Eléments de réflexions pour notre Stratégie internationale
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Par Jean-Philippe Magnen, nouveau responsable de l’international au Bureau exécutif d’Europe Ecologie Les Verts

 

LE PROJET

 

Affirmer les dimensions internationales du projet écologiste

 

Parce que l’écologie politique porte un projet global de société qui dépasse largement les enjeux environnementaux, il est essentiel d’affirmer en matière internationale et diplomatique, comme dans toutes les facettes du débat et de l’action publique, notre voix, nos conceptions, nos stratégies et nos objectifs. Les affaires internationales ne doivent plus nous être étrangères…

 

Nous sommes de plus à la fois les porteurs de combats et de valeurs – coopération, solidarité, lutte contre les formes de discriminations, anti-autoritarisme, altermondialisme, construction européenne… – et évidemment les promoteurs de l’urgence environnementale dont l’échelle pertinente est planétaire… ce qui nous « oblige » à déployer au sein de notre projet toutes les dimensions internationales.

 

Il nous faut ainsi dépasser (mais assumer) notre tradition d’animateurs de combats locaux, notre fibre de militants de terrain et notre (courte) histoire de mouvement politique éclaté dans les pays et sur les continents, afin de passer un nouveau cap et affirmer enfin un projet d’écologie politique à l’envergure vraiment internationale.

 

L’ACTION

 

Proposer, structurer, inventer et pas seulement réagir

 

Aujourd’hui, trop souvent notre parole dans les débats et notre action sur la scène internationale se limitent à la réaction aux crises sociales et politiques ainsi qu’aux catastrophes naturelles ou humanitaires, ou encore à l’accompagnement des luttes et résistances menées par les mouvements environnementaux ou sociaux. Nous nous devons désormais de porter également de grandes réformes au niveau international, et de participer de plain-pied à l’émergence et à la construction de nouveaux modèles de gouvernance mondiale.

 

De la même façon que nous imposons le thème de la transformation écologique et sociale sur la scène politique française, il nous faut porter le fer de l’impératif écologique dans la structuration de la politique internationale, dans le dialogue diplomatique, dans les échanges entre États, dans l’activité des organismes internationaux, dans la redéfinition des schémas économiques toujours plus mondialisés…

 

Si notre réactivité à l’actualité internationale reste nécessaire, l’écologie politique doit se donner les moyens de créer le débat et pas seulement de l’alimenter, même utilement. Nous devons désormais préempter des thématiques et des combats qui se jouent à l’échelle internationale, animer des clusters de compétences et d’expertises capables de les explorer et de les défendre, et enfin identifier et structurer des réseaux qui alimenteront nos réflexions et feront rayonner nos engagements.

Pour aller plus loin, il nous faut même oser concentrer notre travail sur des thèmes et des problématiques qui nous seront ensuite clairement et durablement associés. Ces engagements spécifiquement écologistes et évidemment internationaux renforceront notre légitimité, et le crédit que nous apportent nos concitoyens. Les thèmes de l’eau et de la paix (au sens de la résolution des conflits, « nous sommes des gens de paix mais pas des pacifistes ») sont sans doute les premières pistes à explorer. Nous y aborderions différentes échelles géographiques, entre Afrique et Méditerranée par exemple, mais aussi des réalités humaines, politiques, économiques, sociales et environnementales détonantes. Il nous revient ainsi de porter sur le devant de la scène les risques de « guerres de la ressource » mais aussi d’exploiter la transversalité des thèmes de l’eau – solidarité Nord-Sud, service public, biodiversité, qualité, pollution, éducation à l’environnement, gaspillage – pour affirmer l’indispensable refondation de l’ordre ou plutôt du « désordre mondial ». Pour ce qui concerne la paix, comme « on fait la paix avec un ennemi », nous devons donc privilégier une résolution où la contrainte imposée le serait par une gouvernance internationale sous l’égide de l’ONU, à laquelle pourrait s’adjoindre une gouvernance mondiale de l’environnement.

 

NOS VALEURS

 

Refonder le socle de la gouvernance mondiale

 

Un milliard d’êtres humains vivent avec 1 € par personne et par jour dans les Pays du Sud et de 2 € par personne et par jour dans ceux du Nord, et les guerres continuent… Les chefs d’État se réunissent en G8, en G20 parfois… et oublient pas moins de 172 pays ! Et, de toute façon, le poids véritable des instances politiques est chaque jour affaibli face à l’omnipotence aveugle des consortiums financiers, souvent alliés consentants des pires dictatures…

 

La gouvernance mondiale doit être entièrement refondée, en réaffirmant l’exigence intangible des processus démocratiques. La voie, la voix, des écologistes doit faire naître l’espoir d’une révolution mondiale qui redonnera du sens à la mondialisation, enfin déterminée pour et par l’intérêt collectif.

 

Nos combats de toujours racontent les objectifs de cette révolution, autour de la sécurité comme de la souveraineté alimentaires (il y a les ressources pour nourrir 9 milliards de personnes, le souci fondamental est l’accès et la répartition de ces ressources foncières comme les matières premières), du combat pour l’eau entraînant celui d’une autre agriculture et d’une autre économie, du refus du nucléaire civil ET militaire, de la lutte contre les discriminations et pour l’émancipation des femmes, de la solidarité et de la coopération, du rééquilibrage des relations Nord-Sud, de la relance d’un projet européen de nature fédéraliste.

 

Nous devons prendre la tête du soutien aux émergences démocratiques, du printemps arabe jusqu’en Afrique, sans oublier l’Asie et l’Amérique du sud, et veiller en même temps à ce que la force de ces indignés d’ailleurs renforce le combat des indignés d’Europe.

 

Nous devons imposer que soient repensés les modèles économiques qui foulent au pied l’humain, remettre la morale au cœur des relations économiques internationales, réintroduire la dialectique du local et des circuits courts face aux intérêts du grand capital et des logiques globales, imposer sans relâche la conscience de l’urgence climatique et en décliner toutes les conséquences : la transformation écologique conduit à la transformation économique et sociale, à l’échelle planétaire…

 

L’écologie est une force nouvelle qui doit redonner du sens à la politique. Parce qu’elle n’est pas engagement de circonstance ou saupoudrage plus ou moins vert, elle doit ainsi avoir l’exigence de s’imposer durablement au cœur de la vie internationale et diplomatique. Restaurer la diplomatie française est d’ailleurs une priorité majeure et passe dans un premier temps de sortir d’une condescendance post-coloniale et rompre définitivement avec la Françafrique.

 

NOTRE ORGANISATION ET NOS RÉSEAUX

Comment structurer les questions internationales au coeur du parti écolo français et investir dans la structuration à la fois du parti vert européen et des verts mondiaux ?

Depuis toujours, Les Verts français ont sous-traités les questions internationales et européennes à un petit groupe de personnes très impliquées et liées aux mouvements de la société civile, ne parvenant pas à les faire partager globalement dans le mouvement. Pourtant, des partis Verts de toute l’Europe et du monde entier attendent un signal et une implication des écologistes français qui apparaissent comme un modèle possible à suivre, comme une alternative crédible. Partout, nous sommes invités pour présenter les succès et les risques de l’aventure d’Europe Ecologie. Toutefois, la focalisation du mouvement sur les échéances électorales nationales, mais surtout sur la politique interne, ne nous a pas permis de renforcer notre implication.

Nous contribuons peu sur le fond, nous sommes peu présents dans les groupes de réflexion auxquels nous sommes invités et nous n’avons développé aucun partenariat avec des partis à l’échelle internationale. Cette absence devient aujourd’hui problématique, car nos résultats électoraux nous donnent une responsabilité nouvelle et surtout que ne pas remplir cette mission revient à une fragilisation globale du mouvement Vert au niveau européen et mondial qui a terme peut nous pénaliser y compris dans notre action nationale.

L’enjeu aujourd’hui est donc d’affirmer notre pleine et entière participation au mouvement représentant l’écologie politique mondiale : le Parti Vert Européen et les « Global Greens » et en même temps construire des partenariats durables, thématiques et de construction avec les partis écologistes de la Méditerranée comme avec nos amis de Tunisie Verte.

En ce sens, pour les évènements à venir à l’automne 2011, Université d’Eté européenne qui se tiendra du 8 au 11 Septembre à Frankfurt sur Oder, le congrès des Verts européens à Paris du 11 au 13 novembre et au printemps 2012, le Congrès des Global Greens à Dakar fin Mars 2012, notre implication sera décisive. La date de ce Congrès mondial est toutefois compliquée pour Les Verts français vu que nous serons à quelques semaines de l’élection présidentielle. Il nous faut toutefois marquer une présence importante – normalement le Conseil du Parti Vert Européen se tiendra lui aussi à Dakar au même moment – afin de faire venir le plus grand nombre d’écologistes, pour marquer un « coup politique » (Les Verts européens hors de leurs frontières habituelles). Il sera par ailleurs l’occasion de réactualiser la Charte des Verts mondiaux, votée à Camberra en 2001. Donc notre participation y sera nécessaire et décisive.

En interne, nous devons améliorer la coordination entre notre action exécutive et celle des parlementaires français et européens. Un lien avec la FEVE est aussi fondamental pour coordonner l’action du parti et celle des élus locaux notamment dans les actions de coopération décentralisée dans lesquelles de nombreux écologistes sont investis. Pourquoi ne pas imaginer la création d’un pôle de coordination et de suivi qui pourrait à la fois faire office de cellule de veille et d’action concertée ?

Au-delà des réseaux écologistes, nous devons organiser un « lobbying » et l’assumer dans les grandes instances internationales comme la conférence de l’ONU, le PNUD, CGLU et coordonner notre action dans toutes les instances de négociation mondiale sur le climat.

Jean-Philippe MAGNEN

NDLR : Ci-dessous, les fiches réalisées par les personnes de la Transnationale et du groupe de travail 5-5 pour la partie internationale du Projet 2012 d’Europe Ecologie Les Verts :