Depuis la catastrophe de Fukushima, les projets nucléaires de par le monde vont-ils enfin être revus à la baisse, voire même… annulés? En France, les déclarations gouvernementales n’en montrent pas le chemin malgré les mobilisations contre le projet ITER ou les coûts encore revus à la hausse de l’EPR de Flamanville. Qu’en est-il en Inde, où AREVA a signé un accord avec le gouvernement indien pour implanter une centrale nucléaire EPR à Jaitapur, dans le Maharashtra, au nord de Bombay?
Controversé depuis le début, ce projet de centrale se fait contre l’avis des populations locales, dont les mobilisations ont été sévèrement réprimées, avec une victime et de nombreux blessés au printemps dernier. Lors de son voyage en Inde en décembre 2010, Nicolas Sarkozy avait emmené ce projet dans ses bagages et veillé sur la signature pour Areva d’un accord préliminaire. Entre deux ventes d’armement, le président français avait aussi essayé de convaincre le premier ministre indien d’affaiblir la législation indienne qui prévoit la responsabilité du constructeur en cas d’accident nucléaire. Après la catastrophe de Bhopal, dont les survivants n’ont toujours pas été dignement indemnisés, les Indiens sont méfiants. Or ni la France ni les Etats-Unis, autres pourvoyeurs de nucléaire civil, ne veulent de cette loi qui impliqueraient de très fortes pénalités financières en cas d’accident. Accident, qui a dit accident ? Si la technologie était tellement sûre, pourquoi s’inquiéter de cette loi ?
De fait, ce projet de centrale est risqué de par son implantation même, sur une zone sismique importante, avec plus de soixante-dix secousses enregistrées ces dernières années, à 400 kilomètres de Bombay, la métropole financière et économique indienne, et à proximité des côtes. A cela s’ajoutent les risques d’attentat, dans le pays classé au quatrième rang des cibles terroristes.
Il s’agit aussi d’un réservoir important de biodiversité. Quant aux retombées économiques du projet, des exemples précédents, notamment dans le Tamil Nadu, ont montré que les centrales nucléaires ne fournissent pas d’emplois locaux de qualité. Les habitant-es de Jaitapur ne se sont pas laissés leurrer par l’alibi du développement, ils refusent d’être expropriés, ils ne veulent pas de cette centrale EPR.
En France, les écologistes se sont mobilisés en soutien à l’opposition locale indienne. Plusieurs organisations environnementales, dont Greenpeace, viennent d’écrire à N. Sarkozy pour lui demander de renoncer à soutenir le projet de centrale à Jaitapur. Du côté politique, EELV a publié un communiqué dénonçant la diplomatie du nucléaire lors de la visite présidentielle en Inde. Les parlementaires se sont aussi exprimés à ce sujet : d’abord Anny Poursinoff puis Noël Mamère, lors d’une question au gouvernement.
Au lendemain de Fukushima, de très nombreuses voix se sont élevées en Inde pour remettre en cause le plan de développement nucléaire du pays, qui, pour faire face à des demandes d’énergie grandissante, envisageait jusque-là de se doter d’un parc à peu près équivalent à celui de la France. Qu’en est-il de Jaitapur aujourd’hui ? Il semblerait que le projet d’EPR soit mis en sourdine actuellement. Cela ne signifie en rien qu’il soit abandonné, mais plutôt qu’après la catastrophe japonaise il soit plus raisonnable d’éviter de trop en parler…
Alors restons mobilisé-es !
Note: voir les articles consacrés à ce sujet sur Novo Ideo, le site du think tank des écolos (www.novo-ideo.fr).
Et n’hésitez pas à rejoindre la page Facebook « Jaitapur non merci ».
Laurence Hugues