Participation d’Eva Joly au colloque de l’IRIS « Afghanistan, 10 ans de conflit », le 11 mai 2011
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  Le 11 mai dernier, Eva Joly, candidate d’Europe Ecologie Les Verts à l’élection présidentielle de 2012, a participé au colloque annuel de l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS, dirigé par Pascal Boniface) consacré cette année à l’Afghanistan. Elle est intervenue, aux côtés de Laurent Fabius pour le Parti Socialiste et de Jean-François Copé pour l’UMP, lors de la table ronde de clôture de la journée intitulée « les débats sur le conflit Afghan en France ». Pascal Boniface était en charge de la modération.

Le directeur de l’IRIS a introduit le débat en rappelant la nécessité de débattre de la question afghane et de l’implication de la France là-bas avec les acteurs politiques qui préparent les échéances électorales de 2012.

Eva a d’emblée rappelé qu’il n’y avait pas dans le monde aujourd’hui d’endroits plus dangereux que l’Afghanistan, entouré d’Etats qui ont la bombe atomique. Indiquant quelques chiffres (135 000 hommes dans les forces étrangères dont 30 000 européens, 8 milliards d’euros d’ores et déjà dépensés), elle a souligné qu’il n’y avait guère de débat au sein des institutions européennes sur la participation de plusieurs états membres au conflit afghan. Catherine Ashton (haute représentante de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité depuis le 1er décembre 2009) n’a par exemple aucune position politique sur la question.

« L’Europe est un géant financier économique et un nain politique ! » a ainsi réagit Eva Joly.

La candidate d’EELV a ensuite rappelé que l’Afghanistan possède un budget annuel de 6,4 milliards de dollars/an financé à 80% par la communauté internationale. Il n’y a que 8% de ce budget qui est financé par l’impôt. La majeure partie de l’économie afg

hane réside donc dans le commerce illicite des drogues. Et des membres de la famille de l’actuel président afghan Hamid Karzai sont largement impliqués dans le trafic de drogues.

Pourtant l’Afghanistan a des ressources propres : il faut lui permettre de garder une plus grande part de ses ressources, d’après Eva Joly. Une partie de l’aide française et occidentale doit ainsi être concentrée sur l’aide à la négociation sur les ressources.

Quant aux Talibans, s’ils ont été chassés de Kaboul, chaque année ils se replient au Pakistan et chaque printemps ils reviennent. Donc pour le moment ce conflit est un échec pour les forces occidentales. Eva Joly a cité le Général français Vincent Desportes, ancien directeur du collège interarmées de Défense, limogé de ces fonctions pour s’être montré très critique vis-à-vis de l’engagement français en Afghanistan : « c’est une guerre ingagnable mais pas encore perdue ! ».

« Cette guerre coûte à la France 470 millions par an, bien plus cher que le non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant en retraite » a ensuite ironisé Eva Joly.

Le retrait des troupes françaises d’Afghanistan est nécessaire et doit être immédiat, mais pas n’importe comment. Il faut s’assurer de la stabilité de toute la région. Eva Joly a ainsi proposé une grande conférence avec tous les acteurs de la région pour aboutir à des accords de négociation.

La candidate d’EELV a fini son intervention en mentionnant la situation des femmes afghanes, dont les dix années de présence des troupes occidentales n’ont guère amélioré leur sort. La mortalité et l’espérance de vie des femmes afghanes sont catastrophiques. 57% des femmes sont mariés avant 16 ans. L’argent du développement de l’Union européenne est donc très important dans les années à venir sur cette question.

Comparée aux propos d’Eva Joly, l’intervention de Laurent Fabius était assez évasive, restant sur les grands principes comme le retrait immédiat des troupes françaises et la nécessité d’un vrai débat à l’Assemblée nationale pour que le Parlement puisse faire valoir plus fortement son point de vue dans les années à venir sur les interventions extérieures françaises. Il était toutefois nettement plus en phase avec les propos d’Eva Joly qu’avec ceux de Jean-François Copé.

Celui-ci a rappelé que la décision d’engagement des troupes françaises avait été prise sous le gouvernement de Lionel Jospin en 2001, décision prise droite et gauche ensemble donc. L’intervention en Afghanistan avait pour but de « protéger les citoyens français, car c’était une base arrière majeure pour le terrorisme international ». Pour le dirigeant de l’UMP, l’Afghanistan progresse, et si la France se retire d’Afghanistan, elle n’aurait ainsi « plus de légitimité à siéger au conseil de sécurité de l’ONU » ( !?) Jean-François Copé a conclu ses propos en soulignant qu’il y avait de grandes différences d’approches sur la question afghane entre Laurent Fabius et Eva Joly, et donc qu’il serait difficile de proposer aux Français un projet commun en 2012. Mais son ironie n’a pas fait mouche, tout de suite contredit par Laurent Fabius soulignant être en phase avec la quasi totalité des propos de la candidate d’EELV à la Présidentielle de 2012.

Bref, sur une question aussi complexe et fondamentale que l’engagement des troupes françaises en Afghanistan, Eva Joly s’est montrée précise tant sur le constat sur place que dans les propositions politiques à porter, face à deux poids lourds de la vie politique française plus prompts aux joutes verbales politiciennes qu’à une réflexion de fond sur la question afghane. Reste qu’un retrait immédiat des troupes françaises d’Afghanistan en misant sur le développement et une meilleure gestion des fonds internationaux, comme l’ont proposé Laurent Fabius et Eva Joly, n’a rien à voir avec la position du dirigeant de l’UMP étant pour un maintien des troupes, au moins sur le court terme, et une continuation de la politique française actuelle en Afghanistan.

B J