Grand Stade de rugby : la fièvre des équipements sportifs se poursuit en Ile-de-France

C’est un grand projet dont on parle peu, comme si la conscience de son indécence forçait la discrétion. La Fédération française de rugby (FFR) souhaite construire son propre grand stade, version ovale du Stade de France. Après les premières étapes de sélection, la FFR a retenu deux sites pour accueillir son projet : un urbain à Thiais-Orly (Val-de-Marne) et un plus champêtre à Evry (Centre-Essonne). Les deux candidats s’engagent à construire une enceinte de 82 000 places, doté d’un toit rétractable et d’une pelouse amovible. Le vainqueur sera connu d’ici la mi-2012.

Un grand stade ? Et pourquoi direz-vous! Le Stade de France souffre déjà d’un sous-emploi chronique.
Certes, mais la FFR se plaint du coût très élevé de sa location, notamment pour jouer le Tournoi des six nations. Elle souhaite ainsi devenir propriétaire de son propre écrin. Un caprice qui pourrait se concevoir dans une région désertée en équipements de prestige ou riche en foncier disponible. Mais en Ile-de-France, la situation est strictement inverse.

A Paris, Jean Bouin -le jardin du Stade Français- a été démoli pour une reconstruction somptuaire évaluée à près de 200 millions d’euros, aux frais du contribuable parisien. Dans le même temps, l’autre grand club francilien, le Racing 92, prépare à Nanterre l’immense complexe Arena ; un stade de 40 000 places modulables en salle de spectacle de dimension européenne. Sans parler de la rénovation du Parc des Princes à Paris en vue de l’Euro 2016 et pour préparer l’avenir doré du PSG (entre 50 000 et 60 000 places annoncées). Sans parler non plus de l’inoccupation de Charléty, enceinte parisienne vieillissante et peu adaptée aux sports d’équipe.

Modèle économique fragile
Dans ce contexte de surenchère d’équipements sportifs, un grand stade supplémentaire de rugby entraînerait à la fois une offre excessive pour le rugby francilien, et un duel fratricide entre les deux grands stades de France, qui s’engageraient dans une âpre lutte pour attirer concerts de prestige, événements sportifs et grandes manifestations culturelles. A l’absence d’intérêt sportif s’ajoute la gabegie financière et la fragilité économique.

« Pour moi, le contexte économique est tout sauf favorable pour un financement public comme privé d’une telle envergure (600 millions d’euros) » indique ainsi l’économiste du sport Jean-François Bourg à l’AFP. « Il y a une raréfaction de l’argent. En outre, le stade de la FFR s’il voit le jour, va déstabiliser l’économie de toutes les autres enceintes de la région, à commencer par le Stade de France dont le modèle économique est fragile puisqu’il n’a pas de club résident et tire près d’un quart de son chiffre d’affaires des matches de rugby ».

Les écologistes ne peuvent soutenir une telle fascination pour les équipements de prestige, au détriment de toute logique d’aménagement équilibré du territoire et de gestion économique responsable. C’est la même modération qui motive leur opposition à l’extension de Roland-Garros dans la capitale. Ce dernier grand chantier sportif francilien menace notamment un havre de biodiversité, le jardin des Serres d’Auteuil.

Photo: démolition / reconstruction du stade Jean Bouin (Stade Français, Paris). Par Vincent Berville.

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