Pour rester au pouvoir, faire cesser les manifestations, et punir collectivement les millions de Syriens qui ont manifesté quotidiennement contre lui, le régime syrien a pris la responsabilité d’une répression criminelle et d’une confrontation armée.
Depuis 18 mois, il a fait plus de 30 000 victimes, hommes, femmes et enfants (dont plus de 5000 pour le seul mois d’août) tout en expulsant de leur foyer plus de 3,5 millions de Syriens, (dont un demi million ont pu s’échapper en Turquie, en Jordanie, au Liban ou en Irak) en bombardant les quartiers qu’il considère comme opposants, puis en y envoyant des mercenaires massacrer les familles. Le régime ne cessant pas ses bombardements et destructions, le nombre de Syriens sans toit risque d’augmenter dans les semaines à venir. La pluie et le froid vont aggraver l¹insécurité de ces millions de victimes de la répression de masse aveugle du régime.
La tournure que prennent les évènements laisse à penser que le conflit est en train de s’enliser sans aucune perspective de sortie de crise immédiate. Si les rebelles syriens ont remporté des succès cruciaux cet été, depuis la rentrée, le régime n’hésite plus à bombarder massivement les villes, choisissant la politique de la terre brulée pour infliger des punitions collectives aux populations soutenant la résistance. Et les solutions diplomatiques proposées quotidiennement par les gouvernements européens et américain semblent toutes vouées à l’échec, tandis que chaque jour qui passe égraine son lot insupportable de morts, de blessés, de déplacements des populations et de destructions massives, dans l’inaction et l’impuissance coupables de la communauté internationale.
Déplorant les vétos russe et chinois au Conseil de sécurité qui bloquent toute intervention extérieure légitime, et totalement respectueux du droit international, Europe Ecologie Les Verts ne peut que constater actuellement le manque criant d’efficience du système international et son inadaptation aux défis actuels. Cette crise est la preuve qu’il est urgent de reconsidérer le fonctionnement des institutions onusiennes, en particulier celui du Conseil de sécurité et du droit de véto de ses cinq membres permanents, n’offrant aucune solution onusienne satisfaisante en cas de blocage. EELV rappelle à cette occasion sa position favorable à la suppression à termes de l’actuel droit de véto à l’ONU, instrument bien commode pour certains Etats et dictateurs, se servant de jeux d’alliances désuets pour pouvoir continuer à massacrer à l’intérieur tout en négociant à l’extérieur. Si la communauté internationale tient vraiment à ce que le « plus jamais ça », proclamé maintes fois (après les massacres en ex-Yougoslavie, en Tchétchénie, en RDC, le génocide au Rwanda, etc.), devienne enfin possible, elle doit engager une réforme structurelle conséquente incluant la question du véto au Conseil de sécurité. L’adoption en 2005 par l’ONU de la « responsabilité de protéger » qui affirme que chaque Etat doit protéger les populations du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité, et qu’à défaut c’est à la communauté internationale que revient la responsabilité subsidiaire d’assurer la protection de cette population, n’a pas été mise en oeuvre faute de volonté politique. Pourtant, au lendemain du printemps des peuples arabes, la communauté internationale avait une occasion formidable d’encourager par un soutien concret à la lutte du peuple syrien, l’émancipation des peuples des régimes autoritaires ou dictatoriaux, et d’affaiblir ceux-ci. Logiquement, la Russie et la Chine qui émargent à cette catégorie (sans parler de l’Iran, autre soutien indéfectible du clan Assad !) ne l’ont pas voulu, et nul n’a voulu passer outre.
Les vétos russe et chinois doivent également cesser de servir d’excuse à une diplomatie européenne apathique. En effet, le traité de Lisbonne a mis en place un service diplomatique européen, et il est nécessaire que sa Haute Représentante assume ses responsabilités et assure une meilleure présence diplomatique de l’Union européenne dans la région. La construction d’une Europe forte sur la scène internationale ne restera qu’à l’étape de vœu pieu si celle-ci ne se saisit pas du rôle qu’elle a vocation à jouer dans la résolution de conflits aussi graves que celui qui touche la Syrie. EELV est à cet égard extrêmement préoccupé du manque d’ambition actuel des instances européennes et rappelle sa volonté de voir se concrétiser une Europe fédérale, démocratique et écologique jouant enfin un rôle majeur en matière de prévention des conflits et de promotion des droits humains sur la scène internationale.
Les responsables politiques européens ne doivent pas oublier qu’à moyen terme, la crise syrienne risque de déboucher sur une régionalisation du conflit. La Syrie est en effet un Etat pivot, une pièce importante pour l’équilibre régional et le conflit actuel ne peut pas s’analyser comme le résultat d’un affrontement communautaire. C’est la lutte d’un peuple qui se bat pour la liberté et la démocratie. Par conséquent, il faut que la communauté internationale envisage de conjuguer ses efforts à ceux des puissances régionales et à d’autres initiatives qui pourraient se présenter de la part des pays non alignés, bien que les pays arabes ne semblent pas unanimes quant aux mesures à prendre. Lors de l’assemblée générale des Nations Unies actuellement en cours, le président Egyptien, Mohamed Morsi, s’est de nouveau prononcé pour une solution politique et compte encore sur l’initiative du « quartet » (Iran, Egypte,Turquie, Arabie Saoudite) qu’il avait lancée. La Tunisie, de son côté, se prononce pour une force arabe d’interposition de paix alors que le Qatar est pour une intervention armée des pays arabes. Aussi mince soit-elle, il ne faut négliger aucune piste pour trouver une solution politique à la répression que subit le peuple syrien. Ceci en s’assurant néanmoins que ces initiatives ne soient pas l’occasion pour le régime Assad de gagner du temps. C’est pourquoi toute nouvelle initiative doit être accompagnée de sanctions en cas de refus du régime syrien de respecter ses engagements.
Nous ne devons pas oublier non plus la responsabilité occidentale, qui a permis à un régime tyrannique de se maintenir des décennies, ni quels intérêts géo-politiques l’ont soutenu. Les populations sont otages et victimes de la lutte pour une domination régionale que ce soit de la part de l’Iran, de la Russie, des Etats-Unis, de l’Arabie Saoudite ou du Qatar. Les peuples subissent de plein fouet les secousses d’une mondialisation remettant en cause les anciennes grandes puissances et le partage de ressources naturelles de plus en plus convoitées mais de plus en plus rares. Cette toile de fond n’obère en rien une aide indispensable, mais elle ne peut être ignorée et doit éclairer nos démarches et propositions.
Si une action militaire semble inenvisageable dans la configuration actuelle des positions au Conseil de sécurité, l’Union européenne se doit d’accueillir davantage de réfugiés ou de donner des moyens matériels et financiers conséquents aux pays en défaut de capacité d’accueil de le faire. C’est là un autre moyen d’assumer sa responsabilité à protéger les peuples.
Enfin, si jamais la France se décidait à fournir des moyens, notamment militaires, susceptibles d’aider l’Armée Syrienne Libre à se défendre efficacement et à renverser le pouvoir sanguinaire de Bachar El Assad, ces transactions devraient se réaliser dans des conditions les plus transparentes possibles permettant à ce que ces armes parviennent aux groupes défendant une Syrie démocratique et respectueuse de sa diversité. Ceci aussi afin d’éviter une dissémination extrêmement dangereuse des armes pour les populations de la région, comme cela a pu être observé après l’intervention occidentale en Libye. EELV rappelle à cette occasion sa volonté de voir aboutir les négociations actuelles à l’ONU concernant le Traité sur le commerce des armes afin de réguler efficacement et drastiquement à l’échelle internationale ce commerce mortifère.
Pour EELV, la commission Transnationale, le 27 septembre 2012