Barbara Pompili auditionne le Président de la Fédération Française de Rugby
Le 30 janvier dernier, l’Assemblée nationale a auditionné Pierre Camou, Président de la Fédération Française de Rugby. Cette audition a ainsi permis à Barbara Pompili d’interroger et d’interpeller la fédération sur le projet controversé de construction du grand stade en Essonne, la place des femmes dans le rugby, le soutien aux petits clubs ainsi que sur l’affaire de blanchiment d’argent en lien avec des reventes de billets de la FFR.
« Monsieur le Président de la commission, Chers collègues, Monsieur Camou,
Je vous remercie tout d’abord pour votre présence parmi nous et pour votre exposé.
Concernant le projet de Grand stade de votre fédération en Essonne, plusieurs points nécessitent des précisions.
Tout d’abord, pourquoi l’utilisation du Stade de France n’est-elle pas l’option retenue. Le Stade de France ne connaissant pas une sur-utilisation, pourquoi renouveler l’accord et même l’améliorer vous permettant d’y organiser l’accueil du XV de France ne semble pas être la piste retenue. J’entends les difficultés auxquelles vous avez été exposées, mais elles ne me semblent pas insurmontables. Dans leur rapport sur le financement public des grandes infrastructures sportives, les sénateurs soulignent pourtant la nécessité qu’un accord de plus long terme soit conclu pour accueillir le XV de France au Stade de France.
Car l’opportunité d’un tel projet soulève de réelles questions. Il y a déjà le Stade de France. Et il y a aussi les projets de stades à Nanterre et le stade Jean Bouin à Paris. Le rapport du Sénat s’est clairement positionné contre la construction de ce grand stade. Les rapporteurs considèrent « qu’il serait déraisonnable que la région Ile-de-France compte sur son sol 2 stades d’une capacité de 80 000 places sans club résident ». Ils pointent la compétition que cela susciterait entre ces deux stades pour accueillir des évènements sportifs mais aussi culturels de cette envergure. Ils indiquent que cela risquerait de mettre en péril le modèle économique de ces deux structures. Car le modèle économique sur lequel repose la construction de ce stade est fragile. Il ne faudrait pas en outre reproduire les erreurs du partenariat public privé du Stade de France…
Construire sur vos propres fonds et en recourant à l’emprunt un stade de plus de 80 000 places dans le sud de l’Ile-de-France peut donc apparaître financièrement périlleux…. J’ai aussi entendu qu’une partie du financement pourrait être trouvée par le biais du « naming ». Qu’en est-il réellement ? Et quel impact financier pour les collectivités territoriales ?
Dans un autre registre, il ne faudrait pas reproduire les insuffisances de la construction du Stade de France, aujourd’hui techniquement dépassé. Si une telle construction devait voir le jour, il faudrait qu’elle soit à la pointe et novatrice au niveau environnemental, des techniques HQE, des normes, ou encore de l’accessibilité handicapé… Et permettez-moi de souligner que des doutes existent quant aux impacts écologiques de cette construction, sur le site et dans les environs.
Enfin, qu’en serait-il de l’ouverture de ce nouveau stade aux autres ? J’entends par là le « sport pour tous » qui nécessite aujourd’hui d’être privilégié, pour le rugby comme pour les autres sports. Qu’est-il prévu pour la pratique amateur au sein de ce futur stade ? Et comment justifier un tel gigantisme quand, ailleurs, les besoins sont importants. Je pense aux clubs dont les besoins sont énormes
Cela m’amène à vous interroger sur le soutien de la fédération à ces clubs…. …. de façon globale et, plus particulièrement, au nord de l’Ile-de-France : en Picardie, Nord pas de Calais, Normandie et Champagne Ardenne. Car la FFR a affirmé sa volonté de soutenir le développement des clubs du nord de la France et ceux-ci sont désormais dans l’attente d’engagements concrets comme chez moi à Amiens. Ils demandent par exemple plus de soutien de la FFR pour : le financement des postes de cadres techniques et leur pérennisation, et pour développer la notoriété de ces clubs.
J’espère d’ailleurs que la Fédération a prévu de soutenir le projet de tournoi en 2016 à Amiens pour le centenaire de la bataille de la Somme. Car le fait que les matches de la coupe du monde féminine de rugby se déroulent tous en Ile-de-France n’a pas été très bien perçu. Cela est d’autant plus dommage que le développement du sport féminin a un fort potentiel de développement dans le nord. Pourriez-vous d’ailleurs nous donner des précisions sur le plan de féminisation de votre fédération, tant au niveau de la pratique que des dirigeants ? Pour en revenir aux clubs, des réflexions sont-elles en cours pour inciter les joueurs qui n’ont pas de clubs à choisir des villes comme Amiens ou Arras ?
J’ai par ailleurs entendu que certains joueurs pro recevraient des gratifications par les clubs amateurs, créant du coup une distorsion entre le rugby des clubs riches et des clubs pauvres. Pourriez-vous m’en dire un peu plus ? Ces pratiques sont-elles réglementées pour éviter d’éventuelles dérives et distorsions en fonctions des moyens des uns et des autres ?
Enfin, dans un tout autre registre, le magazine Sport et vie de décembre 2013 pointait les risques vertébraux des jeunes, notamment au rugby. Les vertèbres d’un adolescent restant fragiles jusqu’à 20 ans, des réflexions et actions de prévention sont-elles menées pour réduire ces risques ? Qu’en est-il également de la lutte contre le dopage ?
Et, suite l’affaire de blanchiment d’argent en lien avec des reventes de billets de la FFR, j’ai bien entendu que vous exigiez dorénavant une traçabilité pour tous les achats en nombre…. mais pourriez-vous préciser les mesures prises ?
Je vous remercie. »