Mali – Commission Transnationale https://transnationale.eelv.fr Un site utilisant Réseau Europe Ecologie Les Verts Wed, 04 Apr 2018 15:09:09 +0000 fr-FR hourly 1 L’Afrique aux Journées d’été EELV 2014 https://transnationale.eelv.fr/2014/09/29/lafrique-aux-journees-dete-eelv-2014/ Mon, 29 Sep 2014 15:36:57 +0000 http://transnationale.eelv.fr/?p=4050 Lire la suite]]> Les Journées d’été EELV se sont tenues du 21 au 23 août sur le campus de l’Université Bordeaux III à Pessac (Gironde). En plus d’un atelier dédié à la coopération décentralisée Bègles-Bargny (Sénégal), quatre ateliers étaient consacrés à des questions liées à l’Afrique. Leurs débats sont brièvement résumés ci-dessous.

 

 

 

 

 

Mali : gagner la paix

Jeudi 21 août à 16h30, salle A4

Animation
Françoise Alamartine, responsable de la commission Transnationale
Gérard Lansade, membre du groupe Afrique EELV et de l’association « Avec et pour le Mali ».

Avec
Bintou Diallo,
présidente du Parti Vert malien
N’Fa Diabate, vice- président, maire de Tienfala, 6 900 hab.
Ousmane B. Diallo, éleveur, représentant de la Cnop1
Housseini Saye, maire de Bandiagara, 25 000 hab., pays Dogon
Nicole Kiil-Nielsen, députée européenne 2009/2014

Après Serval, pour EELV, il fallait gagner la paix pour éviter les conflits : favoriser un autre développement, la démocratie, la décentralisation, des échanges plus égalitaires, des projets issus des populations et non au profit des multinationales, l’agriculture paysanne.

Pari difficile : 172e/181 pour l’IDH, des camps de réfugiés, une situation instable au Nord, un tourisme exsangue, une économie à 80% agricole, un environnement parfois rude : sols ravinés par le déboisement, pluviométrie en baisse…

2013 : l’UE donne 250 millions d’euros, la France, 141. L’argent « se perd souvent dans le sable ». La coopération décentralisée entre collectivités cible les besoins, va dix fois plus vite, est plus efficace. Lors de la crise, l’Etat ne fonctionnait plus, les collectivités, si. Une commune sur cinq est jumelée avec une française. Exemple, Bandiagara ( Patrimoine de l’Unesco) et Orchies (Nord) : un jardin scolaire, projet du village, géré par les enfants, une cantine créée par les mères (avec une meilleure alimentation).

« 2012 : une guerre bien plus grave que celle du Nord Mali : l’accaparement des terres »
Des agriculteurs, des villages entiers, des centaines de familles expulsés au profit de multinationales (libyenne, chinoise, brésilienne) : jusqu’à 700 000 ha. Pompage de l’eau pour le canal démesuré (114m/42kms) du fils de Khadafi. Des terres vendues à des particuliers qui ne les cultivent pas.
40% des baux fonciers sont destinés aux cultures d’agro-carburants, ex.  la Jatropha qui formait les haies, fixait la terre, servait à fabriquer du savon.

Accords de Partenariat Economique (APE) : l’UE fait pression pour la libéralisation des échanges agricoles. Deux pays « sous tutelle » ont cédé, la Cedeao[1] vient de signer. Concurrence déloyale vu les subventions, les normes hypocrites (les agriculteurs maliens n’ont pas les moyens de mettre des pesticides).

Mauvaise gestion de l’Etat, brimades contre les paysans : l’exode rural s’intensifie.

Décentralisation. Elections régionales prévues, les 703 communes sont trop isolées. Le système électoral est proche du système français. Bandiagara, 17 élus, est divisé en 10 quartiers administrés par des « chefs ». Des efforts sont faits pour la parité. Coopération nécessaire pour l’eau, l’assainissement, la ville ayant grossi trop vite.

Le maire vert (comme 2 de ses adjoints) est élu depuis 2004 à Tienfana, 4 écoles, 2 second cycle, 4 centres de santé, une maternité.

Les compétences données aux municipalités (éducation, eau, santé) sont « de façade », le contrôle reste à l’Etat. Ainsi, la forêt de 300 ha, quoique classée, est en danger. Comme les réserves d’eau : le gouvernement a décidé seul d’y imposer la décharge de Bamako. La population, informée par la municipalité, a manifesté, obligeant l’Etat à protéger la ressource. 

Changements politiques. Avec une presse plus libre, des députés indépendants, des syndicats agricoles[2]: l’information circule. Les APE ne seront pas forcément ratifiés.

Suite aux mobilisations, une loi agricole est en cours, contre la spoliation par les multinationales (et prête-noms, obtenant crédits, exonérations, au contraire des agriculteurs)[3].

La loi foncière doit s’appuyer sur le droit coutumier, attribuant la terre à des cultivateurs non propriétaires. Contre les ventes illicites, la gestion doit revenir à la communauté, non au chef de village (parfois analphabète) et au maire.

Multipartisme : la Cnop a des élus, N’Fa Diabate s’est présenté aux législatives pour l’écologie (4e/8). Nicole K N, observatrice des élections 2013, confirme leur bonne tenue, due à l’habitude de l’Etat et des habitants d’en organiser. 

« Si tu cherches une aiguille et que celui qui t’aide à chercher a le pied dessus, tu ne pourras la trouver ».

[1] Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest
[2] Via Campesina a fait des formations, créé un village paysan, etc.
[3] Dénonciation arrivée jusqu’à l’ONU, lorsque cet accaparement a détruit un cimetière.

Lire le compte-rendu détaillé de l’atelier « Mali : gagner la paix »

Atelier "Mali, gagner la paix"
Atelier « Mali, gagner la paix »

 

Bordeaux, Nantes : mémoires comparées de l’esclavage

Vendredi 22 août à 14h30, salle A9

Avec
Élise Dan Ndobo
, Les Anneaux de la mémoire (Nantes)
Jean-Philippe Magnen, vice-président de la Région Pays de la Loire et ancien adjoint au maire de Nantes
Ousmane Cissé, CRAN Aquitaine
Marie Bové, conseillère régionale Aquitaine et déléguée à l’international au Bureau exécutif EELV

Animation
Benjamin Bibas,
co-responsable groupe Afrique EELV

Précédé d’une visite guidée de la ville de Bordeaux sur le thème de la traite négrière, cet atelier entendait comparer les traces institutionnelles que la mémoire de cette violence extrême avait laissées à Bordeaux et à Nantes. La parole était donnée à des acteurs associatifs et politiques des deux villes afin de comprendre comment l’action politique peut relayer les revendications associatives portant sur la mémoire de la traite.

Élise Dan Ndobo a rappelé l’engagement de l’association Les Anneaux de la mémoire dans l’organisation de l’exposition éponyme qui a rassemblé 400 000 visiteurs au Château des Ducs de Bretagne / Musée d’histoire urbaine de Nantes en 1992-1994, puis en faveur de l’explicitation de l’histoire de la traite à Nantes, premier port négrier français, dans les collections permanentes du musée. Considérant l’inauguration du Mémorial de l’abolition de l’esclavage au bord de la Loire en 2012 comme une avancée symbolique, elle souhaite aujourd’hui poursuivre la collaboration avec la Ville sur ce travail de mémoire. Saluant le travail de la municipalité de Jean-Marc Ayrault sur cette question, Jean-Philippe Magnen pense qu’il peut être prolongé par la mise en place de coopérations décentralisées avec les territoires concernés (Haïti, Antilles françaises, Rufisque au Sénégal…), le développement de recherches à l’Institut d’études avancées de Nantes, l’ouverture des quais de la Loire pour permettre un commerce plus visible et plus vertueux avec le reste du monde.

Saluant l’ouverture récente de six salles consacrées à la traite négrière atlantique au Musée d’Aquitaine, Ousmane Cissé a insisté, au-delà du travail de mémoire, sur la notion de réparations. Celles-ci pourraient prendre quatre formes : mémorielles (édification d’un mémorial), éducationnelles (approfondissement de la traite dans les programmes scolaires), foncières (réforme dans les Antilles françaises) ou financières (remboursements à Haïti). Marie Bové a rappelé que Bordeaux, avec plus de 500 expéditions négrières et plus de 130 000 Africains déportés, est classé deuxième port négrier français après Nantes, et même premier au début du XIXe siècle. Pour continuer d’éclairer cette histoire sombre, elle propose la création d’un Institut des mondes africains afin de lier recherches et arts sur l’Afrique historique et contemporaine. Jean-Philippe Magnen conclut en envisageant la création d’une coordination des différents pôles travaillant sur la traite au sein d’un centre national français sur ces questions.

Mémorial de l'abolition de l'esclavage, Nantes
Mémorial de l’abolition de l’esclavage, Nantes

 

La République centrafricaine, un pays en crise au cœur d’une sous-région en mal d’écologie

Vendredi 22 août à 16h30, salle C4

Avec
François Passema, Comité d’action pour la conquête de la démocratie en Centrafrique (CACDCA)
Narcisse Kamayenwode, EELV Bègles
Frank Kodbaye, journaliste tchadien
Kalliopi Ango Ela, ex-sénatrice EELV des Français établis hors de France (2012-2014)

Discutants
Balaam Facho,
Forum des ORganisations Environnementales du Tchad (FORET)
François Missengue et Amédée Keti, cercle La Rupture (Congo-Brazzaville)
Raimundo Ela Nsang, Coalition pour la Restauration de la Démocratie (CORED) en Guinée équatoriale)

Animation
Benjamin Bibas,
co-responsable groupe Afrique EELV

Le but de cet atelier était double : analyser les causes du conflit en République centrafricaine (RCA) sous un angle écologique ; proposer des solutions de sortie de crise impliquant tous les pays d’Afrique centrale.

François Passema et Narcisse Kamayenwode estiment que sous des dehors de conflit communautaire, la guerre en RCA vise l’appropriation des ressources naturelles du pays (diamant, pétrole, bois, riche sous-sol forestier, eau…) et notamment de sa région Nord. Elle est alimentée par le Tchad avec la bienveillance de puissances plus lointaines (pays arabes du golfe persique, Chine…). Par-delà l’intervention militaire française, la sécurité des Centrafricain/es ne pourra être rétablie que par l’augmentation du dispositif militaire onusien à environ 15 000 hommes répartis sur l’ensemble du pays. La RCA devra ensuite être mise sous tutelle de l’ONU pendant un an ou deux, le temps d’organiser des élections et une justice crédibles. Pour Frank Kodbaye, la guerre en RCA ne peut être enrayée à moyen et long terme que par une coopération régionale visant une gestion durable des ressources naturelles de la RCA et d’Afrique centrale au profit des habitant/es de la sous-région. Kalliopi Ango Ela abonde en ce sens, concluant sur l’importance de la gestion collective du foncier, dont le cadastrage administratif recèle des conflits durs et infinis.

Des écologistes de pays voisins ont discuté ces propos. Balaam Facho (Tchad) pense que la déstabilisation de la RCA est une politique délibérée menée par le président tchadien Idriss Déby. François Missengue et Amédée Keti (Congo-Brazzaville) ont parlé d’une véritable razzia des puissances asiatiques sur la faune et la flore de la forêt du « rectangle vert » (Congos, Gabon, Cameroun, RCA), relevant également le danger d’une expansion islamiste violente dans la région. Raimundo Ela Nsang (Guinée équatoriale) a appelé à la création d’un syndicat des opposants écologistes aux régimes dictatoriaux d’Afrique centrale : si la situation se débloque dans un pays, celui-ci deviendra une base arrière pour que les écologistes des pays voisins puissent s’organiser.

François Passema et Cécile Duflot
François Passema et Cécile Duflot

 

Négritude et écologie : autour de la figure d’Aimé Césaire

Vendredi 22 août à 16h30, salle C6

Avec
Balla Koné
Bénédicte Monville-De Cecco
, docteur en anthropologie sociale et ethnologie (EHESS).

Animation
Frédéric Maintenant
, groupe Afrique EELV

Pourquoi Aimé Césaire aux Journées d’été d’EELV ? Certes, le centenaire d’Aimé Césaire a eu lieu l’année dernière, mais rien ne nous empêche de revenir sur les pensées d’un éminent homme de culture du XXe siècle qui fut comme Léopold Sédar Senghor, un grand acteur politique d’abord en France et contrairement à Senghor… toujours en France par la suite, une France de 1982 décentralisée mais une France qui n’a toujours pas complètement réglé et assumé son passé colonial. Négritude et écologie, c’est une évidence car la biodiversité est d’abord humaine.

Pour Frédéric Maintenant, « lire et relire Césaire, c’est voir devant soi la vie prendre, l’existant se muer, l’existence être, et comment assumer d’être écologistes si la vie n’est pas au centre de nos préoccupations, et quand je lis Césaire, je ressens cette virulence pas facile de l’être prenant forme et voulant s’affirmer. Et, en même temps Césaire nous parle de ce qui a toujours été là, cette nature, nature humaine, nature maternelle, mais, il n’en parle pas comme ça de but en blanc, il la fait émerger en nous à travers la science infinie de son langage, science qui couvre littérature et politique. La force de ses mots est sa fierté, on la sent toujours présente, mobilisatrice et, pour moi, elle me donne l’envie de vivre, la nécessité de continuer, et, là, oui, là, je vois, je perçois ce qu’est la nécessité écologique d’être. Les Antilles, l’Afrique, la Négritude, sans les chercher, s’inscrivent alors en moi, comme inséparables de ce que je suis, et comme l’acteur blanc des Griotshango dans Soleil O de Med Hondo, je n’ai aucun problème, aucune gêne à dire:  « Mais moi aussi je suis nègre » ».

Ensuite a été diffusé un extrait d’une interview d’Aimé Césaire, puis un montage extrait de la pièce de Césaire Et les chiens se taisaient.

Bénédicte Monville De Cecco a fait une présentation de l’histoire du problème de l’esclavage en Martinique en le liant à la pensée poétique et politique d’Aimé Césaire, faisant plusieurs analyses du vocabulaire étendu du poète, et mettant en avant l’importance de la nature dans sa pensée, tout en admettant des contradictions écologiques, comme la volonté de mettre en valeur les plantations de bananes.

Puis Balla Koné a évoqué l’importance d’Aimé Césaire dans le cursus des élèves maliens, soulignant l’implication politique en Afrique de la Négritude, soulignant la fierté retrouvée d’être noir et intellectuel, mais que Négritude et couleur de peau ne se confondaient pas.

Visionner la vidéo de l’intégralité de l’atelier.

Aimé Césaire
Aimé Césaire au Panthéon
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Compte rendu de l’ATELIER MALI : Gagner la paix ? https://transnationale.eelv.fr/2014/09/26/compte-rendu-de-latelier-mali-gagner-la-paix/ https://transnationale.eelv.fr/2014/09/26/compte-rendu-de-latelier-mali-gagner-la-paix/#comments Fri, 26 Sep 2014 14:58:53 +0000 http://transnationale.eelv.fr/?p=4038 Lire la suite]]> Merci aux eurodéputé-es,  en la personne d’Eva Joly et Michèle Rivasi, ainsi qu’à la Fondation de l’Ecologie Politique pour leur financement.

Animation : Françoise Alamartine, responsable de la commission Transnationale, Gérard Lansade, membre du Groupe Afrique et de l’association « Avec et pour le Mali ».

Intervenant-es : Bintou Diallo, présidente du Parti Vert malien, N’Fa Diabate, vice- président, maire de Tienfala, 6900 H – Ousmane B.Diallo, éleveur, représentant de la Cnop1– Housseini Saye, maire de Bandiagara, 25000H, pays Dogon – Nicole Kiil-Nielsen, députée européenne 2009/2014.

Introduction : Françoise Alamartine, responsable de la commission Transnationale

Après l’opération militaire « Serval, » l’important pour EELV était de parvenir à « gagner la paix », c’est à dire favoriser un autre développement seul à même d’éviter d’autres conflits. Il nous a donc semblé nécessaire un an et demi après de faire le bilan de cette intervention et de ses suites.

Aujourd’hui, « Barkhane » a succédé, depuis le 1er août, à « Serval » et 3000 hommes se sont installés dans le Nord du Mali. Ce qui devait être une opération limitée dans le temps semble se transformer en présence permanente.

Certes, la région Nord n’est pas stabilisée. Bien sûr, les problèmes en Libye peuvent être menaçants. Mais la question n’est-elle pas plutôt, comme partout, que nos gouvernements ne s’attaquent pas aux causes. Qu’ils ne savent pas ou ne veulent pas, car le bellicisme et les guerres sont des solutions commodes en temps de « crises » justement « Comment gagner la paix ? ».

Pour EELV, gagner la paix signifiait l’instauration d’une vraie démocratie. Ce qui veut dire, représentative, mais aussi participative, à l’écoute des populations, avec les populations. Avec une place importante donnée aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Notez qu’il ne s’agit pas de donner des leçons : cette définition d’une véritable démocratie, nous aurions grand besoin de nous l’appliquer à nous mêmes.

Il s’agissait aussi de modifier, enfin, les relations économiques, commerciales, inégalitaires. Et de privilégier des projets élaborés avec la population. Que la reconstruction ne soit pas une aubaine pour les multinationales françaises. Ce n’est pas être cynique que de dire cela à l’heure où le gouvernement privilégie la diplomatie économique, l’ouverture des marchés et supprime le mot « Coopération » de son vocabulaire.

Qu’en est-il, d’ailleurs, de l’aide au développement ? Notre ministre du Développement, avant sa démission du gouvernement, a tenté de réformer son fonctionnement, d’y inscrire des critères plus environnementaux, sociaux, d’y introduire plus de transparence…

Et, dans un pays où la population rurale est majoritaire, comment se porte l’agriculture vivrière ? A l’heure où les institutions internationales, FMI, Banque Mondiale, après l’avoir ruinée par leurs plans d’ajustement structurels, s’accordent enfin à souligner l’absolue nécessité de soutenir l’agriculture familiale… est-ce le cas au Mali ?

On peut douter, puisque aujourd’hui l’Union Européenne fait pression sur les pays d’Afrique de l’Ouest pour qu’ils signent des Accords de Partenariat Economiques (APE). Afin qu’ils ouvrient leurs frontières aux produits européens subventionnés, ce qui ruinerait un peu plus l’agriculture locale.

Pour nous, écologistes, ce modèle de développement n’est évidemment pas viable, ni pour la population, ni pour l’environnement. Il faut en inventer un autre.

C’est toutes ces questions sur la démocratie, le développement local, l’économie, l’agriculture, l’environnement qui se posent à nous et dont nous voulons débattre avec nos invité-es.

Gérard Lansade, membre du groupe Afrique d’EELV et de l’association « Avec et pour le Mali »

Comment gagner la paix dans un pays classé 172ème sur 181 par le classement mondial de l’ONU ( richesse du pays et revenu par habitant) et où ,de plus, après l’intervention militaire au Nord Mali, des réfugiés vivent encore actuellement précairement dans des camps à l’extérieur du pays ou bien sont disséminés sur le territoire malien sans pouvoir regagner leur région d’origine en l’absence de sécurité.

À la conférence des pays donateurs (15/05/2013 -Bruxelles , l’Union Européenne a accordé au Mali une enveloppe de 250 millions d’euros . La France pour sa part a fixé à 141 millions d’euros son aide directe.

Ces moyens financiers sont destinés à une relance multiforme prioritairement pour l’accès à l’eau, l’électricité, la santé, l’alimentation dans un pays ( et pas forcément qu’au Mali) où souvent l’on constate que l’argent des aides se « perd dans le sable ».

Avec ma double casquette de membre d’EELV et de l’ONG « Avec et pour le Mali », nous avons pensé, au groupe Afrique d’EELV, inviter Housseini Saye, Maire de la commune de Bandiagara (25000 habitants-Pays Dogon) distante de seulement 60 kilomètres de Kona où la progression de combattants venus du Nord a été stoppée militairement.

La coopération décentralisée

Une précision : une commune malienne sur cinq est aujourd’hui jumelée avec une commune française. La collectivité territoriale de Bandiagara , pour sa part, opté pour un co-développement dans le cadre d’une coopération décentralisée signée d’abord historiquement avec la ville de Rennes (Nicole Kill Nilsen ici présente en était la responsable) et maintenant avec la ville d’Orchies (59) qui s’appuie sur notre ONG « Avec et pour le Mali ». Nous solliciterons le témoignage d’Housseini sur les besoins et les attentes de sa commune. Nous pensons ensemble qu’avec cette échelle et en s’adressant directement à leurs homologues la collaboration internationale décentralisée cible avec plus de précisions les besoins, permet d’aller plus vite ( dix fois plus qu’avec un travail d’Etat à Etat), d’être plus directe, plus efficace et mieux adaptée.

Un exemple concret : dans le cercle de Bandiagara, la commune de Kombo Kani a pu réaliser un « jardin scolaire ». C’est un projet villageois car les autorités locales, les enseignants et les familles ont élaboré ensemble, avec le soutien de notre ONG, le projet ( accès à l’eau, palissades, semences reproductibles, etc…). Résultat : dans cette région sahélienne, les enfants prennent en charge le jardin, les mères bénévoles ont créé et gèrent une cantine, la nourriture est diversifiée, les enfants sont assidus à l’école, ce modèle est reproductible sur d’autres communes .

Les écologistes se doivent, là où ils peuvent les actionner, de répondre présents à ces opportunités d’intervention de terrain par delà les politiques générales menées par les Etats.

Atelier Mali

Nous laissons la parole à nos invité-es.

Housseini Saye, maire de Bandiagara

Proche de la falaise. Bandiagara est classé « Patrimoine mondial de l’UNESCO « , c’est la 1ère destination touristique du Mali. Mais cette principale ressource est actuellement exsangue à cause de la désertion des touristes causée par l’instabilité de la région Nord qui est proche.

Problèmes d’environnement

Il y a bien une petite agriculture, mais le déboisement a entrainé le ravinement des sols lors des pluies. Et ceci, bien qu’il y ait peu de pluie, puisqu’on est passé de 500/600 mm/an à 300/400. Cela rend la situation de plus en plus difficile.

Le système électoral est proche du système français et la municipalité se compose de 17 élu-es. Des efforts étant faits pour atteindre la parité. La ville est divisée en quartier de 2500 habitants administré par des « chefs de quartier ».

L’un des problèmes de Bandiagara tient à ce que la ville a grossi sans que les infrastructures puissent suivre, en particulier pour l’assainissement ou la distribution de l’eau. D’où l’importance de la coopération décentralisée, comme l’a décrite Gérard L.. Elle est bien préférable à la coopération d’Etat à Etat, correspondant mieux aux besoins des populations et leur parvenant. D’ailleurs, lors de la crise gouvernementale, alors qu’il n’y avait quasiment plus d’Etat, les collectivités fonctionnaient encore.

 

Ousmane B. Diallo, représentant de la CNOP

La Cnop est une fédération d’associations et non d’individus. Elle se différencie des chambres syndicales, qui sont des organismes d’état, elle est indépendante.

En 2012, il y a eu une guerre bien plus grave que celle du Nord Mali, c’est celle de l’accaparement des terres.

Du jour au lendemain, des agriculteurs se sont trouvés privés de leurs terres, sans en avoir été avertis. Ils arrivaient un matin sur leur terre et on les chassait. Des centaines de milliers d’hectares ont été attribués à des Libyens, à des entreprises chinoises, à des sucrières brésiliennes. En 2011, cette spoliation atteignait 700 O00 hectares. 33 villages ont ainsi été dépouillés de leurs terres. Un fils de Khadafi a participé à ce vol, creusant un canal de 114 m sur 42kms ( contre 8 à 10 m normalement), pompant l’eau du fleuve au détriment des habitants.

Grâce aux mobilisations, aux manifestations, une loi sur l’agriculture est en train d’être élaborée. Elle intègre une politique foncière agricole qui reprend nombre des propositions de la Cnop et de ses représentants élus au Parlement. Elle vise à empêcher l’accaparement des terres par des multinationales. Mais celles-ci engagent des prête-noms. On leur donne de l’argent, des crédits et ils ont droit à des exonérations d’impôts.

Heureusement, il y a eu l’aide de Via Campesina, qui a formé et informé et qui a aussi aidé à la création d’un village paysan. La sensibilisation est même arrivée jusqu’à l’ONU. En particulier lorsque ces occupations ont abouti à la profanation d’un cimetière.

Après la guerre, la paix ?

Résistance aux APE

Aujourd’hui, grâce au multipartisme, la presse est plus libre, elle parle des APE. Elle dénonce la concurrence déloyale, grâce aux subventions cachées, aux rendements inférieurs parfois. Et aux normes hypocrites : des produits refusés parce qu’ils ne correspondent pas aux normes environnementales européennes, alors que les agriculteurs maliens n’ont pas les moyens de mettre autant de pesticides que les européens !

Des pays « sous tutelle », comme la Côte d’Ivoire ou le Ghana, ont été forcés de signer ces accords. La Cedeao vient de le faire, mais ils doivent encore être ratifiés par les gouvernements. La Cnop a quelques députés qui sont informés et vont travailler à informer leurs collègues, qui, en général, le sont beaucoup moins.

 

Intervention de Binto Diallo, présidente du Parti Vert Malien

L’intervention française a été une bonne chose, mais tout n’est pas parfait. Il faut se souvenir d’un proverbe malien :  » Si tu cherches une aiguille et que celui qui t’aide à la chercher a le pied dessus, tu ne pourras la trouver ».

Les problèmes de la terre sont primordiaux. La famine, les difficultés détournent les jeunes de l’agriculture. Kidnapping, drogue, brigandage apportaient de l’argent facile. Or, l’économie du pays repose sur l’agriculture , l’élevage, la pêche à 80%.

Loi foncière, démocratie, agro-carburants

La loi foncière ne peut être écrite sans faire référence au droit coutumier, sans consultation des populations. Ainsi de la gestion des terres, cultivées traditionnellement par des paysans non propriétaires. Si la distribution, à travers la loi de décentralisation, est confiée au chef de village, alors que celui-ci est analphabète, que le maire est cupide, irresponsable, il y aura des ventes illicites, et l’accaparement des terres dont parlait Ousmane. Et il y aura encore des scandales comme celui des 300 maisons détruites, les familles se retrouvant sans toit en pleine saison des pluies. La décentralisation doit s’appuyer sur une démocratie à la base, sur la communauté de base.

Outre les multinationales étrangères qui s’emparent des terres, de nombreux particuliers, maliens ou étrangers, ont des concessions rurales variant de 2 à 1000 hectares. Des terrains d’agrément qu’ils ne cultivent pas.

Et l’agriculture connait aujourd’hui un autre problème : 40% des baux fonciers concernent les cultures à vocation d’agro-carburants. Par exemple, le Jatropha, plante cultivée traditionnellement pour former des haies vives, fixer la terre et faire du savon artisanal e st maintenant transformé par l’industrie pour ces agro-carburants. Conséquences : appauvrissement des sols et perte pour l’économie familiale.

A cela s’ajoute la mauvaise gestion de l’Etat, voire les brimades de ses agents contre les agriculteurs. Et l’isolement des 703 communes qui structurent le territoire malien où manque une forme d’intercommunalité. Tout ceci accentue paupérisation et exode rural

Pourtant, il y a des potentialités. Par exemple, en pays Dogon, un bassin de rétention et l’eau permettent des productions importantes qui fournissent le pays en oignons, échalotes ou mil.

 

N’Fa Diabate, maire écologiste de Tienfala

Un maire vert, mais méconnu, alors qu’il l’est depuis 2004. Il n’est pas le seul écologiste de son conseil municipal, son 1er adjoint l’est aussi ainsi que le 3ème. Tienfala est un bourg de 6900 habitants, dont 61% de femmes. Son village a 4 écoles, 2 de second cycle, 4 centres de santé, plus une maternité rurale.

Décentralisation, problèmes des déchets et mobilisation citoyenne

Le transfert de compétence de l’état aux collectivités, que ce soit pour l’éducation, le système hydraulique ou la santé, est plus de façade que réel. Ce sont toujours les agents nationaux qui contrôlent et ont le pouvoir de décision. Ce qui a des effets négatifs comme le montre la gestion de la forêt de 300 hectares qui est sur son territoire. Peuplé de hyènes et de singes, elle est classée. Mais cette ressource naturelle mal entretenue risque de disparaitre.

Tienfala est près de Bamako, trop près. L’état s’est emparé d’une superficie de 52 hectares pour y installer une décharge accueillant les déchets de la capitale. Sans avoir consulté la collectivité. Le conseil municipal a organisé des formations sur les effets néfastes de cette installation (pollutions de l’eau, des sols, danger sur la santé, etc). Des manifestations, des sit-in ont ponctué la protestation des habitants, avec succès, puisque un système de membrane évite aujourd’hui que les eaux soient souillées.

Pour faire connaitre l’écologie, N’Fa Diabate s’est présenté aux législatives où il a obtenu un bon résultat, pour une première tentative, en arrivant en 4ème position sur 8 candidats.

 

Nicole Kiil Nielsen, députée européenne 2009/2014

Une pratique démocratique ancienne

Le temps manquant, elle n’a pu faire qu’un petit commentaire. Ayant été pour l’U.E. observatrice des élections de 2013, elle confirme leur bonne tenue, due aussi à la longue habitude qu’avaient l’état malien et la population d’organiser des élections.

Elle insiste aussi sur l’importance fondamentale de la coopération décentralisée, qu’elle a pratiquée en tant que conseillère régionale, et qui permet d’appuyer des projets que les Etats n’auraient pas forcément acceptés.

Atelier Mali

1Coordination nationale des organisations paysannes du Mali, indépendante de l’état, rattachée au Roppa

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Mali : « Respecter le temps nécessaire pour une économie de paix à consolider » https://transnationale.eelv.fr/2013/02/22/mali-sinscrire-sur-du-long-terme-et-respecter-le-temps-necessaire-pour-une-economie-de-paix-a-consolider/ Fri, 22 Feb 2013 16:55:24 +0000 http://transnationale.eelv.fr/?p=3458 Lire la suite]]> Débat sur le développement dans les relations Nord-Sud à la demande du groupe écologiste au Sénat, le 21 février 2013 : intervention de Kalliopi Ango Ela, sénatrice écologiste représentant les Français établis hors de France.

« Madame la Présidente, Monsieur le Ministre, Mes cherEs collègues,

Le groupe écologiste a souhaité que ce débat portant sur « le développement dans les relations Nord-Sud » soit mis à l’ordre du jour de notre assemblée, en ce que ce thème s’inscrit dans une double actualité.

  • D’une part, il se situe en plein cœur des Assises du développement et de la solidarité internationale, piloté par Monsieur le Ministre ici présent, et dont la clôture est prévue le 1er mars prochain, en présence du Président de la République. J’ai été choisie par mon groupe pour le représenter à ces assises, ce dont je suis évidemment ravie, et je souhaitais que chacun et chacune des sénateurs et sénatrices puissent également, être associé-e à une réflexion à ce sujet, qu’ils – ou elles- aient ou non participé aux assises. En effet, nombre d’entre nous, chers collègues, dispose d’une expertise certaine concernant les relations Nord/Sud, et n’ a pourtant pas pu participer à ces assises. Le présent débat sera donc l’occasion pour l’ensemble de nos parlementaires, tous groupes confondus, d’enrichir les réflexions. Si le Sénat a su montrer son expertise lors de séances précédentes, elles furent – pour la plupart- essentiellement centrées sur des aspects budgétaires (je pense par exemple à l’aide publique au développement – APD- et aux débats relatifs à la taxe sur les transactions financières lors de l’étude de la loi de finances). Au-delà de ces aspects, il s’agira donc ici de débattre plus largement, et sous des angles plus diversifiés.

  • D’autre part, ce débat s’inscrit également dans l’actualité de la reprise de « l’aide » dans la région du Sahel et de la nécessité de la construction d’une paix durable au Mali, enjeu de développement majeur.

Au-delà de ces deux raisons liées à l’actualité, les écologistes sont évidemment extrêmement attachés aux questions de coopération et aux relations Nord/Sud, et ce thème se situe au centre de nos préoccupations.

A titre liminaire, je tiens à préciser que ma vision de ce sujet s’inscrit dans l’expérience du Sud, comme mon nom « ANGO ELA » l’indique d’ailleurs, nom du sud Cameroun.

En effet, résidant au Cameroun depuis 1987, j’y ai, notamment, dirigé -jusqu’à mon arrivée au Sénat, au mois de juillet dernier – un centre de recherche de géopolitique en Afrique centrale. Forte de cette expérience acquise durant plusieurs années au sein d’équipes de recherche « Sud », et en tant que sénatrice représentant les Français établis hors de France, je ne peux évidement avoir une vision franco-centrée des questions de développement.

Je remercie donc le groupe écologiste de m’avoir laissé exprimer parmi vous, chers collègues, les nombreux questionnements que suscite au Sud le thème qui nous réunit aujourd’hui du développement dans les relations Nord Sud.

* * *

Avant de développer trois points qui me semblent essentiels dans ce débat :

  • la nécessaire coordination entre les intervenants de différente nature, et à différentes échelles

  • la gestion de la temporalité dans les projets de coopération ; et,

  • le processus de sortie de crise durable au Mali,

je souhaitais revenir sur la terminologie même « d’aide au développement » et sur la nécessité d’une relation équitable et respectueuse entre les partenaires du Nord et du Sud.

• Un vocabulaire à redéfinir :

L’ensemble du vocabulaire employé à l’égard des pays du Sud est à redéfinir. Comme l’exprime Jean-François BAYART dans « L’énonciation du politique », un vocabulaire renvoyant à la domination et la dépendance reflète une posture de laquelle il convient de se détacher. Cessons ainsi d’évoquer « la population locale », et parlons des nationaux des Etats concernées par la coopération.

De la même façon, pourquoi parle-t-on d’«aide au développement », lorsqu’il s’agit de concéder des emprunts avec souvent une volonté de retour sur investissement ? De même, les « dons » relèvent-t-ils réellement de la solidarité ou de l’influence ?

La terminologie ne me semble pas appropriée, même si, Monsieur le Ministre délégué chargé du développement, c’est la notion qui a été retenue pour désigner votre Ministère…

Je préférerais que vous soyez désigné comme Ministre du « développement pour tous », ou du « développement mutuel », car je ne doute pas un instant que c’est cette voie positive que prend la politique mise en place par le Gouvernement.

Afin de reprendre cette idée, il me semble intéressant, comme l’a fait Gilbert RIST dans son ouvrage « L’économie ordinaire entre songes et mensonges », de citer l’exemple du Plan National de Développement bolivien. L’idée principale de ce plan, mis en place par le Président MORALES, consiste à assurer à chacun « une bonne vie », ce qui signifie en réalité « bien vivre entre nous ». Cela illustre une autre manière d’organiser la société, loin du libéralisme économique qui a toujours associé le « développement » à la croissance économique. Le plan de développement bolivien précise donc qu’ « il s’agit de vivre en tant que membres de la communauté, sous sa protection et en harmonie avec la nature ».

Cela pourrait recouvrir la notion occidentale de « bien-être », mais non « limitée à l’obtention et à l’accumulation de biens matériels », et ne se faisant ni « aux dépens des autres », ni « de la nature ».

Nos partenaires du Sud et certains chercheurs, économistes, politistes du Nord ressentent également la terminologie « d’aide » comme ne correspondant pas aux réalités de la pratique. Nous pourrions donc peut-être parler « d’entraide » ou d’« aide mutuelle », y compris pour l’action Française, ou alors assumer pleinement des objectifs d’influence.

Je rappellerai, à ce sujet, l’excellent avis présenté au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, par mes collègues Jean-Claude PERONNET et Christian CAMBON sur la mission « aide publique au développement » du PLF 2013, dont l’un des points, consacré à « des objectifs d’influence qui mériteraient d’être précisés », soulignait que :

« Les intérêts du Nord et du Sud peuvent être communs [ …] ou bien se recouper lorsque le donateur a intérêt au décollage économique du pays aidé . Sur le long terme, les objectifs ultimes poursuivis par la politique de coopération  correspondent aux intérêts mutuels des pays du Nord et du Sud. Il s’agit d’un développement plus harmonieux de la planète assis sur un modèle de développement durable et moins inégalitaire ».

Cet avis poursuit : « La revue des différents objectifs affichés par le budget de l’aide au développement fait apparaître un déséquilibre très clair dans la prise en compte de ces deux aspects de la politique de coopération au développement que sont la solidarité et l’influence. Ni le budget ni le document-cadre de coopération ne mentionne explicitement la question des intérêts français. Certes, d’autres instruments de coopération contribuent directement à la promotion de notre savoir-faire, à notre diplomatie culturelle ou encore à la sécurité de la France. Mais la coopération au développement est un des instruments de notre diplomatie d’influence. De même, une partie de l’aide bilatérale française vise explicitement le soutien aux entreprises françaises ».

Comme le rappelait également le CICID en 2004 : « Notre aide, composante de l’action extérieure de la France, doit être plus claire dans ses objectifs ».

Je rejoins l’avis de mes deux collègues qui estiment que cela était toujours valable en 2012, et que : «  ce constat est particulièrement vrai en ce qui concerne les objectifs poursuivis en matière d’influence et qui explique nombre d’incohérences entre stratégie et instruments. »

Les travaux du bilan évaluatif de la politique française de coopération au développement entre 1998 et 2010 effectués par le Cabinet Ernst and Young ont également souligné qu’ «  un affichage assumé et constant des positions en la matière ferait probablement gagner en lisibilité et crédibilité. »

Personnellement, je ne serai évidemment pas choquée si la France indiquait clairement être dans une relation d’affaires avec les pays bénéficiaires de l’APD bilatérale, en assumant ainsi le fait qu’elle en retire certains bénéfices, ce qui ne remettrait absolument pas en cause ses intentions par ailleurs louables. Ainsi, certains projets de coopération internationale pourraient être identifiés comme relevant du Commerce extérieur de l’Etat. Cela semble d’autant plus cohérent que certaines actions dites, à l’heure actuelle, « de développement » rejoignent les priorités de l’action définie en décembre dernier par Madame la Ministre du Commerce extérieur. Dans ses priorités d’action, Madame Bricq, identifie quatre « familles » dans l’offre commerciale de la France, qui sont :

  • « mieux se nourrir » (agroalimentaire, agriculture, ect..)

  • « mieux se soigner »

  • « mieux vivre en ville » (écotechnologie, gestion de l’eau, des déchets, etc..), et

  • « mieux communiquer »

Elles pourraient, quand elles sont à destination des pays du Sud, être abordées via une logique hybride alliant entraide et commerce extérieur. Il en serait ainsi fini du manque de crédibilité, et l’affichage serait clair. Au-delà, le budget accordé au développement serait clairement identifié et centré sur sa mission première.

Je conçois que cette idée puisse surprendre, mais cela pourrait peut-être aussi participer à des relations plus équitables entre les pays du Nord et du Sud, second point que je souhaitais évoquer, comme je l’ai annoncé.

• Une relation équitable et égalitaire :

Le respect, la considération, l’équité et l’égalité entre les partenaires du Nord et du Sud sont évidemment essentiels dans les projets de coopération. L’organisation des Assises du développement et de la solidarité internationale est un évènement important, et nous tenions avec mes collègues du groupe écologiste du Sénat, à vous féliciter pour cette initiative nécessaire. Il s’agit d’un excellent espace de dialogue, de partage et d’échange regroupant des acteurs bénéficiant d’une expertise certaine en la matière. Je suis ravie d’y participer, tant pour la qualité des contributions qui peuvent y être apportées, que par les pistes de réflexions qui s’en dégagent.

Mais la question de l’équilibre que j’évoquais, passe aussi par la voix du Sud, ou plus exactement LES voix du Sud, de ses représentants tant au niveau étatique, qu’en ce qui concerne ses ONG ou ses collectivités territoriales. Après s’être posé la question du « développement pour qui ? », nous devons donc nous poser celle du « développement avec qui ? ». La voix de l’autre, des partenaires sud, doit être écoutée et entendue.

Si j’ai apprécié la participation d’ONG du Sud, ainsi que de certains experts « sud », je regrette cependant que les Etats et les collectivités territoriales du Sud n’aient pas été davantage représentés. Cela aurait permis de croiser davantage les visions et de dresser un état des lieux de l’action, notamment entre collectivités territoriales du Nord et du Sud.

Ainsi pour que la considération et le respect soient placés au cœur de nos actions de coopération, nous devons intégrer les principaux intéressés à nos réflexions, et ce à nombre égal.

Le dialogue doit être équilibré et équitable.

D’ailleurs, à ce sujet, Joseph KI-ZERBO, grand historien et homme politique burkinabé -bien connu- décédé en 2006, disait : « L’Europe croit dialoguer avec l’Afrique, en réalité, elle ne reçoit que l’écho tropicalisé de sa propre voix ».

Je connais, Monsieur le Ministre, vos convictions, vos engagements et votre détermination à établir un dialogue constant avec nos partenaires du Sud. Vos nombreux déplacements à leur rencontre en témoignent d’ailleurs. Je ne doute donc pas que la clôture des assises le 1er mars prochain, permettra aussi de faire entendre leurs voix.

A ce sujet, les questions alliant mobilité, immigration et développement sont également essentielles.

Des contributions fort intéressantes aux assises ont ainsi pu mettre en avant « le droit à la mobilité », la reconnaissance du rôle des migrants comme acteurs du développement, et du concept de co-développement. Je citerai ici une contribution de la plateforme Eunomad, en date du 8 février dernier, définissant le co-développement comme « le développement imaginé, conçu et mis en œuvre par la rencontre fructueuse des attentes, savoir-faire, connaissances et compétences d’acteurs du nord et du sud. Une rencontre orchestrée par les populations migrantes ». Je partage évidemment avec Eunomad l’idée que « la mobilité des personnes conditionne les dynamiques de coopération ». Comme cela fut également souligné à juste titre «  en mettant un terme à la gestion des programmes de co-développement par le Ministère de l’intérieur et en la réintégrant au nouveau Ministère délégué au développement, le Président de la République a marqué une volonté de mettre fin à l’indexation des dispositifs nationaux de co-développement aux accords de gestion concertée sur les flux migratoire. Ce faisant, la reconnaissance d’un développement réciproque entre territoire s’appuyant sur la participation directe des diasporas est replacée à sa juste valeur comme composante à part entière du développement. »

Cette mobilité participant au développement mutuel doit donc être prise en compte tant dans le sens Sud-Nord, que Nord-Sud. Ne pourrait-on pas engager une réflexion sur une « migration réfléchie », favorisant l’inter-mobilité, et intégrant des projets de formation, de partage d’expérience, de valorisation des savoirs et savoir- faire. Bien loin du malheureux concept « d’immigration choisie », une « migration réfléchie » intégrerait les problématiques liées à la mobilité, y compris pour les Français se rendant séjourner ou résider à l’étranger.

Le groupe écologiste sait, Monsieur le Ministre, votre attachement au droit à la mobilité et nous espérons que notre Gouvernement pourra porter ces valeurs tant au niveau Européen qu’international.

* * *

En outre, comme j’ai pu l’annoncer précédemment, je souhaite évoquer avec vous toutes et tous, trois autres points essentiels.

  1. La nécessité d’une coordination entre les intervenants :

Une logique collective et de synergie doit évidemment prévaloir dans le cadre des montages de projets parfois bien complexes mis en place en matière de coopération.

Cette entraide complexe, intervient entre plusieurs acteurs publics, privés, qu’elle soit bilatérale, multilatérale, européenne et internationale, doit associer ONG, Etats, collectivités du Nord et du Sud. J’ai déjà évoqué, au sujet des assises du développement, la place fondamentale des Etats et des organisations régionales. Je reviendrai ici sur le besoin de coordination entre les différents acteurs. Comme l’évoquait Richard BANEGAS au sujet de l’Afrique, il ne faut pas tomber dans une « banalisation de la relation », où les Etats du Sud seraient dans une attente systématique, et risqueraient de se désengager des projets menés sur leurs territoires, faute d’y avoir été suffisamment associés. Il en va également de leur crédibilité auprès de leurs populations, et nous devons ainsi veiller à ce que tous les échelons puissent coopérer aux actions de développement.

  1. Une meilleure gestion de la temporalité dans les projets de coopération :

Le temps des bailleurs n’est pas celui des ONG, des Etats et des sociétés.

Zaki LAIDI, grand politologue français, dans ses travaux consacrésaux questions de temporalité politique évoque le « temps mondial ». Un de ses ouvrages est d’ailleurs centré autour de ce concept, et il y mène aussi une réflexion relative au « rétrécissement du temps politique ».

En effet, si un projet de développement se déroule sur 3 années, ce n’est pas nécessairement le temps de la visibilité et des résultats, qui eux peuvent prendre 5 à 6 ans.

A titre d’illustration concrète, je citerai par exemple, mon dernier déplacement au Niger, en novembre dernier, et le cas des ONG que j’y ai rencontrées, qui regrettaient le manque de temps imparti aux actions de développement.

Il faudrait donc qu’il y ait une possibilité de renouveler des projets surtout lorsqu’ils sont une réussite.

Un chercheur du Sud me confiait récemment l’exemple d’une action menée en Afrique par l’IRD –Institut de Recherche et de Développement- consistant à lutter contre la prolifération de certains moustiques porteurs de maladie. Il regrettait le fait qu’une fois l’efficacité de la technique mise en place et brevetée par l’IRD fut avérée, son action ne se soit pas poursuivie sur le terrain où elle aurait pu trouver de nombreuses autres applications permettant de résoudre d’autres difficultés.

Les chercheurs du Sud présents durant ce projet m’ont fait part de leur vision critique de cette intervention, et de l’impression qu’ils avaient eue que les chercheurs du Nord n’étaient pas là pour faire du développement, mais pour : « tester des produits, obtenir un brevet et repartir ».

  1. Le processus de sortie de crise durable au Mali :

Après le temps militaire et le temps politique voici le temps du développement, que l’on prépare, et qu’il convient de prévoir et d’organiser.

Le groupe écologiste se félicite évidemment de la reprise de l’aide au développement annoncée par la France et l’Union européenne le 12 février dernier, et l’on connait vos engagements à ce sujet, Monsieur le Ministre, et notamment lors de votre très récent déplacement au Mali, ainsi que le travail que vous avez fourni concernant la concertation des acteurs en particulier au niveau européen.

La situation malienne, reflète parfaitement les réflexions que j’ai pu mener ci-avant.

Cette construction d’une paix durable au Mali, en vue du « mieux vivre » et du « bien-être » des populations, devra se faire en adoptant de nouvelles postures mentales, un nouveau vocabulaire plus respectueux de nos partenaires, et en associant l’ensemble des acteurs, au niveau bilatéral, européen et international.

Cela devra, notamment, passer par une sortie de crise économique, et là encore, il faudra s’inscrire sur du long terme et respecter la temporalité nécessaire à la mise en place d’une économie de paix qui devra être consolidée.

Cette aide suppose évidemment une très bonne coordination, et je sais que vous vous y attelez, Monsieur le Ministre.

Je tiens à souligner que les Français du Mali savent se montrer solidaires de leur pays d’accueil, avec lequel ils ont bien souvent des attaches fortes, amicales, familiales, et de longue date. Je citerai, ici, un courrier adressé par la section Mali de Français du Monde –ADFE, à Monsieur le Président de la République, le 25 janvier 2013, où il était indiqué :

« La diaspora française que nous sommes restera solidaire avec le Mali qui nous a tant accueilli et intégré dans une communauté riche du lien social. […]. Pour réussir à terme, nous savons qu’il faut, aussi et surtout, s’impliquer dans une réelle coopération nord/sud et sud/sud afin de lutter contre les causes profondes de la détresse socio-économique qui ont favorisé cette invasion. Sans un franc partenariat entre les peuples, l’intervention française à côté du Mali perdra son sens. »

Il me semble que l’essentiel est dit, et en tant que sénatrice représentant les Français établis hors de France, je me dois également de penser à nos compatriotes et suis extrêmement fière de la solidarité et du soutien qu’ils manifestent à l’égard du Mali.

Les Français du Mali sont donc des acteurs de ce développement mutuel conduisant à une paix durable, comme le sont les Maliens en France.

Alors retrouvons des liens pacifiés, des liens apaisés, et préparons ensemble la paix et surtout l’après.

* * *

Pour conclure, je tenais Monsieur le Ministre à vous faire part du soutien du groupe écologiste dans la tâche qui est la vôtre, et à relayer les espoirs placés, tant au Nord qu’au Sud, dans la mission que vous menez en vue que le développement et la solidarité internationale retrouvent tous leurs sens. »

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Débat sur l’intervention française au Mali https://transnationale.eelv.fr/2013/01/17/debat-sur-lintervention-francaise-au-mali/ Thu, 17 Jan 2013 12:11:35 +0000 http://transnationale.eelv.fr/?p=3352 Lire la suite]]>

Mercredi 16 janvier s’est tenu un débat au Sénat sur l’engagement des forces armées en réponse à la demande d’intervention militaire formulée par le Président du Mali (en application de l’article 35, alinéa 2, de la Constitution).

Au nom du groupe écologiste, Leila Aïchi a réitéré le soutien à l’intervention française au Mali. Elle a toutefois émis de nombreuses réserves, à commencer par la réfutation de l’approche civilisationelle de la « guerre contre le terrorisme », rappelant au contraire l’origine largement environnementale des tensions dans la région.

Ainsi, elle a insisté sur le nécessaire changement de paradigme à effectuer dans notre analyse des conflits. Développer une approche environnementale permettrait d’anticiper au mieux les tensions – souvent liées à des questions de partage des richesses, et de définir une politique de coopération et de développement en mesure de limiter, à terme, l’éclatement de conflits armés.

Voici le texte de son intervention (seul le prononcé fait foi) :

« Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre,

Monsieur le Président de la Commission,

Mes cher-e-s collègues,

Tout d’abord, je tiens une nouvelle fois, au nom du groupe écologiste,  à présenter mes condoléances à la famille du lieutenant BOITEUX et à l’ensemble des civils tués dans les opérations.

Dans les périodes de crise intenses, nos compatriotes attendent des réponses claires.

En ce sens, le groupe écologiste du Sénat et moi-même reconnaissons la licéité de l’intervention française au Mali, au regard des relations bilatérales entre nos deux pays, et soutenons nos femmes et nos hommes engagés dans cette opération.

Toutefois, au regard du droit international, les trois résolutions votées à l’ONU ((2056, 2071, 2085), ouvrent la voie à une intervention internationale sous responsabilité africaine et pouvant faire usage de la force, mais sans implication directe de la France.

Il est donc urgent de nous conformer au droit international.

Pour autant, la clarté de notre décision ne s’inscrit pas dans la simplification à outrance ou la caricature d’une situation géopolitique très complexe.

« Faire la guerre contre le terrorisme  partout où il se trouve» est une formulation trop stéréotypée voire fausse pour appréhender de manière exhaustive une problématique malienne et régionale multifactorielle, et complexe je le répète.

Souvenons-nous du funeste exemple des néo conservateurs américains et du concept plus que douteux de la « guerre contre la terreur ».

Quelle a été la plus-value de cette stratégie en Iraq en 2003 et en Afghanistan en termes de sécurité ? Les populations civiles ne connaissent – hélas – que trop bien le coût exorbitant de telles idées.

I] D’ailleurs, avons-nous les moyens d’une telle ambition ? Dans ce cas, pourquoi ne pas tirer les conséquences de vos analyses et multiplier le budget de la défense par cinq ?

De même, je vous rappelle que nous évacuons nos troupes d’Afghanistan, après 10 ans de guerres, avec des résultats plus que mitigés…

Pour ma part, je ne souscris en rien au concept du choc des civilisations, alors même que nous savons tous ici qu’il s’agit essentiellement d’un problème d’accès aux matières premières et à l’énergie.

Je ne crois pas non plus au caractère irréconciliable d’un nord mali touareg opposé à un sud mali noir.

De même, l’antagonisme historique entre une culture nomade et une culture sédentaire ne doit pas être exagérée.

Le prétexte religieux souvent utilisé pour des entreprises criminelles, dont l’essentiel est lié au trafic d’armes et de drogue, ne peut en aucun cas servir d’argument sérieux.

Le groupe écologiste et moi-même sommes pour le principe d’une intervention immédiate, urgente, humanitaire, et limitée dans le temps et contre le principe d’une guerre qui s’installe dans la durée.

Nous ne devons pas minorer les risques pour la population malienne, ni sous-estimer les risques pour les Etats de la région, et ignorer les perspectives internes au Mali pour l’après-conflit.

Quel sort sera réservé aux réfugiés ?

La possibilité d’exactions contre la population touareg est plausible, compte tenu du peu de formation de l’armée malienne et des forces de la CEDEAO.

La situation explosive de la Lybie, de la Côte d’Ivoire, et d’autres pays, doit nous imposer de réfléchir et de proposer dès à présent des solutions pour l’après-conflit.

II] En tant qu’écologistes et progressistes, nous rejetons avec véhémence toute approche essentialiste des identités, car nous savons où cela mène…

Souvenons-nous du Rwanda mes cher-e-s collègues.

Nous devons donc nous défier de toute lecture ethnique trop simpliste, et nous attaquer aux réels problèmes qui minent le Mali.

Et ils sont nombreux !

Gagner un conflit, c’est d’abord gagner la paix. Car le pouvoir malien est en pleine décrépitude…

Qui gouverne le pays ?

Le pouvoir civil ? La junte militaire ?

Qu’en est-il de l’état du système judiciaire malien, de son administration, de ses services publics ?

Quel est le niveau de corruption institutionnel ?

QUEL EST LE ROLE DES ACTEURS REGIONNAUX ? QUEL EST LE ROLE DE L’ALGERIE ?

Pour répondre à toutes ces questions, la France et l’Europe, dramatiquement absente, doivent d’abord porter leur concours à la mise en place d’institutions légitimes et démocratiques pérennes, répondant aux aspirations de la société civile.

On a fait l’Europe des banques et de la finance.

Où en est l’Europe de la défense ?

De même, des plans de coopération pour le développement d’économies réellement durables et solidaires doivent constituer une priorité, et je tiens à saluer le travail de Pascal Canfin sur ce sujet.

Il ne s’agit pas de l’installation de multinationales voraces pillant le pays, mais bien d’un développement solidaire et durable des PME et TPE françaises et maliennes dans le cadre d’un partenariat équitable.

Il ne faut pas oublier non plus que cette crise est une conséquence historique du colonialisme dans la région et du tracé arbitraire des frontières.

La prise en compte de cette dimension est essentielle à tout processus de sortie de crise.

III] Enfin, il faut aussi prendre la mesure de la problématique environnementale dans la sous-région sahélienne.

Comme le rappelle la FAO, la sécheresse, générée par le dérèglement climatique, a, en 2012, réduit la production céréalière du Sahel de 26 pour cent par rapport à l’année précédente[1].

De graves pénuries de fourrage conduisent à la transhumance précoce et à des changements dans les voies empruntées par le bétail, ce qui aggrave les tensions entre communautés et aux frontières.

L’insécurité alimentaire et la malnutrition sont récurrentes dans la région avec plus de 16 millions de personnes directement menacées cette année.

Mes cher-e-s collègues, je ne le répèterai jamais assez, la paix et l’environnement sont plus que jamais liés au XXIème siècle.

Combien faudra-t-il de drames humains pour que la France et l’Europe comprennent cette triste réalité ?

Que dire de l’exemple du Darfour, dont l’origine du conflit trouve sa source dans un problème d’accès à l’eau ?

Du delta du Niger ?

Ou encore, de la Somalie  où les phénomènes de surpêche, principalement dus aux bateaux usines des multinationales, créent des pirates en puissance ?

Monsieur le Ministre, les conflits du XXIème siècle ne sont plus les conflits du siècle précédent.

Le monde a évolué. Pas notre vision en matière de conflits militaires. Les conflits liés aux guerres territoriales cèdent la place aux conflits de nature environnementale et énergétique.

J’ai interpellé plusieurs fois le gouvernement sur ce nécessaire changement de paradigme, sans résultat.

IV] L’opération SERVAL est une nouvelle démonstration de 50 années d’échec de la coopération avec l’Afrique.

50 ans de pillage des ressources naturelles

50 ans de développement gangréné par la corruption.

50 ans d’incapacité totale à construire des relations durables, respectueuses, et équilibrées.

Bref, 50 ans sans vision.

Le drame qui se déroule aujourd’hui nous impose de remettre en question nos relations franco africaines.

Mes chers collègues, sachez-le, les réfugiés climatiques d’aujourd’hui seront les révoltés de demain !

Mes chers collègues, nous avons la responsabilité historique de mettre en œuvre des instruments de prévention écologique des conflits.

Je vous remercie. »

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Intervention de Danielle Auroi sur l’entrée en guerre de la France au Mali https://transnationale.eelv.fr/2013/01/15/intervention-de-danielle-auroi-sur-lintervention-militaire-au-mali/ Tue, 15 Jan 2013 14:51:47 +0000 http://transnationale.eelv.fr/?p=3344 Intervention sur l’entrée en guerre de la France au Mali par la députée EELV Danielle Auroi, au nom du groupe écologiste, en séance dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale le mardi 15 janvier 2013.

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Intervention au Mali : quel est le vrai but de cette guerre ? https://transnationale.eelv.fr/2013/01/15/intervention-au-mali-quel-est-le-vrai-but-de-cette-guerre/ Tue, 15 Jan 2013 14:32:51 +0000 http://transnationale.eelv.fr/?p=3341 Lire la suite]]> Tribune de Noël Mamère publiée sur son blog de Rue89 le 14 janvier 2013:

http://blogs.rue89.com/node/229214/2013/01/14/intervention-au-mali-quel-est-le-vrai-de-cette-guerre-229398

François Hollande a pris une décision d’une extrême gravité, seul dans le palais de l’Elysée, sans avoir préalablement consulté le Parlement, comme la gauche s’y était pourtant engagée.

Les raisons qu’il a données pour décréter l’intervention sont connues. Les groupes qui occupent le Nord-Mali sont des fascistes et des fanatiques, doublés de trafiquants, qui font subir à la population malienne des violences inacceptables. Ils doivent être chassés.

La décision a été prise dans le cadre de la résolution 2085 de l’ONU, selon une interprétation discutable du droit international, et malgré un désaccord très clair entre la France et le reste du monde sur le tempo :

  • la France qui voulait intervenir le plus rapidement possible ;
  • de nombreux pays, dont les Etats-Unis et l’Algérie, qui ont toujours joué un rôle ambigu dans cette région, souhaitaient temporiser pour créer les conditions politiques de la reconquête du Nord.

Quelle politique africaine pour la gauche ?

Mais la question n’est plus là. Elle n’est même plus celle des otages Français, passés par profits et pertes de cette intervention précipitée et isolée.

La seule question qui vaille aujourd’hui est bien : quelle est la politique africaine de la gauche au pouvoir ? Va-t-elle poursuivre dans son rôle de gendarme de l’Afrique, comme nous le faisons depuis 150 ans ou créera-t-elle les conditions pour que les Africains prennent en main leur destin ?

Depuis les 50 ans d’indépendance des quatorze pays africains francophones, on ne compte pas moins de 50 interventions militaires françaises pour défendre les dictatures, nos expatriés et nos intérêts. Depuis quelques années, ces interventions se font au nom du droit d’ingérence et des droits de l’Homme.

Malgré toutes les déclarations de notre gouvernement sur la fin de la Françafrique, cette dernière intervention se situe dans la continuité d’une politique que nous dénonçons depuis longtemps.

Succès militaires, défaites politiques

Toutes les interventions militaires de ces dernières années (par exemple, en Afghanistan, en Irak et en Libye) se sont conclues par des succès militaires dans un premier temps, aussitôt suivis par des défaites politiques, et ce pour une simple raison : on ne remplace pas la volonté souveraine d’un peuple. Lorsque l’Etat est démantelé, il faut le reconstruire, lorsque l’unité d’un peuple est brisée, il faut la rétablir, lorsque l’armée est décomposée, il faut la rassembler, la former, lui redonner le moral.

C’est cette décomposition de la nation malienne qui est advenue ces derniers mois. Et ce, en grande partie, à cause de l’intervention française en Libye. La politique de Nicolas Sarkozy a entraîné le retour de centaines de Touaregs surarmés, désœuvrés et prêts à se jeter dans une aventure avec les djihadistes.

Parallèlement, la France n’a pas aidé le Mali à se défendre ; elle a abandonné le Président Amani Toumani Touré (ATT), tout seul dans la tempête qui se préparait. A deux mois de la fin de son mandat et de la transition politique, il ne pouvait même plus payer ses militaires qui se sont révoltés et ont entraîné l’effondrement de l’Etat malien.

Pétrole, uranium, terres cultivables…

Oui, il faut en finir avec les groupes djihadistes, mais c’est au peuple malien de le faire, avec l’aide de la communauté internationale. La guerre par procuration va renforcer la dépendance à moyen terme et ne créera pas le sursaut moral nécessaire, même si, aujourd’hui, une très grande majorité des Maliens se sent soulagée et applaudit l’intervention française.

Je ne suis pas un pacifiste bêlant ; je me suis prononcé pour l’interposition des troupes françaises en Côte d’Ivoire pendant dix années, afin de protéger les ivoiriens d’un nouveau Rwanda. Mais nous ne sommes pas dans ce contexte.

Les quelques centaines de djihadistes étaient à des dizaines de kilomètres de Mopti, elle-même à des centaines de kilomètres de Bamako. Le président malien a appelé au secours son homologue français parce que, comme son Premier ministre quelques semaines auparavant, il était menacé pour son incurie par son propre peuple.

Il ne faut pas se cacher la réalité, nous avons des intérêts stratégiques dans cette grande région du Mali : pétrole, uranium, ressources énormes en eau souterraine, terres cultivables…Tout cela est convoité par les multinationales françaises, qataries, américaines… Sans oublier la plate-forme aéroportuaire de Tassalit (près de Kidal), utile pour surveiller et contrôler toute la région du Sahel, la Méditerranée, la mer Rouge.

Quel est notre objectif de guerre ?

Aujourd’hui, c’est tout le Sahel qui est déstabilisé, et pas seulement le Mali. Il ne faudrait pas que, dans une logique de dominos, après le Mali, précipité dans sa chute par l’intervention française en Libye, le Niger, le Burkina ou d’autres pays soient victimes de cette « cancérisation » de la région due au jeu trouble des grandes puissances et des groupes djihadistes.

Mais maintenant que le vin est tiré, il faut le boire. C’est pourquoi, cette intervention doit être limitée, encadrée, que les buts de guerre soient clairement définis : veut-on repousser les groupes djihadistes ou réoccuper l’ensemble du Nord ?

Il faut le dire clairement. Parce que, si la seconde solution est le vrai but de cette guerre, alors, ce ne seront pas deux semaines de conquêtes faciles, mais une guerre longue et coûteuse.

Crise humanitaire

La bataille dans le désert, c’est comme une bataille maritime : vous pouvez contrôler les villes, qui sont des îles-oasis, sans rien tenir du tout. L’Aqmi (Al Qaeda au Maghreb islamique), le Mujao (Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest), et Ansar Eddine savent faire cette guerre. Si les forces spéciales françaises ont le niveau suffisant pour s’opposer à leurs exactions, ce n’est pas le cas des troupes africaines. Il faut le savoir. Cette intervention devra donc être pérenne. L’enlisement de la France aussi.

Et c’est ainsi qu’elle prend le risque d’aggraver l’insécurité et d’engendrer une crise humanitaire encore plus importante dans l’ensemble du pays. Elle peut :

  • radicaliser les communautés ethniques ;
  • favoriser le développement du terrorisme et des prises d’otage ;
  • et, enfin, entraîner l’ensemble de la région dans un conflit multiforme.

On a donc raison de se poser des questions, de discuter, de débattre, de demander ce qui se passera ensuite, quel projet de développement la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), l’Union Africaine et l’Union européenne mettront en place pour que le Mali reconstitue son Etat, que le Sahel ne devienne pas une zone de libre circulation de la drogue, des armes et trafics en tout genre.

« Gauchafrique »

On a vu ce qui est advenu du gendarme américain au Moyen-Orient ; il ne faudrait pas que le retour du gendarme français en Afrique francophone subisse le même sort. Faute de s’être posé ces questions depuis près de 100 ans, on bâillonne les dissidents au nom de l’unité nationale. Chaque gouvernement fait taire les voix minoritaires. Puis quelques dizaines d’années plus tard, on réalise que l’on s’est trompé.

On fait de grandes déclarations sur les mutins de Craonne, sur Vichy, sur la torture en Algérie, sur Sétif ou le 17 octobre, sur la Françafrique. Ceux qui ont eu le courage d’interpeller le pouvoir sont morts et enterrés depuis longtemps. Peu m’importe que Jean François Copé ou Marine Le Pen soutiennent le gouvernement dans cette affaire, que seules quelques voix dérangeantes se fassent entendre dans le consensus actuel.

Je ne voudrais pas que, cette fois encore, faute d’avoir eu le débat public indispensable sur la guerre ou la paix, sur la vie ou la mort, on dise qu’à la Françafrique a succédé la Gauchafrique.

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Pour une présidence française utile au Conseil de Sécurité des Nations-Unies https://transnationale.eelv.fr/2012/07/31/pour-une-presidence-francaise-utile-au-conseil-de-securite-des-nations-unies/ Tue, 31 Jul 2012 12:53:33 +0000 http://transnationale.eelv.fr/?p=3127 Lire la suite]]> Communiqué du 31 juillet 2012 :

Mercredi 1er août 2012, la France va prendre pour un mois la présidence tournante du Conseil de sécurité des Nations Unies. Celui-ci, composé de quinze membres, dont cinq permanents (Chine, États-Unis, France, Grande-Bretagne et Russie), prend les décisions les plus importantes de l’ONU, qui engagent l’ensemble de la communauté internationale. L’Etat qui le préside doit être à l’initiative de l’ordre du jour et anime les débats. Et l’agenda s’avère être particulièrement chargé pour la France.

En Syrie, les forces gouvernementales continuent de réprimer dans le sang les opposants au régime de Bachar El Assad et affrontent violemment à l’heure actuelle les troupes de l’armée syrienne libre (ASL, composée de déserteurs et de civils ayant pris les armes) dans les rues d’Alep, la capitale économique de la Syrie. D’aprèsl’observatoire syrien des droits de l’Homme, plus de 20 000 personnes seraient mortes depuis les premiers soulèvements en Syrie début 2011, dont plus de 14 000 civils.

Au Mali, la crise en cours pousse la Cedeao (Communauté des États d’Afrique de l’Ouest) à souhaiter une intervention militaire au nord du pays, sous le joug depuis plusieurs mois de mouvements islamistes affiliés à Al Qaida au Maghreb islamique (Aqmi). La France soutient actuellement la démarche de la Cedeao et, tout en excluant l’envoi de troupes au sol, a d’ores et déjà promis une aide logistique.

Pour Europe Ecologie Les Verts, la présidence française du Conseil de Sécurité doit se montrer utile et apporter des solutions de toute urgence face aux terribles drames en cours dans ces deux Etats. En Syrie, tout doit être fait pour sortir de la paralysie actuelle du Conseil de sécurité bloqué par les vétos russe et chinois, et donc impuissant à empêcher les troupes de Bachar El Assad de massacrer leur propre peuple. A cet égard, EELV reconnaît le volontarisme affiché du ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius qui a proposé une réunion ministérielle d’ici la fin de cette semaine «pour essayer d’arrêter les massacres et pour préparer la transition politique» et appelle l’Union européenne à hausser le ton et à renforcer ses sanctions à l’égard du régime syrien. La France doit être à l’initiative avec tous ses partenaires européens pour peser d’avantage sur la communauté internationale. Au Nord du Mali, il faut éviter autant que possible d’entrer dans une logique guerrière au coeur d’une région particulièrement instable et difficile, tout en soulignant l’urgence d’instauration d’un corridor humanitaire pour venir en aide aux populations du Nord frappées par un manque de nourriture, de soins et de médicaments.

EELV appelle de nouveau les parties en conflit à respecter les droits humains et à trouver une issue non-violente et négociée tout en réaffirmant son attachement au droit international ainsi qu’à l’ordre constitutionnel et à l’intégrité territoriale du Mali.

Pour aller plus loin : https://transnationale.eelv.fr/2012/07/26/le-mali-face-une-crise-aux-enjeux-multiples-2/

Jean-Philippe MAGNEN, Porte-Parole

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Le Mali face à une crise aux enjeux multiples https://transnationale.eelv.fr/2012/07/26/le-mali-face-une-crise-aux-enjeux-multiples-2/ Thu, 26 Jul 2012 15:59:42 +0000 http://transnationale.eelv.fr/?p=3116 Lire la suite]]> Analyse de la situation actuelle au Mali
et pistes d’actions

proposées
par Cédric Taurisson*
et Ibrahima Sidibé-Pommier**


Télécharger cette note en .pdf : Note Transnat n°1_Mali


Depuis son accession à l’indépendance en 1960, le Mali n’a jamais été confronté à une crise aussi grave. Celle-ci débute avec la reprise de la rébellion touarègue et l’attaque de Ménaka par le Mouvement national de libération de lAzawad (MNLA), crée en octobre 2011 avec pour projet de fédérer les mouvements touaregs autour de l’indépendance des trois régions Nord du Mali (Kidal, Tombouctou, et Gao). Très rapidement dépassée par cette rébellion revivifiée par les combattants rentrés de Libye avec armes et bagages, l’armée malienne abandonne ses positions à Tinzawaten, puis Aguelhock le 24 janvier où 70 militaires maliens désarmés sont égorgés et la base de Tessalit le 11 mars après 12 jours de siège. 

Devant cette situation insurrectionnelle inédite, l’armée malienne et son chef suprême, le président de la République Amadou Toumani Touré (ATT), ne parviennent pas à contrer les mouvements du MNLA qui dispose d’un armement sophistiqué pillé dans les garnisons du sud libyen.

Devant la crise inévitable de sécession du Nord qui menace le pays, le pouvoir évanescent de ATT est renversé le 22 mars 2012, soit deux mois avant la fin de son deuxième mandat, par un coup d’Etat militaire dirigé par le Capitaine Amadou Haya Sanogo.

En rompant la chaîne du commandement, les putschistes dont les revendications portaient sur la gestion catastrophique du problème du Nord, précipitent le Mali dans la partition avec l’occupation éclair par les rebelles armés, des trois grandes villes du Nord (Kidal le 29 mars, Gao le 30 et Tombouctou le 1er avril).

Les rebelles du MNLA alliés aux groupes islamistes armés de Ansar dine1, Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI)2 ou encore le Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest (Mujao)3 prennent le contrôle d’un territoire de 800.000km2, avec une équation politique compliquée à résoudre. Les touaregs sont minoritaires dans les deux régions sauf à Kidal, la moins peuplée, et surtout des divergences profondes existent entre indépendantistes et partisans de la charia dans tout le Mali.

Le conflit prend rapidement une tournure dramatique avec l’afflux des réfugiés vers les pays voisins (300 000 personnes) et vers le Sud du pays (150 000 personnes).

Malgré tout le MNLA proclame le 6 avril, l’indépendance de l’Azawad, bien que celle-ci ne soit reconnue par aucun Etat et au moment où ses tentatives de fusion avec Ansar dine ont échoué. L’alliance entre djihadistes et indépendantistes ne tient pas et le MNLA est chassé de Gao le 27 juin et d’Ansongo début juillet.

Après quelques semaines de tergiversations politiques et diplomatiques face à la situation de crise politique générée par le coup d’Etat, la communauté internationale et la Communauté des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) parviennent à faire reculer la junte avec le rétablissement de la Constitution et la signature le 6 avril d’un accord cadre qui fixe les modalités d’une transition politique. Sous la houlette du médiateur le Président Blaise Compaoré du Burkina Faso, l’intérim de ATT démissionnaire est assuré par Dioncounda Traoré, président de l’Assemblée Nationale, et Cheick Modibo Diarra nommé premier ministre.

Cet accord cadre, mal ficelé, entrevoit une certaine reconnaissance de la junte, et ouvre une période d’instabilité politique à Bamako qui culmine avec l’agression de Dioncounda Traoré (21 mai) par des forces favorables à Sanogo (Copam et associations de jeunes..). Ces derniers voulaient organiser une convention nationale pour choisir le chef de l’Etat sous la transition au mépris des règles constitutionnelles du Mali.

Cette agression, par sa gravité, a montré les vrais objectifs de la junte et de ses alliés politiques : régenter le jeu politique malien en étouffant toute contestation par des atteintes systématiques aux droits de l’Homme (arrestations arbitraires, tabassages, vols, séquestration, exécutions extra-judiciaires…). La situation actuelle reste préoccupante avec un président toujours en convalescence à Paris, un Premier ministre sans carrure, coincé entre les diktats et tergiversations de la CEDEAO, de l’Union Africaine, des partenaires du Mali et les exigences de la junte toujours active dans l’arrière-cour, cela malgré la dissolution du CNRDRE, l’organe du coup d’Etat.

Le Premier Ministre malien doit élargir son gouvernement avant fin juillet pour rester dans les exigences de la communauté internationale, une communauté internationale elle même dépassée par l’effondrement soudain d’un pays pourtant présenté il y’a peu comme un modèle de démocratie en Afrique.

Les dimensions géopolitiques de la crise deviennent prégnantes face à l’incapacité des acteurs politiques maliens à mettre en place une transition solide à même de reconquérir sa souveraineté sur le Nord. Entre l’Algérie, la Mauritanie, le Burkina Faso, trois pays dont les agissements sont de plus en plus suspects dans le conflit (solution négociée, sympathies pour certaines factions touarègues – Ansar dine pour l’Algérie et MNLA pour les deux autres), et les pays va-t’en-guerre craignant la déstabilisation de toute la sous-région (Niger, Guinée, Sénégal, Côte d’Ivoire, Nigéria), la crise malienne n’est qu’à ses balbutiements et sa population prise entre plusieurs périls imminents ( guerre civile, famine, maladies).

Le Nord-Mali, une zone de non-droit à la géopolitique complexe

Coincée entre la Mauritanie, l’Algérie et le Niger, cette zone historique de transit n’a jamais réellement été sous le contrôle d’un Etat Malien qui, faute de moyens régaliens (douaniers, policiers, gendarmes) a abandonné ses marges aux narco-traficants, au terrorisme d’AQMI et au trafic d’armes… cela depuis le milieu des années 2000.

Les organisations criminelles (AQMI, MUJAO) qui y ont installé leurs bases arrière se sont considérablement renforcées en hommes et en armement profitant du chaos né de la chute deMouammar Kadhafile 20 octobre 2011. Selon plusieurs sourceselles possèdent « des missiles anti-aériens, armes anti-char, des camions lance-roquettes, des mitrailleuses de gros calibre et de nombreux véhicules 4×4 »4Ces groupes disposent d’un véritable arsenal « assez puissant pour leur permettre d’atteindre leur but »5 et faire le djihad pour imposer la charia à l’ensemble du pays.

Vers une « somalisation » du territoire ?

Le 27 juin 2012, l’alliance de circonstance entre les touaregs du MNLA favorables à l’indépendance d’un Azawad laïc et les groupes salafistes Mujao et Ansar dine chapeautés par AQMI, non sécessionnistes et tous partisans de la charia, vole en éclat.

Ayant instrumentalisé le MNLA en profitant de son expertise militaire et de ses réseaux de communication en Occident, les djihadistes se sont rendus maîtres des régions du Nord. L’éviction du MNLA sans soutien financier et disposant de peu de réseaux dans les tribus pour légitimer son projet indépendantiste devenu obsolète clarifie la situation.

Le Nord du Mali vit aujourd’hui une situation effrayante : fermeture des écoles, pillage de bâtiments publics, destruction des débits de boisson, imposition du voile islamique, destruction de bibliothèques, interdiction de la musique autre que religieuse… A cela s’ajoute, depuis plusieurs mois, toute une série d’exactions (viols, meurtres, flagellations…), recrutement d’enfants soldats qui sont à la fois imputables aux membres du MNLA comme à ceux de Ansar dine6. Cette imposition forcée de la charia à des populations traumatisées par le saccage de son patrimoine culturel et la destruction fin juin des mausolées de Tombouctou a créé un malaise dans la communauté internationale. Malgré la prise de positon de Fatou Bensouda, procureur de la Cour pénale internationale (CPI), qui a déclaré que la destruction en cours de mausolées est « un crime de guerre » passible de poursuites de la CPI puis ouvert un examen préliminaire sur la situation au Mali depuis le 1er janvier 2012, les djihadistes continuent de déployer leur macabre politique de conversion forcée des populations à leur approche rigoriste de l’islam.

QUELLE POSTURE ADOPTER FACE À CETTE CRISE MALIENNE ?

Éléments contributifs à une prise de décision collective

Plusieurs problématiques dans cette crise malienne concernent des thématiques à approfondir au sein d’EELV : question des minorités, intégration africaine (rôle de la CEDEAO), questions environnementales (désertification, questions foncières), décentralisation, co-développement… et aussi quelle politique africaine de la France dans un monde multipolaire.

Devant la complexité de la situation malienne qui est extrêmement mouvante nous dégageons les recommandations suivantes.

Quelle position politique?

– Demander que la junte soit exclue du jeu politique et soutenir la mise en place rapide d’un gouvernement d’union nationale capable de travailler à la recomposition d’une armée républicaine, à la protection des institutions et d’établir la mise en œuvre d’un calendrier pour l’organisation d’élections.

– Défendre la souveraineté territoriale malienne et le fondement laïc de sa république car elle respecte la liberté de culte et évite une hiérarchisation des croyances

– Inviter les Touaregs du MNLA à renoncer à la sécession, à dissoudre leur comité exécutif et à s’asseoir à la table des négociations pour participer au rétablissement de l’intégrité territoriale

– Exiger de la junte la fin des détentions arbitraires et l’arrêt des menaces envers les journalistes

– Faire respecter des droits humains et demander l’ouverture d’une commission d’enquête pour rechercher les responsables de la tuerie d’Aguelhock

– Encourager le Procureur de la CPI à poursuivre ses engagements en recherchant les responsables de la destruction des mausolées de Tombouctou et des autres violations graves des droits humains survenues au Mali depuis le 1er janvier 2012

– Demander à l’ONU l’ouverture d’enquêtes sur les exactions commises au Nord et sur les sources financières et matérielles des groupes armés.

Une coopération sous-régionale sahélienne basée sur la sécurité

– Encourager les pays de la sous-région (CEDEAO, Mauritanie et l’Algérie) à définir une stratégie commune pour que le Mali retrouve le contrôle de l’intégralité de son territoire. Encourager l’Algérie à aller dans cette direction.

– Etudier toutes les solutions portées par les acteurs de la sous- région qui ont pour objectif de mettre fin aux agissements d’Aqmi, de procéder au démantèlement des groupes armés et à leur désarmement.

– Refuser toute intervention militaire de la France et inviter la CEDEAO et l’UA (Union Africaine) à poursuivre leurs efforts et à accélérer les négociations (Mission de la Cédéao au Mali dite Micema) pour choisir les modes de résolutions du conflit.

– Eviter une intervention militaire occidentale qui risque d’accentuer les tensions et favoriser une dissémination de la violence à la sous région.

– Accompagner les solutions humanitaires, les négociations avec les groupes armés Touaregs et la remise sur pied des forces armées maliennes.

L’Union européenne directement concernée par les trafics de drogue qui s’opèrent sur l’axe Sud/Nord qui va de la Guinée-Bissau à l’Algérie doit s’impliquer dans la mise en œuvre d’une organisation de sécurité transfrontalière sahélienne stable et efficace. Cette organisation doit aboutir rapidement à la définition d’une stratégie commune contre les trafics au plan institutionnel, juridique et opérationnel.

La situation au Nord-Mali résulte également d’un défaut de réglementation et de transparence sur le commerce des armes. La France et l’Union Européenne doivent se montrer volontaristes en accentuant la pression sur la communauté internationale et les principaux pays exportateurs (Russie, USA, Chine) pour qu’une législation contraignante sur le commerce des armes conventionnelles puisse aboutir.

Répondre à l’urgence humanitaire

Il y a urgence à venir en aide aux populations du nord frappées par un manque flagrant de nourriture (période de soudure), de soins, de médicaments et où des cas de choléra viennent d’être signalés. Quelques rares ONG continuent d’avoir une action sur place par l’intermédiaire de relais locaux, mais la plupart des programmes sont arrêtés.

Face à l’urgence sanitaire et en vertu du droit international :

– Nous demandons l’instauration d’un corridor humanitaire pour faciliter l’accès à la zone nord aux ONG d’urgence.

– La restauration des conditions de sécurité (déminage et démantèlement des groupes armés) pour assurer le retour des réfugiés et la reprise de l’activité économique.

– Nous souhaitons dès l’instauration d’un gouvernement d’union nationale que les partenaires multilatéraux du Mali s’unissent pour soutenir l’économie malienne et les aides d’urgence aux populations civiles durement touchées par la crise.

Une fois la situation stabilisée, nous espérons que la France ouvrira avec le Mali, la page d’une coopération écologique, éthique et respectueuse de la diversité des cultures.

Cédric Taurisson et Ibrahima Sidibé Pommier, le 20 juillet 2012

* Cédric Taurisson (EELV Carcassonne), ancien directeur de l’Alliance française de Ziguinchor (Sénégal) / cedrikson@gmail.com
** Ibrahima Sidibé-Pommier
(EELV Talence), africaniste diplômé du Centre d’études sur l’Afrique noire (Sciences-Po Bordeaux) / sidibe-pommier.ibrahima@neuf.fr

Ansar ed-Dine (« Les défenseurs de la religion »), mouvement touareg islamiste qui revendique l’application de la charia dans le Nord-Mali. Dirigé par le fameux Iyad ag Ghali, ancien chef des rébellions touareg des années 1990 puis médiateur pour l’État malien lors des négociations avec AQMI.
Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) est une émanation du groupe islamiste armé algérien, le groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), lui même issu des groupes islamiques armés (GIA). Le GSPC est devenu officiellement AQMI le 25 janvier 2007. AQMI revendique l’idéologie salafiste djihadiste prônée par Oussama Ben Laden lors de la création de la mouvance en 1988.
Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) est un mouvement à la fois dissident et proche d’Aqmi qui s’est créé en mars 2011. Ce mouvement s’est spécialisé dans les enlèvements transfrontaliers. Rapt en décembre 2011 de trois humanitaires qui travaillaient dans des camps de réfugiés proches de Tindouf dans l’ouest de l’Algérie. Enlèvement, le 5 avril 2012, du consul d’Algérie et de six de ses collaborateurs basés à Gao.
4 « Le retour des Touareg au Mali et au Niger : quels enjeux ? », Nouvelles du GRIP, 4/12/
« Qaddafi’s Weapons, Taken by Old Allies, Reinvigorate an Insurgent Army in Mali », New York Times, 5 février 2012.
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Non au coup d’Etat : redonnons un horizon démocratique et économique aux Malien/nes ! https://transnationale.eelv.fr/2012/04/02/non-au-coup-detat-redonnons-un-horizon-democratique-et-economique-aux-maliennes/ Mon, 02 Apr 2012 13:06:21 +0000 http://transnationale.eelv.fr/?p=3076 Lire la suite]]>

Le coup d’Etat militaire qui vient de survenir au Mali est extrêmement grave. Il semble rejouer une tragédie hélas classique en Afrique subsaharienne depuis les indépendances : un groupe de jeunes officiers s’estimant lésés par leur hiérarchie corrompue et trop peu soutenue par le pouvoir politique face à une rébellion en passe de déborder l’armée nationale, décide de prendre le pouvoir et de suspendre la constitution. Ces officiers sont regroupés au sein du « Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’Etat » (CNRDR).

Depuis plusieurs mois, d’anciens leaders touaregs maliens ayant émigré il y a des années en Libye où le gouvernement de Mouammar Kadhafi leur avait confié des fonctions répressives, sont retournés dans leur région d’origine. Fuyant une Libye ayant changé de régime, ils ont emporté avec eux les armes lourdes acquises auprès du dictateur déchu et se sont réinstallés au nord du Mali, faisant régner un ordre armé qui s’est soldé par des attaques de villages ayant causé des dizaines de morts. Prenant conscience de leur force, ils ont réactivé la rébellion touarègue pour s’attaquer aux garnisons de l’armée malienne et lui causer des dizaines de victimes dans des conditions parfois atroces. Dans leur avancée, ces rebelles regroupés au sein du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) trouvent des alliances objectives tantôt avec les Touaregs islamistes d’Ansar Dine, tantôt avec les combattants d’Al Qaeda au Maghreb islamique (AQMI) qui retiennent beaucoup l’attention des gouvernements occidentaux.

Les rebelles du MNLA ou d’AQMI ne représentent pas la population du Nord du Mali, qui n’aspire qu’à une vie pacifique – 200 000 personnes ont dû fuir leurs foyers pour échapper aux violences de ces derniers mois. Et en commettant leur coup d’Etat, les jeunes officiers du CNRDR ont lourdement porté atteinte aux institutions démocratiques d’un pays qui devait connaître son prochain scrutin présidentiel dans cinq semaines. Les actions de ces trois groupes traduisent néanmoins la tension liée à l’extrême précarité économique et sociale durement ressentie par la population d’un pays dont deux habitant/es sur trois vivent sous le seuil de pauvreté et qui figure au 178e rang sur 182 de l’Indice de développement humain des Nations unies.

Comment redonner un horizon économique aux habitant/es du Mali ? Voilà qui devrait être la principale préoccupation de la politique française et européenne dans la région, bien plus que la surveillance d’AQMI. Aider au développement de la part du vivrier dans les exploitations cotonnières et garantir aux producteurs de coton une redistribution de la valeur ajoutée pour obtenir un revenu minimum suffisant, inciterait par exemple les Malien/nes à se détourner des mouvements rebelles armés.

Face à l’urgence, Europe Ecologie les Verts condamne ce coup d’Etat militaire, appelle les parties en conflit à respecter les droits humains et à trouver une issue non-violente et négociée, réaffirme enfin son attachement au droit international ainsi qu’à l’ordre constitutionnel et à l’intégrité territoriale du Mali.

Cécile Duflot Secrétaire nationale EELV
Fadimata Toure pour le Parti Ecologiste du Mali
Catherine Greze Députée européenne pour le Groupe Verts/ALE au PE

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