Par Julien Bayou, Huffington Post
, également disponible sur le site duAprès les élections municipales en Turquie au Kurdistan en mars (lire un billet ici et le rapport de la mission ici), me voici en Ukraine pour les élections législatives du 26 octobre.
En Ukraine, J-1 avant des élections cruciales pour le pays et l’Europe
Paula, Boris, Jean, Dorian, Atte ou Elodie : tous ont eu l’info en ligne, le plus souvent par Facebook. Que ce soit par le post d’un ami ou via la page d’une asso étudiante, la proposition de la Cosmolitan Project Foundation « Postulez pour devenir observateur officiel pour les prochaines élections en Ukraine » a piqué leur curiosité avant de les convaincre d’investir temps et argent dans cette mission pour vivre une expérience exceptionnelle.
A la veille des élections législatives cruciales pour le pays, nous étions 8 Français déployés à Tcherkassy, bourgade de 300.000 habitants à 3 heures de route au sud de Kiev. 4 binômes qui ont sillonné la ville et sa grosse centaine de bureaux de vote pour observer le déroulé des opérations, de 7h du matin à la proclamation des résultats le soir (et plus certainement au petit matin le lendemain) en passant par la clôture du bureau et le dépouillement des bulletins.
A l’échelle du pays, 70 bénévoles français sont arrivés ces derniers jours pour grossir les rangs des 200 observateurs accrédités par le Congrès Mondial Ukrainien, l’association qui coordonne la diaspora ukrainienne ; sans compter les 600 observateurs de court terme déployés par l’OSCE.
En #Ukraine quand on croise Dark Vador c'est pas carnaval c'est le parti pirate en campagne #legislatives http://t.co/ph6JCfZTLS
— Julien Bayou (@julienbayou) October 24, 2014
L’objectif est simple et est résumé par cette phrase du Code de conduite pour les misssions d’observations électorales internationales de l’ONU : « nous sommes ici pour contribuer à la tenue d’élections libres et sincères dans l’espoir qu’elles reflètent la volonté du peuple ukrainien ».
Si simple et si décisif tant la situation est critique : une partie du pays est annexée, une autre en état de guerre civile, et partout la défiance domine à l’égard d’institutions jugées corrompues et délégitimées, de l’Assemblée au gouvernement en passant par les pouvoirs régionaux.
Le "kit" #elections #Ukraine : le how-to, le brief, le plan de Tcherkassy et… Une décharge de responsabilité! pic.twitter.com/mkxj8sEEB2
— Julien Bayou (@julienbayou) October 24, 2014
Ces élections s’inscrivent directement dans la foulée de la Révolution Maidan, ces protestations massives qui ont enflammé l’Ukraine à la fin 2013 quand l’ancien président Ianoukovitch a refusé de signer l’accord d’association avec l’Union Européenne. Après des mois de manifestations réprimées dans le sang, le président Ianoukovitch a fui le pays. Ces législatives font suite à la présidentielle remportée en juin par Petro Poroshenko.
Le score de sa coalition fera donc l’objet de tous les commentaires, comme celui des partis issus de la coalition du « parti des régions » (la formation de l’ancien président) ou le score de l’extrême-droite (c’est un euphémisme) Svoboda.
Au-delà des résultats qui intéressent bien sur la politique nationale ukrainienne, la participation, la bonne tenue et des élections et la sincérité des résultats seront examinées par toutes les chancelleries, de Washington à Moscou en passant par toutes les capitales européennes. Les enjeux géopolitiques sont énormes et ces élections sont une étape importante pour la stabilisation d’un pays qui focalise l’attention mondiale.
« Difficile de rester insensible à ce qui se passe aux portes de l’Europe, ça nous concerne évidemment, et puis c’est magique de pouvoir assister à ces élections en étant aux premières loges », voila qui résume le sentiment des observateurs européens.
Arrivés vendredi pour la dernière formation, il nous faut tout d’abord nous adapter au froid piquant : zéro ou moins voire beaucoup moins à l’est du pays.
Après deux séances de formation à Paris et en ligne dans les dernières semaines, c’est le temps du rappel des fondamentaux et en particulier en matière de sécurité « stay alert, stay unambiguous, stay boring » nous explique la canadienne qui dirige la mission. Soyez sur le qui-vive, fondez vous dans la foule : pas de vêtements ou sac aux couleurs du pays, encore moins couleur kaki militaire ou camouflage.
#Ukraine, a J-1 avant les élections législatives on révise le programme de demain et on établit les parcours pic.twitter.com/anWYnXZ0sf
— Julien Bayou (@julienbayou) October 25, 2014
En tant qu’observateur international officiel nous avons accès à toutes les étapes des opérations de vote, de la réception des urnes et bulletins à leur dépouillement et à la transmission des résultats à l’équivalent de la préfecture. En cas d’incident, de violation ou d’irrégularités la consigne est claire : surtout ne pas intervenir directement, pour éviter les dangers et situations hasardeuses. Si un observateur est témoin d’une situation problématique il doit en référer au chef d’équipe qui fait remonter au QG à Kiev qui alertera les autorités qui devront répondre et faire cesser le trouble. Le lendemain du vote, la mission émettra un avis sur la sincérité des élections avant d ‘établir un rapport final.
Lors des municipales au Kurdistan turc les craintes portaient d’abord – et à raison – sur les intimidations et pressions à l’égard des votants (lire le billet sur les élections en Turquie).
Ici c’est bien la fraude électorale qu’il s’agit de prévenir : bourrage d’urnes avant, pendant ou à l’issue du vote, fausses procurations, achats de votes, électeurs fictifs, comptages « fantaisistes »… la liste est trop longue être exhaustive et les techniques, infinies. Il faudra être sur ses gardes de 7h du matin à …. 3 heures voire plus tard le lundi matin : lors de la présidentielle il a fallu attendre midi le lundi pour avoir la proclamation des résultats dans certaines zones.
En attendant ce « jour le plus long », ici à Tcherkassy, l’heure est au repérage et à l’établissement des équipes binômes et du circuit des bureaux à visiter avec l’aide du centre francophone de la ville. Ce soir sera consacré à la rencontre avec les familles qui nous hébergent le temps de la mission. On est prévenu : c’est un grand moment pour elles d’accueillir ces européens qui viennent soutenir à leur manière le processus démocratique en cours. Assurément cette rencontre en forme de veillée d’armes avant ce grand jour pour la démocratie ukrainienne sera également exceptionnelle pour nous.