Russie – Espace post-soviétique – Commission Transnationale https://transnationale.eelv.fr Un site utilisant Réseau Europe Ecologie Les Verts Wed, 04 Apr 2018 15:09:09 +0000 fr-FR hourly 1 Halte aux discriminations et exactions visant la communauté LGBTQI en Russie – le courrier de 44 député-e-s européen-ne-s https://transnationale.eelv.fr/2017/11/23/halte-aux-discriminations-et-exactions-visant-la-communaute-lgbtqi-en-russie-le-courrier-de-44-depute-e-s-europeen-ne-s/ Thu, 23 Nov 2017 09:40:16 +0000 http://transnationale.eelv.fr/?p=4249 Lire la suite]]>

La récente confirmation de l’assassinat de Zelimkan Bakayev – artiste homosexuel d’origine tchétchène – démontre que l’horreur n’a pas cessé et qu’il faut condamner fermement les discriminations et exactions visant la communauté LGBTQI en Russie.

Alors que le Parlement européen avait voté en mai dernier une résolution s’inquiétant du sort de la communauté LGBT en Russie (et plus spécialement en Tchétchénie) et demandant à l’UE et ses États membres d’agir pour empêcher que les discriminations, menaces, tortures et assassinats continuent, les eurodéputés écologistes ont exigé des comptes au Président du Conseil Donald Tusk. Qu’est-ce que les États membres ont fait pour protéger ces vies menacées ? Ont-ils attribués des visas humanitaires et si oui, dans quelle mesure ? Quels sont les résultats des enquêtes menées face aux mensonges du Président tchétchène Ramzan Kadyrov ?

Vous trouverez ci-dessous, en cliquant sur le lien, (en anglais) le courrier soutenu par 44 eurodéputés des principaux groupes politiques du Parlement européen.

Halte aux discriminations et exactions visant la communauté LGBTQI en Russie

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Vladimir Poutine réduit au silence les activistes écologistes russes https://transnationale.eelv.fr/2014/12/02/vladimir-poutine-reduit-au-silence-les-activistes-ecologistes-russes/ Tue, 02 Dec 2014 14:17:13 +0000 http://transnationale.eelv.fr/?p=4205 Lire la suite]]> Communiqué de presse d’Europe Ecologie – Les Verts publié le 2 décembre 2014.

La cour suprême de la république d’Adyguée dans le Nord Caucase russe a décidé le 21 novembre la liquidation de l’ONG écologiste russe Veille écologiste du Caucase du Nord. L’ONG intervient pour la préservation de l’environnement de la région de Krasnodar et de Sotchi dans le Caucase russe. Elle avait alerté l’opinion publique russe et internationale sur les dégâts sur l’environnement et notamment sur la réserve naturelle du Caucase du Nord, classée à l’UNESCO, dus aux constructions pharaoniques et dispendieuses des JO de Sotchi.

Cette décision intervient après la condamnation de l’écologiste russe Evguenyi Vitishko militant de l’ONG. Cet ingénieur géologue a reçu en appel une peine de 3 ans de camps pendant le déroulement des JO de Sotchi. Il a été condamné pour avoir accroché sur la barrière de la propriété du gouverneur, en compagnie d’autres militants, une banderole portant l’inscription « La forêt appartient à tous, c’est notre bien commun ». Au cours de sa détention, les gardiens de prison ont monté les détenus ordinaires contre lui et il a été l’objet de leurs actes malveillants.

Ces attaques contre l’organisation Veille écologiste du Caucase du Nord intervient dans un contexte de répression des opposants politiques et des organisations de la société civile jugés comme  « agents  de l’étranger » et condamnés au silence, voire à la prison.

Europe Écologie – Les Verts condamne fermement les attaques des autorités russes contre les ONG écologistes en Russie . EELV demande le retrait de cette décision de justice et la libération immédiate de Evguenyi Vitishko.

Europe Écologie – Les Verts condamne fermement les répressions organisées par Vladimir Poutine contre la société civile et les activistes pacifistes qui portent une voix différente en Russie.

Julien Bayou, Sandrine Rousseau, porte-parole nationaux

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Statement of Green Russia faction of the Russian political party Yabloko-Green Russia to the 21st Council Meeting, European Green Party https://transnationale.eelv.fr/2014/11/07/statement-of-green-russia-faction-of-the-russian-political-party-yabloko-green-russia-to-the-21st-council-meeting-european-green-party/ Fri, 07 Nov 2014 11:47:52 +0000 http://transnationale.eelv.fr/?p=4162 Lire la suite]]> Istanbul, Turkey, November 7-9 2014

Dear friends and colleagues on the green movement!

Only after the Russian annexation of the Crimea and a factual conquest of Russian speaking territories of the Eastern Ukraine, the World has started to understand that the Russian authority, that becomes more and more autocratic and totalitarian, will not stop efforts to preserve itself in the power even by destruction of the World law and order established after the Second World War and the dissolution of the USSR. The party Yabloko-Green Russia warned about this dangerous tendency for a long time.

Today, the Russian authority denounces independent from the Kremlin public organization to be « foreign agents », and this expression for most of Russian people sounds like « foreign spies ». The authorities covertheir anti-environmental policy with environmental rhetoric. Abandonment from the European integration of Russia became an official policy. Destruction of small and medium-scale business becomes a deliberate policy (more than 300,000 of small and medium-size enterprises stopped existence for last two years). Censorship as a matter of fact exists in the state, and independent mass media are a tiny drop in the ocean of Putin’s propaganda. We still have not have concentration camps, but even without them the opponents of the regime in increasing frequency are put into prisons or are forced to emigrate.

Leaders of Germany, the United States, Italy and other countries, who supported Vladimir Putin for many years with closed eyes to an evident degradation of Russian democratic institutions and militarization of the country, are partly responsible for imposition of Fascisation in Russia.

We are sure that a pseudo-patriotic (but in fact chauvinistic) frenzy of the Russian society will pass and the current Kremlin regime will fail. To prevent transformation of this crash into a bloody slaughter-house is a task not only of the Russian civil society, but also of politicians from the other countries.

We are doing and will do that in our force to stop the antidemocratic and anti-European development of Russia.

The Bureau of the Green Russia

October 2014

Illustration : Olga Tsepilova, leader du parti Yabloko-Green Russia

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Ukraine : nous étions observateurs électoraux au cœur d’une commission corrompue https://transnationale.eelv.fr/2014/11/05/ukraine-nous-etions-observateurs-electoraux-au-coeur-dune-commission-corrompue/ Wed, 05 Nov 2014 08:27:59 +0000 http://transnationale.eelv.fr/?p=4151 Lire la suite]]> Par Anne R. disponible sur le site Médiapart

Les résultats définitifs du vote aux élections parlementaires en Ukraine ne sont pas encore tombés. D’après les sondages de sortie d’urnes, les partis pro-européens ont largement remporté le scrutin. Habituellement le processus électoral remplit dix bonnes journées week-end compris. En raison de la pression des élections dans la LNR et la DNR1, et malgré le faible taux de participation, les élections législatives en Ukraine  revêtent cette année une importance capitale. J’ai pris ma modeste part dans cette grande histoire, en remplissant le rôle d’observateur électoral international, envoyé par le Congrès mondial des Ukrainiens (CKU). Premier voyage en Ukraine, première expérience d’observatrice électorale internationale, premier séjour dans un pays en guerre.

Statue de la mère patrie à Kiev. Crédits : Anne Rio
Statue de la mère patrie à Kiev. Crédits : Anne

Âme slave

C’est ma première visite à Kiev, mais connaissant un peu la Russie, je ne suis pas dépaysée. Au contraire, et au risque de fâcher des Ukrainiens patriotes, je suis frappée par la ressemblance. Le même métro plongeant jusqu’à 100 mètres de profondeur. Les mêmes banlieues peuplées d’immeubles hauts et larges, austères et minéraux, traversées de boulevards aussi larges que huit voies. La même féminité jusqu’au bout des ongles des Kiéviennes que leurs consoeurs de Moscou, que Madeleine Leroyer a si bien décrite2. La même cuisine : borchtch – qui est ukrainien- , kotlets, boeuf stroganov, cornichons et tomates molossol, pain noir, champignons et baies en tout genre… Un passé partagé : Kiev ville héros de la grande guerre patriotique aux côtés de ses douze consoeurs de l’ancienne URSS. Le musée de la guerre d’Afghanistan rappelle lui aussi le passé commun. Même la manie de multiplier les cartes de réduction pour tout commerce ou restaurant qui garnissent les porte-feuilles ukrainiens est semblable à Moscou.

Elena, à qui je fais cette remarque, acquiesce : « Oui, c’est pour cela que nous avons été très surpris par ce conflit. C’était inattendu. Nous n’aurions jamais imaginé. C’est vrai qu’en 2008, nous avons vu comment la Russie s’est comportée avec la Géorgie. Mais nous ne pensions pas que cela pourrait arriver en Ukraine ». Elena, la quarantaine, parlant russe avec sa fille, vivant dans une khrouchovka3 en briques dans la proche banlieue de Kiev ne s’attendait pas à l’agressivité de la Russie en dépit de ces liens entre les deux peuples.

Alexis, un français habitué de la Russie, m’explique au contraire avoir ressenti un « choc culturel » entre Moscou et Kiev. Le choc culturel concerne l’attitude des Ukrainiens. Ils sont souriants, accueillants, serviables. Le sourire, pour les Russes, est quelque chose de trop sérieux et intime pour l’offrir au premier venu4. « A Moscou, rendre la monnaie à une caisse de supermarché peut engendrer une querelle et voir donner des noms d’oiseaux ». Ici non. « Les Russes ont la haine d’eux-même et des autres. En tant qu’étranger, quand je me balade à Moscou, c’est comme si j’étais transparent ».

Pour les Russes, avant le conflit, les Ukrainiens véhiculaient l’image de ploucs ou de personnes rusées et malignes, essayant d’obtenir toujours plus et d’outrepasser leurs prérogatives alors que les Russes conservent leur fierté.

Embedded

48 heures avant la mission, je suis propulsée chef d’équipe d’une dizaine d’observateurs électoraux, envoyés observer le bon déroulement des élections dans l’okroug n°140, circonscription électorale des villes d’Illichivsk, de Beliaevka et de Teplodar dans la campagne environnante d’Odessa. L’équipe de dix observateurs comprend une moitié de russophones ou ukrainophones et une moitié de francophones, l’anglais ne servant à rien dans le contexte, elle répond à une parité stricte et inclut des représentants de toutes les décennies entre 20 et 60 ans. Annick, Maxime, Mélodie, Arnaud, Maroussia, Eric, Tatiana, Bernard, Alain et moi sommes du voyage, motivés pour aider les Ukrainiens dans ce moment délicat, et enthousiastes pour cette aventure humaine.

Nous sommes envoyés par le Comité représentatif de la Communauté Ukrainienne de France5 (CRCUF), présidée par l’infatigable Nathalie Pasternak, et l’ensemble de la mission est chapeautée par le Congrès mondial des Ukrainiens (CKU)6 . Le CKU envoie plus de 200 observateurs sur le terrain. Des équipes sont envoyées à Cherkassy, Chernivtsi, Sumy, Kharkiv, Lviv, Kherson, Kiev, Dnipropetrovk, Odessa et même Sloviansk et Kramatorsk dans le Donbass, qui viennent juste d’être libérées par l’armée ukrainienne. Julien Bayou racontera son expérience d’observateur à Cherkassi7, ainsi que d’autres membres de la délégation française8.

Dans les bureaux du CKU à Kiev. Crédits : Anne Rio
Dans les bureaux du CKU à Kiev. Crédits : Anne

Forte d’une diaspora de 1,2 à 1,4 million de membres au Canada, les Ukrainiens du Canada sont les plus nombreux dans le CKU. Ceux qui dirigent la mission et qui sont venus à Kiev ont tout du style nord américain : la manie de donner des tips et de faire des toasts, la formation avant la mission à l’université Shevchenko comprend un briefing sur la sécurité par un militaire qui a fait la guerre d’Irak ! Mais les Ukrainiens du Canada paraissent plus ukrainiens que les Ukrainiens, plus patriotes aussi s’agissant du sort de l’Ukraine. Selon Michael, lui-même descendant d’Ukrainiens du Canada, mais qui se définit comme européen étant donné les longues années passées en Suède, en Allemagne, en France…, « ils doivent en faire plus que leurs compatriotes d’Ukraine pour être légitimes ».

Kit de premiers secours de l'ONG Patriot Defence. Crédits : Anne Rio
Kit de premiers secours de l’ONG Patriot Defence. Crédits : Anne

Le bureau voisin de celui du CKU est occupé par l’ONG Patriot Defence / Захист Патріотів9. La directrice de l’ONG, Ulana Suprun, médecin américain et ukrainienne de la diaspora, a eu l’initiative du projet. Elle était sur le Maïdan pendant la révolution pour soigner les blessés. Depuis l’invasion russe des régions de l’Est, elle a pris conscience du manque de soins de premiers secours pour les soldats envoyés sur le front. Tandis que la prise en charge dans les hôpitaux à l’arrière est tout à fait satisfaisante, les soldats meurent faute de premiers soins et en raison de trois causes principales : hémorragie (60%), pneumothorax sous tension (30%), voies respiratoires entravées (10%). Elle a donc conçu un kit de premier secours pour soigner ces trois affections. Ces kits sont destinés à être portés par les soldats qui viendront en aide à leurs camarades. Des formations de deux jours sont aussi organisées pour permettre aux soldats de s’approprier l’emploi de ces matériels médicaux. Dans une Ukraine en guerre, l’initiative est saluée et l’ONG bénéficie de la solidarité des Ukrainiens de la diaspora et des entreprises ukrainiennes. Ukraine International Airlines transporte gratuitement les éléments du kit, un service douanier se charge également gratuitement de la gestion des démarches administratives d’import, les Ukrainiens de la diaspora sont sollicités financièrement…

En route pour Odessa

Avec sept autres membres de l’équipe d’observateurs, je pars en route pour Odessa en train de nuit, sur les traces des eurodéputés verts, Pascal Durand et Karima Delli, qui s’étaient rendus en Ukraine en mars 2014, guidés par Nathalie Pasternak, pour tâter le pouls de la révolution10. Odessa, c’est un peu là que la guerre a commencé en quelque sorte… Elle a commencé le 2 mai 2014 quand des activistes pro-ukrainiens ont brûlé vif des partisans pro-russes dans la Maison des syndicats. Certains considèrent cette action comme un coup monté par Poutine pour créer des martyrs de la cause pro-russe et susciter des engagements de volontaires aux côtés des séparatistes du Donbass. Michel Eltchaninoff a bien décrit l’ambiance dans la ville après le tragique évènement11.

Escaliers Potemkine à Odessa. Crédits : Anne Rio
Escaliers Potemkine à Odessa. Crédits : Anne

Etant donné le contexte de changement de pouvoir, de guerre dans le Donbass, des attaques de la Russie contre la légitimité de la nouvelle équipe au pouvoir, les élections législatives ukrainiennes s’avèrent d’une importance capitale pour l’Ukraine post-EuroMaïdan. Le système de vote parallèle, qui a prévalu en 2012, est maintenu malgré une tentative de réforme en juillet 2014 rejetée par la Rada (parlement ukrainien). Ainsi, 50% des sièges (soient 225 sièges) sont élus suite au vote sur liste nationale et 50% des sièges sont élus dans un système de vote uninominal majoritaire à un tour parmi des candidats qui se présentent localement dans les 225 circonscriptions électorales (okrougs) d’Ukraine. A l’échelle nationale, 29 listes sont présentées au choix des électeurs, et dans l’okroug n°140, 25 prétendants à la députation présentent leur candidature personnelle, les candidats « majoritaires »12.

Prise de contacts

Arrivée à Odessa, je prends contact avec Anatolii Boyko, activiste de la branche locale de l’ONG Opora13. Opora née avant la révolution orange de 2004 s’est fait une spécialité du monitoring des processus électoraux, de la lutte contre les fraudes électorales et la dénonciation des politiciens corrompus et criminels. L’emploi du temps d’Anatolii est rempli et il n’a pas le temps de nous rencontrer. Mais il nous fait parvenir des rapports sur la situation politique et électorale locale. En octobre, l’organisation avait déjà enregistré des actes de corruption auprès des électeurs par différents candidats dans les cinq circonscriptions (okrougs) de la région d’Odessa. Elle déplore également l’utilisation des ressources administratives par les candidats sortants, c’est-à-dire que les candidats, élus de la dernière mandature, emploient le budget et les fonctionnaires de leur administration au service de leur campagne. Des cas de coups et blessures sont aussi répertoriés. Dans certains okrougs, des candidats sont poussés à retirer leur candidature ou se voient refuser leur candidature. Anatolii nous explique que notre présence dans les commissions électorales de district le lendemain et le surlendemain du vote sera d’une importance capitale. De nombreuses fraudes, et enregistrements fallacieux de résultats altérés se déroulent à cette étape du processus électoral au moment de la centralisation des résultats.

Je prends également contact avec des représentants des partis locaux. Valerii Ossipov, représentant du parti vert d’Odessa nous informe des malversations dans l’okroug n°135, l’arrondissement Primorski de la ville même d’Odessa. La commission de district ne comporte que 18 membres, alors qu’elle devrait en compter 25 et 10 d’entre eux sont représentants du même parti. Ces irrégularités sont déjà dénoncées dans les journaux locaux et internationaux14. Une autre équipe d’observateurs envoyée par le CKU est justement chargée de contrôler ce qui s’y passe.

Mis en relation par le CKU, Vassilii Bougaïtchouk, le représentant du parti Batkivchtchyna, le parti de la femme à la tresse blonde, Ioulia Timoshenko, lui même candidat « majoritaire » dans cette circonscription nous expose la situation dans l’okroug n°140. Le candidat sortant est David Jvania, oligarque d’origine géorgienne et se classant parmi les 200 personnes les plus fortunées du pays15. En 2012, il se fait élire en tant que membre du Parti des régions du président déchu Viktor Ianoukovitch. Cette fois-ci, il a rejoint le parti du président Petro Poroshenko. David Jvania est conscient qu’il n’est pas dans les cœurs de ses concitoyens de sa circonscription et les sondages préélectoraux ne lui sont pas favorables. Début septembre, il sort dans les sondages en troisième position16. Quelques jours avant le vote, les sondages sont encore plus négatifs pour lui17.

candidature Vassilii Bougaitchouk. Crédits : Maxime
candidature Vassilii Bougaitchouk. Crédits : Maxime

Pour assurer sa réélection, Vassilii nous explique qu’il a corrompu les membres de la Commission électorale d’okroug. La méthode est simple : les résultats issus des 111 bureaux de vote de la circonscription sont altérés au moment de leur transmission à la Commission électorale centrale située à Kiev. Vassilii nous explique également qu’en amont des élections, une contestation contre la commission électorale du district de Beliaevka a donné lieu à un procès en justice. Malgré les irrégularités dans la constitution de la commission, les plaignants ont été déboutés. En effet, plusieurs semaines avant le vote, les membres de plusieurs commissions électorales d’okroug dans la région d’Odessa sont remplacés par des personnes favorables aux candidats sortants et entravant le bon enregistrement des autres candidats. Les membres de la commission de l’okroug voisin n°139 ont été condamnés par la justice. Mais ceux de la commission n°140 s’en sont sortis indemnes. Vassilii nous alerte sur le fait que nous pouvons nous attendre à des fraudes massives dans l’okroug n°140.

Dans les bureaux de vote

Dimanche 26 octobre, les dix membres de notre équipe d’observateurs, répartis en binômes, sur le pied de guerre dès 7h15 du matin chacun dans un bureau de vote de la circonscription n°140, sillonnent la campagne odessite toute la journée. Le système de vote ukrainien sécurise la délivrance des bulletins tandis que, par comparaison, le système de vote français sécurise l’urne de vote. En effet, les bulletins de vote sont comptés au plus près du nombre d’électeurs, le nombre de bulletins supplémentaires doit être raisonnable. La remise des bulletins de vote aux électeurs donne lieu à la signature d’un talon de remise par l’électeur. En revanche, les quatre ou cinq urnes ne sont pas contrôlées de près, mais placées au milieu du bureau de vote, libres d’accès pour toutes les personnes circulant dans les lieux. Un tel dispositif favorise le bourrage d’urnes : une personne, munie frauduleusement de plusieurs bulletins, pourrait les insérer par paquet dans l’urne.

Au cours de la journée de vote, chaque binôme de notre équipe observe des situations dérogeant à la stricte loi électorale et relevant du folklore électoral ukrainien. Les affiches des candidats « majoritaires » devant être accrochées dans tous les bureaux de vote, au même titre que les affiches des partis, sont très souvent absentes. Alain et moi nous rendons dans un bureau de vote du village de Troitskoe. Comme à l’époque soviétique, de la musique pop locale hurlant depuis la sono installée à l’entrée de l’école nous accueille. Elle est censée rendre la journée de vote un moment de fête et attirer les électeurs aux urnes. Nous nous enregistrons immédiatement auprès du secrétaire du bureau de vote en tant qu’observateurs. Un homme de la cinquantaine, posté à côté de la présidente du bureau de vote remet ainsi son badge « Presse » à son veston. Je lui demande pour quel journal il travaille, il est obligé de décrocher son badge et de le lire pour pouvoir me répondre. Il donne l’impression d’être le maître à bord du bureau de vote, donnant des ordres à la présidente du bureau de vote. C’est lui qui nous emmène dans la salle de repos et de restauration de la commission et nous emmène rencontrer la milice (police nationale) qui s’est installée également dans des arrière-salles de l’école. La carte de presse donne l’autorisation à ses détenteurs d’être présents toute la journée et au moment du dépouillement dans les bureaux de vote. Elle est largement utilisée de cette manière en Ukraine les jours d’élection.

Fidèle à la tradition d’accueil en Ukraine, dans chacun des bureaux de vote où nous entrons un café ou un thé nous est offert, si ce n’est le repas complet avec borchtch, kotlets, pommes de terre… Il suffit d’un moment d’hésitation, le temps de traduire la proposition à mon partenaire Alain, pour nous retrouver presque de force à table avec eux. Selon les consignes du CKU, nous devions refuser toute collation et tout breuvage dans les bureaux de vote. En effet, des personnes malintentionnées pourraient y ajouter un sédatif ou un laxatif afin de nous neutraliser pour le reste de la journée… Ce ne fut pas le cas. Mais les collations étaient les bienvenues car dans notre périple dans ce bout de campagne ukrainienne entre Odessa et la frontière de la Transnistrie, aucun restaurant ou café n’est en vue. C’est aussi l’occasion de discuter de la situation politique locale avec les habitants du cru.

Dans un autre bureau de vote, Pavel, observateur pour le parti Bloc de Poroshenko, pour le candidat David Jvania donc, nous tient un discours anti-maidan classique. Il nous paraît un bon garçon, instituteur dans l’école du village de 3000 habitants, fils du directeur de la Maison de la culture, bâtiment qu’il est fier de nous faire visiter et qui a été entièrement rénové « sous la présidence Ianoukovitch ». Il décrit la situation politique générale du pays comme étant encore l’affrontement entre les pro-occidentaux et les russophones. Mais selon lui, comme la Crimée est perdue, les régions du Donbass empêchées de voter, l’issue du vote ne fait pas de doutes. Il nous parle lui aussi des « fascistes au pouvoir ». Je lui demande comment il est informé de ces faits, il me répond qu’il suit les informations publiées dans les groupes « Anti-Maidan » sur le réseau social russe vKontakte. La télévision russe est interdite de diffusion dans le pays, décision qu’il juge anti-démocratique.

Tatiana et Bernard, quant à eux, sont mis sur la piste d’un bureau de vote frauduleux par un journaliste local, Denys Tkatchenko. Ce dernier les alerte sur le fait que dans un bureau de vote installé dans l’hôpital du village Velikii Dalnik, la commission électorale de bureau s’avère plus que douteuse. Contrairement aux règles communes, ses membres sont originaires de la ville d’Odessa et non du village et sont pour la grande majorité tous membres de la même famille. Ils ont été recrutés pour veiller aux intérêts du candidat David Jvania. Sur place, Tatiana et Bernard reçoivent des témoignages concordants par des observateurs d’autres partis. Le binôme ne lâchera pas d’une semelle les agissements de la commission électorale et accompagnera son travail jusqu’à 10h du matin le lendemain. Tatiana et Bernard ont dû lutter pied à pied pour que la loi électorale soit respectée. Ils ont dû négocier quelques entorses pour pouvoir accompagner le sac de bulletins et les procès verbaux (protokols) à la commission électorale d’okroug le lundi matin.

Aux alentours de 19h, la participation moyenne dans notre okroug se situe autour de 30 %.

A la commission électorale d’okroug

Alain et moi passons la soirée à la commission électorale d’okroug. Nous y sommes dès 20h. Au début, tous ne sont pas admis dans la salle de session, en raison d’un nombre limité de places. La session est entamée par une série de recours des candidats ou de représentants des candidats, recours qui sont tous balayés d’un revers de main. Un partisan du candidat Choumski expose sa plainte sur le fait que David Jvania n’a pas respecté la loi électorale et ses affiches de campagne étaient encore visibles dans la circonscription pendant la période de silence avant le vote. Le secrétaire de la commission explique qu’il est du ressort de la police et de la mairie des villes en question de faire retirer ces affiches mais que la commission électorale d’okroug ne s’occupe pas de ce genre de problèmes. Après quelques heures d’attente, les premières commissions de bureau de vote apportent les sacs remplis des bulletins et les procès verbaux des résultats. La commission d’okroug se montre très tatillonne. Elle refuse les procès verbaux de deux commissions de bureau de vote sur trois pour des vices de procédure. Les résultats qui arrivent ne sont sûrement pas à son goût.

Vers 2h du matin, nous sommes rejoints par Maxime et Annick qui ont réussi à accompagner le voyage du sac de bulletins et des procès verbaux depuis leur bureau de vote jusqu’à la commission d’okroug. A Beliaevka, le ballet de présentation des procès verbaux continue et le refus de la commission d’okroug est toujours aussi fréquent. L’attente est longue. Les membres des commissions de bureau de vote sont sur le pied de guerre depuis plusieurs jours et l’enregistrement des résultats au niveau de la commission d’okroug peut intervenir le lendemain voire le surlendemain. Une personne perd connaissance dans le lobby de la Maison de la Culture de Beliaevka, où se tient les sessions de la commission électorale d’okroug.

Vers 3h30 du matin, Andreï Levtchenko, soutien d’un des candidats, nous interpelle. Les résultats de plusieurs bureaux de vote proclamés par la commission électorale d’okroug sont altérés par rapport aux procès verbaux. Des résultats pour plusieurs candidats sont intervertis. Nous prenons en photographie les exemplaires originaux des procès verbaux et vérifierons ceux publiés sur le site officiel.

Sauf Tatiana et Bernard qui sont restés dans leur bureau de vote, toute l’équipe d’observateurs quitte la commission d’okroug vers 5h du matin, après avoir fait le tour du cadran.

Dans les heures qui suivent, des fraudes électorales sont constatées dans l’okroug18. Neuf membres de la commission d’okroug démissionnent le lendemain du vote sous le prétexte qu’ils auraient reçu des menaces de mort et fuient la région19. Leur démission en masse empêche d’atteindre le quorum nécessaire pour valider les protokols qui affluent encore à la commission et les travaux d’enregistrement des résultats sont interrompus20. Le lendemain, nous apprenons que ces membres sont recherchés par la police21 pour entrave à l’exercice des droits électoraux. Le journaliste Denys Tkashenko nous dit que notre présence dans l’okroug a aidé à la fuite des membres corrompus de la commission électorale d’okroug. Ils ont pris peur des contrôles. Denys nous demande de revenir pour les élections locales qui doivent se dérouler prochainement. Côté candidat majoritaire, Vassili Gouliaev, un candidat non affilié à un parti, est élu22.

A la commission électorale centrale

A la commission électorale centrale de Kiev. Crédits : Anne Rio
A la commission électorale centrale de Kiev. Crédits : Anne

Mardi 28 au matin, nous sommes de retour à Kiev. Grâce à notre carte d’accréditation d’observateur électoral international, nous avons accès également aux sessions de la Commission centrale électorale (TsVK), présidée par Mykhaylo Okhendovsky et située dans le bâtiment de l’ancien très puissant Comité d’arrondissement du PC ukrainien. Le principe de la validation des résultats des différents okrougs reproduit le schéma de validation à l’échelle de l’okroug. Des représentants des 225 commissions électorales d’okroug viennent à Kiev présenter à tour de rôle leurs résultats avec les protokols officiels contresignés par tous les membres des commissions d’okroug. Ceux-ci sont présentés en séance et adoptés par la Commission centrale électorale. Mardi 28 octobre dans l’après-midi, seules deux commissions d’okroug avaient déjà présenté leurs résultats, la troisième venait d’annuler la séance car ses membres étaient encore en route pour Kiev. La session est donc annulée.

Nathalie et moi croisons dans les couloirs Olexandre Gorodetski venu à la Commission centrale électorale défendre son bon droit. Olexandre est un Ukrainien de la diaspora, membre très actif du CKU, originaire d’Italie. Il s’est présenté à la 57e position de la liste du Front populaire23 menée par Arseni Iatseniouk et est potentiellement élu député d’après les résultats provisoires à la sortie des urnes. Cependant, l’enregistrement de sa candidature a été refusé une première fois en raison de certains critères non respectés. Il lui manquait 20 jours de résidence en Ukraine en 2011 alors que la loi stipule qu’un candidat doit résider au moins 183 jours par an dans le pays du trident. Justifiant de ses absences répétées en raison d’obligations professionnelles, Olexandre Gorodetski reçoit un jugement favorable à son enregistrement comme candidat à l’échelon de la cour d’appel24. Toutefois le verdict tombe à quelques heures du vote du 26 octobre. Olexandre se rend immédiatement à la Commission électorale pour faire enregistrer sa candidature. Cette dernière joue la montre, tergiverse et Olexandre n’est pas enregistré à temps.

Les mésaventures d'Olexandre Gorodetski à la Commission électorale centrale de Kiev. Crédits : Anne Rio
Les mésaventures d’Olexandre Gorodetski à la Commission électorale centrale de Kiev. Crédits : Anne

Dans les bureaux du dernier étage de la Commission centrale électorale, Olexandre explique sa situation. Le haut fonctionnaire lui rétorque : « La décision de la cour d’appel est venue trop tard, les électeurs du Japon ou d’Australie étaient déjà en train de voter lorsque vous receviez l’autorisation de vous enregistrer comme candidat ». Une femme intervient dans la conversation : « Une personne nous a apporté aujourd’hui une lettre signée de votre main indiquant que vous vous désistiez de votre candidature à la députation ». Après plusieurs semaines pendant lesquelles Olexandre s’est débattu pour faire enregistrer sa candidature allant jusqu’en cour de justice, cette supposée démarche paraît déconcertante. Olexandre s’en défend : « Je n’ai jamais apporté une telle lettre à la Commission centrale électorale ». La femme apporte la lettre manuscrite, signée et tamponnée à la date du jour même… Un ange passe… « Si vous contestez la validité de cette lettre, elle fera l’objet d’une expertise »… « Avez vous été contraint de rédiger cette lettre ? ». Olexandre explique qu’il a effectivement rédigé la lettre, qu’il ne peut dire qui le lui a demandé, et affirme que la date est incorrecte et qu’il n’a jamais demandé de la faire apporter à la Commission centrale électorale… Nous devons malheureusement quitter le bureau de la Commission centrale électorale, mais nos suppositions vont bon train sur les conditions de rédaction de cette lettre.

De l’avis des observateurs de l’OSCE25, les fraudes aux élections parlementaires ukrainiennes ont été plutôt limitées, les processus démocratiques respectés, et la commission centrale électorale efficace. Comment juger donc ce qui s’est passé dans l’okroug n°140 ? La perpétuation des veilles habitudes de fraudes dans un district reculé de campagne. Mais finalement, les fraudeurs ont pris peur. Les électeurs, les journalistes, les ONG se sont mobilisés contre ces vieilles pratiques. Et la présence d’observateurs électoraux internationaux ajoutaient au processus vertueux d’élimination des brebis galeuses…

1Sébastien Gobert, « Separatist LNR prepares for separated elections », 1er novembre 2014 : http://nouvellesest.com/2014/11/01/separatist-lnr-prepares-for-separated-elections/

2Madeleine Leroyer, Une vie de pintade à Moscou, Calmann-Levy, 2012 : http://www.lespintades.com/collection-pintade-moscou.html

3immeuble préfabriqué de 5 étages, construit à la hâte à l’époque de Khrouchtchev censé être temporaire pour parer au problème urgent de logement dans les années 1960.

4Iossif Sternine, « 10 raisons pour lesquelles les Russes ne sourient pas », Russia Beyond The Headlines, 29 novembre 2013 : http://fr.rbth.com/art/2013/11/29/10_raisons_pour_lesquelles_les_russes_ne_sourient_pas_26831.html

5Comité Représentatif de la Communauté Ukrainienne de France : http://crcuf.fr/

6Ukrainian World Congress / Світовий Конґрес Українців (СКУ) : http://www.ukrainianworldcongress.org/

7Julien Bayou, « J’ai assisté aux élections en Ukraine », Le Huffington post, 26 octobre 2014 : http://www.huffingtonpost.fr/julien-bayou/reportage-en-ukraine-pour-les-elections_b_6050696.html

8« Mon séjour extraordinaire en Ukraine », Jeunes, cons… et européens, 31 octobre 2014 : http://jeunesconseuropeens.com/2014/10/31/mon-sejour-extraordinaire-en-ukraine/#more-150

9ONG Patriot Defence / Захист Патріотів : http://patriotdefence.org/

10Pascal Durand, « Ukraine : l’Europe doit répondre à l’appel à l’aide lancé par le peuple ukrainien », 12 mars 2014 : http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1157664-ukraine-l-europe-doit-repondre-a-l-appel-a-l-aide-lance-par-le-peuple-ukrainien.html

11Michel Eltchaninoff, « Odessa. Enquête après carnage », Philosophie magazine, 9 mai 2014 : http://www.philomag.com/lepoque/reportage/odessa-enquete-apres-carnage-9762

12« Полный список кандидатов в депутаты Рады по мажоритарному округу №140 в Одесской области », Українські новини, 8 octobre 2014 : http://ukranews.com/ru/news/odesa/2014/10/08/139391.Povniy-spisok-kandidativ-u-deputati-Radi-u-mazhoritarnomu-okruzi-140-v-Odeskiy-oblasti

13Site officiel de l’ONG Opora : http://oporaua.org/en/about-us

14Pierre Sautreuil, « Législatives en Ukraine: à Odessa, les espoirs du Maïdan se heurtent à un oligarque », L’Express, 24 octobre 2014 : http://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/legislatives-en-ukraine-a-odessa-les-espoirs-du-maidan-se-heurtent-a-un-oligarque_1615090.html

15Portait de Давид Важаевич Жвания, Украинский Бизнес Ресурс : http://bp.ubr.ua/profile/-

16« Электоральная ситуация в избирательном округе № 140 (Одесская область, центр – г.Беляевка) по состоянию на конец августа 2014 года », Социополис, 1er septembre 2014 : http://sociopolis.ua/ru/doslidzhenya/doslidzhenya/201-elect-140-bilyayivka/

17« Округ №140: лидирует Добрянский », Tаймер, 22 octobre 2014 : http://timer.od.ua/news/okrug_140_lidiruet_dobryanskiy_939.html

18« О нарушениях на 140 округе в Беляевке Одесской области », www.112.ua, 29 octobre 2014 : http://112.ua/video/o-narusheniyah-na-140-okruge-v-belyaevke-odesskoy-oblasti.html

19« Скандал вокруг Давида Жвании в Одесской области: глава окружкома сбежал с печатью (видео) », Подробности, 27 octobre 2014 : http://podrobnosti.ua/analytics/2014/10/27/1000012.html,

20« Избирательная комиссия округа №140 просто ушла, подсчёт голосов остановился », Tаймер, 27 octobre 2014 : http://timer.od.ua/news/izbiratel_naya_komissiya_okruga_140_prosto_ushla_podschet_golosov_ostanovilsya_384.html

21« Милиция разбирается с членами ОИК, которые сбежали из 140 округа », Украинская правда, 27 octobre 2014 : http://www.pravda.com.ua/rus/news/2014/10/27/7042386/

22http://www.cvk.gov.ua/pls/vnd2014/wp040pt001f01=910pf7331=140.html

23Виборчий список Політичної партії « Народний фронт » : http://nfront.org.ua/komanda/viborchij-spisok-politichnoji-partiji-narodnij-front

24« Суд, який дозволив Хорошковському брати участь у виборах, відмовив іншому кандидату », NewsRu.ua, 1er octobre 2014, http://www.newsru.ua/ukraine/01oct2014/otkazs.html

25« Many positive aspects of Ukraine elections an important step, and new parliament should take opportunity to advance key reforms, international observers say », OSCE, 27 octobre 2014 : http://www.osce.org/odihr/elections/126041

 

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J’ai assisté aux élections en Ukraine https://transnationale.eelv.fr/2014/10/27/jai-assiste-aux-elections-en-ukraine/ Mon, 27 Oct 2014 13:27:31 +0000 http://transnationale.eelv.fr/?p=4165 Lire la suite]]> Par Julien Bayou, Conseiller régional en Ile-de-France, porte-parole d’EELV, également disponible sur le site du Huffington Post

Après les élections municipales en Turquie au Kurdistan en mars (lire un billet ici et le rapport de la mission ici), me voici en Ukraine pour les élections législatives du 26 octobre.

En Ukraine, J-1 avant des élections cruciales pour le pays et l’Europe

Paula, Boris, Jean, Dorian, Atte ou Elodie : tous ont eu l’info en ligne, le plus souvent par Facebook. Que ce soit par le post d’un ami ou via la page d’une asso étudiante, la proposition de la Cosmolitan Project Foundation « Postulez pour devenir observateur officiel pour les prochaines élections en Ukraine » a piqué leur curiosité avant de les convaincre d’investir temps et argent dans cette mission pour vivre une expérience exceptionnelle.

A la veille des élections législatives cruciales pour le pays, nous étions 8 Français déployés à Tcherkassy, bourgade de 300.000 habitants à 3 heures de route au sud de Kiev. 4 binômes qui ont sillonné la ville et sa grosse centaine de bureaux de vote pour observer le déroulé des opérations, de 7h du matin à la proclamation des résultats le soir (et plus certainement au petit matin le lendemain) en passant par la clôture du bureau et le dépouillement des bulletins.

A l’échelle du pays, 70 bénévoles français sont arrivés ces derniers jours pour grossir les rangs des 200 observateurs accrédités par le Congrès Mondial Ukrainien, l’association qui coordonne la diaspora ukrainienne ; sans compter les 600 observateurs de court terme déployés par l’OSCE.

L’objectif est simple et est résumé par cette phrase du Code de conduite pour les misssions d’observations électorales internationales de l’ONU : « nous sommes ici pour contribuer à la tenue d’élections libres et sincères dans l’espoir qu’elles reflètent la volonté du peuple ukrainien ».
Si simple et si décisif tant la situation est critique : une partie du pays est annexée, une autre en état de guerre civile, et partout la défiance domine à l’égard d’institutions jugées corrompues et délégitimées, de l’Assemblée au gouvernement en passant par les pouvoirs régionaux.

Ces élections s’inscrivent directement dans la foulée de la Révolution Maidan, ces protestations massives qui ont enflammé l’Ukraine à la fin 2013 quand l’ancien président Ianoukovitch a refusé de signer l’accord d’association avec l’Union Européenne. Après des mois de manifestations réprimées dans le sang, le président Ianoukovitch a fui le pays. Ces législatives font suite à la présidentielle remportée en juin par Petro Poroshenko.

Le score de sa coalition fera donc l’objet de tous les commentaires, comme celui des partis issus de la coalition du « parti des régions » (la formation de l’ancien président) ou le score de l’extrême-droite (c’est un euphémisme) Svoboda.

Au-delà des résultats qui intéressent bien sur la politique nationale ukrainienne, la participation, la bonne tenue et des élections et la sincérité des résultats seront examinées par toutes les chancelleries, de Washington à Moscou en passant par toutes les capitales européennes. Les enjeux géopolitiques sont énormes et ces élections sont une étape importante pour la stabilisation d’un pays qui focalise l’attention mondiale.

« Difficile de rester insensible à ce qui se passe aux portes de l’Europe, ça nous concerne évidemment, et puis c’est magique de pouvoir assister à ces élections en étant aux premières loges », voila qui résume le sentiment des observateurs européens.
Arrivés vendredi pour la dernière formation, il nous faut tout d’abord nous adapter au froid piquant : zéro ou moins voire beaucoup moins à l’est du pays.

Après deux séances de formation à Paris et en ligne dans les dernières semaines, c’est le temps du rappel des fondamentaux et en particulier en matière de sécurité « stay alert, stay unambiguous, stay boring » nous explique la canadienne qui dirige la mission. Soyez sur le qui-vive, fondez vous dans la foule : pas de vêtements ou sac aux couleurs du pays, encore moins couleur kaki militaire ou camouflage.

En tant qu’observateur international officiel nous avons accès à toutes les étapes des opérations de vote, de la réception des urnes et bulletins à leur dépouillement et à la transmission des résultats à l’équivalent de la préfecture. En cas d’incident, de violation ou d’irrégularités la consigne est claire : surtout ne pas intervenir directement, pour éviter les dangers et situations hasardeuses. Si un observateur est témoin d’une situation problématique il doit en référer au chef d’équipe qui fait remonter au QG à Kiev qui alertera les autorités qui devront répondre et faire cesser le trouble. Le lendemain du vote, la mission émettra un avis sur la sincérité des élections avant d ‘établir un rapport final.

Lors des municipales au Kurdistan turc les craintes portaient d’abord – et à raison – sur les intimidations et pressions à l’égard des votants (lire le billet sur les élections en Turquie).
Ici c’est bien la fraude électorale qu’il s’agit de prévenir : bourrage d’urnes avant, pendant ou à l’issue du vote, fausses procurations, achats de votes, électeurs fictifs, comptages « fantaisistes »… la liste est trop longue être exhaustive et les techniques, infinies. Il faudra être sur ses gardes de 7h du matin à …. 3 heures voire plus tard le lundi matin : lors de la présidentielle il a fallu attendre midi le lundi pour avoir la proclamation des résultats dans certaines zones.

En attendant ce « jour le plus long », ici à Tcherkassy, l’heure est au repérage et à l’établissement des équipes binômes et du circuit des bureaux à visiter avec l’aide du centre francophone de la ville. Ce soir sera consacré à la rencontre avec les familles qui nous hébergent le temps de la mission. On est prévenu : c’est un grand moment pour elles d’accueillir ces européens qui viennent soutenir à leur manière le processus démocratique en cours. Assurément cette rencontre en forme de veillée d’armes avant ce grand jour pour la démocratie ukrainienne sera également exceptionnelle pour nous.

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Motion : Europe Ecologie Les Verts s’engage pour la paix en Ukraine https://transnationale.eelv.fr/2014/10/14/motion-europe-ecologie-les-verts-sengage-pour-la-paix-en-ukraine/ Tue, 14 Oct 2014 07:29:51 +0000 http://transnationale.eelv.fr/?p=4112 Lire la suite]]> Motion adoptée par le Conseil Fédéral d’Europe Ecologie – Les Verts, réuni les 11 et 12 octobre 2014

Exposé des motifs

A partir de novembre 2013, les manifestations pacifiques qui se sont déroulées sur le Maïdan, au cœur de la capitale ukrainienne, ont représenté un véritable mouvement populaire, aux revendications initiales en faveur d’un rapprochement avec l’Union européenne, qui sont passées très rapidement à l’exigence d’un état de droit et de la fin de la corruption.

A l’origine de la crise, les deux projets économiques exclusifs l’un de l’autre soutenus d’une part par l’Union Européenne et d’autre part par la Russie plaçaient l’Ukraine dans une situation de tiraillements entre deux sphères économiques et politiques, auxquelles l’Ukraine est attachée par des liens historiques, économiques et humains. L’Ukraine depuis son indépendance a perdu son autonomie énergétique, indispensable à la survie d’un modèle productif le plus énergivore d’Europe. Les oligarques, porte-parole d’intérêts étrangers aux besoins des Ukrainiens et adoptant un comportement de rapacité, se sont révélés incapables de construire un Etat démocratique pouvant assurer une transition économique et énergétique indispensable.

Face à l’amplification du mouvement pacifique, la réaction du régime du président Viktor Ianoukovitch est alors devenue violente. Après la fuite de ce dernier et l’instauration d’un gouvernement transitoire le 25 mai 2014, un nouveau président, Petro Porochenko, a été élu dans des conditions reconnues par l’OSCE comme conformes aux standards démocratiques. Des élections législatives sont désormais programmées pour le 26 octobre 2014.

Néanmoins, des Ukrainiens ont pu prendre leurs distances vis-à-vis du nouveau pouvoir ukrainien et du mouvement Euromaïdan tel qu’il s’est exprimé. Une juste représentation de tous les Ukrainiens, de toutes les régions et de tous bords dans les divers échelons de l’Etat et dans les instances politiques est ainsi la mieux à même d’apporter une solution à ces réticences. Malgré les soubresauts politiques et les clivages parfois tendus au moment des échéances électorales entre habitants de l’Ouest et habitants de l’Est, le jeune Etat ukrainien commençait progressivement à se trouver une unité. Le sentiment d’appartenir au pays Ukraine existait, indépendamment de la langue parlée, des origines et des convictions politiques.

Une partie des populations de l’Est et du Sud de l’Ukraine, notamment en Crimée, a vivement exprimé des réticences. Toutefois, l’annexion éclair de la Crimée par la Russie, précédée par un référendum réalisé dans des conditions douteuses et sous pression militaire, est contraire au droit international. Face à ces réticences, le gouvernement ukrainien n’a hélas pas privilégié le dialogue politique et la rencontre avec ces populations distantes vis-à-vis du mouvement de Maïdan. Dans un contexte d’invasion avérée par un Etat étranger, et d’annexion d’une partie du territoire, le gouvernement ukrainien s’est trop vite tourné vers une solution militaire en lançant une offensive massive en termes de troupes et de matériel.

L’Ukraine est depuis plusieurs mois dans une situation de conflit ouvert, mêlée d’une ingérence étrangère, attestée et quasiment reconnue par la Russie, qui fait peser de lourdes menaces d’escalade militaire sur l’unité de l’Ukraine, avec des répercussions également sur l’ensemble du continent européen. Le cessez-le-feu annoncé le 5 septembre 2014 et décidé à Minsk entre le gouvernement de Kiev et les séparatistes du Donbass, sous l’égide de l’OSCE, constitue une première étape dans le règlement de paix.

En réalité, l’Ukraine se retrouve confrontée au comportement général de la Russie dans l’espace post-soviétique, qui menace actuellement particulièrement son intégrité territoriale. En effet, lorsque l’Ukraine a signé le mémorandum de Budapest en 1994 avec les puissances nucléaires que sont les USA, la Grande-Bretagne et la Russie, ces dernières lui assuraient son intégrité territoriale ainsi que sa souveraineté politique et économique, en échange de son renoncement aux armes nucléaires déployées sur son sol. La récente annexion de la Crimée et l’invasion à peine camouflée du Donbass contreviennent ainsi à cet accord.

A l’intérieur du territoire ukrainien, la propagande savamment orchestrée par le Kremlin en direction des russophones, les actions militaires des séparatistes et de leurs soutiens étrangers et le pourrissement de la situation construisent un fossé entre les Ukrainiens là où il n’y avait que des divergences civilisées. La propagande du Kremlin est également très active en France et en Europe. Elle ressuscite des clichés issus de la Seconde guerre mondiale et présente une Ukraine guidée par des fascistes.

Deux partis d’extrême droite, dont les valeurs et le projet politique sont à l’opposé des principes des écologistes, ont tout de même pris une part active dans la défense des manifestants de Maïdan. Leur proposition de loi entendant supprimer le statut officiel pour les langues régionales, dont le russe, était notamment une grave erreur politique. Ils sont malheureusement surreprésentés dans le gouvernement ukrainien. Toutefois, la propagande russe surestime largement l’importance de ces partis sur la scène politique ukrainienne, alors qu’elle favorise ce type de mouvements nationalistes et impérialistes en Russie.

Les manifestations « Pour la paix en Ukraine », organisées à Moscou le 21 septembre 2014, ont rassemblées plusieurs milliers de manifestants et marquent un espoir de rupture du consensus guerrier qui prévaut jusqu’à présent en Russie.

D’une part, l’ingérence étrangère est inacceptable, d’autant plus en provenance d’un pays membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU et par conséquent en charge du maintien de la paix et de la sécurité internationale. A ce titre, EELV réaffirme le principe d’inviolabilité des frontières, inscrit dans l’article 2-4 de la Charte de l’ONU, et dans l’article 1-III de l’Acte final de la Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe. La Russie qui prend part à ces deux organisations internationales, et qui aspire à voir son rôle international prendre de l’ampleur, doit se montrer une nation responsable et respectueuse de ces principes.

D’autre part, la confrontation militaire entre les forces sécessionnistes et l’état Ukrainien doit être traitée par une solution politique amenant à la table des négociations toutes les parties prenantes. Le cessez-le-feu est un premier pas sur ce chemin.

En attendant le règlement politique du différend ukrainien, la France et l’Union européenne sont fondées à exercer des pressions à l’encontre de la Russie pour qu’elle cesse son ingérence et vienne à la table des négociations. Cependant, ces pressions ne peuvent prendre qu’une forme diplomatique, politique et économique, et non militaire pour éviter toute escalade.

Pour que de telles négociations aient une chance de s’ouvrir et de réussir, l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN doit être proscrite de façon explicite, car elle constituerait un casus belli pour la Russie. La décision de l’OTAN en vue du renforcement de la « force de réaction rapide » pourrait faire augmenter la tension dans la région entre la Russie et l’Europe, déjà très dégradées depuis la mise en œuvre du bouclier antimissile.

Les sanctions économiques ciblées sur des personnalités russes, soutien du régime de Vladimir Poutine, ont déjà des résultats tangibles à l’intérieur de la Russie et peuvent être élargies et approfondies.

Quant à l’Union européenne, celle-ci a ratifié avec l’Ukraine un accord d’association le 16 septembre dernier. La situation économique de l’Ukraine est fortement préoccupante. L’Etat ukrainien, par un cumul de déficits de plusieurs natures dû à la dictature de Ianoukovitch et de sa corruption, est menacé par une faillite. L’Union européenne se doit d’apporter une aide financière à la hauteur des enjeux dans le cadre d’un plan international. Des réformes institutionnelles et économiques sont sans doute nécessaires, elles doivent être accompagnées par l’Union européenne, qui doit sortir du dogme de l’austérité pour prendre en compte une réelle et fondamentale dimension sociale sans laquelle les citoyens ukrainiens ne peuvent accepter ces réformes.

Motion

Ainsi, afin d’aller vers une solution politique durable, il faut rechercher :

  • la démilitarisation, sous contrôle international, de toutes les parties en conflit, et la dissolution de toutes les milices. Cette tâche peut-être prise en charge par les Casques bleus, dont seront exclus les pays prenant part au conflit ;
  • la tenue d’une consultation démocratique à l’échelle du territoire ukrainien et sous les auspices de l’OSCE sur le contenu de cet accord de paix ;
  • la reconnaissance par les voisins de l’Etat ukrainien des frontières internationales établies par des précédents accords internationaux ;
  • la tenue rapide d’élections législatives sur l’ensemble du territoire ukrainien ;
  • la poursuite du respect de la juste représentation de toutes les minorités et langues en Ukraine ;
  • une aide humanitaire internationale aux populations victimes du conflit : familles des victimes, blessés, déplacés. 

Le conseil fédéral d’Europe Ecologie Les Verts, réuni les 11 et 12 octobre 2014, demande :

  • à l’Union européenne de s’engager enfin dans la création d’une défense commune, outil d’une diplomatie commune afin de se dégager de la dépendance vis-à-vis de l’OTAN.
  • à l’Union européenne de s’engager dans une transition énergétique couplant le développement des énergies renouvelables et des mesures d’efficacité énergétique afin, entre autres, de se dégager de la dépendance aux hydrocarbures provenant de Russie et compatible avec la nécessaire reconstruction et adaptation de l’appareil de production énergétique ukrainien.
  • aux députés français et aux responsables politiques de respecter les sanctions visant la Russie. A ce titre, EELV dénonce fermement la visite à Paris de deux personnalités russes visées par ces sanctions, MM Serguei Narychkine, Président de la Douma, et Leonid Sloutsky, député russe, et leur rencontre avec une série de parlementaires français minant ainsi l’efficacité des sanctions.
  • à l’Union européenne de parler d’une seule voix face au Président russe et de presser l’établissement d’une paix durable en Ukraine pour éviter un pourrissement plus avant de la situation.
  • à l’Union européenne d’engager une véritable politique européenne d’accueil des réfugiés qui fuient le territoire ukrainien et le régime de Poutine.
  • à l’Union européenne d’accompagner le processus de réforme de la gouvernance en Ukraine. Le processus de lustration doit se concentrer sur la lutte anti-corruption des oligarques et la récupération des biens spoliés
  • à l’Union européenne d’aider l’Etat ukrainien a conforter son intégrité territoriale vis à vis de la Russie, à faire évoluer sa forme de l’Etat si le gouvernement ukrainien le demande et à le conseiller en matière de consultation populaire.

Le conseil fédéral d’Europe Ecologie Les Verts, réuni les 11 et 12 octobre 2014, rappelle qu’EELV soutient l’émergence des forces politiques progressistes et écologistes. 

Pour : 54 ; Contre : 9 ; Blancs : 14

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LE PARLEMENT EUROPÉEN SOLIDAIRE DE L’UKRAINE https://transnationale.eelv.fr/2014/09/08/le-parlement-europeen-solidaire-de-lukraine/ Mon, 08 Sep 2014 13:56:47 +0000 http://transnationale.eelv.fr/?p=3997 Lire la suite]]> Communiqué de presse du 8 septembre 2014 des eurodéputés Europe Ecologie au Parlement européen

Ce lundi 8 septembre, la commission des Affaires étrangères du Parlement européen vient, à une très large majorité, de soutenir la ratification de l’accord d’association entre l’UE et l’Ukraine. En novembre dernier, la décision de Victor Ianoukovitch de ne pas signer cet accord avait été à l’origine du soulèvement populaire de la place Maïdan, qui a finalement abouti à la destitution du Président Ianoukovitch par le Parlement ukrainien, et à l’élection de Petro Porochenko le 25 mai dernier, sous l’observation d’une mission internationale de l’OSCE. 

Les eurodéputés Europe Ecologie au Parlement européen se félicitent de ce message de solidarité envoyé à l’Ukraine, et rappellent le droit fondamental de l’Ukraine à déterminer librement son avenir politique et économique. Le Parlement européen a condamné à plusieurs reprises les atteintes à l’intégrité territoriale de l’Ukraine, pays souverain, notamment l’annexion illégale, en regard du droit international, de la Crimée par la Russie. Malgré le cessez-le-feu signé vendredi dernier entre Kiev et les séparatistes du Donbass, les violences continuent, comme en témoigne les bombardements qui ont eu lieu dimanche près de Donetsk et du port de Marioupol. L’UE doit renforcer ses sanctions économiques ciblées envers la Russie et les séparatistes ukrainiens tant que le cessez-le-feu ne sera pas durablement respecté.

Au-delà des sanctions économiques contre l’agression russe, la réponse de l’UE doit maintenant se concentrer sur l’accompagnement des réformes démocratiques et économiques en Ukraine. C’est tout l’objet de cet accord d’association, qui prévoit un soutien de l’UE à la mise en place d’un Etat de droit en Ukraine, basé sur les principes de démocratie, de justice et de respect des droits humains et des libertés fondamentales.

Les eurodéputés Europe Ecologie au Parlement européen réaffirment que seule une issue politique et pacifique est viable en Ukraine. Ils appellent donc l’UE et la communauté internationale à mettre en place les conditions d’une démilitarisation sous contrôle international de la zone de conflit, et de la tenue rapide d’élections législatives sur l’ensemble du territoire ukrainien sous observation d’une mission de l’OSCE. En aucun cas un soutien militaire des pays membres de l’OTAN ne constitue une solution au conflit. Ceci ne viendrait que renforcer l’escalade de violence dans la région, et alimenter les crimes de guerres constatés sur le terrain par les ONG.

Enfin, la crise ukrainienne démontre à quel point l’UE reste dépendante de puissances extérieures pour son approvisionnement en énergie. La Commission européenne doit présenter dans les plus brefs délais les détails de son plan d’urgence en cas de rupture de l’approvisionnement en gaz russe, et préciser les contours de sa stratégie pour renforcer son indépendance énergétique. Pour les écologistes, la seule diversification des sources d’approvisionnement ne constitue en rien une solution durable. L’UE doit investir massivement dans la transition énergétique pour permettre le développement des énergies renouvelables et la réduction de notre consommation finale d’énergie.

 

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De la crise ukrainienne 2 https://transnationale.eelv.fr/2014/09/06/de-la-crise-ukrainienne-2/ Sat, 06 Sep 2014 10:00:12 +0000 http://transnationale.eelv.fr/?p=3989 Lire la suite]]> Texte collectif de membres de la Commission Transnationale et de la Commission Europe, adopté par le Bureau de la Commission Transnationale

 

 

EELV accueille positivement l’annonce de cessez-le-feu décidé à Minsk entre le gouvernement de Kiev et les séparatistes du Donbass sous l’égide de l’OSCE.

L’Ukraine est depuis plusieurs mois dans une situation de conflit ouvert, mêlé d’une ingérence étrangère, attestée et quasiment reconnue par la Russie, qui fait peser de lourdes menaces d’escalade militaire sur l’unité de l’Ukraine avec des répercussions aussi sur l’ensemble du continent européen.

D’une part, l’ingérence étrangère est inacceptable, d’autant plus provenant d’un pays membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU et par conséquent en charge du maintien de la paix et de la sécurité internationale.

A ce titre, EELV réaffirme le principe d’inviolabilité des frontières, inscrit dans l’article 2-4 de la Charte de l’ONU, et dans l’article 1-III de l’Acte final de la Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe. La Russie qui prend part à ces deux organisations internationales, et qui aspire à voir son rôle international prendre de l’ampleur, doit se montrer une nation responsable et respectueuse de ces principes.

D’autre part, la confrontation militaire entre les forces sécessionnistes et l’état Ukrainien doit être traitée par une solution politique amenant à la table des négociations toutes les parties prenantes. Le cessez-le-feu est un premier pas sur ce chemin. Les belligérants et la communauté internationale se doivent de pérenniser cette mesure.

Afin d’ aller vers une solution politique durable il faut rechercher :

– le démilitarisation sous contrôle international de toutes les parties en conflit. Cette tâche peut-être prise en charge par les Casques bleus dont seront exclus les pays prenant part au conflit ;

– la tenue d’une consultation démocratique à l’échelle du territoire ukrainien et sous les auspices de l’OSCE sur le contenu de cet accord de paix  ;

– dans cette attente, la reconnaissance par les voisins de l’Etat ukrainien des frontières internationales établies par des précédents accords internationaux ;

– la tenue rapide d’élections législatives sur l’ensemble du territoire ukrainien.

En attendant le règlement politique du différend ukrainien, la France et l’Union européenne sont fondées à exercer des pressions à l’encontre de la Russie pour qu’elle cesse cette ingérence et vienne à la table des négociations. Cependant ces pressions ne peuvent prendre qu’une forme diplomatique, politique et économique, et non militaire pour éviter toute escalade.

Pour que de telles négociations aient une chance de s’ouvrir et de réussir, l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN doit être proscrite de façon explicite, car elle constituerait un casus belli pour la Russie.

EELV s’inquiète de la décision de l’OTAN en vue du renforcement de la « force de réaction rapide » qui pourrait faire augmenter la tension dans la région entre la Russie et l’Europe, déjà très dégradées depuis la mise en œuvre du bouclier antimissile.

Les sanctions économiques ciblées sur les personnalités, soutien du régime de Vladimir Poutine, ont déjà des résultats tangibles à l’intérieur de la Russie et peuvent être élargies et approfondies.

Dans ce cadre, EELV dénonce fermement la visite à Paris de deux personnalités russes visées par ces sanctions MM Serguei Narychkine, Président de la Douma, et Leonid Sloutsky, député russe et leur rencontre avec une série de parlementaires français minant ainsi l’efficacité des sanctions.

EELV prend note également de la décision du Président français de surseoir la livraison des Mistral dans le cadre des sanctions économiques décidées par l’Union Européenne. Les coûts éventuels de la suspension des Mistral en attendant le règlement pacifique, devront être portés par l’Union européenne, puisque la suspension découle d’une décision de cette dernière instance.

EELV regrette qu’une nouvelle fois dans l’affaire ukrainienne, l’Union européenne n’a pas su parler d’une seule voix laissant ainsi l’initiative au seul Président russe.

A long terme, l’Union européenne doit se dégager de la dépendance vis-à-vis de l’OTAN pour sa sécurité et créer une défense européenne commune, outil d’une diplomatie commune. A ce titre, la suspension de la vente des Mistral, et la mutualisation du coût de cette décision à l’échelle européenne, constitue un premier pas dans la création d’une défense européenne commune, avec la mutualisation des dépenses liées à l’industrie militaire.

EELV réitère ses craintes vis à vis d’une dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie. Il est urgent que l’Union européenne s’engage dans une transition énergétique couplant le développement des énergies renouvelables et des mesures d’efficacité énergétique afin, entre autres, de se dégager de la dépendance aux hydrocarbures provenant de Russie.

 

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Quelle réponse politique face à l’offensive de Poutine ? 🗺 https://transnationale.eelv.fr/2014/09/02/quelle-reponse-politique-face-a-loffensive-de-poutine/ https://transnationale.eelv.fr/2014/09/02/quelle-reponse-politique-face-a-loffensive-de-poutine/#comments Tue, 02 Sep 2014 13:00:59 +0000 http://transnationale.eelv.fr/?p=3945 Lire la suite]]> Atelier lors des Journées d’Eté d’Europe Ecologie les Verts, 23 août 2014, Bordeaux

Propos recueillis par Anne R.

 

jean_radvanyi
Jean Radvanyi

Jean Radvanyi : Géographe à Langues’O (INALCO), Directeur du Centre franco-russe en sciences sociales et humaines à Moscou (Académie des sciences de Russie) entre 2008 et 2012.

Anna Garmash : Porte-parole de EuroMaidan France.

Alexis Prokopiev : Président de Russie-Libertés.

 

Anne

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Au vu de l’actualité internationale, il nous a paru indispensable d’organiser un atelier portant sur la Russie. Je souhaiterais toutefois que la question de la politique intérieure soit également traitée. Elle s’avère intimement liée à la politique extérieure. Sans soutien interne, une politique extérieure aventuriste n’est pas possible. Et inversement, la politique extérieure actuelle semble conforter les bases du pouvoir de Poutine. Je propose que nous brossions un rapide aperçu de la situation intérieure avant de traiter de la questions des relations internationales avec bien sûr, en ligne de mire la question ukrainienne.

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Deux ans en arrière, nous avons assisté à des manifestations massives de contestation de Vladimir Poutine au moment des élections législatives et présidentielle de 2011-2012. En réaction à ces mobilisations, Dmitri Medvedev a tenté de calmer le jeu en proposant quelques réformes. Mais très rapidement, après l’investiture de Vladimir Poutine, des réformes liberticides, réprimant principalement les libertés d’expression, de rassemblement etc… ont été promulguées. Les intervenants pourront développer cette question.

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Or, aujourd’hui, on observe un soutien massif à la politique de Vladimir Poutine. Ceci constitue tout de même un revirement étonnant entre une opposition si ce n’est massive, du moins très visible il n’y a pas si longtemps que cela et un soutien massif aujourd’hui. Comment expliquer ce revirement dans l’opinion publique ?

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Alexis Prokopiev, Cécilia Joxe, Anne Rio, Anna Garmash (g. à d.). Photo : Françoise Diehlmann
Alexis Prokopiev, Cécilia Joxe, Anne, Anna Garmash (g. à d.). Photo : Françoise Diehlmann

Jean Radvanyi

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Bonjour. Pour me présenter, je suis géographe, je m’intéresse à la géopolitique. Je travaille principalement sur la Russie et sur le Caucase, et sur les relations de la Russie avec son environnement géographique et géopolitique.

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Pour répondre à cette question, je dirai que premièrement, Vladimir Poutine n’a jamais quitté le pouvoir. C’était clair même si on ne connaît toujours pas le deal exact qu’il avait passé avec Dmitri Medvedev. Toutefois, il apparaît évident que durant les années où Medvedev était président, une bonne partie du vrai pouvoir était concentrée dans les mains de Vladimir Poutine. Pour cela, il avait réorganisé les structures fondamentales du pouvoir. Par exemple, il a placé les ministères de force (armée, FSB..) qui étaient auparavant sous la tutelle du Président, sous la tutelle du Premier ministre lorsqu’il occupait ce poste. Il voulait à l’évidence conserver le vrai pouvoir.

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Pour autant, la période Medvedev était une période d’intenses débats, de relative liberté d’expression, limitée mais réelle. Ce n’était pas le cas à la télévision, mise à part une seule chaîne. Toutefois, des débats et une expression publique se sont manifestés à la fin du mandat de Medvedev par ces grandes manifestations.

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« Ces grandes manifestations de l’hiver 2011-2012 en Russie ont été très importantes. Il n’empêche qu’elles étaient tout de même à l’échelle de la population russe, limitées et marginales. »

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Ces grandes manifestations ont été très importantes. Il n’empêche qu’elles étaient tout de même à l’échelle de la population russe, limitées et marginales. Cela n’a pas de sens de parler en pourcentage. Il s’agissait véritablement de grandes manifestations et elles n’ont pas été seulement moscovites. Il y a eu beaucoup de manifestations en province. Elles ont touché une partie de la population dans toute la Russie. Bien qu’elles soient assez composites, elles se faisaient surtout l’expression d’une partie des jeunes, d’une partie des classes moyennes. Ces classes moyennes existent réellement et sont composées de personnes qui se sont intégrées et adaptées au nouveau système et dont les aspirations sont beaucoup tournées vers l’extérieur, vers les échanges, notamment avec l’Europe et l’Occident, vers une forme plus démocratique de la vie de la société. Ce sont ces couches qui se sont exprimées dans ces manifestations. Cette expression s’est avérée très forte, à la grande surprise de tous les observateurs, qui considéraient les Russes comme une population apathique, apolitique etc… Ce que je conteste personnellement depuis longtemps mais cette vision était l’expression générale qu’on en avait.

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Ce que nous constatons depuis quelques mois est peut-être un revirement, certainement un tournant très important. Je dirai de façon paradoxale que l’Ukraine pour les Russes, c’est de la politique intérieure, d’une certaine façon. Même si cette affirmation paraît bizarre et paradoxale, les Russes considèrent que l’Ukraine, c’est chez eux : Eto Nash. Remarquez bien qu’en Pologne, pour une grande partie de la population, la Galicie est aussi chez eux. En d’autres termes, l’Ouest de l’Ukraine pour beaucoup de Polonais c’est à eux, quoi qu’en pensent les Ukrainiens. Ainsi, pour les Russes, l’Ukraine relève de la politique intérieure, et non seulement la Crimée.

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« Il faudrait lire le discours de Vladimir Poutine du 18 mars au lendemain du référendum en Crimée. C’est le discours officiel qui marque le tournant vers ce nouveau patriotisme russe qui prend beaucoup de Russes dans le sens du poil. Ce moment marque également le tournant dans la popularité de Vladimir Poutine. Y compris les manifestants de la fin 2011 se retrouvent dans ce discours patriotique. »

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Affiche lors du référendum en Crimée
Affiche lors du référendum en Crimée

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Il faudrait lire le discours de Vladimir Poutine du 18 mars au lendemain du référendum en Crimée. Ce discours politique très important marque un tournant public, car dans son esprit, je pense que les choses ont évoluées avant. Il exprime diverses positions s’agissant de la défense des Russes de l’étranger, sa conception du monde russe. Il expose également certaines positions concernant la politique extérieure. C’est le discours officiel qui marque le tournant vers ce nouveau patriotisme russe qui prend beaucoup de Russes dans le sens du poil. Ce moment marque également le tournant dans la popularité de Vladimir Poutine. Y compris les manifestants de la fin 2011 se retrouvent dans ce discours patriotique, dont les leaders comme Alexey Navalnyi et d’autres. Ils appuient cette politique. Pour eux, la question de la défense des Russes, du patriotisme russe est loin d’être démêlée dans leur esprit. Elle fait partie tout de même des questions fondamentales qui entrent en accord avec leurs pensée, même si certains s’interrogent sur les conséquences d’une telle position. Beaucoup ont apprécié positivement l’annexion de la Crimée. Ils apprécient également que Vladimir Poutine défende les Russes d’Ukraine orientale.

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Anna Garmash

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Le collectif EuroMaidan France s’est organisé dès le début des manifestations à Kiev. Nous nous sommes rassemblés spontanément, mais très vite nous nous sommes rendus compte qu’il fallait poursuivre deux objectifs. Tout d’abord, il faut exprimer un soutien au mouvement à Kiev et faire comprendre au pouvoir en place qu’il y a une volonté de changement non seulement de la part des Ukrainiens à Kiev, mais également de la part de la diaspora ukrainienne. Ensuite, il faut informer l’opinion publique en France des évènements en Ukraine. Les informations nous parviennent plus rapidement que ne les publie la presse en France. Plus tard, nous nous sommes assignés d’autres objectifs comme faire parvenir une aide médicale aux personnes blessées dans les affrontements lors des manifestations.

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Rassemblement EuroMaidan France à Paris, 16 mars 2014. Photo : Anne Rio
Rassemblement EuroMaidan France à Paris, 16 mars 2014. Photo : Anne

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S’agissant du revirement de l’opinion publique en Russie, je partage l’opinion de M. Radvanyi. L’appui sur les options patriotiques est venu récemment. Les Russes ont effectivement considéré l’Ukraine de manière particulière. Officiellement, c’est l’étranger, mais ils ont l’habitude que ce pays fasse partie de leur zone d’influence depuis la chute de l’Union soviétique, qu’il ait fait partie du même pays à la période soviétique et tsariste. Les Russes avaient coutume de percevoir leur pays comme une puissance importante à l’époque soviétique. Le patriotisme est façonné par une volonté de puissance, en mémoire du statut de l’URSS à l’époque de la guerre froide. Maintenir la zone d’influence en Ukraine et la notion d’empire permet de maintenir le statut de la Russie sur la scène internationale.

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« Pour se maintenir au pouvoir, il faut bénéficier d’une opinion publique favorable, mais surtout il faut conforter la population autour d’une idée. »

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En appuyant cet aspect, Vladimir Poutine brosse en effet les Russes dans le sens du poil. Ces options politiques sont présentes depuis des années, voire des dizaines d’années. Le revirement existe aussi, essentiellement concernant le maintien de Poutine au pouvoir. Vladimir Poutine a effectué deux mandats de président, puis un mandat de Premier ministre, et il a entamé son quatrième mandat à la tête du pouvoir en 2012. Or, pour se maintenir au pouvoir, il faut bénéficier d’une opinion publique favorable, mais surtout il faut conforter la population autour d’une idée. Etant donné que les conditions économiques se sont dégradées avec la crise, il est d’autant plus essentiel de conforter la population. Quoi de mieux que d’utiliser l’idée nationale. Cette dernière est dans cette zone présente depuis longtemps. Elle parle à la population. Vladimir Poutine s’est vraiment servi de ce levier pour conforter la population. Il appuie sur des boutons préexistants.

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Alexis Prokopiev

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Cet atelier est très important car il faut que les écologistes se saisissent avec des intervenants extérieurs de cette question majeure. Elle a des répercussions sur la politique internationale mais aussi sur la politique interne en Europe comme nous avons pu le constater lors des dernières élections européennes. Nous avons également pu le voir lors de la visite de Philippe de Villiers en Russie. Il a manifesté sa proximité vis-à-vis de Poutine.

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J’interviens ici en tant que militant pour les droits humains en Russie. Je suis Président de l’association Russie-Libertés. Elle a été créée au début de l’année 2012 sur la vague des manifestations qui ont eu lieu d’abord en Russie, puis très rapidement en France pour dénoncer les fraudes électorales massives lors des élections législatives en décembre 2011 et lors de la présidentielle en mars 2012. Vladimir Poutine est revenu à la présidence pour un énième mandat.

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Action pour des élections justes en Russie organisée par Russie-Libertés, devant l'ambassade de Russie à Paris, 26 février 2012. Photo : Alexis Prokopiev
Action pour des élections justes en Russie organisée par Russie-Libertés, devant l’ambassade de Russie à Paris, 26 février 2012. Photo : Alexis Prokopiev

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Je pense qu’il est impossible d’analyser la situation en Ukraine, dans l’Est de l’Ukraine, et en Crimée, sans parler des évènements de la fin 2011 – début 2012. Comme l’a dit Jean Radvanyi, ils ont constitué un tournant majeur. Je partage l’avis des experts qui soulignent l’importance des manifestations massives de la population russe pour dénoncer les fraudes électorales et ce qu’il y a derrière, la corruption massive. On montre souvent la corruption de la période de Eltsine, mais en observant les montants en jeu et les pourcentages rapportés à l’économie russe, on se rend compte que la corruption a pris une autre dimension. La situation montre une corruption massive à tous les niveaux. Les problèmes sociaux s’accumulent, liés à l’éducation, à la santé. Ils sont causés notamment par la corruption. Tout ce mécontentement est sorti dans la rue sous forme de manifestations. Elles se sont avérées les plus importantes depuis les années 1990. Pendant une très longue période, la Russie n’a pas connu de manifestations de masse. Elles ont, à mon avis, surpris le pouvoir, mais aussi l’opposition. Celle-ci n’était pas prête mais elle a réussi à formuler des propositions claires.

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« Je pense que la majeure crainte du Kremlin porte sur le fait que les mouvements sociaux se sont joints aux jeunes dans les manifestations. »

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Quelle a été la réponse du pouvoir ? Il y a eu quelques réformes dont celle du code électoral. Toutefois, suite à la réélection de Vladimir Poutine, la décision a été prise d’un revirement de cap. Tout d’abord, nous avons assisté à des arrestations massives d’opposants et de manifestants. Nous l’avons particulièrement observé lors des affrontements du 6 mai 2012. Plusieurs lois liberticides ont été promulguées : des lois encadrant les manifestations, les médias etc… Elles se sont accompagnées de plusieurs injections idéologiques. Je pense que la majeure crainte du Kremlin porte sur le fait que les mouvements sociaux se sont joints aux jeunes dans les manifestations. J’ai pu le constater en me rendant aux manifestations en mars 2012 à Moscou et à Saint-Pétersbourg. Beaucoup de mouvements des retraités, quelques professeurs avec des slogans portant sur l’éducation, des médecins étaient présents pour réclamer la fin de la corruption etc… Je pense que quand le Kremlin a senti dans le pays cette jonction entre un mouvement pour plus de libertés et de droits, appuyés par les classes moyennes naissantes, et le mouvement des retraités, des chômeurs, des professeurs et enseignants etc…, il a perçu le réel danger pour son maintien au pouvoir.

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« Il faut analyser tous les évènements depuis 2011 comme la volonté de réinjecter de l’idéologie, de recréer cette idée nationale afin d’unir la population. »

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L’idée était de transformer le pouvoir en place, qui avait perdu toute forme d’idéologie. Fin 2011, le slogan le plus répété concernant Russie Unie, parti de Vladimir Poutine, était « le parti des voleurs et des escrocs », terme inventé par l’opposant Alexey Navalnyi. Quand les sondages posaient la question « A quoi pensez vous quand on vous parle du parti Russie Unie ? », les sondés pensaient immédiatement à ce slogan. Il faut analyser tous les évènements depuis 2011 comme la volonté de réinjecter de l’idéologie, de recréer cette idée nationale afin d’unir la population.

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Je termine par une remarque sur les propos de Jean Radvanyi concernant Alexey Navalnyi. Il est vrai que Serguey Oudaltsov, opposant récemment condamné à 4 ans de prison, le leader du Front de gauche, a soutenu le Kremlin dans sa politique en Ukraine et en Crimée. Edouard Limonov, opposant également connu, a soutenu à 200% la politique de Poutine en Ukraine. Alexey Navalnyi, pour sa part, se montre plus nuancé. Il a dit qu’il fallait défendre les populations russes en Crimée, mais s’est exprimé de manière plus nuancée sur le reste et se montre depuis le crash de l’avion MH17 extrêmement critique. Il met en avant l’isolement de la Russie sur la scène internationale.

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Anne

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Je rebondis sur les derniers propos d’Alexis pour vous proposer de faire un petit tour de table au sujet de la question de l’idéologie et de la propagande pour approfondir un peu. De nos jours, on revient à un affrontement Est-Ouest sur la question de l’Ukraine. Avec le recul de l’histoire, on constate que pendant longtemps l’idéologie était absente de cet affrontement. Or, on observe que Poutine, comme le disait Alexis, revient sur une ligne nationaliste. Il se lie à des partis nationalistes et d’extrême droite en Europe, qui viennent comme observateurs en Crimée. Qu’en est-il de l’idéologie dans l’affrontement Est-Ouest ?

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Par ailleurs, comment fonctionne la propagande à ce propos ? Les Russes y sont-ils réceptifs, alors qu’ils avaient l’habitude à la période soviétique d’être abreuvés de propagande mais de lire entre les lignes et de discuter dans les cuisines ?

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Jean Radvanyi

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Il est difficile de parler de tournant vers le patriotisme de Vladimir Poutine. Depuis longtemps, ces arguments sont présents dans les discours. On peut dire qu’à la faveur des évènements d’Ukraine, il les a exprimés de manière encore plus forte, peut-être plus organisée et en suscitant à l’intérieur de l’opinion russe ce mouvement dont on vient de parler.

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Par ailleurs, la propagande est absolument extraordinaire. Pour les Russes en général, à part dans les plus grandes villes, le grand moyen d’information est la télévision. Or, toutes les chaînes sont contrôlées soit directement soit indirectement. Soit ce sont des chaînes d’Etat, soit elles appartiennent à des sociétés en grande partie contrôlée par l’Etat. Nous avons pu constater qu’au moment des grands évènements récents, les chaînes ont diffusé de la propagande et non de l’information, en particulier s’agissant de l’Ukraine, mais pas seulement. La propagande est organisée, et par bien des aspects, ressemble à la propagande soviétique.

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« Les collaborateurs du Centre Levada1 étaient effarés par la puissance du renversement dans l’opinion : à la fois le soutien à Vladimir Poutine et l’importance de cette onde de choc. »

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Est-ce qu’elle est efficace ? A Pâques à Moscou, j’ai rencontré les collaborateurs du Centre Levada. Ces derniers étaient effarés par la puissance du renversement dans l’opinion : à la fois le soutien à Vladimir Poutine et l’importance de cette onde de choc dans l’opinion dans toutes les couches, que ce soient les retraités mais aussi les jeunes. Nous observons ce genre de phénomène depuis longtemps dans l’opinion russe. Parmi les sondages effectués très régulièrement par le Centre Levada, des questions portent sur l’opinion sur les Américains, la politique américaine, l’Union européenne. Selon l’actualité, et selon la manière dont est traitée l’actualité à la télévision, on observe des courbes en dents de scie. Ainsi, la réaction est extrêmement mobile et rapide aux évènements et à la façon dont ils sont présentés. En même temps, beaucoup de Russes ont accès à internet, et donc à d’autres sources d’information. Il ne faut pas négliger cet aspect. Il faut faire attention aux analyses dans des périodes de grande tension comme aujourd’hui. Ce type d’évolution qui paraît absolument extraordinaire peut aussi se renverser. Ceci n’empêche pas que les Russes se montrent critiques. Il existe quelques journaux d’opposition. Peu y ont accès réellement sous forme papier, et un peu plus sous forme numérique. Tous les journaux sont accessibles sur internet.

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L’internet est une des cibles des nouvelles lois poutiniennes. Les autorités cherchent à mettre un dispositif de contrôle d’internet, même si cette tâche s’avère ardue. Elles mettent en place un dispositif législatif pour surveiller internet et en particulier les blogueurs de façon à tenter de contrôler l’information d’une partie importante de la population, entre 50 et 60 millions d’internautes russes sur une population de 140 millions. Toutes les écoles et lycées sont équipés d’internet.

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Par ailleurs, on observe un isolement de la Russie de fait. Il cherche des alliés. Certains alliés sont de circonstance. On peut en discuter s’agissant de Marine Le Pen. Il existe des raisons sur lesquelles ils se rencontrent. Mais la Russie bénéficie d’autres types d’alliés, comme la Chine, l’Inde, dans des registres totalement différents. Il veut sortir de cet isolement et montrer que la Russie n’est pas aussi isolée qu’il n’y paraît.

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« Il ne faut pas négliger les sentiments critiques à l’intérieur de la Russie. Ils s’expriment peut-être peu en ce moment mais ils sont réels. »

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Manifestation pour la paix à Saint Pétersbourg. 30 août 2014.
Manifestation pour la paix à Saint Pétersbourg. 30 août 2014.

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Il ne faut pas négliger les sentiments critiques à l’intérieur de la Russie. Ils s’expriment peut-être peu en ce moment mais ils sont réels. Il y a beaucoup d’inquiétudes s’agissant de cette position vis-à-vis de l’Ukraine. Tous sont contents de l’annexion de la Crimée. Ils parlent de rattachement, de retour au bercail, de retour à la patrie. Ils se montrent beaucoup plus inquiets pour l’Ukraine orientale. Beaucoup de Russes ont des parents, des cousins, des amis en Ukraine. Il s’agit plus que d’un pays voisin. Ils sont inquiets sur les conséquences économiques, sociales, politiques. Il est clair que Vladimir Poutine utilise une grille de lecture depuis la fin 2011 mentionnant des ennemis de l’intérieur, financés par l’étranger. A mon avis, il pense fondamentalement de cette manière. Cela vient de son éducation et de son background. Il ne sort pas de cette analyse. Il a analysé les manifestations de la fin 2011 et début 2012 comme il avait analysé la révolution orange en Ukraine, c’est-à-dire la main de l’étranger qui veut déstabiliser le pays. Une série de commentaires sur les sanctions les présentent comme ayant pour finalité de renverser le pouvoir russe tel qu’il est aujourd’hui. Aux yeux de Poutine, tel est le but des sanctions, et non de faire pression pour l’Ukraine. Il considère donc qu’il faut s’unir contre cela.

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Anna Garmash

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S’agissant de la perception par les Russes de ce discours officiel, je constate parmi mes connaissances et mes liens familiaux, que l’adhésion est beaucoup plus importante qu’elle n’a pu l’être pendant des années sous l’Union soviétique. Plusieurs personnes ont comparé la propagande soviétique du temps de Brejnev à ce qui se passe aujourd’hui. Ces personnes sont effarées, tout comme les collaborateurs du Centre Levada en voyant que la situation a radicalement changé. Du temps de Brejnev, chacun savait qu’il y avait un discours officiel auquel il fallait adhérer dans l’espace public mais dans les cuisines, autour de la table, tout le monde savait ce qu’il se passait et pouvait échanger leurs vraies idées. Aujourd’hui, l’adhésion est beaucoup plus importante.

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En effet, beaucoup de personnes en Russie ont de la famille en Ukraine. On constate malheureusement que beaucoup de liens se brisent. Les Ukrainiens manifestent beaucoup d’incompréhension face à cette adhésion soudaine à un discours qui n’est certes pas nouveau. Mais une adhésion aussi brutale est nouvelle.

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En effet, sauf erreur, dans les derniers sondages, 97 % des Russes regardent beaucoup la télévision tout en consultant un peu internet et 75 % de la population prennent leur information essentiellement de la télévision. Sur les chaînes russes, le discours déroulé appuie sur des points qui ont toujours été importants pour les Russes. La manière de présenter le mouvement de l’EuroMaidan s’est avérée dès le début très particulière. Ils ont fait appel à des notions déjà présentes, notamment le souvenir de la Seconde guerre mondiale, dénommée par les Russes la Grande guerre patriotique. La glorification de cette grande guerre est montée en puissance depuis l’époque de Brejnev. On a observé une glorification de plus en plus importante des vétérans, l’organisation de grands défilés le jour en mémoire de la victoire. Ces éléments étaient très présents et Poutine l’a utilisé de manière très habile. On revient toujours à l’opposition entre le soldat soviétique ou russe et le méchant fasciste.

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« Poutine s’est montré très habile et n’a pas présenté le mouvement d’EuroMaidan comme un mouvement populaire. Il avait pourtant beaucoup de similitudes avec ce qui s’était passé en Russie auparavant. »

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Poutine s’est montré très habile et n’a pas présenté le mouvement d’EuroMaidan comme un mouvement populaire. Le mouvement EuroMaidan avait pourtant beaucoup de similitudes avec ce qui s’était passé en Russie auparavant. Les manifestants se prononçaient pour le respect des droits humains, contre la corruption etc. L’élément déclenchant le mouvement a été le refus du président Ianoukovitch de signer l’accord d’association avec l’Union européenne, mais après une semaine les enjeux du mouvement étaient essentiellement internes. Il a éclaté en raison de la montée du mécontentement pendant des années, notamment sous la présidence de Ianoukovitch. En effet, l’Ukraine a fait face à de nombreux problèmes. Or, Poutine a présenté EuroMaidan en enlevant son aspect de mécontentement populaire et l’a montré essentiellement comme une manifestation de l’extrême droite, fasciste. Poutine a appuyé sur cet élément pour éveiller des sentiments d’hostilité au mouvement dans la population russe. Poutine utilise ce levier de manière extrêmement habile, même si ces sentiments sont déjà présents dans la population russe.

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Alexis Prokopiev

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Russie-Libertés et ses partenaires ont constaté que depuis fin 2013-début 2014, une nouvelle vague de pression sur les ONG, sur l’ensemble des militants en faveur des droits humains, notamment en dehors de Moscou, sur la population russe et sur les médias. Nous avons observé l’entrée dans le discours officiel de la notion de « nationaux traitres ». Ceux qui se posent en désaccord avec la position du Kremlin en Ukraine ont été qualifiés de cette manière, et parmi eux les 40 000 manifestants qui se sont réunis en mars à Moscou contre la guerre en Ukraine. Ainsi, la Russie a tout de même connu une grande manifestation en 2014. Elle a été suivie par des déclarations virulentes du Kremlin contre les « nationaux traitres », contre les « ennemis de l’intérieur », bien entendu « financés par l’extérieur » et « soutenus par les Etats-Unis ».

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« Auparavant, dans la société russe, il y avait une possibilité de débat. Aujourd’hui, les échanges sont quasiment impossibles. »

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Auparavant, il y avait une possibilité de débat. Dans la société russe, apparaissaient des désaccords sur la politique, sur les questions de rapport au pouvoir etc. On peut considérer que les contestataires à la fin 2011 représentaient une large partie de la population, même si minoritaire. Ils entretenaient un débat avec l’autre partie de la population. Aujourd’hui, les échanges sont quasiment impossibles. Le débat dans la société russe est verrouillé, pratiquement à tous les étages. Un débat dans la sphère familiale, amicale sur les questions politiques, et par exemple sur la question des prisonniers politiques est devenu très difficile.

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En outre, on constate une explosion des emprisonnements politiques de militants des droits humains, d’écologistes etc… Un activiste écologiste, Evguenyi Vitishko, est actuellement dans les camps en Sibérie. Les militants pour les droits LGBT ou pour les droits sociaux sont concernés également. Dès que ce type de question est soulevée, les personnes sont immédiatement qualifiés de « nationaux traitres », d' »ennemis de l’Etat » etc… Ce phénomène est lié au fait que la propagande aujourd’hui est beaucoup plus efficace, plus technologique que pendant la période Brejnev ou à la fin de la guerre froide. Elle est très bien organisée, à tous les niveaux. S’agissant de l’internet, mes connaissances et mes amis avaient l’habitude de vérifier les informations qu’ils voyaient à la télévision en allant sur des sites internet comme gazeta.ru, lenta.ru, en lisant des journaux comme Kommersant etc… Ils le font toujours, mais ils ne savent pas que la direction de gazeta.ru, de lenta.ru, de Kommersant ont été remplacées. Les désinformations plutôt que les informations qu’ils lisent dans ces sources sont pratiquement identiques aux informations sur les chaînes de télévision. Aujourd’hui, il existe de moins en moins de sources d’information indépendantes, mis à part Novaya Gazeta et quelques sites internet.

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manipulations dans les médias russes. Source : Stop fake
manipulations dans les médias russes. Source : Stop fake

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L’utilisation des images de guerre par les autorités russes n’est pas à négliger. A l’évidence, il ne faut pas nier la présence de mouvements ultranationalistes comme Pravyi Sektor parmi les manifestants à Kiev. Mais il faut savoir que dans les médias russes, cette participation a été largement exagérée. Sur le terrain, sur la place Maidan, Pravyi Sektor représentait entre 5 et 10 % des manifestants. A la télévision russe, ils étaient montrés comme représentant 90 % des manifestants.

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En Ukraine, il faut déplorer le vote malheureux concernant la langue régionale russe. Contrairement à ce qui a été dit dans certains médias, dont des médias français, il n’a pas été question d’interdire la langue russe sur le territoire ukrainien. Il était question de revenir sur la loi portant sur les langues régionales, promulguée par Viktor Ianoukovitch. Cette loi n’a jamais été ratifiée par le président ukrainien par intérim. Par contre, dans les sondages du Centre Levada, 95 % de la population russe était persuadé que la langue russe était déjà interdite sur le territoire ukrainien. Cette décision malheureuse de la Rada ukrainienne a été transformée dans la propagande russe.

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« La présence des nationalistes et des ultranationalistes sur l’échiquier ukrainien est largement surestimée dans les médias russes. »

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La présence des nationalistes et des ultranationalistes sur l’échiquier ukrainien est largement surestimée dans les médias russes. Pour l’élection présidentielle ukrainienne, deux d’entre eux se sont présentés comme candidats. Or, ils ont obtenus à eux deux moins de 3 % des votes. Il suffit de comparer avec les scores du FN en France aux dernières élections pour se rendre compte que les choses ne vont pas si mal en Ukraine. La première chaîne russe a indiqué pendant plusieurs heures que le candidat de l’extrême droite, le leader de Pravyi Sektor, Dmytro Iarosh, avait remporté l’élection présidentielle avec 53 % des voix. Ce n’est que plus tard que les télévisions russes ont informé du véritable résultat et de l’élection de Petro Poroshenko. La première information parvenue et restée assez longtemps sur les chaînes de télévision russe était la victoire du nationaliste Iarosh. Ceci montre bien la déformation de la réalité par les chaînes de télévision russes.

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Contrairement à la période très récente, en 2011-2012, le débat et les échanges sont quasiment impossibles. Je le ressens personnellement dans la sphère familiale. Des familles se brisent. Des amis ne se parlent plus. La situation est véritablement très tendue.

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Selon une publication du Centre Levada, la popularité de Poutine est vraiment gonflée à bloc. Par contre, l’article expliquait qu’un échec militaire dans l’Est ukrainien peut avoir des conséquences négatives pour Vladimir Poutine. Ce serait une défaite non seulement de la politique étrangère, mais surtout sur le plan interne.

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Jean-Marc Denjean

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Je suis pour EELV et la Commission Paix et Désarmement les problématiques de défense, de géostratégie, de l’industrie militaire etc… Je souhaite apporter un autre éclairage sur la Russie de ce point de vue.

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S’agissant du nationalisme, nous pouvons constater que la résurgence du nationalisme est un phénomène européen. De ce point de vue, il convient de distinguer le mouvement nationaliste du mouvement néofasciste. Il faut conserver des nuances. Même en France, Philippe de Villiers n’est pas sur les mêmes positions que Marine Le Pen. Ainsi, globalement la situation en Europe est assez inquiétante du fait du réchauffement des mouvements nationalistes. Ils ont tous des racines historiques. J’ai voyagé récemment en Pologne et j’ai pu sentir la vitalité du nationalisme polonais. Pour eux, une grande partie de l’Ukraine fait partie de l’histoire et du territoire polonais. De la même manière, en Hongrie, on considère que le territoire historique hongrois englobe d’autres régions comme la Transylvanie. Ces éléments nationalistes sont dans la mentalité et la culture de chacun des peuples. De la même manière en France, on nous apprend que nos ancêtres sont les Gaulois. Ainsi, la résurgence du nationalisme grand russe n’est pas une surprise historique et stratégique.

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Je ne partage pas l’avis selon lequel les actions du gouvernement russe découlent des récentes manifestations. Poutine développe, au contraire, un projet géostratégique inscrit dans le cahier des charges qu’il se fixe quand il arrive au pouvoir en 1999. Il s’agit plutôt d’une continuité. Il ne s’agit pas d’un dictateur qui improvise cette politique pour conserver son pouvoir à court terme. Il est dans un projet à long terme qui se décline. Quand il est arrivé au pouvoir, il a hérité d’une situation absolument catastrophique : situation économique et financière très négative, armée en parfaite décomposition, complexe militaro-industriel démantelé.

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A mes yeux, on ne peut pas analyser la Russie sans comprendre le rôle important du complexe militaro-industriel. La Russie a hérité du complexe militaro-industriel soviétique qui comportait des millions d’emplois, des centaines d’usines. Pendant une bonne dizaine d’années, ce système s’est écroulé faute de financements, de volonté politique, et par la corruption. La corruption se développe à partir de ce secteur, elle est particulièrement prégnante dans le secteur militaire. C’est d’ailleurs le cas également en Ukraine qui a constitué une plaque tournante du trafic international d’armes pendant 20 ans. Aujourd’hui, la moitié des armées africaines sont équipées d’armes venues des pays de l’ex Union soviétique. Nous devons avoir ces éléments en tête.

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« Un pays qui se reconstruit sur des bases essentiellement militaires est en soi porteur de dangers. »

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Le projet politique et social de Poutine comporte un pan sur la reconstruction du complexe militaro-industriel. Ce secteur intègre une partie des couches moyennes, d’ingénieurs, de cadres, d’ouvriers, de jeunes. Ces éléments structurent la société. Un pays qui se reconstruit sur des bases essentiellement militaires est en soi porteur de dangers.

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De ce point de vue, la politique de l’Europe et de l’OTAN vis-à-vis de la Russie s’est montrée depuis 20 ans assez catastrophique car elle a contribué à alimenter la paranoïa des autorités russes. Le nationalisme repose en partie sur ce sentiment. L’industrie russe se reconstruit à partir du développement du complexe militaro-industriel. La Russie est redevenue le troisième exportateur d’armements. L’exportation d’armement est devenu un élément de la diplomatie, et de la puissance internationale de la Russie. Ces éléments se trouvent en arrière-plan de la crise ukrainienne.

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Par ailleurs, je souhaite relativiser les autres évènements intervenus entre temps. La crise politique et la montée de l’opposition il y a quelques années est liée au blocage de la modernisation de la société russe. Le système de développement actuel reproduit les défauts de l’ancien système soviétique. La Russie se retrouve avec les mêmes éléments de blocage : dépendance vis-à-vis des exportations d’énergie, faible développement de l’industrie manufacturière… Il s’agit là des grandes limites de la Russie actuelle.

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Le poids du fait militaire dans la vie politique et sociale russe constitue une véritable question. Je rappelle que la Russie est la deuxième puissance nucléaire mondiale. Même si elle est beaucoup plus faible qu’à l’époque soviétique, moment où on constatait une relative parité entre les USA et l’URSS. Aujourd’hui, le rapport s’établit de 1 à 4. L’arsenal russe est, pour autant, suffisant pour anéantir la planète deux ou trois fois. Le statut de deuxième puissance nucléaire explique beaucoup de choses. Je fais là un rapprochement avec la France. Ce statut est constitutif du nationalisme russe, du sentiment de grande puissance, de la même manière que Hollande est attaché au fait que la France reste une puissance nucléaire car ceci appuie notre statut international.

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Gérard Levy

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Je partage ce qui a été dit. Il faut néanmoins prendre en considération la position des écologistes. Il y a 25 ans, quand le Mur s’est effondré, Georges Krassovsky avec des Russes a effectué la traversée Paris-Moscou à vélo. C’était le symbole du pont entre l’Europe et la Russie pour montrer que l’Europe allait se construire sur la base de la confiance.

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Ministre des affaires étrangères soviétique Edouard Chevardnadze, Président de l'URSS Mikhaïl Gorbatchev, Président américain George H.W. Bush, et Secrétaitre d'Etat américain James Baker, Juin 1990. Source : White House photo.
Edouard Chevardnadze, Ministre des affaires étrangères soviétique ; Mikhaïl Gorbatchev, Président de l’URSS ; George H.W. Bush, Président américain et James Baker, Secrétaitre d’Etat américain. Juin 1990. Source : White House photo.

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Malheureusement, ce nouvel esprit dans les relations Europe-Russie a été entravé par des erreurs stratégiques venant de l’Ouest. Par exemple, James Baker avait pris l’engagement avec la main sur le cœur auprès de Gorbatchev que les Etats d’Europe de l’Est qui venaient de prendre leur autonomie n’entreraient pas dans l’OTAN. Malheureusement, cela n’a pas été respecté.

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Un autre élément déstabilisant est le bouclier anti-missile. La Russie s’est construite comme une forteresse après la révolution bolchévique avec beaucoup de paranoïa. De la même manière, suite à la Révolution française, la France s’est construite au départ contre tous les nobles d’Europe. Aujourd’hui, ils sont obligés de passer par une transition démocratique qui s’avère très difficile.

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« Il faut faire un reset. L’idée de se débarrasser des contentieux et de remettre tout à plat a échoué car nous avons maintenu l’entrée dans l’OTAN des pays de l’Est et le bouclier anti-missile. »

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Nous ne souhaitons qu’une chose, c’est que le partenariat entre l’Est et l’Ouest se développe. Selon les termes d’une Secrétaire d’Etat américaine, il faut faire un reset. L’idée de se débarrasser des contentieux et de remettre tout à plat a échoué car nous avons maintenu l’entrée dans l’OTAN des pays de l’Est et le bouclier anti-missile. Il faut donc qu’il y ait une négociation. Nous, écologistes, avons un rôle à jouer dans ce sens, notamment avec les Verts européens. Il faut soutenir l’idée auprès de tous que ce n’est pas en maintenant un affrontement stérilisant et provocant. Cent ans après la guerre de 1914-18, il ne faut pas répéter les mêmes erreurs.

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Je demande aux intervenants s’ils ont une solution non violente pour sortir de la crise, et qui intègre des méthodes de prévention des conflits pour éviter ce qui s’est passé en ex-Yougoslavie. Dans cette région, nous avons été incapables de gérer les conflits entre anciennes républiques de Yougoslavie. Est on capable de sortir d’un discours manichéen présentant des bons et des méchants ? Est on capable de restaurer la confiance et de servir de médiateur ?

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Un participant

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Je voudrais introduire un bémol dans ce qui vient d’être dit par les intervenants. Je partage avec les citoyens de Russie la grande difficulté à accéder à une information objective. La grande presse occidentale, la presse française, américaine ou autre, donne l’impression de ne pas être totalement objective. C’est grâce à internet qu’on arrive à glaner quelques informations. Très modestement, j’introduis aussi ce bémol. Je dois reconnaître que mon information est un peu erratique et très biaisée de l’intérieur.

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« On ne peut pas limiter la systémie à l’examen de la Russie. Cette systémie est fondamentalement planétaire. »

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Je pense que l’affaire ukrainienne se situe dans le cadre typique de guerre de frontières. On ne peut pas limiter la systémie à l’examen de la Russie. Cette systémie est fondamentalement planétaire. Il ne faut absolument pas faire l’impasse sur ce qui se passe aux Etats-Unis, au Moyen-Orient, en Extrême-Orient. Il faut analyser ce système complexe. Il convient également de relire Zbigniew Brzezinski, un des grands penseurs de la politique états-uniennes. Beaucoup d’autres également ont pensé ce conflit que nous décrivons. Ce conflit est clairement le type de conflit séculaire entre la thalassocratie et le pouvoir de la terre, entre l’impérialisme anglosaxon et l’impérialisme russe.

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L’impérialisme anglo-saxon connaît une crise très grave, celle du dollar. Les Etats-Unis ont la nécessité de militariser la police américaine pour faire face aux émeutes. Il faut prendre en considération également la théorie de la première frappe gagnante. Le Pentagone prévoit une première frappe globale pour éliminer les autres puissances. Mais ils ne peuvent s’affronter directement aux armements russes et chinois. Dans cette affaire, nous devons en France et en Europe bien observer ce qui nous arrive. La stratégie de l’impérialisme anglo-saxon est fondamentalement planétaire.

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N’êtes vous pas dans vos analyses fortement biaisés dès lors que vous êtes, d’après ce que j’ai pu remarquer, fortement marqués par la propagande du Pentagone ?

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Cécilia Joxe

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Je remercie les intervenants  pour leurs exposés qui montrent leur connaissance du terrain et la complexité de la situation.

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Vous avez mentionné la montée  ancienne et progressive du nationalisme, et les capacités militaires de la Russie. La nécessité de faire intervenir l’armée est en discussion. Je voudrais vous demander votre avis sur les perspectives d’un passage à l’acte plus fort que le transfert d’armes en Ukraine. A votre avis, ces provocations iront-elles plus loin ? La politique européenne joue à l’heure actuelle sur différents tableaux. Mais on sent que la diplomatie européenne est très indécise et dépassée par la politique russe.

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Jean Radvanyi

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Je suis d’accord avec l’idée que nous sommes face à un système complexe. Je ne pense pas fondamentalement que les réactions récentes de Poutine soient liées à l’Ukraine. Elles sont provoquées par la crise ukrainienne. Mais fondamentalement, un des gros défauts des Américains et des Européens est de ne pas répondre depuis une dizaine d’années aux questions posées par Poutine à la communauté internationale. Ces questions sont pourtant assez claires. Il y a eu la guerre froide, l’URSS l’a perdu, les Américains l’ont gagné. Ces derniers ont considéré à partir de ce moment-là qu’ils étaient la seule hyperpuissance, selon le terme de Brzezinski. Depuis cette époque, il n’y a pas eu de négociations réelles sur le nouvel état du monde. Depuis des années, concrètement depuis le discours de Munich de Poutine en 1999, les Russes posent les mêmes questions. Il faut renégocier l’état du monde. Il ne s’agit pas seulement de l’Ukraine, mais de l’état du monde. Il faut discuter des équilibres des forces, d’une nouvelle structuration des relations internationales dans un monde qui change.

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Boris Eltsine transmettant la Constitution à Vladimir Poutine, le 31 décembre 1999, dans le bureau présidentiel du Kremlin.
Boris Eltsine transmettant la Constitution à Vladimir Poutine, le 31 décembre 1999, dans le bureau présidentiel du Kremlin.

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« Un des gros défauts des Américains et des Européens est de ne pas répondre depuis une dizaine d’années aux questions posées par Poutine à la communauté internationale. Depuis le discours de Munich de Poutine en 1999, les Russes posent les mêmes questions. Il faut renégocier l’état du monde. »

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Vladimir Poutine dit depuis longtemps que le monde n’est plus bipolaire, n’est pas unipolaire, mais il est multipolaire et la Russie sera un acteur majeur. Poutine n’a jamais eu de réponse, ni de la part des Américains, ni de celle de l’Union européenne. Ceci constitue le fondement de la crise ukrainienne. Jusqu’à la crise ukrainienne, les Américains et l’Union européenne ont agi comme si l’Ukraine pouvait être simplement arrachée à l’influence russe en dépit de tout ce qu’a dit Vladimir Poutine à ce sujet. Ce dernier a dit clairement qu’il n’était pas question que l’Ukraine rentre ni dans l’Union européenne, ni dans l’OTAN. Ceci constituerait pour lui une situation de casus belli. On n’a pas voulu en tenir compte, et on a volontairement simplifié dans nos analyses ce qu’était l’Ukraine.

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Personnellement, je pense qu’il faut exercer des pressions, et peut-être aussi des sanctions, mais si on n’accompagne pas ces sanctions par des réponses réelles aux questions qu’il pose, cela ne servira à rien.

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S’agissant du complexe militaro-industriel, beaucoup d’articles dans la bonne presse russe – ils ont de bons experts à ce sujet – s’interrogent sur les effets de la crise ukrainienne sur le complexe militaro-industriel russe. La situation s’avère intéressante et compliquée. Evidemment, on peut comparer ces informations à un iceberg. Nous n’avons accès qu’à la partie émergée. A moins d’être dans ce milieu réellement – ce qui n’est pas mon cas -, nous ne pouvons pas savoir les détails. Certains articles intéressants expliquent que se profile une rupture à court et moyen terme des relations économiques entre l’Ukraine et la Russie. Ceci représente une catastrophe absolue pour l’Ukraine. Cette rupture posera des problèmes aux Russes aussi. En réalité, le complexe militaro-industriel ukrainien va disparaître inéluctablement car il repose sur une grande proportion d’échanges avec la Russie. Ce n’est pas le cas du complexe russe beaucoup plus indépendant. Toutefois, il dépend sur un certain nombre de points très précis de l’industrie ukrainienne.

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Ainsi, les sanctions telles qu’elles se présentent aujourd’hui ne seront pas efficaces. Ceci pose des problèmes politiques. De bons experts russes nous disent : « que voulez-vous ? allons nous continuer comme cela ? Les Russes doivent-ils interdire l’espace aérien russe aux compagnies occidentales ? Les Etats occidentaux vont interdire à Aéroflot le survol ? » La Russie ne sera pas la plus perdante dans cette affaire. Nous nous trouvons dans une impasse qui posera certainement des problèmes aux Russes. Mais les Russes ont une capacité de résistance beaucoup plus importante que les Ukrainiens et probablement aussi que les Européens.

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S’agissant de la vague nationaliste, elle est au moins européenne, si ce n’est mondiale. On constate la montée du nationalisme japonais, chinois, coréen etc. Certains analystes expliquent que Vladimir Poutine considère que ces sentiments sont l’avenir. Il penserait qu’il faut s’appuyer fondamentalement sur ces nouvelles idéologies nationalistes, au moins dans l’espace eurasiatique. Puisque la Russie a pris parmi les premiers de façon publique et déterminante cette option, il va rassembler une nouvelle Eurasie sur la base nationaliste dans toutes ces composantes. Il ne s’agit pas de néofascisme, mais d’un autre champ de réflexion. Ces nouvelles idéologies vont lui permettre de recréer une force importante au niveau européen et asiatique. Je ne suis pas sûr que ce soit précisément son objectif, mais il s’agit bien d’une question posée.

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Anna Garmash

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Je reviens sur la question de l’adhésion à l’OTAN des pays Baltes et autres pays de l’Est qui étaient dans la sphère d’influence russe. On observe aussi cette volonté-là en Ukraine. Il est clair que la Russie en montrant des cartes avec la position des bases de l’OTAN qui encerclent le pays présente cette situation comme étant menaçante. Les autorités soulignent un certain isolement de la Russie et une volonté de la part des Occidentaux de la contenir. Toutefois, au vu des interventions comme celle actuelle en Ukraine, ou en Géorgie et en Transnistrie, les pays environnants, qui font partie de la zone d’influence russe, ont la volonté de se protéger de ce type de conflits. Cette volonté reçoit un soutien populaire dans les pays Baltes et dans les autres pays.

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Carte russe présentant les bases de l'OTAN autour de la Russie
Carte russe présentant les bases de l’OTAN autour de la Russie

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Jusque récemment, l’opinion publique en Ukraine était assez défavorable à une entrée dans l’OTAN, en raison de la proximité avec la Russie et de ses racines historiques. Aujourd’hui, l’opinion publique évolue très rapidement sur cette question. L’objectif n’est pas d’attaquer la Russie d’une quelconque façon, comme c’est présenté et perçu en Russie. L’objectif est au contraire de se protéger et de peut-être éviter un conflit tel que l’Ukraine le vit aujourd’hui.

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« La chute de l’Union soviétique puis l’état dramatique dans lequel a été plongé la Russie par la suite ont été perçus comme une humiliation. »

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La réponse à mettre en œuvre face à la politique russe s’avère très compliquée. Un mot revient très souvent : humiliation. La chute de l’Union soviétique puis l’état dramatique dans lequel a été plongé la Russie par la suite ont été perçus comme une humiliation. Ce pays avait auparavant la conscience d’être l’une des superpuissances pendant des décennies et même une grande puissance pendant des siècles. A cette époque, le pays s’est retrouvé à genoux. C’est en tout cas, de cette manière que la situation a été perçue. Malgré les fonds versés pour aider l’économie russe à se relever, les Russes ont perçu cette humiliation. Ce sentiment rend la situation extrêmement délicate.

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Je partage l’avis selon lequel la Russie a posé des questions qui n’ont pas obtenu de réponses. Il est difficile tout à la fois de répondre de façon ferme, mais aussi de ne pas les isoler. Je n’ai pas forcément de réponse très concrète à donner. Mais il faut respecter ces deux aspects. Il faut répondre de manière ferme car la Russie va de plus en plus loin tant qu’elle ne rencontre pas de réaction véritablement ferme. Les moyens qu’utilisent la Russie relèvent de la force. C’est le seul langage actuellement compris par la Russie et qui peut faire stopper l’ingérence russe. Il faut trouver le bon équilibre : être suffisamment ferme pour arrêter la progression, et éviter l’isolement total car cela ne peut qu’accentuer cet esprit revanchiste.

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Alexis Prokopiev

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« De manière générale, je suis d’accord qu’il est important de poser des questions de géopolitique, de défense, de politique internationale, mais il ne faut pas oublier la volonté des personnes. »

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De manière générale, je suis d’accord qu’il est important de poser des questions de géopolitique, de défense, de politique internationale, mais il ne faut pas oublier un point important qui est la volonté des personnes. Les médias occidentaux ont souvent tendance à ouvrir de grands débats sur la géopolitique, sur les puissances en présence. Il ne faut pas oublier que des centaines et des milliers d’Ukrainiens sont sortis dans la rue pendant plusieurs mois dans le froid pour pouvoir changer les choses. Ce n’est pas la CIA, le Pentagone ou l’Union européenne qui les ont fait sortir dans la rue. Il faut se rappeler aussi que des dizaines de milliers de Russes sont sortis dans le froid à la fin 2011-début 2012.

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Les erreurs de l’Union européenne ont été nombreuses. J’aime beaucoup en citer une en particulier. En 2005, après la révolution orange, l’Ukraine choisit démocratiquement un chemin étonnant, ou plutôt différent. Elle se tourne vers l’Union européenne. L’Ukraine abolit les visas pour les citoyens européens et demande à l’Union européenne un geste. L’UE n’a rien répondu. Je pense qu’il s’agit là d’une erreur fondamentale. Une des explications du retour de Ianoukovitch au pouvoir vient de la déception des Ukrainiens qui ont cherché à s’ouvrir vers la démocratie et qui n’ont pas reçu de signes positifs de la part de l’Union européenne.

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Les origines du régime de Poutine se trouvent dans la période Eltsine. Ce dernier est sorti du chemin démocratique lors des falsifications électorales au moment de sa réélection en 1996. Ainsi, toutes les élections depuis 1996, dont celles qui ont mené Poutine au pouvoir la première fois, ont été falsifiées. Les experts constatent tout de même que la plus grande falsification a eu lieu en décembre 2011. En réalité, Russie Unie crédité de 49 % des voix, ce qui constitue en soi un échec pour ce parti, a obtenu 22-23 %.

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Le discours nationaliste de Poutine a subi des inflexions depuis son arrivée au pouvoir. Quand il est arrivé au pouvoir, il parlait de la reconstruction nationale. Ce discours était basé sur un pacte non écrit avec la population russe : une amélioration de la situation économique et sociale en échange d’un recul sur les libertés et les droits, recul qui avait déjà commencé à la fin de la période Eltsine. Je pense que ce pacte s’est essoufflé en 2010-2011 avec les difficultés économiques d’un côté et les aspirations démocratiques de l’autre. Des Russes ont commencé à s’engager, à investir Internet. Ils se demandaient : « Pourquoi sommes nous obligés de payer pour se faire soigner ? Pourquoi un flic peut nous arrêter dans la rue et nous demander de l’argent ? Pourquoi un homme d’affaires peut éliminer un concurrent à cause d’une justice complètement corrompue ? » La réponse à ces questions apportée par les autorités russes n’est pas la reconstruction nationale, mais le repli national avec l’exaspération de l’image de l’ennemi.

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« L’information objective est à l’appréciation de chacun d’entre nous. La question est de savoir si l’information est plurielle. »

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L’information objective est à l’appréciation de chacun d’entre nous. La question est de savoir si l’information est plurielle. Je constate que sur les trois premières chaînes russes, deux positions sont présentées : la position officielle du Kremlin est présenté 90 % du temps, le reste du temps est consacré à la position de Vladimir Jirinovski qui adopte une posture encore plus radicale. Ce dernier déclare qu’il faut bombarder Kiev, Paris et Berlin pour en finir. Les télévisions françaises et européennes présentent beaucoup plus de positions. A la suite d’une émission intéressante sur l’Ukraine à une heure de grande écoute sur France 2, un seul invité participait à un débat et il présentait la position du Kremlin. Je pense donc que l’information en France est plurielle. Cette pluralité est, en revanche, vraiment absente en Russie.

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Russie-Libertés agit dans le domaine des droits humains. Ce n’est pas notre rôle de définir une position pour l’Union européenne dans cette affaire. Notre position officielle est la suivante : la solution n’est pas militaire, elle ne peut être que politique. La solution ne peut être débattue seulement entre Russie et Ukraine, mais doit inviter les autres acteurs internationaux. Nous nous prononçons pour un libre accès de l’aide humanitaire sur les zones de conflit, pour la possibilité de travailler pour les ONG internationales. Il nous apparaît difficile qu’une aide uniquement russe soit apportée aux populations. Je ne crois pas qu’une partie clairement belligérante puisse faire un travail adéquat. Pour nous, il n’y a pas de solution militaire, elle ne peut être que politique.

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Une participante

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Je comprends que l’étau se resserre autour des opposants, qui sont qualifiés de « nationaux traitres ». Je voudrais savoir si ces opposants ou d’autres associations attendent une aide des associations basées en Europe. Je voudrais savoir également si cette aide peut constituer un danger pour eux.

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Pierre Jourdan

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J’ai une question d’ordre sociologique. Quel peut être aujourd’hui le degré de maturité démocratique atteint par la société russe ? Dans cette optique peut-on dresser un bilan du système éducatif russe ? Est ce que les gens ont l’esprit critique ? Comment réagissent-ils face à l’information ?

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Une participante

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Peut-on attendre de l’Europe qu’elle soit plus active ? Nous avons tous été touchés par ces manifestations. J’ai le sentiment que l’Europe ne fait pas grand chose. Est-ce qu’en sous main, elle agit tout de même ?

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Jean Radvanyi

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Je crois qu’on ne peut pas attendre grand chose de l’Europe du fait qu’elle n’existe pas politiquement, et en particulier sur les questions internationales. Il suffit d’observer l’action de Catherine Ashton pour comprendre que l’Europe n’existe pas. Cette situation est normale puisqu’à autant de pays correspond autant de positions sur la crise ukrainienne et sur les rapports à la Russie. Ceci ne signifie que rien ne se passera de ce côté. Les négociations de Berlin sont mal connues. Et c’est bon signe.

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Catherine Ashton, Vladimir Poutine et Petro Poroshenko à la Conférence de Minsk, 26 août 2014. Source : Sergei Bondarenko / Kazakh Presidential Office / Pool / Reuters
Catherine Ashton, Vladimir Poutine et Petro Poroshenko à la Conférence de Minsk, 26 août 2014. Source : Sergei Bondarenko / Kazakh Presidential Office / Pool / Reuters

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A l’évidence, il n’y a pas d’issue militaire à cette crise. Il faut une issue politique. Mais cette dernière s’avère très compliquée. En effet, beaucoup de questions sont en jeu : elles concernent l’avenir de l’Ukraine, les rapports entre Ukraine et Russie, les différentes populations en Ukraine dont les Russes et russophones, les rapports entre la Russie et l’Union européenne. Tous ces sujets demandent beaucoup de précisions, du temps etc. L’absence de résultat n’est pas forcément un mauvais signe, car cela signifie peut-être que de vraies discussions ont commencé. Je l’espère.

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« S’il se déroule à Donetsk des évènements semblables à ceux de Grozny, c’est-à-dire de grands bombardements, Moscou interviendra. »

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Pour autant, l’information est sortie ce matin d’un bombardement sur le centre de Donetsk avec de nombreux morts. Pour répondre à votre question, on ne peut pas exclure que des évènements très graves arrivant à Donetsk ne force Vladimir Poutine à intervenir. Il en serait obligé devant son opinion publique. S’il se déroule à Donetsk des évènements semblables à ceux de Grozny, c’est-à-dire de grands bombardements, Moscou interviendra. Il ne veut pas intervenir, mais il sera obligé de le faire. J’espère qu’on n’en arrivera pas là. L’Union européenne peut intervenir pour éviter un tel scénario.

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S’agissant de la question sociologique, je pense que le système d’enseignement s’est affaibli, délité, complexifié. Une partie est devenue privée et des étudiants doivent payer leurs études. Toutefois, les Russes demeurent des gens instruits, cultivés, curieux, intéressés. Il ne faut pas sous-estimer ni leur niveau d’information, ni leur niveau critique, y compris dans cette période de vague nationaliste dont profite Poutine. A l’évidence, il y a un danger. Nous sommes tous en contact avec des ONG russes, qui sont en difficultés, comme Mémorial, le Centre Levada. Pour ma part, j’ai interrogé un responsable du Centre Levada au sujet des financements. Il répondait : nous sommes restreints, nous avons des problèmes. Il se demandait s’ils devraient se déclarer comme agent de l’étranger. Toutes ces ONG se trouvent dans une situation extrêmement difficile, sous pression. Les organisations les plus connues obtiennent néanmoins un large soutien.

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Anna Garmash

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« Au début des manifestations à Kiev, les Ukrainiens s’attendaient à un grand soutien de la part de l’Union européenne. Aujourd’hui, l’esprit qui règne au sein de la population est qu’il ne faut s’attendre à rien. »

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Au début des manifestations à Kiev, les Ukrainiens s’attendaient à beaucoup, un grand soutien de la part de l’Union européenne. Très rapidement, la déception a fait place à l’espoir vis-à-vis de l’Union européenne. Aujourd’hui, l’esprit qui règne au sein de la population est qu’il ne faut s’attendre à rien. Lors des manifestations au mois de décembre, Viktor Ianoukovitch a fait une tentative de nettoyer la place Maidan. Cette tentative s’est déroulé précisément au moment de la visite de Catherine Ashton. Or, à ce moment, elle était auprès de Ianoukovicth qui l’assurait qu’il n’y aurait pas d’action pour disperser les manifestants, aucune action violente. Or, une dispersion violente a été ordonnée. En d’autres termes, cet évènement montre bien l’attitude du pouvoir ukrainien vis-à-vis de l’Union européenne. Il ne la prenait pas au sérieux.

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Ceci est révélateur aussi de l’attitude actuelle du Kremlin vis-à-vis de l’UE. Le Kremlin ne considère pas aujourd’hui l’Union européenne comme une entité. Cette dernière possède en soi le potentiel de créer un véritable équilibre par la puissance économique, par sa population. Mais la Russie traite avec les différents pays séparément. Les autorités russes n’ont pas tort puisque l’Europe politique n’existe pas.

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Cette attitude s’accorde avec la politique du Kremlin de soutien des partis d’extrême droite en Europe. Effectivement, on observe une résurgence du nationalisme un peu partout. Néanmoins, il faut prendre en compte aussi la politique de soutien du Kremlin. Plus ces mouvements nationalistes en Europe montent en puissance, moins l’Europe politique a de chances de se construire puisqu’ils promeuvent une isolation de chaque pays. En conséquence, les pays isolés se pensent plus faibles face à la Russie que ne pourrait l’être l’Union européenne dans son ensemble.

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Cette situation est d’autant plus vraie du point de vue énergétique. Si on considérait le marché de l’énergie comme une entité, l’Union européenne aurait pu jouer un rôle plus important. Car effectivement, les Russes détiennent le gaz. Mais les Européens détiennent l’argent et achètent ce gaz.

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Alexis Prokopiev

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« Le régime russe craint l’émergence d’une Europe politique unie. Le soutien affiché aux différents partis nationalistes européens va dans ce sens. »

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Il me paraît incroyable que l’Union européenne ne se rende pas compte aujourd’hui de sa force potentielle, potentielle mais non pas réelle. Comme vient de le souligner Anna Garmash, le régime russe craint l’émergence d’une Europe politique unie. Le soutien affiché aux différents partis nationalistes européens va dans ce sens. Aujourd’hui, le Kremlin veut à tout prix empêcher toute montée en puissance d’une Europe unie, plus fédérale, se dotant éventuellement d’une armée commune. Pour Poutine, ce serait un échec absolu.

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Par ailleurs, Poutine craint aussi que les politiques d’efficacité énergétique, le développement des énergies renouvelables soient mis en place en Europe. Une telle situation rendrait l’Union européenne moins dépendante des hydrocarbures russes.

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La question des sanctions européennes et de l’embargo russe sur les produits agro-alimentaires européens a été à peine effleurée. Pour l’instant, la Russie vient de débloquer une aide de 13 milliards d’euros à l’agriculture russe. L’embargo sur les produits agro-alimentaires européens coûtent donc 13 milliards d’euros. Pour l’Union européenne, le coût est actuellement estimé à 150 millions d’euros. L’impact s’avère donc bien différent. Sur Twitter, beaucoup de Russes tweetent des photos de supermarchés vides. La population se montre donc un peu mécontente. Cet exemple montre que l’Union européenne devrait se rendre compte de sa puissance potentielle.

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S’agissant de l’éducation, je me montre un peu plus catastrophiste que Jean Radvanyi. Pour ma part, je constate une dégradation très rapide, notamment dans l’enseignement supérieur, mais aussi dans l’enseignement scolaire. Le dernier débat en date porte sur les manuels scolaires. Se met en place une nouvelle révision des manuels scolaires, notamment ceux d’histoire. Le pouvoir manifeste la volonté de refaire l’histoire, de recréer une nouvelle histoire officielle. Le niveau d’éducation reste très élevé, mais il se dégrade très rapidement. Certains professeurs à l’université témoignent d’une situation difficile, accompagnée d’une montée de la corruption.

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Concernant le travail des ONG russes, on observe des pressions énormes. Des ONG mettent la clé sous la porte. Des militants d’ONG sont emprisonnés. L’opposant Serguey Oudaltsov a reçu une peine de 4 ans de prison. L’opposant Alexey Navalnyi est assigné à résidence. L’écologiste russe Evguenyi Vitishko se trouve actuellement en camp en Sibérie. Tout ceci témoigne de la pression des autorités. Toutefois, si les Européens veulent manifester leur soutien, ils doivent prendre des précautions. Les mouvements pour les droits humains, pour la démocratie, les partis d’opposition en Russie ne doivent pas avoir pour image d’être créés par l’étranger, même si ce n’est pas le cas.

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Comment les aider ? Premièrement, je pense qu’on peut les aider en relayant l’information. Deuxièmement, nous avons constaté que les pétitions ont parfois des résultats. Par exemple, une pétition a été lancée sur Avaaz pour soutenir Evguenyi Vitishko. Le fait de relayer ces pétitions s’avère très important. Dans certains cas, les ambassadeurs étrangers ont demandé de rencontrer des opposants politiques ou des militants d’ONG emprisonnés. Ils ont réussi par la suite à les sortir de prison. Troisièmement, on peut développer l’aide aux réfugiés politiques. Il y a deux semaines, j’ai rencontré en Lituanie un des participants des évènements du 6 mai 2012. Il a réussi à obtenir l’asile politique en Lituanie. Il n’aurait jamais réussi à l’obtenir sans l’aide logistique, sans l’hébergement par les ONG locales, et les contacts qu’elles fournissent. En France, des personnes demandent l’asile politique également. A l’évidence, il faut se mobiliser sur tous ces fronts : l’aide aux militants sur place, qui font face à des difficultés et se retrouvent parfois en prison, et l’aide aux militants qui demandent l’asile politique en Europe.

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No extradition to Russia of Nikolay Kobliakov. Source : Russie-Libertés
No extradition to Russia of Nikolay Kobliakov. Source : Russie-Libertés

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Pour finir, un des membres de Russie-Libertés, Nikolay Kobliakov a été arrêté récemment en Bulgarie. Il a donc été arrêté sur le territoire européen, en fonction d’une demande d’extradition venant de la Fédération de Russie. Par des moyens médiatiques, diplomatiques, grâce à certaines personnes du MAE en France et à Sofia, nous avons réussi à éviter son extradition dans les heures qui ont suivi son arrestation. Aujourd’hui, il est assigné en Bulgarie. Une pétition circule sur internet et a déjà reçu plus de 20 000 signatures. Je vous invite vivement à la signer et à faire circuler l’information afin que notre ami, Nikolay, ne soit pas extrader vers la Russie où il risque un procès inéquitable et une peine de prison pour des faits imaginaires. Nous espérons l’accueillir bientôt en France puisqu’il est un citoyen français.

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​1Le Centre analytique Levada (Centre Levada) est une organisation indépendante russe non-gouvernementale de recherches sociologiques et de sondages. Elle tire son nom de Iouri Levada (1930-2006), le premier professeur russe de la sociologie. Le centre est issu du VTsIOM (le Centre panrusse d’étude de l’opinion publique) fondé en 1987 par l’académicienne Tatiana Zaslavskaïa. Elle est aujourd’hui présidente d’honneur du centre, dirigé par Lev Goudkov. Le Centre Levada fournit de nos jours les sondages d’opinion les plus fiables : http://www.levada.ru/eng/

 

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De la crise ukrainienne https://transnationale.eelv.fr/2014/04/25/de-la-crise-ukrainienne/ Fri, 25 Apr 2014 09:57:53 +0000 http://transnationale.eelv.fr/?p=3699 Lire la suite]]> Position du Bureau de la Transnationale

Par le Traité de Budapest de 1994, l’Ukraine a accepté son désarmement nucléaire en contrepartie de son intégrité territoriale et de son indépendance. Ce traité est garanti par les Etats-Unis, le Royaume-Uni, mais également la Russie. La remise en cause brutale et unilatérale de ce traité par la Fédération de Russie est inacceptable. Cet acte rompt un équilibre fondé sur le principe de la dénucléarisation des nouveaux Etats issus de l’ancienne Union Soviétique en contrepartie de la reconnaissance mutuelle de leur indépendance et de leur intégrité territoriale. La Russie, par ses organes officiels, par son président même, objecte actuellement au droit international issu de ce traité une légitimité historique. L’action de la Russie déstabilise le cadre de paix européen qui repose sur le renoncement à la violence. Il s’agit d’une violation de la Charte des Nations Unies par un membre du Conseil de sécurité. Le droit international est remplacé par la loi du plus fort.

Par conséquent Europe Écologie-Les Verts condamne fermement l’attitude agressive du président russe Vladimir Poutine envers l’Ukraine depuis que la mobilisation majoritairement pro-démocratique des citoyens ukrainiens eût conduit son allié, l’ex-président Viktor Ianoukovitch, à quitter le pouvoir le 22 février 2014 après une répression sanglante. Le Président russe est manifestement effrayé par la perspective de voir une Ukraine plus démocratique s’installer à ses portes, qui pourrait avoir une influence contagieuse en Russie et remettre en cause son pouvoir autoritaire, largement corrompu et anti-démocratique.

Vladimir Poutine avait déjà pu tester en Syrie l’inertie et la pusillanimité de l’Occident. Il a pu les vérifier en procédant à l’invasion par ses troupes puis à l’annexion de la Crimée suite à un simulacre de référendum organisé dans cette république autonome d’Ukraine le 16 mars 2014. Celles-ci n’ayant entrainé que des sanctions insuffisantes de la part des Etats-Unis et de l’Union Européenne.

Face à la crise actuelle, et fidèle à son principe de résolution pacifique des conflits, Europe Ecologie-Les Verts se prononce pour un règlement négocié de la situation ukrainienne. Le spectre de la guerre civile et d’une intervention étrangère doit être repoussé par tous les participants de cette négociation.

La situation ukrainienne est en ce moment préoccupante au plus haut point. Les menées de soldats sans insignes, les provocations de la 5e colonne russe , loin d’être des manifestations spontanées de la population de l’Est de l’Ukraine, ainsi que la concentration de troupes russes aux frontières de l’Ukraine et les discours mensongers bellicistes des organes officiels russes font peser une menace de guerre civile et d’ingérence militaire étrangère en Ukraine, qui par bien des aspects sont déjà en oeuvre. Il n’est pas acceptable qu’un Etat exerce des pressions par la force sur un autre Etat souverain et entrave le processus de rétablissement d’une gouvernance politique légitime et démocratique, avec comme première étape la tenue d’une élection présidentielle le 25 mai prochain.

Les peuples sont acteurs de leur histoire, il appartient aux citoyens ukrainiens dans toutes leurs composantes et à eux seuls de trouver leur équilibre politique. Vladimir Poutine prétend que l’équilibre ukrainien soit fragile. Un équilibre précaire, qui peut être aisément remis en question par des éléments étrangers et par des manipulations politiques habiles à renforcer des dissensions. Les élections démocratiques permettent d’aller au-delà de cet équilibre dit instable.

Europe Ecologie-Les Verts recommande la bonne tenue, sans entraves extérieures, de l’élection présidentielle, mais également la tenue rapide d’élections législatives, dans le cadre du régime parlementaire issu de la négociation après la Révolution orange et inscrite dans la constitution de 2004. Elles permettront à toutes les sensibilités d’être rapidement représentées, y compris les citoyens ukrainiens qui ont pu prendre quelques distances avec le mouvement de Maïdan, tel qu’il a pu s’exprimer. Le vide institutionnel doit être vite comblé, et l’élection présidentielle en sera le premier pas. Europe Ecologie-Les Verts soutient le Parti Vert d’Ukraine (Партія Зелених України / Партия Зеленых Украины) dans cet effort.

Europe Ecologie-Les Verts salue l’accord de Genève signé par la Russie, l’Union Européenne, les Etats-Unis et le représentant légal de l’Ukraine le 17 avril 2014 qui constitue une première étape dans le règlement négocié de la situation ukrainienne. Les participants, qui aiment s’en réclamer, ne doivent pas dénaturer l’accord, mais au contraire chercher à l’appliquer de manière sincère. Europe Ecologie-Les Verts défend une démarche de désescalade du conflit, de désarmement des milices pro-russes, soutenues par la Russie, qui agitent l’Est de l’Ukraine, mais également de neutralisation des nationalistes de toutes parts et le désarmement des bandes armées qui alimentent les tensions en Ukraine. La désescalade doit aussi être militaire tant du côté russe que du côté de l’OTAN. Dans l’intérêt d’une solution pacifique, l’Ukraine devrait faire partie d’une zone démilitarisée.

La situation économique de l’Ukraine est fortement préoccupante. L’Etat ukrainien, par un cumul de déficits de plusieurs natures dû à la dictature de Ianoukovitch et de sa corruption, est menacé par une faillite. L’Union européenne se doit d’apporter une aide financière à la hauteur de l’enjeu dans le cadre d’un plan international. Des réformes seront sans doute nécessaires et doivent être accompagnées par l’Union européenne, qui aura à quitter le dogme de l’austérité et qui prendra en compte la dimension sociale sans laquelle les citoyens ukrainiens ne pourront les accepter.

C’est aussi l’occasion de promouvoir un partenariat avec et entre les pays de l’Europe orientale, sans exclusif. Il s’agit aussi de dépasser les tiraillements que connaissent les Etats situés entre les sphères géopolitiques de l’Union européenne et celle de la Russie, par leur appartenance fondamentalement européenne, leur volonté de participer au pôle de stabilité de l’Europe, leur volonté d’accéder à une plus grande prospérité et de renforcer leur liens historiques, économiques et humains de part et d’autre. Afin de ne pas briser ces liens multiples, il convient de chercher un nouvel équilibre renforçant les coopérations déjà existantes sur l’ensemble du continent.

L’Union Européenne, par sa politique de voisinage à l’Est, doit continuer d’œuvrer au renforcement des institutions politiques et au rétablissement économique de ses voisins immédiats, gage de prospérité et de paix sur le continent européen. Ces objectifs du partenariat oriental doivent être poursuivis tout en prenant en compte des objectifs de développement écologiquement soutenable et socialement équitable. Parmi ces objectifs, l’Union Européenne se doit de continuer et de renforcer la promotion du respect des droits humains et des procédures démocratiques avec ses partenaires. Ces objectifs méritent d’être également partagés par l’ensemble des Etats européens, y compris par les citoyens des pays concernés. Il s’agit là d’une oeuvre politique plus que d’une procédure technocratique.

Toutefois, ce partenariat ne peut exclure la Russie. La Russie et les membres de l’Union européenne sont d’ores et déjà engagés dans des coopérations économiques et des échanges dans plusieurs dimensions. La coopération dans le domaine spatial en est un exemple réussi. Il convient que ce soient les civils qui jettent des ponts entre Russie et pays membres de l’Union européenne et non les militaires.

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