1) TENUE DU CONGRES MALGRÉ LE CONTEXTE POLITIQUE TROUBLÉ AU SÉNÉGAL
Les Verts mondiaux avaient décidé dès leur premier Congrès à Canberra en 2001 que le Congrès suivant devrait être organisé en Afrique. Cela tenait à une double volonté :
• souligner sur place, symboliquement, la nécessité du développement durable et de la démocratie sur le continent dont les populations ont le plus bas niveau de vie, sont le plus souvent sous le joug de régimes dictatoriaux ou autoritaires, et subissent de plein fouet les effets d’une mondialisation économique dépourvue de régulation (accaparement des terres, pillage des ressources naturelles (minerais, bois, ressources halieutiques…) par les multinationales et les prédateurs locaux, déboisement, désertification, paupérisation de la population, réduction des services de santé et d’éducation sous le poids de dettes inéquitables, etc.)
• appuyer aussi l’émergence des partis Verts africains, placés le plus souvent dans des conditions très difficiles, sous des régimes dictatoriaux ou peu démocratiques, sans moyens financiers pour développer leur action politique. La regrettée Wangari Maathai, présidente des Verts du Kenya, l’une des oratrices les plus applaudies à Canberra, et première femme africaine à recevoir le Prix Nobel de la Paix en 2004, avait proposé d’organiser ce 2ème Congrès à Nairobi en 2007, mais n’avait pu le faire du fait de la désorganisation, à l’époque, de la Fédération des partis Verts d’Afrique, ce qui avait conduit à l’organisation du 2ème Congrès par les Verts brésiliens à Sao Paulo, en 2008.
C’est dire que l’organisation du 3ème Congrès à Dakar, en 2012, revêtait une forte charge symbolique et politique. La Coordination des Verts mondiaux, mise en place à Canberra et réunissant 3 représentants élus par continent, co-organisait ce Congrès avec la Fédération des partis Verts d’Afrique et le parti Vert sénégalais (Fédération des écologistes du Sénégal (FEDES)) présidé par le charismatique Haidar El Ali, récemment classé par Le Monde parmi les 100 écologistes les plus influents de la planète. Les préparatifs allaient bon train, le Sénégal étant réputé comme l’un des pays les plus démocratiques et politiquement stables du continent, jusqu’à ce que le président sortant Abdoulaye Wade, 85 ans, président depuis 2000 et réélu en 2007, ne décide en 2011 d’interpréter la nouvelle constitution adoptée en 2001 pour pouvoir se représenter une troisième fois, sous le fallacieux prétexte que son premier mandat n’entrait pas en compte, étant antérieur à la nouvelle loi fondamentale. Dans un pays miné par la pauvreté et la corruption, cette tentative de s’agripper au pouvoir a soulevé une levée de boucliers, tant de l’opposition que de la société civile, regroupées dans le M 23 (« Mouvement du 23 juin » (2011)). Fin janvier, après la validation par la Cour suprême de la 3ème candidature de Wade, des manifestations réprimées ont provoqué entre 6 et 15 morts, et de nombreux blessés par balles. Le pays paraissait pouvoir sombrer dans le chaos et la tenue même du Congrès s’en est trouvée sérieusement hypothéquée.
Heureusement, à l’issue du premier tour, le 26 février, Abdoulaye Wade, arrivé en tête avec 34,8 % des voix devant son ex-premier ministre (politiquement aussi libéral que lui) Macky Sall (26,6 %) a reconnu les résultats et accepté un 2ème tour, qui s’est tenu le 25 mars, quasiment à la veille du Congrès des Verts mondiaux. Fait exceptionnel, les 12 autres candidats ont appelé à voter pour l’alternance, et leurs photos figuraient toutes sur l’affiche pour le 2ème tour de Macky Sall, qui a logiquement et très largement été élu avec 65,8 %, Wade n’obtenant que 34,2 % et reconnaissant immédiatement sa défaite. C’est donc dans un pays en liesse qu’a finalement pu s’ouvrir le Congrès des Verts mondiaux, alors que le pire paraissait encore possible quelques jours auparavant. Fait rare en Afrique, la démocratie l’a emporté, malgré, hélas, trop de morts et de vicissitudes, grâce au peuple sénégalais qui a démontré l’étendue de sa culture démocratique.
Il va de soi que les préparatifs du Congrès des Verts mondiaux se sont trouvés énormément ralentis et contrariés par cette situation politique préoccupante, ce qui, ajouté à un déficit budgétaire de l’organisation, a amené quelques difficultés : textes et informations parvenant à la dernière minute, absence de documents imprimés, les textes soumis au vote n’étant accessibles que sur Internet, liaisons Internet et par wi-fi difficiles et sujettes à interruption. Pourtant, en dépit de tout cela, le 3ème Congrès des Verts mondiaux s’est révélé être, à l’arrivée, un grand succès, qui restera indissociablement lié à la victoire de la démocratie sénégalaise.
2) FORTE PARTICIPATION AU CONGRES
Malgré les circonstances, plus de 450 participants venus de plus de 70 pays et de tous les continents , c’est-à-dire à peu près le même nombre qu’à Canberra et Sao Paulo, ont pu participer au Congrès dans le cadre privilégié et fonctionnel du centre aéré de la BCEAO : une vaste enceinte abritant une grande salle de conférences, un local technique, deux piscines ombragées de palmiers, un bar, de nombreux bancs, et une dizaine de grandes tentes destinées aux repas et aux ateliers. C’était un lieu propice aux rencontres et en cela fort bien adapté, car, quatre ans après Sao Paulo, il s’agissait pour les Verts du monde entier de se retrouver et de discuter pour trouver les moyens de renforcer leur influence et celle de l’écologie politique dans les politiques nationales et mondiales, face aux grands défis qui menacent l’humanité et la vie sur la planète.
L’importance de l’événement, qui a fortement mobilisé les médias sénégalais, était soulignée par la participation d’écologistes de renom comme Bob Brown, sénateur australien, Claudia Roth, députée et co-présidente des Verts allemands, Cécile Duflot, secrétaire nationale d’EELV, Monica Frassoni, porte-parole du parti Vert européen, Jacqueline Cremers, secrétaire générale du PVE, Isabelle Durant, Catherine Grèze et Jean-Paul Besset, députés européens, de nombreux parlementaires et leaders de partis.
Quant aux deux oratrices qui avaient été les plus applaudies au Congrès fondateur de Canberra de 2001, elles ont été présentes à leur façon : Ingrid Betancourt, enlevée en 2002 par les FARC en tant que candidate du parti Vert colombien à l’élection présidentielle, qui a frôlé la mort et vécu l’enfer de six ans de captivité dans la jungle, avait été élue présidente d’honneur des Verts mondiaux par le Congrès de Sao Paulo en 2008. A défaut de pouvoir être à Dakar du fait d’une tournée de conférences aux Etats-Unis, elle a tenu à adresser en direct au téléphone depuis New-York, lors de la plénière principale, un émouvant message de gratitude et de solidarité aux Verts mondiaux, insistant sur la nécessité de la démocratie et de la justice sociale pour la paix, sur la nécessité de la libération de tous les otages et de tous les prisonniers d’opinion, et terminant par un vibrant « Je vous aime tous ». Ce à quoi Claudia Roth, qui présidait la plénière répondit « nous aussi, nous t’aimons tous, et moi tout particulièrement ! ». Ce fut un grand moment d’émotion partagée. Quant à l’inoubliable Wangari Maathai, décédée en septembre 2011 après avoir apporté toute sa générosité, toute son énergie et tout son prestige à l’éclosion des Verts mondiaux, elle était malheureusement la grande absente, mais le Congrès lui a rendu hommage et Bob Brown, dans son discours final, a su trouver les mots justes ; «je repense à elle, et son esprit est ici avec nous ».
Deux personnalités politiques sénégalaises ont également honoré la cérémonie d’ouverture de leur présence : le maire socialiste de Dakar, Khalifa Abubacar Sall, et le candidat socialiste à l’élection présidentielle, Ousmane Tanor Dieng, que les Verts sénégalais avaient soutenu. Arrivé 4ème avec 11,3 % des voix il avait, comme les 11 autres candidats du 1er tour, appelé à voter pour Macky Sall au second tour.
Certains pays ont envoyé de fortes représentations : il y avait par exemple une quinzaine d’Australiens, une vingtaine de Suédois, 5 vénézuéliens, 5 malgaches, mais la plupart des délégations comportaient 1, 2 ou 3 personnes, chaque pays ayant droit à 3 droits de vote devant normalement être dévolus à un homme, une femme et un(e) jeune. Fait notable, les Verts mexicains, qui disposent depuis 15 ans grâce à un système électoral et de financement avantageux, de nombreux élus et de subsides importantes, et qui avaient envoyé à Canberra et à Sao Paulo des délégations d’une vingtaine de personnes, étaient quasiment absents à Dakar : un profil bas qui s’explique par la vive condamnation qu’ils ont encourue de tous les Verts mondiaux pour leur campagne en faveur du rétablissement de la peine de mort, en contravention avec l’article 6.10 de la Charte des Verts mondiaux qui stipule que « Les Verts exigent que la peine de mort soit abolie partout dans le monde ». Egalement écartés de la direction de la Fédération des Verts des Amériques, les Verts Mexicains expliquent aujourd’hui qu’ils ont une nouvelle direction, qu’ils ont cessé de demander le rétablissement de la peine de mort pour demander une prison a perpétuité réelle, ils n’en demeure pas moins que ce parti souvent critiqué pour ses pratiques internes peu démocratiques et ses pratiques externes proches du clientélisme doit sérieusement se réformer pour sortir de la quarantaine à laquelle il s’est condamné.
La participation a bien sûr subi des aléas : la délégation malienne est arrivée avec retard du fait de la fermeture des frontières du Mali et a dû repartir repartir en avance. Les 3 Verts colombiens attendus n’ont finalement pu venir car s’ils avaient bien le visa sénégalais, ils n’avaient pas le visa Schengen nécessaire pour transiter par Madrid ! Mais en tout état de cause, le défilé des représentants des quelque 70 partis présents, le vendredi matin, a représenté comme lors des précédents Congrès un grand moment d’émotion et de convivialité, chacun mesurant l’accroissement de sa propre force du fait de la multiplication de ses partenaires de réflexion et d’action.
3) LA DÉLÉGATION D’EELV
La délégation d’EELV a été l’une des plus nombreuses : elle était conduite par Cécile Duflot, Secrétaire nationale, et Catherine Grèze députée européenne qui fut longtemps membre de la Coordination des Verts mondiaux. Elle incluait les trois délégués officiels, Jean-Philippe Magnen (délégué à l’International), Gwendoline Delbos-Corfield (déléguée à l’Europe) et Fanny Dubot (Jeunes écologistes), ainsi que : Jean-Paul Besset (député européen), Jean Desessard (sénateur), Jérôme Gleizes (membre du Bureau Exécutif), Julien Zloch (directeur du siège), Benjamin Joyeux (animateur de la Commission transnatnationale), Constantin Fedorovsky (assistant aux relations internationales), Benjamin Bibas (animateur du groupe Afrique de la Commission transnationale), Zine-Eddine Mjati (candidat EELV aux législatives sur la 9ème circonscription des Français de l’étranger (Afrique du Nord et de l’Ouest), Wandrille Jumeaux et Marie Toussaint (Jeunes Ecologistes), Fanny Thibert, Alice Normand, Catherine Dejour, Céline Giraudeau et Nicolas Jouve (assistants parlementaires), Sylvain Garel (conseiller de Paris), Christine Rebreyend-Surdon (Rhône-Alpes), Christophe Tardy (porte parole du groupe local de Montpellier) et Frédéric Maintenant (coopérateur). Il faut y ajouter Jérôme Gérard et Nicolas Drunet, membres d’EELV résidant à Dakar, qui ont été d’une aide précieuse à toute la délégation par leur connaissance des réalités sénégalaises, maliennes, régionales et africaines. Ils ont grandement facilité le travail de la délégation et ont permis à Zine-Eddine Mjati de mener une campagne efficace auprès de la communauté française de Dakar.
Dans le cadre du Congrès, la délégation française a déposé deux résolutions, l’une des principales du Congrès, sur la biodiversité, rédigée par Jean-Paul Besset, et une sur la politique des migrations, rédigée par Benjamin Joyeux. Elles ont toutes deux été adoptées. Indépendamment du suivi des travaux du Congrès, où Cécile Duflot est intervenue lors de la plénière principale du vendredi sur « les Verts et la politique » et où Catherine Grèze est intervenue lors de la plénière du samedi sur le rôle des femmes en politique, la délégation a rencontré le samedi matin le groupe de sympathisants de gauche français résidant à Dakar formé par Jérôme Gérard pour appuyer la campagne d’Eva Joly à la présidentielle et celle de Zine-Eddine Mjati sur la 9ème circonscription des Français de l’étranger. Cécile Duflot, Catherine Grèze, Jean-Philippe Magnen et Gwendoline Delbos-Corfield ont été reçus par Haidar El Ali à l’Océanium, puis par le maire de Dakar en compagnie de Monica Frassoni et d’Isabelle Durant.
Le samedi, en début d’après-midi, Cécile Duflot, Catherine Grèze et Haidar El Ali ont tenu sur le lieu du Congrès une conférence de presse commune qui a bien été couverte, sur la nécessité d’une nouvelle politique de coopération solidaire entre la France, l’Europe et l’Afrique en faveur du développement durable, en insistant sur le rôle néfaste des accords de pêche avec l’UE qui ont conduit à la raréfaction des ressources halieutiques du Sénégal et de la Mauritanie (entre autres), et sur la nécessité de rompre avec les pratiques de la Françafrique. Haidar El Ali et Cécile Duflot ont insisté sur le fait que les questions écologiques sont des questions d’extrême urgence qui ne peuvent être résolues que grâce une politique mondiale. «La question du climat, du partage des richesses, la biodiversité, la dette écologique sont des enjeux prioritaires et mondiaux qui devront être sur les agendas des politiques dans les mois qui viennent » a souligné Cécile Duflot. Après l’élection présidentielle dans les 2 pays, les législatives auront lieu au Sénégal le 1er juillet, peu après celles de France. L’occasion pour EELV d’accroître le nombre de ses députés et son influence. L’occasion aussi pour la FEDES, qui ne compte pour l’heure qu’une centaine de conseillers municipaux mais n’a jamais encore participé aux législatives (l’opposition avait boycotté celles de 2007) d’essayer d’obtenir 2 ou 3 députés au sein de la coalition victorieuse de Macky Sall, qui affrontera unie celle de l’ex-président Wade, revanchard.
4) HAIDAR EL ALI DEVIENT MINISTRE DE L’ENVIRONNEMENT DU SENEGAL
Pendant tout le Congrès, Haidar El Ali a été au centre de toutes les attentions, notamment médiatiques, car il était pressenti pour être nommé ministre de l’environnement par le nouveau président Macky Sall, ce qui ne l’a nullement empêché de participer activement aux travaux du Congrès. Leader des Verts du Sénégal, membre actif de la coalition anti-Wade, Haidar El Ali, d’origine libanaise, jouit d’une immense popularité au Sénégal, d’abord en raison de ses films sur la destruction du milieu marin (qui lui ont valu le surnom de « Cousteau sénégalais ») qu’il projette depuis des décennies jusque dans les moindres villages du Sénégal (quand ils ne passent pas à la télévision), ensuite en raison de sa vaine mais courageuse tentative, en 2002, de sauver avec les bateaux du centre marin l’ « Océanium », qu’il dirige à Dakar, les victimes du naufrage du Joola, qui a fait près de 2000 morts et demeure un traumatisme pour le peuple sénégalais. Homme d’action s’il en est, Haidar allie engagement dans l’écologie politique et actions de terrain (il a par exemple fait replanter depuis 2006, avec les communautés de plus de 400 villages, plus de 100 millions (cent millions !) de pieds de palétuviers pour endiguer l ’érosion marine et protéger la biodiversité). Trois jours après la fin du Congrès, Haidar a effectivement été nommé Ministre de l’environnement et il est certain que la bonne tenue du Congrès, sa démonstration de l’ampleur planétaire de l’écologie politique, ont facilité la décision du nouveau président. L’un des objectifs du Congrès de Dakar, à savoir le renforcement des Verts d’Afrique, a donc rapidement et partiellement été atteint : rappelons en effet que jusqu’ici seuls quatre Verts africains avaient déjà été ministres : Ram Ouedraogo, ministre d’Etat en charge de la réconciliation nationale au Burkina-Faso de 1999 à 2002, Sylvio Michel, ministre de la pêche à l’île Maurice de 2001 à 2004, et les regrettés Bubacar Djalo, ministre du commerce en Guinée-Bissau de 2000 à 2002, et Wangari Maathai, secrétaire d’Etat à l’environnement du Kenya, de 2003 à 2005.
5) LES PRINCIPAUX ENJEUX DU CONGRES
Les cinq thèmes principaux du Congrès, discutés en plénières et qui ont donné lieu au vote de résolutions, correspondaient aux grands défis de l’heure, planétaires et africains :
• le changement climatique et l’énergie, à la veille du Sommet Rio + 20 (juin 2012)
• la protection de la biodiversité et des milieux marins
• la démocratie et les droits de l’Homme, particulièrement en Afrique, un an après le printemps des peuples arabes
• la promotion d’un « Global Green New Deal » et d’une économie verte, créatrice d’emplois verts
• le renforcement de la structure des Verts mondiaux pour leur permettre de mieux agir ensemble.
En plus de ces 5 thèmes majeurs, qui ont fait l’objet de discussions approfondies et d’amendements aux résolutions finalement votées, le Congrès a validé la réactualisation de la partie « action politique » de la Charte des Verts mondiaux, dont quelques parties étaient devenues obsolètes 11 ans après Canberra, alors qu’il n’a pas été été touché à sa première partie, intitulée « principes ». Désormais, la condamnation des crimes de guerre et des violences sexuelles y est par exemple explicitement mentionnée.
La plénière principale, intitulée « Les Verts et la politique » a réuni à la tribune Claudia Roth, Cécile Duflot, Bob Brown, Dorothy Tekwié, présidente du nouveau parti Vert de Papouasie-Nouvelle Guinée, et le chilien Pablo Peñalosa (avec l’intervention téléphonique d’Ingrid Betancourt). Cette plénière a porté sur la nécessité de développer et structurer davantage les Verts mondiaux pour permettre une meilleure prise en compte de leurs propositions, tant au niveau des populations que des décideurs, étant donné l’urgence, particulièrement à la veille de « Rio + 20 » de résoudre les crises environnementales, sociales, économiques et financières qui dévastent la planète et réduisent le niveau de vie de la majorité des populations, alors qu’explosent les inégalités, et qu’une minorité de milliardaires place ses biens outranciers dans des paradis fiscaux peu et mal combattus.
En dehors des plénières, transmises en direct par « webstreaming », le Congrès a donné lieu à des dizaines d’ateliers sur des thèmes spécifiques comme, par exemple, la création d’un réseau de parlementaires Verts, la création d’un réseau des Verts francophones (réactivation d’une proposition des Verts français à Sao Paulo), les Verts et Rio + 20, le nucléaire, les forêts, la biodiversité et le climat, les systèmes électoraux, le combat contre la corruption, les méthodes de campagne, etc.
Le moment le plus important, à l’issue de ces travaux et discussions, a bien sûr été le vote , le dimanche matin, des principales résolutions et des amendements proposés : elles furent adoptées facilement, le plus souvent à l’unanimité. De même pour les dizaines de résolutions plus spécifiques présentées par les différents partis, beaucoup plus nombreuses qu’à Canberra et Sao-Paulo. A l’instar de celle d’EELV sur les migrations, elles furent également votées sans grandes difficultés, notamment des résolutions défendant les droits de l’Homme. Un atelier sur la catastrophe de Bhopal, en Inde en 1984, a donné lieu à une résolution adoptée à l’unanimité demandant à Dow Chemical la pleine et entière réparation des dommages. Des résolutions de solidarité avec les peuple Syrien et Tibétain, demandant le respect des droits de l’Homme ont également été votées.
De toutes les résolutions, la plus importante est sans conteste celle sur le Futur des Verts mondiaux, qui après relecture à la tribune a été adoptée à l’unanimité et dans l’enthousiasme. A la fois politique et technique, elle rappelle que la Charte expose les valeurs de sagesse écologique, de justice sociale, de démocratie participative, de non-violence, de développement durable et de respect des diversités qui unissent les Verts mondiaux. Elle rappelle que nous voulons que le 21ème siècle soit Vert, ce qui implique notamment une réforme du modèle économique dominant, le combat contre le changement climatique, la fin de la malnutrition, la promotion de la démocratie, le travail pour la paix, la protection de la diversité
La résolution constate que de toutes les internationales politiques, celle des Verts est celle qui croît le plus vite et dispose pourtant du moins de moyens : un salarié à temps partiel (l’Australien James Tonson). Pour l’heure les Fédérations continentales sont chargées de collecter les frais d’adhésion aux Global Greens qui ont été établis en 2011 selon 3 catégories : 500 Euros pour les grands partis ; 200 Euros pour les partis de taille moyenne ; 20 Euros pour les petits partis. L’objectif est d’arriver à 1 % du revenu annuel des partis et de leurs élus rétribués et de développer la collecte de fonds, tout en donnant une forme juridique aux Verts mondiaux, de sorte à pouvoir rétribuer un salarié à plein temps dès 2013, et plus dès que possible. L’objectif est aussi que chaque Fédération continentale puisse rétribuer dès que possible un salarié affecté au bon fonctionnement des Verts mondiaux. Une enquête a montré que 100 % des partis et mouvements politiques membres des Global Greens souhaitent la poursuite et le renforcement de ce réseau de partenariat, avec comme priorité l’aide au développement des partis émergents, de plus en plus nombreux. C’est d’autant plus nécessaire que dans la plupart des pays, les Verts, en tant que mouvement politique relativement jeune, ont des difficultés à accéder à la représentation parlementaire, notamment du fait de systèmes électoraux et médiatiques hostiles. Elle rappelle que les Congrès des Verts mondiaux, leur instance décisionnelle, sont, quoique chers, indispensables et qu’il doivent être organisés tous les 3 à 5 ans à chaque fois sur un continent différent, le prochain étant fixé à fin 2016/début 2017 en Europe.
La résolution propose aussi la création d’un poste de Coordinateur, membre de la Coordination des Verts mondiaux, chargé de coordonner le travail de celle-ci, du secrétariat, et d’une nouvelle instance, l’Exécutif des Verts mondiaux, composé de 4 à 7 personnes dont au moins une par continent, dont la majorité doit être membre de la Coordination, et qui sera chargée du travail administratif et opérationnel quotidien. La Coordination pouvant se consacrer à un travail plus politique de prises de position des Verts mondiaux, avec au moins 4 réunions téléphoniques par an et si possible une réunion physique. La résolution stipule enfin que chaque parti ou mouvement politique (et non plus pays) membre d’une fédération continentale possède 3 droits de vote au Congrès (une femme, un homme, un-e jeune) et qu’il convient que chaque Fédération ait des règles claires concernant les demandes d’adhésion, qui soient doublées d’une évaluation approfondie des partis et mouvements membres. Ces précautions étant nécessaires pour éviter l’entrisme de faux partis Verts, parfois inféodés à des régimes non recommandables, et pour dynamiser des partis ou mouvements politiques déjà membres d’une Fédération, mais n’ayant pas ou peu d’activité réelle, notamment électorale.
6) RENCONTRES ANNEXES AU CONGRES
Comme précédemment à Canberra et à Sao-Paulo, le Congrès de Dakar a donné lieu, en prélude, les deux jours précédents, à une série de rencontres permises par la présence exceptionnelle de tous les intéressés au même endroit :
• Rencontre des Jeunes Verts mondiaux (GYG : Global Young Greens). Il a été fondé en 2007 à Nairobi et a tenu une seconde grande réunion à Berlin en 2010. A Dakar, il y au environ 70 participants de 40 pays et tous les continents. Wandrille Jumeaux et Fanny Dubot ont représenté les Jeunes écologistes. Echanges de pratiques, éclaircissements thématiques, l’informel tient une grande place dans ces rencontres très fraternelles même si des différences culturelles existent évidemment : c’est l’occasion pour chaque délégué d’apprendre sur le fonctionnement des organisations de jeunesse des autres pays. Un nouveau bureau a été élu.
• Deuxième Congrès de la Fédération des partis Verts d’Afrique (après le Congrès fondateur de Kampala en 2010). Son président est Frank Habineza (Rwanda) et son secrétaire général Papa Meissa Dieng, également n° 2 de la FEDES et grand organisateur du Congrès sur place à Dakar. 2 nouveaux partis membres ont été admis : le nouveau parti Vert togolais présidé par Nissao Napo (Afrique Togo Ecologie (ATE)) et le Parti Ecologiste du Mozambique présidé par Joao Massango. Les candidatures des partis Verts de Sierra Leone et du parti Vert du Gabon ont été remises à plus tard, faute de suffisamment d’information. Un Comité d’éthique a été mis en place, avec 6 représentants élus. Un débat a porté sur le bien-fondé ou non de l’existence de deux partis membres d’un seul pays (cas, actuellement, du Burkina-Faso). Fatima Alaoui (Maroc), dont le parti est membre de la Fédération, est contre l’admission d’un 2ème parti, par exemple celui de la Gauche Verte marocaine (dont 2 représentants étaient présents à Dakar), qu’elle accuse d’opportunisme. Haidar El Ali a répondu avec la question suivante : « si un parti membre n’est pas actif et qu’un parti, plus dynamique et sincèrement écologiste se manifeste, pourquoi faudrait-il lui fermer la porte ?».
• rencontre de la Fédération des Verts des Amériques : la plupart des partis membres étaient présents : Canada, Etats-Unis, Guatemala, Venezuela, Brésil, Bolivie, Chili. Il y a eu la candidature d’un second parti péruvien, de tendance « deep ecology ». Un nouveau parti Vert aurait été créé au Costa-Rica. Une nouvelle direction de la Fédération a été élue en décembre 2011 lors de la rencontre de la Fédération à Natal (Brésil) . Elle est composée de Margot Soria (Bolivie), Manuel Diaz ‘Venezuela) et Carlos Ramon Gonzalez Merchan (Colombie) qui sont aussi les nouveaux représentants à la Coordination des Verts mondiaux. Il n’y a plus de Mexicains dans l’exécutif donc, et n’y en avait pas plus à Dakar.
• Rencontre du Réseau des Verts Asie-Pacifique (AGPN) : 2 nouveaux partis ont été admis comme membres à part entière (il existe aussi les statuts d’observateur, d’associé et d’»ami » : celui de Hong Kong et un 2ème parti mongol nouvellement créé, dissidence du premier parti membre depuis l’origine, au grand émoi de ce dernier, qui accuse la dissidence de liens avec AREVA ! A suivre de près.
• Forum « Rio + 20 » organisé par la fondation allemande Heinrich Böll : un riche débat avec des intervenants de qualité (Per Gahrton (Suède), Marco Antonio Mroz (Brésil)… Les thèmes traités ont été: « qu’est-ce qui a été atteint (ou pas) depuis 20 ans ? » ; « Quels grands changements sont-ils nécessaires pour que les êtres humains puissent vivre en sécurité et justement sur la planète, avec des niveaux sociaux et et écologiques acceptables ? ; « quels étapes pratiquement pour obtenir ces changements ? « Comment le sommet Rio + 20 peut-il être utile dans ce contexte ? ».
7) PETIT RAPPEL HISTORIQUE
Pour mesurer le succès qu’a représenté le Congrès de Dakar, et le travail qui reste à accomplir, il convient d’effectuer un rapide retour en arrière et de mesurer les étapes franchies progressivement par les Verts mondiaux.
• Il y a 40 ans, en 1972, naissaient les premiers partis Verts, en Nouvelle-Zélande et en Tasmanie. Ils étaient suivis pendant les 2 décennies suivantes de nombreux autres, essentiellement en Europe occidentale, mais aussi au Brésil, aux Etats-Unis, puis (à la chute du rideau de fer), en Europe de l’Est et dès le début des années 1990 dans un nombre toujours croissant de pays d’Afrique, d’Amérique latine, d’Asie et d’Océanie. La Coordination des Verts Européens, créée en 1984, s’est transformée en Fédération en 1993 puis en Parti Vert européen en 2004. La Coordination des Verts d’Afrique a vu le jour en 1994, s’est transformée en Fédération dès 1998 mais a cessé toute activité en 2002 avant de renaître en 2010 à Kampala. La Fédération des Verts des Amériques a été créée en 1997 et n’a cessé de s’élargir depuis, de l’Alaska à la Terre de Feu, atteignant des scores parfois tr§s importants (Canada, Etats-Unis, Mexique, Colombie, Brésil). Les Verts mondiaux recensaient à la veille du Congrès de Dakar environ 88 partis Verts dans 82 pays, environ 296 député et, sénateurs dont 229 dans 17 pays d’Europe, 46 au Parlement Européen et 67 autres dont 10 en Australie, 14 en Nouvelle Zélande, 14 au Brésil, 1 au Canada, 8 en Colombie 22 au Mexique et quelques rares en Afrique.
Une première rencontre planétaire des partis Verts avait eu lieu à Rio dès 1992, en marge du «Sommet de la Terre» des chefs d’Etat et de gouvernement, regroupant déjà trente partis de tous les continents. Elle avait jeté les premiers jalons d’une organisation mondiale des Verts, mais faute de moyens et de volonté politique suffisants à l’époque, le projet s’était enlisé. En 1999, la « conférence du millénaire » organisée par les Verts mexicains avait réuni à Oaxaca 150 Verts de 24 pays, en prélude au Congrès de Canberra.
En 2001, à l’initiative des Verts australiens, Canberra a donné lieu au Congrès fondateur des Verts mondiaux qui se sont dotés d’une Charte (discutée en amont depuis 2 ans) affirmant leurs valeurs, leurs principes et leur programme d’action politique, et d’un embryon d’organisation avec la Coordination des Verts mondiaux (3 personnes par fédération continentale).
En 2008, lors de leur 2ème Congrès à Sao Paulo, les Verts mondiaux ont précisé dans des déclarations (notamment celle intitulée « 21 objectifs pour le 21 ème siècle) leurs objectifs et leur programme d’action et décidaient pour gagner en efficience de financer un mini-secrétariat (un salarié à temps partiel, basé en Australie, pour assister le travail de la Coordination, faire circuler l’information et faire partager les expériences).
Depuis une dizaine d’années, les partis Verts progressent des façon générale et ont de plus en plus d’élus locaux, régionaux, nationaux et au Parlement européen. Ils progressent parfois spectaculairement ici ou là, notamment avec les élections au Parlement dès le premier tour en 2010/2011 d’une Anglaise (Caroline Lucas, d’une Canadienne (Elizabeth May) et d’un Australien (Adam Bandt), mais ils demeurent une force politique jeune et minoritaire même là où ils sont les mieux installés, et un grand nombre de partis Verts n’ont qu’une présence symbolique, n’obtenant lorsqu’ils se présentent aux élections (ce qui n’est pas toujours le cas) que des scores insignifiants. Le phénomène existe sur tous les continents : même en Europe où les Verts allemands volent de succès en succès aux élections régionales et où Europe-Ecologie-Les Verts a atteints des scores historiques aux européennes (16,2 %) et régionales, l’élection du Parlement européen de 2009 a confirmé un fossé entre un peloton de pays de culture germanique ou nordique aux résultats impressionnants (Luxembourg : 16,82 %, Danemark, 15,9 %, Belgique, 16,56 %, Finlande 12,4 %, Allemagne 12,1 %, Suède 11,02 %, Autriche 9,7 %, Pays Bas 9,06 %, Angleterre 8,6 %) et le groupe des pays de l’Est et du Sud (Grèce 3,49 %, Italie 3,12 %, Malte 2,34 %, Chypre 1,5 %, Estonie 2,73 %, Hongrie 2,6 % Pologne 2,43 %, Slovaquie 2,11 % République Tchèque 2,06 %, Slovénie 1,9 %). Même décalage dans les Amériques avec les scores record des candidats Verts à la présidentielle en 2010 en Colombie (Antanas Mockus, 21,51 % au premier tour et 27,47 % au second tour) et au Brésil (Marina Silva, 19,33 % au premier tour). Ces deux partis ont respectivement 8 et 15 parlementaires nationaux, mais restent des « géants aux pieds d’argile » puisqu’aussi bien Antanas Mockus et Marina Silva les ont rapidement quittés pour des désaccords internes. Mais à l’inverse, beaucoup de partis ne participent guère aux élections (Guatemala, Nicaragua, Venezuela, Bolivie…). Même phénomène dans le réseau d’Asie-Pacifique où les géants Australiens (10 élus en 2011) et Néo-Zélandais (14 sièges en 2011) apparaissent bien isolés…
De plus, certains partis Verts ont vu ces dernières années leurs scores érodés par de nouveaux arrivants sur la scène politique : en Allemagne, le parti libertaire des «Pirates», concurrence les Verts sur leur «gauche» notamment sur les questions sociétales. En Suisse, le parti des «Verts libéraux» les concurrence sur leur droite sur les questions économiques. L’articulation et la complémentarité du rôle des Verts avec des mouvements non-partidaires comme le Forum Social Mondial ou le Mouvement des Indignés a également été discutée à Dakar, donnant lieu à une résolution.
8- CONCLUSION : LE CONGRES DE DAKAR, UN GRAND SUCCES
C’est dans ce contexte général qu’est intervenu le Congrès de Dakar. Sa tenue même a été, vu la difficulté du contexte, un succès. En tant qu’acteurs politiques relativement nouveaux, concurrents des partis traditionnels, les Verts se heurtent à de nombreux obstacles et à de fortes inerties. Leurs gains de crédibilité ne se traduisent pas nécessairement dans les urnes, du fait de systèmes électoraux et médiatiques souvent hostiles, du fait aussi de la prévalence des problèmes économiques sur les problèmes environnementaux auxquels l’image des Verts demeure trop exclusivement associée. Là où aurait pu apparaître une forme de découragement, le Congrès de Dakar a au contraire été marqué par la confirmation du fort sentiment, réaffirmé par les 70 délégations présentes, d’appartenance à une famille politique nouvelle, aux positions originales et novatrices, qui éprouve le besoin de gagner en influence sur les politiques publiques en propageant et en mettant en oeuvre ses valeurs, ses analyses ses propositions. Cette famille écologiste de plus en plus nombreuse défend le développement soutenable, elle est et se sent distincte de l’offre productiviste des partis conservateurs, démocrates-chrétiens, sociaux-démocrates ou d’extrême gauche, elle a son paradigme propre. Son but n’est plus seulement d’ « agir localement, penser globalement », mais aussi d’ « agir localement, penser et agir globalement ». Les Verts mondiaux poursuivent donc leur chemin, car comme le disait à Canberra Wangari Maathai : « on éprouve comme le sentiment de vouloir abandonner, mais nous, les Verts, avons une capacité qui nous aide : nous avons la foi, nous avons la confiance, nous avons la persistance. Nous n’abandonnons jamais ». Revenaient en écho les propos plus positifs encore d’Ingrid Betancourt à Canberra : « ne cédons pas à notre propre scepticisme, regardons ce que nous pouvons faire plutôt que ce que nous ne pouvons pas, nous devons viser le pouvoir et ne pas nous contenter d’être une force d’appoint, car l’avenir sera Vert ou ne sera pas ». C’est cette volonté là qui a été réaffirmée à Dakar.
Le succès du Congrès de Dakar s’est ainsi traduit dans la résolution votée dans l’enthousiasme et à l’unanimité de poursuivre la construction de la structure des Verts mondiaux en y consacrant les efforts nécessaires, car s’il ne s’agit que d’un outil au service des idées, il est absolument nécessaire à leur diffusion. Mais, au delà de cette volonté forte, ce qui a fait le succès, une nouvelle fois, du Congrès des Verts mondiaux, c’est qu’il s’agit d’un extraordinaire lieu de brassage où les Verts de tous les continents peuvent faire connaissance, discuter pour finalement mieux se comprendre, renforcer leur unité dans leur diversité, et éprouver le sentiment d’appartenir vraiment à une force collective. Rien ne remplace le contact humain, quand le Mongol parle avec la Guatémaltèque, l’Australie avec la Malgache, la Bolivienne avec l’Ukrainien, la Papouasienne avec le Suédois A cet égard, tout comme le Congrès de Sao-Paulo qui intervenait après Canberra, le Congrès de Dakar a été un formidable facteur d’optimisme et de redynamisation.
NB : l’ensemble des textes et des résolutions votés, le programme général, celui des ateliers et des réunions annexes, la liste des intervenants, et toutes autres informations complémentaires sont accessibles sur le site des Verts mondiaux : http://www.globalgreens.org Ce site sera progressivement complété et miss à jour avec notamment des vidéos filmées lors du Congrès.
Jean-Philippe Magnen
Délégué à l’International
Constantin Fedorovsky
assistant aux relations internationales