Sénat – Commission Transnationale https://transnationale.eelv.fr Un site utilisant Réseau Europe Ecologie Les Verts Wed, 04 Apr 2018 15:09:09 +0000 fr-FR hourly 1 Sénat : proposition de résolution sur la reconnaissance de l’Etat palestinien https://transnationale.eelv.fr/2014/10/24/senat-proposition-de-resolution-sur-la-reconnaissance-de-letat-palestinien/ Fri, 24 Oct 2014 10:24:43 +0000 http://transnationale.eelv.fr/?p=4186 Lire la suite]]> N° 49

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 octobre 2014

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

PRÉSENTÉE EN APPLICATION DE L’ARTICLE 34-1 DE LA CONSTITUTION,

sur la reconnaissance de l’État palestinien,

Par Mmes Esther BENBASSA, Leila AÏCHI, Aline ARCHIMBAUD, Marie-Christine BLANDIN, Corinne BOUCHOUX, MM. Ronan DANTEC, Jean DESESSARD, André GATTOLIN, Joël LABBÉ et Jean-Vincent PLACÉ,

Sénateurs

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’opération « Bordure protectrice » conduite par l’armée israélienne dans la bande de Gaza, en juillet et août 2014, en guise de riposte au meurtre de trois adolescents israéliens et à l’envoi répété de missiles par le Hamas en direction des villes du Sud d’Israël, a causé, du côté palestinien, la mort de 2 100 Gazaouis, pour l’essentiel des civils, et 11 000 blessés. Il est urgent d’agir pour que cessent les souffrances, les destructions et le sang versé.

Cette nouvelle explosion de violence a démontré une fois de plus, s’il en était besoin, l’urgence d’un plan de paix, et le devoir, pour les puissances européennes et américaine, d’inciter les deux parties, avec toute la détermination requise, à s’engager concrètement sur la voie d’un tel plan, et ce d’autant plus que la situation au Moyen-Orient se détériore gravement de jour en jour sur nombre de fronts.

Le vote non contraignant par la Chambre des Communes britannique d’une motion engageant le gouvernement anglais à « reconnaître l’État de Palestine à côté de l’État d’Israël », le 13 octobre 2014, est intervenu après une initiative d’inspiration similaire émanant du gouvernement suédois dix jours auparavant.

À ce jour, cent trente-quatre pays ont déjà franchi le pas de la reconnaissance de la Palestine, dont les anciens membres du pacte de Varsovie, dans les années 1980, à l’exception des pays fondateurs de l’Union européenne.

Le 12 octobre 2014, à la Conférence du Caire pour la Palestine et la reconstruction de Gaza, M. Laurent FABIUS, ministre des affaires étrangères et du développement international, a déclaré : « L’objectif est clair : un État de Palestine indépendant, démocratique, contigu et souverain, vivant dans la paix et la sécurité aux côtés d’Israël, sur la base des lignes de 1967, avec Jérusalem comme capitale des deux États. Cette solution des deux États est menacée sur le terrain notamment par la colonisation. Face à ce danger, il nous faudra bien reconnaître l’État palestinien. »

Dans les prochaines semaines, une résolution proposée par Mahmoud ABBAS, Président de l’Autorité palestinienne, sera soumise au vote du Conseil de sécurité, un veto américain restant évidemment toujours possible. Ce texte demande le retrait israélien complet, dans les deux ans, des territoires palestiniens occupés depuis 1967.

Même si les marges de manoeuvre diplomatique se révèlent étroites, tout vote symbolique en faveur de la reconnaissance de l’État palestinien aux côtés de l’État israélien – dont toutes les parties doivent reconnaître l’existence et le droit à la sécurité – marque un pas en avant. Le nombre croissant de tels votes a des chances d’insuffler un regain de détermination chez les dirigeants des pays qui composent l’Union européenne pour passer des mots aux actes.

Pour toutes ces raisons, il est proposé au Sénat d’adopter la présente proposition de résolution.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Le Sénat,

Vu l’article 34-1 de la Constitution,

Vu la résolution 181 du 29 novembre 1947 de l’Assemblée générale des Nations Unies qui adopte le plan de partage de la Palestine la divisant en deux Etats indépendants, l’un arabe, l’autre juif, et Jérusalem étant placée sous administration des Nations unies,

Vu la résolution 242 du 22 novembre 1967 du Conseil de sécurité des Nations Unies qui condamne l’« acquisition de territoire par la guerre » et demande le « retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés » et qui affirme « l’inviolabilité territoriale et l’indépendance politique » de chaque État de la région,

Vu la résolution 446 du 22 mars 1979 du Conseil de sécurité qui exige l’arrêt des « pratiques israéliennes visant à établir des colonies de peuplement dans les territoires palestiniens et autres territoires arabes occupés depuis 1967 »,

Vu la résolution 1515 du 19 novembre 2003 par laquelle le Conseil de sécurité se déclare « attaché à la vision d’une région dans laquelle deux États, Israël et la Palestine, vivent côte à côte, à l’intérieur de frontières sûres et reconnues »,

Vu la reconnaissance, en novembre 2012, à la Palestine du statut d’État observateur non-membre de l’ONU, par 138 pour (dont la France), 9 contre, et 41 abstentions (dont la Grande-Bretagne), statut conférant à la Palestine le droit d’assister à la plupart des réunions et d’en consulter la documentation mais ne lui permettant pas de voter, de proposer des résolutions ni de postuler à des offices onusiens,

Affirme solennellement son attachement au principe d’un État palestinien viable, vivant en paix et en sécurité aux côtés de l’État d’Israël ;

Exprime le souhait que la France reconnaisse sans délai l’État palestinien souverain et démocratique sur la base des lignes de 1967, avec Jérusalem comme capitale des deux États ;

Invite la France à tout mettre en oeuvre pour faire aboutir sur le terrain la solution négociée de deux États indépendants contigus.

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RCA : soutien à l’intervention française, nécessité de développer les capacités africaines de réaction aux crises https://transnationale.eelv.fr/2013/12/10/rca-soutien-a-lintervention-francaise-necessite-de-developper-les-capacites-africaines-de-reaction-aux-crises/ Tue, 10 Dec 2013 16:48:42 +0000 http://transnationale.eelv.fr/?p=3579 Lire la suite]]>

Intervention de Kalliopi ANGO ELA, sénatrice écologiste représentant les Français établis hors de France, lors du débat au Sénat sur l’engagement des forces armées en République centrafricaine

(dans le cadre du mandat résultant de la résolution 2127 du Conseil de Sécurité des Nations Unies)

Séance publique, mardi 10 décembre 2013

 

Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre de la Défense,

Monsieur le Président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées,

Mes cherEs collègues,

Nous sommes aujourd’hui réunis en application de l’article 35, alinéa 2, de la Constitution[1].

Je tiens, à titre liminaire, à rappeler la position des écologistes qui aspirent, concernant cette intervention en Centrafrique et  d’une façon générale s’agissant des interventions de nos forces à l’étranger, à ce que nos débats puissent être suivis d’un « vote de nos deux assemblées ».

En l’espèce, le Conseil de sécurité de l’ONU a autorisé, jeudi, le déploiement de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine (MISCA) pour une période de 12 mois.

En adoptant à l’unanimité de ses 15 membres la résolution 2127, le conseil a confié un mandat en plusieurs volets à cette Mission.

Appuyée par des forces françaises autorisées à [je cite] «  prendre temporairement toutes mesures nécessaires », la MISCA est notamment chargée de contribuer à protéger les civils et rétablir la sécurité et l’ordre public, à stabiliser le pays et à créer les conditions propices à la fourniture d’une aide humanitaire aux populations qui en ont besoin.

Avant de revenir plus en détails sur les diverses dispositions de cette résolution onusienne, et sur la place centrale qui doit être donnée aux forces africaines dans cette opération, il me semble important de rappeler le drame qui se vit depuis déjà trop longtemps en Centrafrique

Depuis la prise de Bangui au printemps dernier, par la Séléka, la RCA est le théâtre de pillages, exactions, et violences atroces à l’égard de la population civile.

La situation dramatique qui touche le pays s’est aggravée ces dernières semaines, plongeant la Centrafrique dans des violences meurtrières, ayant entrainé près de 400 morts jeudi et vendredi à Bangui. La Croix-rouge centrafricaine ramassait toujours samedi des dizaines de cadavres abandonnés depuis les violents affrontements des jours précédents, suivis de tueries à l’arme à feu ou la machette. Des centaines de blessés étaient également comptabilisés par Médecin sans frontière (MSF). Les viols et violences sexuelles faites aux femmes se sont aussi  multipliés, tout comme l’enrôlement des enfants soldats.

Face à cette situation inacceptable, il était urgent de réagir !

 

Les écologistes tiennent, ici, à réaffirmer que  « la capacité des pays africains d’assurer eux-mêmes leur sécurité est un objectif qui requiert le soutien international et particulièrement européen. »

Si nous saluons le soutien logistique annoncé par plusieurs Etats européens au profit de la MISCA, et l’annonce de 50 millions d’euros de l’Union européenne, à la demande de l’Union africaine (toujours au profit de la MISCA), nous regrettons, que la France soit à nouveau seule à intervenir dans le cadre du soutien à cette opération. L’urgence humanitaire et sécuritaire requiert un soutien collectif de nos partenaires européens, afin de protéger la population centrafricaine, rétablir la sécurité et la stabilité du pays.

 

Au-delà, et c’est l’essentiel selon moi, cette opération en RCA doit reposer sur l’engagement des forces africaines, et leur nécessaire implication, ainsi que sur celle de l’Union africaine.

 

Je salue, à ce sujet, le fait que lors des travaux du Sommet de l’Elysée pour la Paix et la sécurité en Afrique, les Chefs d’Etat et de Gouvernement aient « appelé à une réforme du Conseil de sécurité des Nations Unies permettant de renforcer la place de l’Afrique dans le cadre d’un Conseil élargi […] »

 

Avec eux, je me réjouis, également, « des avancées importantes réalisées par l’Union africaine, les communautés économiques régionales et les Etats africains dans la mise en œuvre d’opérations de paix africaines, au Mali, en République centrafricaine, en Somalie, en Guinée-Bissau, au Burundi, au Soudan (Darfour), aux Comores. Ces initiatives apportent des solutions africaines aux problèmes africains et doivent être soutenues par la communauté internationale. »

 

Les sénatrices et sénateurs écologistes, réaffirment donc aussi  « l’importance de développer les capacités africaines de réaction aux crises », et saluent l’engagement de la France, lors de ce Sommet, à « soutenir les efforts de l’Union africaine pour parvenir à une pleine capacité opérationnelle de la Force africaine en attente et de sa Capacité de déploiement rapide à l’horizon 2015, ainsi que la Capacité africaine de réponse immédiate aux crises (CARIC), telle que décidée par le Sommet de l’Union africaine en mai 2013. »

 

Par ailleurs, il me semble important de rappeler, que  par la résolution 2127, le Conseil de sécurité prie le Secrétaire général de l’ONU de créer un fonds d’affectation spéciale auquel les États Membres et les organisations internationales, régionales et sous-régionales pourront verser des contributions financières à la Mission.

La résolution lui demande également de créer rapidement une commission d’enquête internationale, pour une période initiale d’un an, chargée d’enquêter sur les violations du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme qui auraient été perpétrées en RCA « par quelque partie que ce soit » depuis le 1er janvier 2013. Les signalements de violences, y compris de violences interconfessionnelles, n’ayant cessé de se multiplier au cours de l’année écoulée.

Je soulignerai, enfin, que la résolution instaure aussi (pour une période initiale d’un an) un embargo pour empêcher la fourniture, la vente ou le transfert à la RCA d’armements et de matériels connexes de tous types. Un comité des sanctions sera chargé, en particulier, de veiller au respect, par tous les États Membres, dudit embargo.

Les écologistes seront particulièrement attentifs à ces deux derniers points.

Cet engagement des forces françaises en Centrafrique, en soutien à la MISCA, sous mandat de l’ONU, et à la demande du Gouvernement centrafricain, de la société civile de RCA et des États voisins, est donc une étape nécessaire en vue d’éviter une catastrophe humanitaire.

 

Cependant, nous devons, toutes et tous, prendre la pleine mesure de la complexité de la situation géopolitique en République centrafricaine. Le mauvais état des routes et des pistes, la diversité des groupes armés, rejoints par des brigands, bandits de grands chemins, et groupuscules crapuleux, sur fond de conflits interreligieux, rendent extrêmement compliquée la tache de la MISCA et de nos forces armées. Il est, dès lors, difficile de déterminer de façon précise qui agit, d’autant que nous sommes face à plusieurs groupes armés évanescents, qui risquent de se reconstituer aussi vite qu’ils seront dissous. Il s’agit donc de ne pas tomber dans l’écueil d’une  vision binaire « Séléka » contre « anti-balakas », ou « musulmans » contre « chrétiens », là où la situation est plus complexe. Notons, que de nombreux centrafricains d’obédience musulmane, se désolidarisent clairement de la Séléka (déjà fort morcelée) et ne souhaitent pas lui être assimilés.  Dans ce contexte, il nous appartient donc de faire preuve de précaution, a fortiori, en raison de la perméabilité des frontières avec les Etats voisins. Les enjeux géostratégiques sont donc de taille, au risque que la RCA devienne une base arrière de groupes radicaux déstabilisant toute la région.

Si les grandes villes pourront, à terme, être bien sécurisées, ainsi que les grands axes, (comme par exemple l’axe Bangui/Douala), l’instauration d’une  paix et d’une sécurité durable risque d’être  plus délicate à obtenir et à consolider dans les zones difficiles d’accès ou reculées de la brousse.

Je salue, d’ailleurs, le courage et l’engagement des soldats de la MISCA, et des troupes françaises. Notre groupe tient également à rendre hommage aux deux militaires français du 8ème régiment de parachutistes d’infanterie de marine de Castres tués cette nuit en opération à Bangui.

Cette intervention s’annonce donc malheureusement longue, évidemment dangereuse et d’une complexité sans précédent. Si comme concernant l’intervention au Mali, la phase militaire devra laisser au plus vite la place à la phase politique, puis au temps du développement, la différence résulte dans le contexte particulier de la Centrafrique où il n’existe plus d’Etat….

La reconstruction de l’Etat centrafricain, défaillant depuis de nombreuses années, sera le préalable nécessaire à sa stabilité, et à l’organisation d’élections démocratiques, dans un pays où les archives administratives et l’état civil ont été détruits. Une fois la paix rétablie, ce que nous appelons toutes et tous de nos vœux, quid de la constitution  de listes électorales, dans un Etats qui « renaitra de ses cendres » ? Les difficultés seront malheureusement multiples et nous devons d’ores et déjà les envisager.

Enfin, nous ne pouvons évidemment pas évoquer l’objectif de paix et de sécurité en Centrafrique,  sans aborder l’ultime et nécessaire  étape du développement, volet d’ailleurs intégré au Sommet de l’Elysée, à l’initiative de Monsieur le Ministre Pascal Canfin.

Cette étape de reconstruction sociale et économique passera par l’aide au développement, qui nécessitera une mobilisation de tous les acteurs. Il s’agira de mettre tout en œuvre, avec les autres Etats européens, l’UE, et l’ensemble de la société internationale, pour parvenir à un système de partenariat et de développement, associant le futur Etat centrafricain, la société civile, les organisations régionales africaines, les Etats africains, et les ONG.

 

En tant que sénatrice représentant les Français établis hors de France, je pense aussi aux Français établis en Centrafrique, dont une grande partie a dû rentrer en France au printemps dernier, suite à la prise de Bangui par les rebelles, tandis que d’autres ont rejoint d’autres États africains, et certains sont restés en RCA,  où tous avaient tissé des liens familiaux, sociaux et amicaux

L’intervention militaire ne suffira évidemment pas à résoudre les problèmes d’un pays extrêmement pauvre et affaibli par les conflits récents, comme l’a récemment souligné le président de MSF, M. TERZIAN, qui rappelait l’absence d’infrastructures, de système de santé, et que les hôpitaux y manquaient à la fois de personnel et de matériel. 

 

Je conclurai en citant, Vassilis Alexakis,  écrivain franco-grec, et son ouvrage intitulé Les Mots étrangers.

Il y fait une quête, celle d’apprendre le sango, la langue de Centrafrique. A travers l’apprentissage d’une langue rare, avec laquelle nous n’avons pas de lien, l’auteur décide d’un voyage à Bangui. Il écrit : « La mort aussi se lève de bonne heure à Bangui. J’ai mis du temps à me remettre de cette révélation. »

 

J’ajouterai que, depuis le 24 mars dernier, elle ne cesse malheureusement de se lever de bonne heure pour les Centrafricains !

Afin, que cela cesse au plus vite, le groupe écologiste soutiendra l’engagement des forces  armées en République centrafricaine.

 

Je vous remercie.



[1] Qui dispose : « Le Gouvernement informe le Parlement de sa décision de faire intervenir les forces armées à l’étranger, au plus tard trois jours après le début de l’intervention. Il précise les objectifs poursuivis. Cette information peut donner lieu à un débat qui n’est suivi d’aucun vote. »

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Mali : « Respecter le temps nécessaire pour une économie de paix à consolider » https://transnationale.eelv.fr/2013/02/22/mali-sinscrire-sur-du-long-terme-et-respecter-le-temps-necessaire-pour-une-economie-de-paix-a-consolider/ Fri, 22 Feb 2013 16:55:24 +0000 http://transnationale.eelv.fr/?p=3458 Lire la suite]]> Débat sur le développement dans les relations Nord-Sud à la demande du groupe écologiste au Sénat, le 21 février 2013 : intervention de Kalliopi Ango Ela, sénatrice écologiste représentant les Français établis hors de France.

« Madame la Présidente, Monsieur le Ministre, Mes cherEs collègues,

Le groupe écologiste a souhaité que ce débat portant sur « le développement dans les relations Nord-Sud » soit mis à l’ordre du jour de notre assemblée, en ce que ce thème s’inscrit dans une double actualité.

  • D’une part, il se situe en plein cœur des Assises du développement et de la solidarité internationale, piloté par Monsieur le Ministre ici présent, et dont la clôture est prévue le 1er mars prochain, en présence du Président de la République. J’ai été choisie par mon groupe pour le représenter à ces assises, ce dont je suis évidemment ravie, et je souhaitais que chacun et chacune des sénateurs et sénatrices puissent également, être associé-e à une réflexion à ce sujet, qu’ils – ou elles- aient ou non participé aux assises. En effet, nombre d’entre nous, chers collègues, dispose d’une expertise certaine concernant les relations Nord/Sud, et n’ a pourtant pas pu participer à ces assises. Le présent débat sera donc l’occasion pour l’ensemble de nos parlementaires, tous groupes confondus, d’enrichir les réflexions. Si le Sénat a su montrer son expertise lors de séances précédentes, elles furent – pour la plupart- essentiellement centrées sur des aspects budgétaires (je pense par exemple à l’aide publique au développement – APD- et aux débats relatifs à la taxe sur les transactions financières lors de l’étude de la loi de finances). Au-delà de ces aspects, il s’agira donc ici de débattre plus largement, et sous des angles plus diversifiés.

  • D’autre part, ce débat s’inscrit également dans l’actualité de la reprise de « l’aide » dans la région du Sahel et de la nécessité de la construction d’une paix durable au Mali, enjeu de développement majeur.

Au-delà de ces deux raisons liées à l’actualité, les écologistes sont évidemment extrêmement attachés aux questions de coopération et aux relations Nord/Sud, et ce thème se situe au centre de nos préoccupations.

A titre liminaire, je tiens à préciser que ma vision de ce sujet s’inscrit dans l’expérience du Sud, comme mon nom « ANGO ELA » l’indique d’ailleurs, nom du sud Cameroun.

En effet, résidant au Cameroun depuis 1987, j’y ai, notamment, dirigé -jusqu’à mon arrivée au Sénat, au mois de juillet dernier – un centre de recherche de géopolitique en Afrique centrale. Forte de cette expérience acquise durant plusieurs années au sein d’équipes de recherche « Sud », et en tant que sénatrice représentant les Français établis hors de France, je ne peux évidement avoir une vision franco-centrée des questions de développement.

Je remercie donc le groupe écologiste de m’avoir laissé exprimer parmi vous, chers collègues, les nombreux questionnements que suscite au Sud le thème qui nous réunit aujourd’hui du développement dans les relations Nord Sud.

* * *

Avant de développer trois points qui me semblent essentiels dans ce débat :

  • la nécessaire coordination entre les intervenants de différente nature, et à différentes échelles

  • la gestion de la temporalité dans les projets de coopération ; et,

  • le processus de sortie de crise durable au Mali,

je souhaitais revenir sur la terminologie même « d’aide au développement » et sur la nécessité d’une relation équitable et respectueuse entre les partenaires du Nord et du Sud.

• Un vocabulaire à redéfinir :

L’ensemble du vocabulaire employé à l’égard des pays du Sud est à redéfinir. Comme l’exprime Jean-François BAYART dans « L’énonciation du politique », un vocabulaire renvoyant à la domination et la dépendance reflète une posture de laquelle il convient de se détacher. Cessons ainsi d’évoquer « la population locale », et parlons des nationaux des Etats concernées par la coopération.

De la même façon, pourquoi parle-t-on d’«aide au développement », lorsqu’il s’agit de concéder des emprunts avec souvent une volonté de retour sur investissement ? De même, les « dons » relèvent-t-ils réellement de la solidarité ou de l’influence ?

La terminologie ne me semble pas appropriée, même si, Monsieur le Ministre délégué chargé du développement, c’est la notion qui a été retenue pour désigner votre Ministère…

Je préférerais que vous soyez désigné comme Ministre du « développement pour tous », ou du « développement mutuel », car je ne doute pas un instant que c’est cette voie positive que prend la politique mise en place par le Gouvernement.

Afin de reprendre cette idée, il me semble intéressant, comme l’a fait Gilbert RIST dans son ouvrage « L’économie ordinaire entre songes et mensonges », de citer l’exemple du Plan National de Développement bolivien. L’idée principale de ce plan, mis en place par le Président MORALES, consiste à assurer à chacun « une bonne vie », ce qui signifie en réalité « bien vivre entre nous ». Cela illustre une autre manière d’organiser la société, loin du libéralisme économique qui a toujours associé le « développement » à la croissance économique. Le plan de développement bolivien précise donc qu’ « il s’agit de vivre en tant que membres de la communauté, sous sa protection et en harmonie avec la nature ».

Cela pourrait recouvrir la notion occidentale de « bien-être », mais non « limitée à l’obtention et à l’accumulation de biens matériels », et ne se faisant ni « aux dépens des autres », ni « de la nature ».

Nos partenaires du Sud et certains chercheurs, économistes, politistes du Nord ressentent également la terminologie « d’aide » comme ne correspondant pas aux réalités de la pratique. Nous pourrions donc peut-être parler « d’entraide » ou d’« aide mutuelle », y compris pour l’action Française, ou alors assumer pleinement des objectifs d’influence.

Je rappellerai, à ce sujet, l’excellent avis présenté au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, par mes collègues Jean-Claude PERONNET et Christian CAMBON sur la mission « aide publique au développement » du PLF 2013, dont l’un des points, consacré à « des objectifs d’influence qui mériteraient d’être précisés », soulignait que :

« Les intérêts du Nord et du Sud peuvent être communs [ …] ou bien se recouper lorsque le donateur a intérêt au décollage économique du pays aidé . Sur le long terme, les objectifs ultimes poursuivis par la politique de coopération  correspondent aux intérêts mutuels des pays du Nord et du Sud. Il s’agit d’un développement plus harmonieux de la planète assis sur un modèle de développement durable et moins inégalitaire ».

Cet avis poursuit : « La revue des différents objectifs affichés par le budget de l’aide au développement fait apparaître un déséquilibre très clair dans la prise en compte de ces deux aspects de la politique de coopération au développement que sont la solidarité et l’influence. Ni le budget ni le document-cadre de coopération ne mentionne explicitement la question des intérêts français. Certes, d’autres instruments de coopération contribuent directement à la promotion de notre savoir-faire, à notre diplomatie culturelle ou encore à la sécurité de la France. Mais la coopération au développement est un des instruments de notre diplomatie d’influence. De même, une partie de l’aide bilatérale française vise explicitement le soutien aux entreprises françaises ».

Comme le rappelait également le CICID en 2004 : « Notre aide, composante de l’action extérieure de la France, doit être plus claire dans ses objectifs ».

Je rejoins l’avis de mes deux collègues qui estiment que cela était toujours valable en 2012, et que : «  ce constat est particulièrement vrai en ce qui concerne les objectifs poursuivis en matière d’influence et qui explique nombre d’incohérences entre stratégie et instruments. »

Les travaux du bilan évaluatif de la politique française de coopération au développement entre 1998 et 2010 effectués par le Cabinet Ernst and Young ont également souligné qu’ «  un affichage assumé et constant des positions en la matière ferait probablement gagner en lisibilité et crédibilité. »

Personnellement, je ne serai évidemment pas choquée si la France indiquait clairement être dans une relation d’affaires avec les pays bénéficiaires de l’APD bilatérale, en assumant ainsi le fait qu’elle en retire certains bénéfices, ce qui ne remettrait absolument pas en cause ses intentions par ailleurs louables. Ainsi, certains projets de coopération internationale pourraient être identifiés comme relevant du Commerce extérieur de l’Etat. Cela semble d’autant plus cohérent que certaines actions dites, à l’heure actuelle, « de développement » rejoignent les priorités de l’action définie en décembre dernier par Madame la Ministre du Commerce extérieur. Dans ses priorités d’action, Madame Bricq, identifie quatre « familles » dans l’offre commerciale de la France, qui sont :

  • « mieux se nourrir » (agroalimentaire, agriculture, ect..)

  • « mieux se soigner »

  • « mieux vivre en ville » (écotechnologie, gestion de l’eau, des déchets, etc..), et

  • « mieux communiquer »

Elles pourraient, quand elles sont à destination des pays du Sud, être abordées via une logique hybride alliant entraide et commerce extérieur. Il en serait ainsi fini du manque de crédibilité, et l’affichage serait clair. Au-delà, le budget accordé au développement serait clairement identifié et centré sur sa mission première.

Je conçois que cette idée puisse surprendre, mais cela pourrait peut-être aussi participer à des relations plus équitables entre les pays du Nord et du Sud, second point que je souhaitais évoquer, comme je l’ai annoncé.

• Une relation équitable et égalitaire :

Le respect, la considération, l’équité et l’égalité entre les partenaires du Nord et du Sud sont évidemment essentiels dans les projets de coopération. L’organisation des Assises du développement et de la solidarité internationale est un évènement important, et nous tenions avec mes collègues du groupe écologiste du Sénat, à vous féliciter pour cette initiative nécessaire. Il s’agit d’un excellent espace de dialogue, de partage et d’échange regroupant des acteurs bénéficiant d’une expertise certaine en la matière. Je suis ravie d’y participer, tant pour la qualité des contributions qui peuvent y être apportées, que par les pistes de réflexions qui s’en dégagent.

Mais la question de l’équilibre que j’évoquais, passe aussi par la voix du Sud, ou plus exactement LES voix du Sud, de ses représentants tant au niveau étatique, qu’en ce qui concerne ses ONG ou ses collectivités territoriales. Après s’être posé la question du « développement pour qui ? », nous devons donc nous poser celle du « développement avec qui ? ». La voix de l’autre, des partenaires sud, doit être écoutée et entendue.

Si j’ai apprécié la participation d’ONG du Sud, ainsi que de certains experts « sud », je regrette cependant que les Etats et les collectivités territoriales du Sud n’aient pas été davantage représentés. Cela aurait permis de croiser davantage les visions et de dresser un état des lieux de l’action, notamment entre collectivités territoriales du Nord et du Sud.

Ainsi pour que la considération et le respect soient placés au cœur de nos actions de coopération, nous devons intégrer les principaux intéressés à nos réflexions, et ce à nombre égal.

Le dialogue doit être équilibré et équitable.

D’ailleurs, à ce sujet, Joseph KI-ZERBO, grand historien et homme politique burkinabé -bien connu- décédé en 2006, disait : « L’Europe croit dialoguer avec l’Afrique, en réalité, elle ne reçoit que l’écho tropicalisé de sa propre voix ».

Je connais, Monsieur le Ministre, vos convictions, vos engagements et votre détermination à établir un dialogue constant avec nos partenaires du Sud. Vos nombreux déplacements à leur rencontre en témoignent d’ailleurs. Je ne doute donc pas que la clôture des assises le 1er mars prochain, permettra aussi de faire entendre leurs voix.

A ce sujet, les questions alliant mobilité, immigration et développement sont également essentielles.

Des contributions fort intéressantes aux assises ont ainsi pu mettre en avant « le droit à la mobilité », la reconnaissance du rôle des migrants comme acteurs du développement, et du concept de co-développement. Je citerai ici une contribution de la plateforme Eunomad, en date du 8 février dernier, définissant le co-développement comme « le développement imaginé, conçu et mis en œuvre par la rencontre fructueuse des attentes, savoir-faire, connaissances et compétences d’acteurs du nord et du sud. Une rencontre orchestrée par les populations migrantes ». Je partage évidemment avec Eunomad l’idée que « la mobilité des personnes conditionne les dynamiques de coopération ». Comme cela fut également souligné à juste titre «  en mettant un terme à la gestion des programmes de co-développement par le Ministère de l’intérieur et en la réintégrant au nouveau Ministère délégué au développement, le Président de la République a marqué une volonté de mettre fin à l’indexation des dispositifs nationaux de co-développement aux accords de gestion concertée sur les flux migratoire. Ce faisant, la reconnaissance d’un développement réciproque entre territoire s’appuyant sur la participation directe des diasporas est replacée à sa juste valeur comme composante à part entière du développement. »

Cette mobilité participant au développement mutuel doit donc être prise en compte tant dans le sens Sud-Nord, que Nord-Sud. Ne pourrait-on pas engager une réflexion sur une « migration réfléchie », favorisant l’inter-mobilité, et intégrant des projets de formation, de partage d’expérience, de valorisation des savoirs et savoir- faire. Bien loin du malheureux concept « d’immigration choisie », une « migration réfléchie » intégrerait les problématiques liées à la mobilité, y compris pour les Français se rendant séjourner ou résider à l’étranger.

Le groupe écologiste sait, Monsieur le Ministre, votre attachement au droit à la mobilité et nous espérons que notre Gouvernement pourra porter ces valeurs tant au niveau Européen qu’international.

* * *

En outre, comme j’ai pu l’annoncer précédemment, je souhaite évoquer avec vous toutes et tous, trois autres points essentiels.

  1. La nécessité d’une coordination entre les intervenants :

Une logique collective et de synergie doit évidemment prévaloir dans le cadre des montages de projets parfois bien complexes mis en place en matière de coopération.

Cette entraide complexe, intervient entre plusieurs acteurs publics, privés, qu’elle soit bilatérale, multilatérale, européenne et internationale, doit associer ONG, Etats, collectivités du Nord et du Sud. J’ai déjà évoqué, au sujet des assises du développement, la place fondamentale des Etats et des organisations régionales. Je reviendrai ici sur le besoin de coordination entre les différents acteurs. Comme l’évoquait Richard BANEGAS au sujet de l’Afrique, il ne faut pas tomber dans une « banalisation de la relation », où les Etats du Sud seraient dans une attente systématique, et risqueraient de se désengager des projets menés sur leurs territoires, faute d’y avoir été suffisamment associés. Il en va également de leur crédibilité auprès de leurs populations, et nous devons ainsi veiller à ce que tous les échelons puissent coopérer aux actions de développement.

  1. Une meilleure gestion de la temporalité dans les projets de coopération :

Le temps des bailleurs n’est pas celui des ONG, des Etats et des sociétés.

Zaki LAIDI, grand politologue français, dans ses travaux consacrésaux questions de temporalité politique évoque le « temps mondial ». Un de ses ouvrages est d’ailleurs centré autour de ce concept, et il y mène aussi une réflexion relative au « rétrécissement du temps politique ».

En effet, si un projet de développement se déroule sur 3 années, ce n’est pas nécessairement le temps de la visibilité et des résultats, qui eux peuvent prendre 5 à 6 ans.

A titre d’illustration concrète, je citerai par exemple, mon dernier déplacement au Niger, en novembre dernier, et le cas des ONG que j’y ai rencontrées, qui regrettaient le manque de temps imparti aux actions de développement.

Il faudrait donc qu’il y ait une possibilité de renouveler des projets surtout lorsqu’ils sont une réussite.

Un chercheur du Sud me confiait récemment l’exemple d’une action menée en Afrique par l’IRD –Institut de Recherche et de Développement- consistant à lutter contre la prolifération de certains moustiques porteurs de maladie. Il regrettait le fait qu’une fois l’efficacité de la technique mise en place et brevetée par l’IRD fut avérée, son action ne se soit pas poursuivie sur le terrain où elle aurait pu trouver de nombreuses autres applications permettant de résoudre d’autres difficultés.

Les chercheurs du Sud présents durant ce projet m’ont fait part de leur vision critique de cette intervention, et de l’impression qu’ils avaient eue que les chercheurs du Nord n’étaient pas là pour faire du développement, mais pour : « tester des produits, obtenir un brevet et repartir ».

  1. Le processus de sortie de crise durable au Mali :

Après le temps militaire et le temps politique voici le temps du développement, que l’on prépare, et qu’il convient de prévoir et d’organiser.

Le groupe écologiste se félicite évidemment de la reprise de l’aide au développement annoncée par la France et l’Union européenne le 12 février dernier, et l’on connait vos engagements à ce sujet, Monsieur le Ministre, et notamment lors de votre très récent déplacement au Mali, ainsi que le travail que vous avez fourni concernant la concertation des acteurs en particulier au niveau européen.

La situation malienne, reflète parfaitement les réflexions que j’ai pu mener ci-avant.

Cette construction d’une paix durable au Mali, en vue du « mieux vivre » et du « bien-être » des populations, devra se faire en adoptant de nouvelles postures mentales, un nouveau vocabulaire plus respectueux de nos partenaires, et en associant l’ensemble des acteurs, au niveau bilatéral, européen et international.

Cela devra, notamment, passer par une sortie de crise économique, et là encore, il faudra s’inscrire sur du long terme et respecter la temporalité nécessaire à la mise en place d’une économie de paix qui devra être consolidée.

Cette aide suppose évidemment une très bonne coordination, et je sais que vous vous y attelez, Monsieur le Ministre.

Je tiens à souligner que les Français du Mali savent se montrer solidaires de leur pays d’accueil, avec lequel ils ont bien souvent des attaches fortes, amicales, familiales, et de longue date. Je citerai, ici, un courrier adressé par la section Mali de Français du Monde –ADFE, à Monsieur le Président de la République, le 25 janvier 2013, où il était indiqué :

« La diaspora française que nous sommes restera solidaire avec le Mali qui nous a tant accueilli et intégré dans une communauté riche du lien social. […]. Pour réussir à terme, nous savons qu’il faut, aussi et surtout, s’impliquer dans une réelle coopération nord/sud et sud/sud afin de lutter contre les causes profondes de la détresse socio-économique qui ont favorisé cette invasion. Sans un franc partenariat entre les peuples, l’intervention française à côté du Mali perdra son sens. »

Il me semble que l’essentiel est dit, et en tant que sénatrice représentant les Français établis hors de France, je me dois également de penser à nos compatriotes et suis extrêmement fière de la solidarité et du soutien qu’ils manifestent à l’égard du Mali.

Les Français du Mali sont donc des acteurs de ce développement mutuel conduisant à une paix durable, comme le sont les Maliens en France.

Alors retrouvons des liens pacifiés, des liens apaisés, et préparons ensemble la paix et surtout l’après.

* * *

Pour conclure, je tenais Monsieur le Ministre à vous faire part du soutien du groupe écologiste dans la tâche qui est la vôtre, et à relayer les espoirs placés, tant au Nord qu’au Sud, dans la mission que vous menez en vue que le développement et la solidarité internationale retrouvent tous leurs sens. »

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Débat sur l’intervention française au Mali https://transnationale.eelv.fr/2013/01/17/debat-sur-lintervention-francaise-au-mali/ Thu, 17 Jan 2013 12:11:35 +0000 http://transnationale.eelv.fr/?p=3352 Lire la suite]]>

Mercredi 16 janvier s’est tenu un débat au Sénat sur l’engagement des forces armées en réponse à la demande d’intervention militaire formulée par le Président du Mali (en application de l’article 35, alinéa 2, de la Constitution).

Au nom du groupe écologiste, Leila Aïchi a réitéré le soutien à l’intervention française au Mali. Elle a toutefois émis de nombreuses réserves, à commencer par la réfutation de l’approche civilisationelle de la « guerre contre le terrorisme », rappelant au contraire l’origine largement environnementale des tensions dans la région.

Ainsi, elle a insisté sur le nécessaire changement de paradigme à effectuer dans notre analyse des conflits. Développer une approche environnementale permettrait d’anticiper au mieux les tensions – souvent liées à des questions de partage des richesses, et de définir une politique de coopération et de développement en mesure de limiter, à terme, l’éclatement de conflits armés.

Voici le texte de son intervention (seul le prononcé fait foi) :

« Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre,

Monsieur le Président de la Commission,

Mes cher-e-s collègues,

Tout d’abord, je tiens une nouvelle fois, au nom du groupe écologiste,  à présenter mes condoléances à la famille du lieutenant BOITEUX et à l’ensemble des civils tués dans les opérations.

Dans les périodes de crise intenses, nos compatriotes attendent des réponses claires.

En ce sens, le groupe écologiste du Sénat et moi-même reconnaissons la licéité de l’intervention française au Mali, au regard des relations bilatérales entre nos deux pays, et soutenons nos femmes et nos hommes engagés dans cette opération.

Toutefois, au regard du droit international, les trois résolutions votées à l’ONU ((2056, 2071, 2085), ouvrent la voie à une intervention internationale sous responsabilité africaine et pouvant faire usage de la force, mais sans implication directe de la France.

Il est donc urgent de nous conformer au droit international.

Pour autant, la clarté de notre décision ne s’inscrit pas dans la simplification à outrance ou la caricature d’une situation géopolitique très complexe.

« Faire la guerre contre le terrorisme  partout où il se trouve» est une formulation trop stéréotypée voire fausse pour appréhender de manière exhaustive une problématique malienne et régionale multifactorielle, et complexe je le répète.

Souvenons-nous du funeste exemple des néo conservateurs américains et du concept plus que douteux de la « guerre contre la terreur ».

Quelle a été la plus-value de cette stratégie en Iraq en 2003 et en Afghanistan en termes de sécurité ? Les populations civiles ne connaissent – hélas – que trop bien le coût exorbitant de telles idées.

I] D’ailleurs, avons-nous les moyens d’une telle ambition ? Dans ce cas, pourquoi ne pas tirer les conséquences de vos analyses et multiplier le budget de la défense par cinq ?

De même, je vous rappelle que nous évacuons nos troupes d’Afghanistan, après 10 ans de guerres, avec des résultats plus que mitigés…

Pour ma part, je ne souscris en rien au concept du choc des civilisations, alors même que nous savons tous ici qu’il s’agit essentiellement d’un problème d’accès aux matières premières et à l’énergie.

Je ne crois pas non plus au caractère irréconciliable d’un nord mali touareg opposé à un sud mali noir.

De même, l’antagonisme historique entre une culture nomade et une culture sédentaire ne doit pas être exagérée.

Le prétexte religieux souvent utilisé pour des entreprises criminelles, dont l’essentiel est lié au trafic d’armes et de drogue, ne peut en aucun cas servir d’argument sérieux.

Le groupe écologiste et moi-même sommes pour le principe d’une intervention immédiate, urgente, humanitaire, et limitée dans le temps et contre le principe d’une guerre qui s’installe dans la durée.

Nous ne devons pas minorer les risques pour la population malienne, ni sous-estimer les risques pour les Etats de la région, et ignorer les perspectives internes au Mali pour l’après-conflit.

Quel sort sera réservé aux réfugiés ?

La possibilité d’exactions contre la population touareg est plausible, compte tenu du peu de formation de l’armée malienne et des forces de la CEDEAO.

La situation explosive de la Lybie, de la Côte d’Ivoire, et d’autres pays, doit nous imposer de réfléchir et de proposer dès à présent des solutions pour l’après-conflit.

II] En tant qu’écologistes et progressistes, nous rejetons avec véhémence toute approche essentialiste des identités, car nous savons où cela mène…

Souvenons-nous du Rwanda mes cher-e-s collègues.

Nous devons donc nous défier de toute lecture ethnique trop simpliste, et nous attaquer aux réels problèmes qui minent le Mali.

Et ils sont nombreux !

Gagner un conflit, c’est d’abord gagner la paix. Car le pouvoir malien est en pleine décrépitude…

Qui gouverne le pays ?

Le pouvoir civil ? La junte militaire ?

Qu’en est-il de l’état du système judiciaire malien, de son administration, de ses services publics ?

Quel est le niveau de corruption institutionnel ?

QUEL EST LE ROLE DES ACTEURS REGIONNAUX ? QUEL EST LE ROLE DE L’ALGERIE ?

Pour répondre à toutes ces questions, la France et l’Europe, dramatiquement absente, doivent d’abord porter leur concours à la mise en place d’institutions légitimes et démocratiques pérennes, répondant aux aspirations de la société civile.

On a fait l’Europe des banques et de la finance.

Où en est l’Europe de la défense ?

De même, des plans de coopération pour le développement d’économies réellement durables et solidaires doivent constituer une priorité, et je tiens à saluer le travail de Pascal Canfin sur ce sujet.

Il ne s’agit pas de l’installation de multinationales voraces pillant le pays, mais bien d’un développement solidaire et durable des PME et TPE françaises et maliennes dans le cadre d’un partenariat équitable.

Il ne faut pas oublier non plus que cette crise est une conséquence historique du colonialisme dans la région et du tracé arbitraire des frontières.

La prise en compte de cette dimension est essentielle à tout processus de sortie de crise.

III] Enfin, il faut aussi prendre la mesure de la problématique environnementale dans la sous-région sahélienne.

Comme le rappelle la FAO, la sécheresse, générée par le dérèglement climatique, a, en 2012, réduit la production céréalière du Sahel de 26 pour cent par rapport à l’année précédente[1].

De graves pénuries de fourrage conduisent à la transhumance précoce et à des changements dans les voies empruntées par le bétail, ce qui aggrave les tensions entre communautés et aux frontières.

L’insécurité alimentaire et la malnutrition sont récurrentes dans la région avec plus de 16 millions de personnes directement menacées cette année.

Mes cher-e-s collègues, je ne le répèterai jamais assez, la paix et l’environnement sont plus que jamais liés au XXIème siècle.

Combien faudra-t-il de drames humains pour que la France et l’Europe comprennent cette triste réalité ?

Que dire de l’exemple du Darfour, dont l’origine du conflit trouve sa source dans un problème d’accès à l’eau ?

Du delta du Niger ?

Ou encore, de la Somalie  où les phénomènes de surpêche, principalement dus aux bateaux usines des multinationales, créent des pirates en puissance ?

Monsieur le Ministre, les conflits du XXIème siècle ne sont plus les conflits du siècle précédent.

Le monde a évolué. Pas notre vision en matière de conflits militaires. Les conflits liés aux guerres territoriales cèdent la place aux conflits de nature environnementale et énergétique.

J’ai interpellé plusieurs fois le gouvernement sur ce nécessaire changement de paradigme, sans résultat.

IV] L’opération SERVAL est une nouvelle démonstration de 50 années d’échec de la coopération avec l’Afrique.

50 ans de pillage des ressources naturelles

50 ans de développement gangréné par la corruption.

50 ans d’incapacité totale à construire des relations durables, respectueuses, et équilibrées.

Bref, 50 ans sans vision.

Le drame qui se déroule aujourd’hui nous impose de remettre en question nos relations franco africaines.

Mes chers collègues, sachez-le, les réfugiés climatiques d’aujourd’hui seront les révoltés de demain !

Mes chers collègues, nous avons la responsabilité historique de mettre en œuvre des instruments de prévention écologique des conflits.

Je vous remercie. »

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