesquelles_les_russes_ne_sourient_pas_26831.html

5Comité Représentatif de la Communauté Ukrainienne de France : http://crcuf.fr/

6Ukrainian World Congress / Світовий Конґрес Українців (СКУ) : http://www.ukrainianworldcongress.org/

7Julien Bayou, « J’ai assisté aux élections en Ukraine », Le Huffington post, 26 octobre 2014 : http://www.huffingtonpost.fr/julien-bayou/reportage-en-ukraine-pour-les-elections_b_6050696.html

8« Mon séjour extraordinaire en Ukraine », Jeunes, cons… et européens, 31 octobre 2014 : http://jeunesconseuropeens.com/2014/10/31/mon-sejour-extraordinaire-en-ukraine/#more-150

9ONG Patriot Defence / Захист Патріотів : http://patriotdefence.org/

10Pascal Durand, « Ukraine : l’Europe doit répondre à l’appel à l’aide lancé par le peuple ukrainien », 12 mars 2014 : http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1157664-ukraine-l-europe-doit-repondre-a-l-appel-a-l-aide-lance-par-le-peuple-ukrainien.html

11Michel Eltchaninoff, « Odessa. Enquête après carnage », Philosophie magazine, 9 mai 2014 : http://www.philomag.com/lepoque/reportage/odessa-enquete-apres-carnage-9762

12« Полный список кандидатов в депутаты Рады по мажоритарному округу №140 в Одесской области », Українські новини, 8 octobre 2014 : http://ukranews.com/ru/news/odesa/2014/10/08/139391.Povniy-spisok-kandidativ-u-deputati-Radi-u-mazhoritarnomu-okruzi-140-v-Odeskiy-oblasti

13Site officiel de l’ONG Opora : http://oporaua.org/en/about-us

14Pierre Sautreuil, « Législatives en Ukraine: à Odessa, les espoirs du Maïdan se heurtent à un oligarque », L’Express, 24 octobre 2014 : http://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/legislatives-en-ukraine-a-odessa-les-espoirs-du-maidan-se-heurtent-a-un-oligarque_1615090.html

15Portait de Давид Важаевич Жвания, Украинский Бизнес Ресурс : http://bp.ubr.ua/profile/-

16« Электоральная ситуация в избирательном округе № 140 (Одесская область, центр – г.Беляевка) по состоянию на конец августа 2014 года », Социополис, 1er septembre 2014 : http://sociopolis.ua/ru/doslidzhenya/doslidzhenya/201-elect-140-bilyayivka/

17« Округ №140: лидирует Добрянский », Tаймер, 22 octobre 2014 : http://timer.od.ua/news/okrug_140_lidiruet_dobryanskiy_939.html

18« О нарушениях на 140 округе в Беляевке Одесской области », www.112.ua, 29 octobre 2014 : http://112.ua/video/o-narusheniyah-na-140-okruge-v-belyaevke-odesskoy-oblasti.html

19« Скандал вокруг Давида Жвании в Одесской области: глава окружкома сбежал с печатью (видео) », Подробности, 27 octobre 2014 : http://podrobnosti.ua/analytics/2014/10/27/1000012.html,

20« Избирательная комиссия округа №140 просто ушла, подсчёт голосов остановился », Tаймер, 27 octobre 2014 : http://timer.od.ua/news/izbiratel_naya_komissiya_okruga_140_prosto_ushla_podschet_golosov_ostanovilsya_384.html

21« Милиция разбирается с членами ОИК, которые сбежали из 140 округа », Украинская правда, 27 octobre 2014 : http://www.pravda.com.ua/rus/news/2014/10/27/7042386/

22http://www.cvk.gov.ua/pls/vnd2014/wp040pt001f01=910pf7331=140.html

23Виборчий список Політичної партії « Народний фронт » : http://nfront.org.ua/komanda/viborchij-spisok-politichnoji-partiji-narodnij-front

24« Суд, який дозволив Хорошковському брати участь у виборах, відмовив іншому кандидату », NewsRu.ua, 1er octobre 2014, http://www.newsru.ua/ukraine/01oct2014/otkazs.html

25« Many positive aspects of Ukraine elections an important step, and new parliament should take opportunity to advance key reforms, international observers say », OSCE, 27 octobre 2014 : http://www.osce.org/odihr/elections/126041

 

]]>
J’ai assisté aux élections en Ukraine https://transnationale.eelv.fr/2014/10/27/jai-assiste-aux-elections-en-ukraine/ Mon, 27 Oct 2014 13:27:31 +0000 http://transnationale.eelv.fr/?p=4165 Lire la suite]]> Par Julien Bayou, Conseiller régional en Ile-de-France, porte-parole d’EELV, également disponible sur le site du Huffington Post

Après les élections municipales en Turquie au Kurdistan en mars (lire un billet ici et le rapport de la mission ici), me voici en Ukraine pour les élections législatives du 26 octobre.

En Ukraine, J-1 avant des élections cruciales pour le pays et l’Europe

Paula, Boris, Jean, Dorian, Atte ou Elodie : tous ont eu l’info en ligne, le plus souvent par Facebook. Que ce soit par le post d’un ami ou via la page d’une asso étudiante, la proposition de la Cosmolitan Project Foundation « Postulez pour devenir observateur officiel pour les prochaines élections en Ukraine » a piqué leur curiosité avant de les convaincre d’investir temps et argent dans cette mission pour vivre une expérience exceptionnelle.

A la veille des élections législatives cruciales pour le pays, nous étions 8 Français déployés à Tcherkassy, bourgade de 300.000 habitants à 3 heures de route au sud de Kiev. 4 binômes qui ont sillonné la ville et sa grosse centaine de bureaux de vote pour observer le déroulé des opérations, de 7h du matin à la proclamation des résultats le soir (et plus certainement au petit matin le lendemain) en passant par la clôture du bureau et le dépouillement des bulletins.

A l’échelle du pays, 70 bénévoles français sont arrivés ces derniers jours pour grossir les rangs des 200 observateurs accrédités par le Congrès Mondial Ukrainien, l’association qui coordonne la diaspora ukrainienne ; sans compter les 600 observateurs de court terme déployés par l’OSCE.

L’objectif est simple et est résumé par cette phrase du Code de conduite pour les misssions d’observations électorales internationales de l’ONU : « nous sommes ici pour contribuer à la tenue d’élections libres et sincères dans l’espoir qu’elles reflètent la volonté du peuple ukrainien ».
Si simple et si décisif tant la situation est critique : une partie du pays est annexée, une autre en état de guerre civile, et partout la défiance domine à l’égard d’institutions jugées corrompues et délégitimées, de l’Assemblée au gouvernement en passant par les pouvoirs régionaux.

Ces élections s’inscrivent directement dans la foulée de la Révolution Maidan, ces protestations massives qui ont enflammé l’Ukraine à la fin 2013 quand l’ancien président Ianoukovitch a refusé de signer l’accord d’association avec l’Union Européenne. Après des mois de manifestations réprimées dans le sang, le président Ianoukovitch a fui le pays. Ces législatives font suite à la présidentielle remportée en juin par Petro Poroshenko.

Le score de sa coalition fera donc l’objet de tous les commentaires, comme celui des partis issus de la coalition du « parti des régions » (la formation de l’ancien président) ou le score de l’extrême-droite (c’est un euphémisme) Svoboda.

Au-delà des résultats qui intéressent bien sur la politique nationale ukrainienne, la participation, la bonne tenue et des élections et la sincérité des résultats seront examinées par toutes les chancelleries, de Washington à Moscou en passant par toutes les capitales européennes. Les enjeux géopolitiques sont énormes et ces élections sont une étape importante pour la stabilisation d’un pays qui focalise l’attention mondiale.

« Difficile de rester insensible à ce qui se passe aux portes de l’Europe, ça nous concerne évidemment, et puis c’est magique de pouvoir assister à ces élections en étant aux premières loges », voila qui résume le sentiment des observateurs européens.
Arrivés vendredi pour la dernière formation, il nous faut tout d’abord nous adapter au froid piquant : zéro ou moins voire beaucoup moins à l’est du pays.

Après deux séances de formation à Paris et en ligne dans les dernières semaines, c’est le temps du rappel des fondamentaux et en particulier en matière de sécurité « stay alert, stay unambiguous, stay boring » nous explique la canadienne qui dirige la mission. Soyez sur le qui-vive, fondez vous dans la foule : pas de vêtements ou sac aux couleurs du pays, encore moins couleur kaki militaire ou camouflage.

En tant qu’observateur international officiel nous avons accès à toutes les étapes des opérations de vote, de la réception des urnes et bulletins à leur dépouillement et à la transmission des résultats à l’équivalent de la préfecture. En cas d’incident, de violation ou d’irrégularités la consigne est claire : surtout ne pas intervenir directement, pour éviter les dangers et situations hasardeuses. Si un observateur est témoin d’une situation problématique il doit en référer au chef d’équipe qui fait remonter au QG à Kiev qui alertera les autorités qui devront répondre et faire cesser le trouble. Le lendemain du vote, la mission émettra un avis sur la sincérité des élections avant d ‘établir un rapport final.

Lors des municipales au Kurdistan turc les craintes portaient d’abord – et à raison – sur les intimidations et pressions à l’égard des votants (lire le billet sur les élections en Turquie).
Ici c’est bien la fraude électorale qu’il s’agit de prévenir : bourrage d’urnes avant, pendant ou à l’issue du vote, fausses procurations, achats de votes, électeurs fictifs, comptages « fantaisistes »… la liste est trop longue être exhaustive et les techniques, infinies. Il faudra être sur ses gardes de 7h du matin à …. 3 heures voire plus tard le lundi matin : lors de la présidentielle il a fallu attendre midi le lundi pour avoir la proclamation des résultats dans certaines zones.

En attendant ce « jour le plus long », ici à Tcherkassy, l’heure est au repérage et à l’établissement des équipes binômes et du circuit des bureaux à visiter avec l’aide du centre francophone de la ville. Ce soir sera consacré à la rencontre avec les familles qui nous hébergent le temps de la mission. On est prévenu : c’est un grand moment pour elles d’accueillir ces européens qui viennent soutenir à leur manière le processus démocratique en cours. Assurément cette rencontre en forme de veillée d’armes avant ce grand jour pour la démocratie ukrainienne sera également exceptionnelle pour nous.

]]>
LE PARLEMENT EUROPÉEN SOLIDAIRE DE L’UKRAINE https://transnationale.eelv.fr/2014/09/08/le-parlement-europeen-solidaire-de-lukraine/ Mon, 08 Sep 2014 13:56:47 +0000 http://transnationale.eelv.fr/?p=3997 Lire la suite]]> Communiqué de presse du 8 septembre 2014 des eurodéputés Europe Ecologie au Parlement européen

Ce lundi 8 septembre, la commission des Affaires étrangères du Parlement européen vient, à une très large majorité, de soutenir la ratification de l’accord d’association entre l’UE et l’Ukraine. En novembre dernier, la décision de Victor Ianoukovitch de ne pas signer cet accord avait été à l’origine du soulèvement populaire de la place Maïdan, qui a finalement abouti à la destitution du Président Ianoukovitch par le Parlement ukrainien, et à l’élection de Petro Porochenko le 25 mai dernier, sous l’observation d’une mission internationale de l’OSCE. 

Les eurodéputés Europe Ecologie au Parlement européen se félicitent de ce message de solidarité envoyé à l’Ukraine, et rappellent le droit fondamental de l’Ukraine à déterminer librement son avenir politique et économique. Le Parlement européen a condamné à plusieurs reprises les atteintes à l’intégrité territoriale de l’Ukraine, pays souverain, notamment l’annexion illégale, en regard du droit international, de la Crimée par la Russie. Malgré le cessez-le-feu signé vendredi dernier entre Kiev et les séparatistes du Donbass, les violences continuent, comme en témoigne les bombardements qui ont eu lieu dimanche près de Donetsk et du port de Marioupol. L’UE doit renforcer ses sanctions économiques ciblées envers la Russie et les séparatistes ukrainiens tant que le cessez-le-feu ne sera pas durablement respecté.

Au-delà des sanctions économiques contre l’agression russe, la réponse de l’UE doit maintenant se concentrer sur l’accompagnement des réformes démocratiques et économiques en Ukraine. C’est tout l’objet de cet accord d’association, qui prévoit un soutien de l’UE à la mise en place d’un Etat de droit en Ukraine, basé sur les principes de démocratie, de justice et de respect des droits humains et des libertés fondamentales.

Les eurodéputés Europe Ecologie au Parlement européen réaffirment que seule une issue politique et pacifique est viable en Ukraine. Ils appellent donc l’UE et la communauté internationale à mettre en place les conditions d’une démilitarisation sous contrôle international de la zone de conflit, et de la tenue rapide d’élections législatives sur l’ensemble du territoire ukrainien sous observation d’une mission de l’OSCE. En aucun cas un soutien militaire des pays membres de l’OTAN ne constitue une solution au conflit. Ceci ne viendrait que renforcer l’escalade de violence dans la région, et alimenter les crimes de guerres constatés sur le terrain par les ONG.

Enfin, la crise ukrainienne démontre à quel point l’UE reste dépendante de puissances extérieures pour son approvisionnement en énergie. La Commission européenne doit présenter dans les plus brefs délais les détails de son plan d’urgence en cas de rupture de l’approvisionnement en gaz russe, et préciser les contours de sa stratégie pour renforcer son indépendance énergétique. Pour les écologistes, la seule diversification des sources d’approvisionnement ne constitue en rien une solution durable. L’UE doit investir massivement dans la transition énergétique pour permettre le développement des énergies renouvelables et la réduction de notre consommation finale d’énergie.

 

]]>
De la crise ukrainienne 2 https://transnationale.eelv.fr/2014/09/06/de-la-crise-ukrainienne-2/ Sat, 06 Sep 2014 10:00:12 +0000 http://transnationale.eelv.fr/?p=3989 Lire la suite]]> Texte collectif de membres de la Commission Transnationale et de la Commission Europe, adopté par le Bureau de la Commission Transnationale

 

 

EELV accueille positivement l’annonce de cessez-le-feu décidé à Minsk entre le gouvernement de Kiev et les séparatistes du Donbass sous l’égide de l’OSCE.

L’Ukraine est depuis plusieurs mois dans une situation de conflit ouvert, mêlé d’une ingérence étrangère, attestée et quasiment reconnue par la Russie, qui fait peser de lourdes menaces d’escalade militaire sur l’unité de l’Ukraine avec des répercussions aussi sur l’ensemble du continent européen.

D’une part, l’ingérence étrangère est inacceptable, d’autant plus provenant d’un pays membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU et par conséquent en charge du maintien de la paix et de la sécurité internationale.

A ce titre, EELV réaffirme le principe d’inviolabilité des frontières, inscrit dans l’article 2-4 de la Charte de l’ONU, et dans l’article 1-III de l’Acte final de la Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe. La Russie qui prend part à ces deux organisations internationales, et qui aspire à voir son rôle international prendre de l’ampleur, doit se montrer une nation responsable et respectueuse de ces principes.

D’autre part, la confrontation militaire entre les forces sécessionnistes et l’état Ukrainien doit être traitée par une solution politique amenant à la table des négociations toutes les parties prenantes. Le cessez-le-feu est un premier pas sur ce chemin. Les belligérants et la communauté internationale se doivent de pérenniser cette mesure.

Afin d’ aller vers une solution politique durable il faut rechercher :

– le démilitarisation sous contrôle international de toutes les parties en conflit. Cette tâche peut-être prise en charge par les Casques bleus dont seront exclus les pays prenant part au conflit ;

– la tenue d’une consultation démocratique à l’échelle du territoire ukrainien et sous les auspices de l’OSCE sur le contenu de cet accord de paix  ;

– dans cette attente, la reconnaissance par les voisins de l’Etat ukrainien des frontières internationales établies par des précédents accords internationaux ;

– la tenue rapide d’élections législatives sur l’ensemble du territoire ukrainien.

En attendant le règlement politique du différend ukrainien, la France et l’Union européenne sont fondées à exercer des pressions à l’encontre de la Russie pour qu’elle cesse cette ingérence et vienne à la table des négociations. Cependant ces pressions ne peuvent prendre qu’une forme diplomatique, politique et économique, et non militaire pour éviter toute escalade.

Pour que de telles négociations aient une chance de s’ouvrir et de réussir, l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN doit être proscrite de façon explicite, car elle constituerait un casus belli pour la Russie.

EELV s’inquiète de la décision de l’OTAN en vue du renforcement de la « force de réaction rapide » qui pourrait faire augmenter la tension dans la région entre la Russie et l’Europe, déjà très dégradées depuis la mise en œuvre du bouclier antimissile.

Les sanctions économiques ciblées sur les personnalités, soutien du régime de Vladimir Poutine, ont déjà des résultats tangibles à l’intérieur de la Russie et peuvent être élargies et approfondies.

Dans ce cadre, EELV dénonce fermement la visite à Paris de deux personnalités russes visées par ces sanctions MM Serguei Narychkine, Président de la Douma, et Leonid Sloutsky, député russe et leur rencontre avec une série de parlementaires français minant ainsi l’efficacité des sanctions.

EELV prend note également de la décision du Président français de surseoir la livraison des Mistral dans le cadre des sanctions économiques décidées par l’Union Européenne. Les coûts éventuels de la suspension des Mistral en attendant le règlement pacifique, devront être portés par l’Union européenne, puisque la suspension découle d’une décision de cette dernière instance.

EELV regrette qu’une nouvelle fois dans l’affaire ukrainienne, l’Union européenne n’a pas su parler d’une seule voix laissant ainsi l’initiative au seul Président russe.

A long terme, l’Union européenne doit se dégager de la dépendance vis-à-vis de l’OTAN pour sa sécurité et créer une défense européenne commune, outil d’une diplomatie commune. A ce titre, la suspension de la vente des Mistral, et la mutualisation du coût de cette décision à l’échelle européenne, constitue un premier pas dans la création d’une défense européenne commune, avec la mutualisation des dépenses liées à l’industrie militaire.

EELV réitère ses craintes vis à vis d’une dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie. Il est urgent que l’Union européenne s’engage dans une transition énergétique couplant le développement des énergies renouvelables et des mesures d’efficacité énergétique afin, entre autres, de se dégager de la dépendance aux hydrocarbures provenant de Russie.

 

]]>
De la crise ukrainienne https://transnationale.eelv.fr/2014/04/25/de-la-crise-ukrainienne/ Fri, 25 Apr 2014 09:57:53 +0000 http://transnationale.eelv.fr/?p=3699 Lire la suite]]> Position du Bureau de la Transnationale

Par le Traité de Budapest de 1994, l’Ukraine a accepté son désarmement nucléaire en contrepartie de son intégrité territoriale et de son indépendance. Ce traité est garanti par les Etats-Unis, le Royaume-Uni, mais également la Russie. La remise en cause brutale et unilatérale de ce traité par la Fédération de Russie est inacceptable. Cet acte rompt un équilibre fondé sur le principe de la dénucléarisation des nouveaux Etats issus de l’ancienne Union Soviétique en contrepartie de la reconnaissance mutuelle de leur indépendance et de leur intégrité territoriale. La Russie, par ses organes officiels, par son président même, objecte actuellement au droit international issu de ce traité une légitimité historique. L’action de la Russie déstabilise le cadre de paix européen qui repose sur le renoncement à la violence. Il s’agit d’une violation de la Charte des Nations Unies par un membre du Conseil de sécurité. Le droit international est remplacé par la loi du plus fort.

Par conséquent Europe Écologie-Les Verts condamne fermement l’attitude agressive du président russe Vladimir Poutine envers l’Ukraine depuis que la mobilisation majoritairement pro-démocratique des citoyens ukrainiens eût conduit son allié, l’ex-président Viktor Ianoukovitch, à quitter le pouvoir le 22 février 2014 après une répression sanglante. Le Président russe est manifestement effrayé par la perspective de voir une Ukraine plus démocratique s’installer à ses portes, qui pourrait avoir une influence contagieuse en Russie et remettre en cause son pouvoir autoritaire, largement corrompu et anti-démocratique.

Vladimir Poutine avait déjà pu tester en Syrie l’inertie et la pusillanimité de l’Occident. Il a pu les vérifier en procédant à l’invasion par ses troupes puis à l’annexion de la Crimée suite à un simulacre de référendum organisé dans cette république autonome d’Ukraine le 16 mars 2014. Celles-ci n’ayant entrainé que des sanctions insuffisantes de la part des Etats-Unis et de l’Union Européenne.

Face à la crise actuelle, et fidèle à son principe de résolution pacifique des conflits, Europe Ecologie-Les Verts se prononce pour un règlement négocié de la situation ukrainienne. Le spectre de la guerre civile et d’une intervention étrangère doit être repoussé par tous les participants de cette négociation.

La situation ukrainienne est en ce moment préoccupante au plus haut point. Les menées de soldats sans insignes, les provocations de la 5e colonne russe , loin d’être des manifestations spontanées de la population de l’Est de l’Ukraine, ainsi que la concentration de troupes russes aux frontières de l’Ukraine et les discours mensongers bellicistes des organes officiels russes font peser une menace de guerre civile et d’ingérence militaire étrangère en Ukraine, qui par bien des aspects sont déjà en oeuvre. Il n’est pas acceptable qu’un Etat exerce des pressions par la force sur un autre Etat souverain et entrave le processus de rétablissement d’une gouvernance politique légitime et démocratique, avec comme première étape la tenue d’une élection présidentielle le 25 mai prochain.

Les peuples sont acteurs de leur histoire, il appartient aux citoyens ukrainiens dans toutes leurs composantes et à eux seuls de trouver leur équilibre politique. Vladimir Poutine prétend que l’équilibre ukrainien soit fragile. Un équilibre précaire, qui peut être aisément remis en question par des éléments étrangers et par des manipulations politiques habiles à renforcer des dissensions. Les élections démocratiques permettent d’aller au-delà de cet équilibre dit instable.

Europe Ecologie-Les Verts recommande la bonne tenue, sans entraves extérieures, de l’élection présidentielle, mais également la tenue rapide d’élections législatives, dans le cadre du régime parlementaire issu de la négociation après la Révolution orange et inscrite dans la constitution de 2004. Elles permettront à toutes les sensibilités d’être rapidement représentées, y compris les citoyens ukrainiens qui ont pu prendre quelques distances avec le mouvement de Maïdan, tel qu’il a pu s’exprimer. Le vide institutionnel doit être vite comblé, et l’élection présidentielle en sera le premier pas. Europe Ecologie-Les Verts soutient le Parti Vert d’Ukraine (Партія Зелених України / Партия Зеленых Украины) dans cet effort.

Europe Ecologie-Les Verts salue l’accord de Genève signé par la Russie, l’Union Européenne, les Etats-Unis et le représentant légal de l’Ukraine le 17 avril 2014 qui constitue une première étape dans le règlement négocié de la situation ukrainienne. Les participants, qui aiment s’en réclamer, ne doivent pas dénaturer l’accord, mais au contraire chercher à l’appliquer de manière sincère. Europe Ecologie-Les Verts défend une démarche de désescalade du conflit, de désarmement des milices pro-russes, soutenues par la Russie, qui agitent l’Est de l’Ukraine, mais également de neutralisation des nationalistes de toutes parts et le désarmement des bandes armées qui alimentent les tensions en Ukraine. La désescalade doit aussi être militaire tant du côté russe que du côté de l’OTAN. Dans l’intérêt d’une solution pacifique, l’Ukraine devrait faire partie d’une zone démilitarisée.

La situation économique de l’Ukraine est fortement préoccupante. L’Etat ukrainien, par un cumul de déficits de plusieurs natures dû à la dictature de Ianoukovitch et de sa corruption, est menacé par une faillite. L’Union européenne se doit d’apporter une aide financière à la hauteur de l’enjeu dans le cadre d’un plan international. Des réformes seront sans doute nécessaires et doivent être accompagnées par l’Union européenne, qui aura à quitter le dogme de l’austérité et qui prendra en compte la dimension sociale sans laquelle les citoyens ukrainiens ne pourront les accepter.

C’est aussi l’occasion de promouvoir un partenariat avec et entre les pays de l’Europe orientale, sans exclusif. Il s’agit aussi de dépasser les tiraillements que connaissent les Etats situés entre les sphères géopolitiques de l’Union européenne et celle de la Russie, par leur appartenance fondamentalement européenne, leur volonté de participer au pôle de stabilité de l’Europe, leur volonté d’accéder à une plus grande prospérité et de renforcer leur liens historiques, économiques et humains de part et d’autre. Afin de ne pas briser ces liens multiples, il convient de chercher un nouvel équilibre renforçant les coopérations déjà existantes sur l’ensemble du continent.

L’Union Européenne, par sa politique de voisinage à l’Est, doit continuer d’œuvrer au renforcement des institutions politiques et au rétablissement économique de ses voisins immédiats, gage de prospérité et de paix sur le continent européen. Ces objectifs du partenariat oriental doivent être poursuivis tout en prenant en compte des objectifs de développement écologiquement soutenable et socialement équitable. Parmi ces objectifs, l’Union Européenne se doit de continuer et de renforcer la promotion du respect des droits humains et des procédures démocratiques avec ses partenaires. Ces objectifs méritent d’être également partagés par l’ensemble des Etats européens, y compris par les citoyens des pays concernés. Il s’agit là d’une oeuvre politique plus que d’une procédure technocratique.

Toutefois, ce partenariat ne peut exclure la Russie. La Russie et les membres de l’Union européenne sont d’ores et déjà engagés dans des coopérations économiques et des échanges dans plusieurs dimensions. La coopération dans le domaine spatial en est un exemple réussi. Il convient que ce soient les civils qui jettent des ponts entre Russie et pays membres de l’Union européenne et non les militaires.

]]>
Ukraine : l’Europe doit répondre à l’appel à l’aide lancé par le peuple ukrainien https://transnationale.eelv.fr/2014/03/12/ukraine-leurope-doit-repondre-a-lappel-a-laide-lance-par-le-peuple-ukrainien/ Wed, 12 Mar 2014 15:00:55 +0000 http://transnationale.eelv.fr/?p=4046 Lire la suite]]> Tribune des têtes de liste EELV aux élections européennes, dans Le Plus du Nouvel Observateur du 12 mars 2014

Face à la crise en Ukraine, Pascal Durand, tête de liste Europe-Écologie aux élections européennes en Île-de-France, Clarisse Heusquin, tête de liste Europe-Écologie aux élections européennes (région Centre), Karima Delli, député européenne Europe-Écologie et tête de liste aux élections européennes (région Nord-Ouest), appellent l’Europe à parler fermement et à agir vite.

23h. Dans le train de nuit qui relie Kiev à Odessa, nous partageons un thé avec un commerçant pakistanais pachtoune. Il parle russe et vit à Odessa depuis plus de 20 ans. Nous sommes français, il nous parle de l’Europe.

« Nous voulons que l’Europe signe un accord avec l’Ukraine. Un accord, ce sont des règles qui délimitent ce que l’on a le droit de faire et de ne pas faire, qui déterminent où vont les taxes, qui a le droit de les prélever et pour en faire quoi. Des règles que l’Ukraine sera obligée de respecter. »

Ainsi vue de Kiev, notre vieille Europe, que l’on dit pourtant épuisée et dépassée, apparaît non seulement désirable, mais surtout indispensable. Elle illustre pour un peuple opprimé par des années de pouvoir arbitraire, oligarchique et corrompu, l’idéal d’un État de droit, démocratique et pacifié.

Les bruits de bottes ne doivent pas nous faire taire

L’EuroMaïdan est né de manière informelle, d’une alliance improbable entre des nationalistes souvent jeunes et démocrates, qui tentent, au prix du sang, de fédérer autour d’une culture commune un peuple vivant sous la tutelle d’un voisin autocrate. Loin des clichés propagandistes dignes des pires heures staliniennes, l’EuroMaïdan n’est ni un mouvement néo-fasciste, ni néo-nazi.

Il suffit pour s’en convaincre de débattre au hasard des rues ou de lever les yeux sur la foultitude de drapeaux bleu et jaune marqués des étoiles européennes qui flottent au vent.

Pour autant, si des forces xénophobes et racistes, paramilitaires ou politiques, existent bel et bien en Ukraine, elles seront d’autant plus promptes à agir que les forces démocratiques naissantes peineront à se regrouper pour préparer les futures échéances électorales.

Là est la responsabilité de l’Union européenne. C’est à nous de les aider, car pendant ce temps, Vladimir Poutine mobilise ses chars et ses milices. Au nom de la protection d’une population russophone qui ne demande pourtant aucune aide, Poutine cherche à s’assurer un contrôle total sur la Crimée, voire au-delà.

Ces bruits de bottes ne doivent pas nous faire taire. Dans cette crise ukrainienne, si l’Europe ne veut pas perdre le dernier crédit qui lui reste auprès d’une population qui la regarde encore les yeux pleins d’espoir, elle doit parler fermement et agir vite.

Suspendre toute coopération militaire avec la Russie

Il ne suffira pas de soutenir l’envoi d’une commission d’enquête indépendante, même si toute la lumière sur les exactions de l’ancien régime devra être faite.

Il faudra défendre le respect de l’intégrité du territoire ukrainien que les Russes et leurs affidés contestent en Crimée et sans un recul rapide et concret de Vladimir Poutine, l’annulation de la tenue du G8 à Sotchi constituera une première mesure minimale.

Il faudra également suspendre toute coopération militaire avec la Russie. Cela concernera en premier lieu la France qui doit encore livrer deux porte-hélicoptères achetés par la Russie en 2011 et qui doit accueillir fin mars plus de 400 militaires russes à Saint-Nazaire.

Il faudra très rapidement signer un accord d’association rééquilibré entre l’UE et l’Ukraine, qui attend de l’Europe qu’elle envoie des experts pour auditer les finances publiques, structurer la justice et surveillerle bon déroulé des élections.

Au niveau économique, l’UE devra être au rendez-vous. Une réponse concertée, avec la BERD et la BEI, hors ajustements structurels, devra être négociée afin de soutenir une économie déjà lourdement atteinte, par des prédations effectuées pendant des décennies au seul profit de quelques oligarques.

Mais pour parvenir à cela, il faut que l’Europe accepte de se regarder sans fard dans le miroir que lui tend le peuple ukrainien. Et qu’y verra-t-elle ? 28 États incapables d’organiser une riposte concertée et efficace à une opération de déstabilisation menée à ses portes et de répondre concrètement à l’appel à l’aide qu’un peuple qui se révolte pacifiquement lui adresse.

N’ayons ni l’Europe timide, ni l’Europe honteuse

À l’évidence, l’Europe, qui reste pourtant à l’extérieur de ses frontières, le puissant symbole d’un espace politique fondé sur la paix, la démocratie et la solidarité entre les peuples, est impuissante à mener une politique commune, dès lors qu’il s’agit de défendre ses valeurs historiques.

L’Europe politique s’est égarée en chemin d’une construction européenne, qui n’en fait plus qu’une réalité économique, un marché bientôt sans âme et sans souffle.

Cette Europe là ne fait pas rêver, ni en Ukraine, ni chez nous. Elle a renoncé à changer le cours du monde, elle le regarde ; indifférente ou impuissante.

L’Europe voulue par nos aînés au sortir de la guerre – celle qui nous a offert la possibilité de pouvoir agir sur le cours des choses sans risquer nos vies, ni entendre manœuvrer les chars – est celle qui a permis au peuple ukrainien de trouver la force de changer son destin. C’est elle que nous devons faire revivre.

N’ayons ni l’Europe timide, ni l’Europe honteuse. Soyons déterminés à construire cette Europe fédérale qui, par une politique étrangère et une défense communes, par la reconstruction d’une communauté partagée de destins fondée sur un intérêt commun, sera seule capable de préserver ces valeurs fondamentales et fondatrices que tant de peuples nous envient.

Cette voie seule hissera l’Europe à la hauteur de ses exigences, de nos espérances et de celles du peuple ukrainien.

 

Tribune co-signée par Pascal Durand, tête de liste Europe-Écologie aux élections européennes en Ile de France, ex Secrétaire national EELV, Clarisse Heusquin , tête de liste Europe-Écologie aux élections européennes, région Centre et Karima Delli, Député européenne Europe-Écologie, tête de liste aux élections européennes, région Nord-Ouest.

]]>
Ukraine: EELV s’alarme de la répression et appelle l’Union Européenne à réagir https://transnationale.eelv.fr/2014/01/24/ukraine-eelv-salarme-de-la-repression-et-appelle-lunion-europeenne-a-reagir/ Fri, 24 Jan 2014 14:51:43 +0000 http://transnationale.eelv.fr/?p=3585 Lire la suite]]> Loi  « anti-émeute » liberticide, cas de torture, tirs sur la foule, EELV s’alarme de la dégradation de la situation en Ukraine qui a fait plus de 300 blessés et au moins cinq morts ces derniers jours et en appelle aux autorités françaises et européennes pour réagir avec fermeté à l’encontre du régime ukrainien.

EELV soutient les manifestants pro-européens qui campent dans le centre de Kiev après la volte-face du pouvoir sur un rapprochement avec l’Union européenne au profit de la Russie et appelle à l’arrêt immédiat des violences.

Depuis plus de deux mois, l’Union européenne appelle en vain le président Ukrainien Viktor Ianoukovytch « à la retenue ». Ces appels sont restés vain. Le président Barroso et la chef de la diplomatie européenne Catherine Asthon doivent désormais tout mettre en oeuvre pour favoriser une solution au conflit et à défaut adopter des sanctions économiques conséquentes à l’encontre du pouvoir Ukrainien.

L’Ukraine et sa population ne doivent pas être les otages de la stratégie d’influence russe. Il est du devoir de l’UE de réaffirmer la vocation de l’Ukraine à rejoindre la famille européenne si la majorité de sa population le souhaite, comme semblent le démontrer les évènements de la place Maïdan et dans l’ensemble du pays, et son droit à la paix, à la sécurité et au respect de ses droits fondamentaux. A l’heure où l’euroscepticisme progresse un peu partout en Europe, il est utile de rappeler qu’à nos portes, des populations réclament un rapprochement avec l’UE pour se voir enfin garantir l’état de droit.

EELV redoute également que la prochaine grande cérémonie des Jeux Olympiques de Sochi ne serve, en Ukraine comme en Russie, à masquer la dérive autoritaire des régimes russe et ukrainien.

Julien Bayou, porte-parole
Sandrine Rousseau, porte-parole

 

]]>