Un transfert militaro-mafieux de l’intérieur de l’Afrique vers l’océan Indien
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Trois documents publiés récemment par l’Institute for Peace and International Studies (IPIS – www.ipisresearch.be), basé à Anvers, éclairent d’un jour nouveau l’exploitation militarisée des ressources naturelles aux Kivus.

Dans « Une analyse du secteur minier dans l’arrière-pays du Kivu » (décembre 2010), le chercheur Steven Spittaels révèle que plus que les Kivus, ce sont les provinces limitrophes du Nord-Katanga et du Maniema qui sont les principaux fournisseurs respectivement de coltan et de cassitérite vers les hubs d’expédition kivuans de Bukavu et de Goma, frontaliers avec le Rwanda. Le détail a son importance, lorsqu’on sait que dans ces deux provinces ce sont des garnisons des FARDC (armée régulière congolaise), et non des soldats ou des rebelles rwandais, qui sont installées.

Dans « La Complexité de la gouvernance des ressources dans un Etat fragile : le cas de l’Est de la RD Congo » (avril 2011), Jeroen Cuvelier rappelle que les minerais de RDC sont exportés le plus souvent en Asie via le Rwanda, le Burundi, l’Ouganda, le Kenya ou la Tanzanie.

« Le transfertde quantités importantesde minéraux provenant demines artisanalesde l’intérieur de la RD Congo vers la côtede l’océan Indien(et au-delà) exige la participationd’ungrand nombre de personnes opérant le longde plusieurs routes commerciales », explique-t-il.

« Ces genstravaillant le plus souventensemble de façon étroite et régulière, il semble pertinentde les concevoircomme des réseaux ».

Enfin, dans « Le Rôle du Kenya dans le commerce de l’or issu de l’Est de la RD Congo » (août 2011), le même auteur rapporte que la suspension des exportations des minerais kivuans décidée par le président congolais Joseph Kabila entre septembre 2010 et mars 2011 n’a eu aucun effet : des grands commerçants kenyans, en lien avec des partenaires indiens, sud-africains ou étasuno-nigérians, ont toutes facilités mafieuses dans les aéroports mêmes des Kivus pour exporter au lointain l’or extrait de ces provinces.

Pour lutter contre cette mafia militaro-commerciale transfrontalière, les chercheurs de l’IPIS préconisent une meilleure connaissance des besoins des mineurs artisanaux victimes du racket des militaires, une aide accrue au gouvernement congolais pour qu’il arrive à mieux payer et restructurer son armée, enfin une certification d’origine des plus gros colis de minerais (« la certification de chaque petit colis est une tâche impossible », est-il précisé).

Benjamin Bibas

Mine de coltan dans le Nord-Katanga, RDC (IPIS, 2010)