Démocratie – Site de la commission recherche et enseignement supérieur https://recherche-enseignementsup.eelv.fr Les analyses et proposition de EELV sur l'ESR Mon, 16 Sep 2013 17:25:21 +0200 fr-FR hourly 1 Temps législatif programmé pour le projet ESR : une erreur ! https://recherche-enseignementsup.eelv.fr/2013/04/25/temps-legislatif-programme-pour-le-projet-esr-une-erreur/ Thu, 25 Apr 2013 16:49:08 +0000 http://recherche-enseignementsup.eelv.fr/?p=2557 Isabelle Attard, députée Europe Écologie-les Verts, a déclaré aujourd’hui sa grande surprise et sa profonde déception face à la décision de recourir à la procédure dite du « temps législatif programmé » pour l’examen à l’Assemblée nationale du projet de loi relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche.

La Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche avait initié à l’automne 2012 un temps de débat important avec l’ensemble des acteurs universitaires au travers d’Assises régionales puis nationales. Il est incompréhensible que la représentation nationale ne puisse, elle aussi, débattre pleinement d’un projet aussi important pour le futur de nos universités et de la recherche.

Alors que la communauté universitaire a déjà commencé à exprimer ses inquiétudes sur le projet de loi, il semblerait nécessaire que la Ministre prenne au contraire le temps du débat et de l’explication de texte. Un débat tronqué au Parlement ne pourra que renforcer les oppositions naissantes à l’extérieur. La recherche et l’enseignement supérieur en France, mis à genoux par cinq années de politiques sarkosystes, méritent mieux. Les chercheurs, les universitaires, les personnels et les étudiants ont besoin d’une loi forte et ambitieuse qui leur redonnent espoir dans notre système et leur permette d’envisager sereinement leur avenir.

Le Gouvernement ne peut pas considérer que le débat s’est arrêté avec la clôture des Assises. Beaucoup de propositions intéressantes qui y ont été formulées ont malheureusement été écartées du projet de loi. Les députés écologistes, qui sont toujours restés au contact de la communauté universitaire, estiment qu’ils ont beaucoup à apporter au texte et regrettent de ne pouvoir disposer du temps nécessaire pour exposer leurs propositions. En ayant recours au temps programmé dès la première lecture, c’est l’opposition qui disposera du plus large temps de parole, alors que des propositions vraiment constructives auraient pu être portées, au sein de la majorité, notamment par les écologistes.

« Le texte, en l’état, présente de nombreuses lacunes. Il n’est pas à la hauteur du changement de direction qu’appellent de leurs vœux les acteurs du monde académique afin que l’enseignement supérieur et la recherche sortent enfin des difficultés auxquelles ils sont confrontés. Les écologistes travaillent ces questions depuis longtemps. Nous avons de nombreuses propositions constructives à présenter à la Ministre et à la représentation nationale. Il est dommage que l’on ne nous accorde pas le temps nécessaire pour présenter et débattre de ces solutions. Le risque est d’aboutir à un texte qui ne sera pas satisfaisant, qui sera difficilement acceptable pour les parlementaires et qui risque d’être rejeté par les acteurs. » a déclaré Isabelle Attard pour le groupe des écologistes.

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Lanceurs d’alerte: EELV félicite le groupe écologiste des Sénateurs et Sénatrices https://recherche-enseignementsup.eelv.fr/2012/11/22/lanceurs-dalerte-eelv-felicite-le-groupe-ecologiste-des-senateurs-et-senatrices/ Thu, 22 Nov 2012 17:48:09 +0000 http://recherche-enseignementsup.eelv.fr/?p=2541 Communiqué de presse du 22 novembre 2012

Europe Ecologie Les Verts félicite le groupe écologiste des Sénateurs et Sénatrices qui ont réussi à faire adopter une proposition de loi sur la protection des lanceurs d’alerte et l’expertise indépendante.

Dorénavant, les Irène Frachon, les André Cicollela, Les Gilles-Eric Séralini, et tous les lanceurs d’alerte seront protégés. La prévention des scandales sanitaires aura maintenant sa haute autorité qui permettra que n’arrivent plus jamais de scandales tels que celui de l’amiante ou du Médiator.

Marie-Christine Blandin, auteure de la proposition de loi, et tous les parlementaires du groupe ont fait preuve de bon sens et de ténacité sans faille. Il était urgent de munir notre société d’une Haute autorité de l’expertise scientifique et de l’alerte en matière de santé et d’environnement, indépendante, et loin de tout conflit d’intérêt.

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Contribution de EELV aux Assises de l’ESR – Septembre 2012 https://recherche-enseignementsup.eelv.fr/2012/09/18/contribution-de-eelv-aux-assises-de-lesr-septembre-2012/ https://recherche-enseignementsup.eelv.fr/2012/09/18/contribution-de-eelv-aux-assises-de-lesr-septembre-2012/#comments Tue, 18 Sep 2012 17:57:24 +0000 http://recherche-enseignementsup.eelv.fr/?p=2492 Tout au long des campagnes électorales de 2012, EELV avait rappelé que la tenue de larges Etats Généraux de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (ESR) était indispensable afin de restaurer la confiance de la communauté académique et de prendre le temps d’une concertation ouverte aux étudiants et à toute la société. Nous avions également souligné l’importance cruciale de signaux forts sur le plan budgétaire et/ou organisationnel lors des premiers mois de la nouvelle mandature, afin de marquer une ambition nouvelle et la volonté de rompre avec les politiques antérieures. L’absence de tels signes et le calendrier précipité des assises, qui obère leur ouverture à l’ensemble de la société, sont regrettables, pour ne pas dire inquiétants. Les écologistes souhaitent néanmoins jouer leur rôle de force de proposition, et seront particulièrement attentifs aux suites concrètes qui seront données à ces assises.

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Lire le détail de nos analyses et propositions pour chaque thématique :

1 – Agir pour la réussite de tous les étudiants

La réussite du plus grand nombre dans l’enseignement supérieur est à la fois un facteur de justice sociale et une condition de l’émergence d’une société durable. Or, le système d’ES français souffre de longue date de deux faiblesses : il reste figé dans une dualité qui contribue à perpétuer les inégalités sociales et à écarter les jeunes des formations les plus longues et de la recherche ; et les fortes sommes dépensées pour les filières sélectives cachent un sous-investissement chronique dans la formation de la majorité des étudiants. Une ambition nouvelle passe par des moyens nouveaux : il est impératif d’amener le financement moyen par étudiant et le taux d’encadrement (pédagogique comme administratif) au niveau des pays comparables les plus performants, et d’engager une politique sociale ambitieuse permettant à tous les jeunes de réussir, quelle que soit leur origine sociale.

La précarité est un obstacle majeur à la réussite éducative. L’heure est à un changement de paradigme avec la mise en place d’une véritable allocation d’autonomie pour tous les étudiants. Basée sur le principe d’un « crédit temps formation » de 16 semestres à prendre tout au long de la vie (en formation supérieure, initiale ou continue), elle serait composée d’une part incompressible versée à tous et d’une part variable indexée sur les revenus. Dans le même temps le développement du bâti social universitaire doit être amplifié pour atteindre 25000 livraisons (rénovations + constructions neuves) par an, dans le respect de standards écologiques élevés (consommation d’énergie, proximité des transports urbains…). La hausse des frais d’inscription, qui constitue une imposition différée et par définition non-progressive, est antinomique avec le principe d’accès du plus grand nombre au supérieur : quel que soit son niveau, l‘enseignement a vocation à être gratuit pour ses usagers.

La question de la réussite ne doit pas être réduite au taux d’obtention d’une licence en 3 ans. De ce point de vue, le système des compensations pour réduire les taux d’échec est d’ailleurs une mesure démagogique qui ne fait que masquer les problèmes en dévalorisant le diplôme de Licence. L’université est la seule voie de formation qui ne sélectionne pas pleinement ses étudiants : elle accueille donc aussi, dans les faits, tous les recalés des voies sélectives. Les parcours différenciés devraient y être la règle plutôt que l’exception, avec la mise en place de formations et de passerelles adaptées à la réalité de la diversité des publics (DAEU, stages d’été ou année préparatoire à la licence…). Les licences devraient devenir plus pluridisciplinaires, jusqu’à intégrer des matières mineures dans des domaines radicalement différents de la « majeure » (sciences humaines pour les cursus de science dure et vice-versa). Un travail sur la pédagogie est incontournable, notamment pour privilégier le travail personnel et en petits groupes des étudiants. L’évaluation des enseignements par les étudiants doit devenir systématique. Mais à côté de toutes ces évolutions internes, il revient aux tutelles de dégager les moyens d’améliorer l’encadrement (y compris administratif), d’accompagner les projets innovants, de valoriser la diversité des missions des enseignants-chercheurs et d’assurer aux bacheliers professionnels et techniques des quotas de places suffisants dans les BTS et les IUT.

L’accès à des logements de qualité, aux équipements sportifs et aux activités culturelles, sont d’autres facteurs importants de réussite pour les étudiants. Les bibliothèques et des espaces de travail adaptés doivent être enfin de qualité et en nombre suffisant. L’université doit également s’ouvrir plus largement au cours de l’année et à la diversité des publics pour devenir un lieu de formation tout au long de la vie, en intégrant les démarches de VAE, en accueillant des activités d’éducation populaire. Il faut faire des campus des lieux exemplaires en matière écologique.

Enfin, les étudiants doivent être des acteurs de leur formation. Leur représentation doit être renforcée dans les conseils et être de droit dans les jurys ; l’engagement associatif doit être valorisé dans les maquettes des formations, et les maisons étudiantes partout mieux soutenues.

2 – Donner une nouvelle ambition pour la recherche

En forçant les chercheurs à faire le choix de la concurrence plutôt que de la coopération, en concentrant les moyens sur un nombre toujours plus réduit d’équipes et de sites, en obligeant les chercheurs à mendier des moyens auprès de sources de financements toujours plus nombreuses et complexes, et en multipliant les strates de décision, les réformes des dernières années ont durement frappé le potentiel de recherche français. Une ambition nouvelle pour la recherche consiste à rendre aux scientifiques l’autonomie nécessaire à la conduite de leurs travaux tout en créant les conditions d’un nouveau dialogue avec la société.

Comme pour l’enseignement supérieur, cette ambition suppose des moyens nouveaux, l’ordre de 1 G€ d’accroissement chaque année. Ces moyens peuvent être obtenus sans impacter le budget de l’Etat, au moins en 2013 et 2014, grâce à une réforme du Crédit d’impôt recherche (CIR). Si son intérêt est réel pour la recherche dans les PME, sa forme actuelle donne aussi aux grands groupes un effet d’aubaine énorme qui ne profite en rien à la production ou à l’emploi scientifique du pays. Il convient de plafonner le CIR à un montant de quelques millions d’euros par groupe ou holding, de le conditionner fortement au recrutement de docteurs, et de moduler son montant en fonction de l’adéquation des projets engagés avec la transition écologique.

La dérive du tout-projet doit être stoppée nette : les laboratoires bénéficiant d’un label reconnu d’unité de recherche doivent recevoir de leurs tutelles (organismes nationaux de recherche, établissements d’enseignement supérieur et de recherche…) des dotations suffisantes pour que les personnels de recherche puissent accomplir leur mission, et ce pour la durée de leur labellisation. Une réduction drastique du budget attribué à l’ANR doit être plus que compensée par une augmentation des fonds destinés aux recherches développées dans les organismes nationaux et les établissements d’ESR. Sur des thématiques identifiées comme étant d’intérêt majeur (santé – environnement, biodiversité, études sur les rapports sociaux de sexe, écotoxicologie, systèmes complexes, énergies renouvelables…), la constitution de réseaux d’acteurs sera accompagnée de crédits ad hoc dont la gestion sera déléguée aux réseaux constitués autour de ces thématiques.

Recruter sur des postes permanents plutôt que multiplier les contrats précaires est à la fois juste socialement et efficace du point de vue scientifique, car cela permet la prise de risque, l’expérimentation, la résistance aux modes du moment. Plusieurs milliers d’emplois stables doivent ainsi être créés chaque année dans tous les métiers de la recherche (ingénieurs, techniciens, administratifs, responsables de plate-formes mutualisées). Le coût est faible, car les emplois existent déjà budgétairement : il s’agit seulement de les transformer en postes permanents. Cela permettra de stabiliser les jeunes précaires accumulés ces dernières années et de libérer le temps de travail destiné à la recherche, entre autres en systématisant la décharge d’enseignement pour les Maîtres de conférence recrutés depuis moins de cinq ans.

Une grande part de la recherche effectuée en France repose sur les milliers de doctorants que comprend le pays. Il faut leur garantir un financement adéquat dans toutes les disciplines. En outre, le nombre de docteurs produits par le pays est notoirement insuffisant au regard des besoins de la société et ce déficit est encore accentué par la non reconnaissance du diplôme dans les grilles de la fonction publique comme dans les conventions collectives des entreprises. Le nombre d’allocations de recherche doctorale doit être progressivement augmenté et le doctorat doit être valorisé dans le public comme dans le privé.

La question de la culture scientifique et technique (CST) doit être entièrement repensée pour promouvoir la compréhension et le débat pluridisciplinaire sur les enjeux de notre monde, bien au-delà de ce que promeut Universcience dont le rôle doit être réenvisagé, notamment en clarifiant les circuits de financement de la CST avec un pilotage interministériel garant de cette mission de service public. Il faut faire découvrir et comprendre la démarche scientifique dès le plus jeune âge, par exemple avec des classes scientifiques mises en place sur le format des classes vertes. La protection du patrimoine scientifique doit recevoir les moyens nécessaires. Les actions de CST réalisées par les enseignants et les personnels de recherche (visites de laboratoires et de collections, interventions dans les classes, journées « grand public »…) doivent être davantage prises en compte dans l’évaluation de leurs activités et l’évolution des carrières.

Les partenariats des laboratoires publics n’ont aucune raison de se limiter au monde des entreprises, encore moins dans la configuration du subornation qui prévaut de plus en plus fréquemment. Il revient à l’Etat d’introduire parmi les missions des établissements de recherche, organismes et universités, l’impératif de l’ouverture vers d’autres pans de la société et en particulier vers le monde associatif. Le dispositif des Partenariats Institutions-Citoyens pour la Recherche et l’Innovation créé en 2005 par le conseil régional d’Île-de-France pourra servir de modèle de dispositif permettant d’encourager les recherches partenariales entre le monde citoyen et celui de la recherche académique. Les laboratoires qui s’engageront sur cette voie pourront bénéficier d’un label et de financements spécifiques. D’autres initiatives (boutiques de sciences…) devront être encouragées sur les campus universitaires pour que les sciences et la démarche scientifique soient enfin accessibles à des publics diversifiés. Le développement de la recherche participative doit être intégré au Code de la recherche.

Si l’autonomie méthodologique des chercheurs doit être strictement respectée, les grandes orientations scientifiques et techniques devraient, elles, faire l’objet de véritables débats publics. Les conclusions tirées par les responsables politiques s’appliqueraient particulièrement aux EPIC. La responsabilité de ces débats pourrait être confiée à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) si celui-ci ne souffrait d’une très insuffisante ouverture vers la société dans toute sa diversité. L’OPECST devrait donc être transformé en Office national indépendant, fonctionnant sur fonds uniquement publics, qui aurait une mission de veille permanente et d’animation du débat sur toutes les questions scientifiques et / ou technologiques ayant un possible impact sociétal. A cet égard, le fonctionnement du Board of Technology au service du Parlement et du Gouvernement danois pourrait être une source utile d’inspiration.

Enfin, les connaissances nouvelles résultant du travail permis par les dépenses publiques (européenne, nationale, collectivités territoriales) doivent entrer dans le domaine des biens communs. Il n’est pas acceptable que les éditeurs privés soient seuls dépositaires de ces productions, limitant de facto leur accessibilité au plus grand nombre. La publication en accès libre doit devenir une règle.

3 – Une nouvelle structuration de l’ESR

Les réformes menées ces dernières années ont abouti à une complexification inédite du paysage de l’ESR français, avec pour conséquences principales une dépossession des attributions des instances comprenant une proportion importante d’élus et pour les équipes de recherche la course permanente à des financements de trop court terme pour autoriser des recherches audacieuses. Il est urgent de redonner une lisibilité à notre système d’ESR en le simplifiant, d’améliorer la dimension collégiale de son fonctionnement, et de sortir d’un système contre-productif opposant université et classes préparatoires/grandes écoles.

Si les universités doivent voir leur rôle propre renforcé pour tendre à devenir des partenaires à part entière des organismes nationaux de recherche, ceux-ci doivent être réinstallés dans leur rôle majeur d’opérateurs de recherche : ils restent pertinents dans leur capacité à impulser et à mettre en cohérence les activités de recherche à l’échelle nationale, les diverses alliances ayant vocation à se limiter à une coordination souple et non institutionnalisée.

L’unité de base de la recherche reste un laboratoire, souvent une Unité mixte. Plutôt que de mettre en place de lourdes structures institutionnelles intervenant dans tous les domaines (projets de recherche mais aussi bâti, formation…), il faut privilégier une logique de réseaux de coopération scientifique conjuguant financement propre et mutualisation concertée. Les Labex récemment créés devront se conformer à cette logique et en aucune manière se substituer aux unités de recherche.

La loi appelée à remplacer la LRU devra assurer la représentation directe et majoritaire des personnels et étudiants dans toutes les instances de décision, dans les établissements d’ES, leurs structures de fédération ou les organismes. Il n’est pas d’autonomie de gestion s’il faut gérer la pénurie. L’autonomie n’a de sens que pour se mettre au service de la pédagogie et de la recherche. Une dimension de programmation budgétaire pluriannuelle est donc indispensable au futur texte de loi, accompagné de mécanismes assurant la bonne prise en compte des évolutions de la masse salariale.

Le système des classes préparatoires est à la fois coûteux, générateur de souffrance pour de trop nombreux jeunes, et facteur de reproduction des inégalités sociales. Il faut mettre fin à cette singularité française en sachant prendre le meilleur dans chaque filière : l’encadrement pédagogique doit être plus large et plus disponible et les enseignements à caractère pluri-disciplinaires pleinement intégrés aux cursus. Le remplacement des concours d’entrée aux « grandes écoles » par une sélection sur dossier rendra la notion même de classe préparatoire obsolète. Les écoles devraient systématiquement être intégrées à des universités structurées de manière confédérale : elles y conserveront leur autonomie pédagogique, mais la mutualisation avec les cursus de Master pourra ainsi se développer, avec un effet positif sur l’accès à la recherche. La tutelle de l’ensemble des formations du supérieur doit revenir au MESR, afin de permettre une action cohérente sur les différentes filières.

Malgré tous les effets d’annonce des Initiatives d’Excellence (Idex), le gain budgétaire promis aux lauréats reste si faible (260 M€/an pour les huit projets réunis !) qu’il pourraient facilement être compensé par une loi de programmation budgétaire – pour peu qu’elle soit ambitieuse. En outre, les Idex souffrent de défauts originels rédhibitoires : leur mode de préparation et de gouvernance anti-démocratique et leurs périmètres réduits. En cela, ils s’opposent à toute logique désirable de coopération et d’ouverture. Quant à la structuration de site, elle est parfaitement réalisable à travers des PRES revisités. Les Idex doivent donc être supprimés.

Les autres innovations introduites dans le cadre des Investissements d’avenir sont à examiner au cas par cas. Les SATT (Sociétés – de droit privé – d’accélération du transfert de technologies) complexifient encore le paysage institutionnel du soutien à l’innovation : elles devraient être abandonnées ; certains IRT (Instituts de recherche technologique) pourraient en revanche mériter d’être confortés si tant est qu’ils permettent au pays d’avancer vers les développements technologiques nécessaires à la transition écologique. Il faut prendre acte des équipements d’excellence (Equipex) financés en veillant à ce qu’ils ne phagocytent pas les moyens de leurs structures d’accueil.

La politique nationale de l’ESR ne doit laisser aucun territoire ou population à l’écart. Dans l’acte III de la décentralisation, la compétence ESR doit devenir partagée entre un niveau national restant prépondérant et un niveau régional complémentaire, parfaitement adapté à l’accompagnement des projets d’intérêt général proposés par les acteurs locaux ou à la gestion du bâti universitaire. Cette dévolution de compétence aux régions devra s’accompagner des transferts financiers appropriés et de la création d’un système de péréquation entre régions riches et moins riches. L’Île-de-France – plus de 40% des forces vives de la recherche – représente à l’évidence un cas extrême qui appelle un traitement spécifique. Dans le cadre du « Grand Emprunt », le seul milliard d’euros directement consommable a été attribué au projet Saclay de façon régalienne. Cette somme pourrait être remise dans un pot commun dont la gestion serait assurée conjointement par l’Etat et le conseil régional d’Île-de-France, pour des projets d’ESR répartis dans les divers territoires franciliens.

L’évaluation de toute activité financée sur fonds publics est légitime ; encore faut-il que les évaluateurs soient eux-mêmes reconnus comme légitimes par leurs pairs et que leurs évaluations visent à l’amélioration hors de tout jugement lapidaire. L’Aéres, au coût démesuré et qui ne répond à aucun de ces critères, doit être supprimée. L’évaluation des organismes et des universités pourrait être confiée à un HCST rénové et opérationnel (avec une participation étudiante sur les questions touchant à l’enseignement supérieur) ; et aux niveaux institutionnels inférieurs, les organismes nationaux de recherche savent convoquer les comités d’évaluation appropriés.

 

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Concevoir le nouveau paysage de l’enseignement supérieur et de la recherche https://recherche-enseignementsup.eelv.fr/2012/09/18/concevoir-le-nouveau-paysage-de-lenseignement-superieur-et-de-la-recherche/ https://recherche-enseignementsup.eelv.fr/2012/09/18/concevoir-le-nouveau-paysage-de-lenseignement-superieur-et-de-la-recherche/#comments Tue, 18 Sep 2012 17:48:29 +0000 http://recherche-enseignementsup.eelv.fr/?p=2489 Contribution de EELV aux Assises de l’ESR – Septembre 2012 – Thématique 3 Concevoir le nouveau paysage de l’enseignement supérieur et de la recherche

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Les réformes menées ces dernières années ont abouti à une complexification inédite du paysage de l’ESR français, avec pour conséquences principales une dépossession des attributions des instances comprenant une proportion importante d’élus et pour les équipes de recherche la course permanente à des financements de trop court terme pour autoriser des recherches audacieuses. Il est urgent de redonner une lisibilité à notre système d’ESR en le simplifiant, d’améliorer la dimension collégiale de son fonctionnement, et de sortir d’un système contre-productif opposant université et classes préparatoires/grandes écoles.

Une réorganisation et une simplification nécessaires

Notre système d’enseignement supérieur aboutit à une reproduction des élites qui repose largement sur la filière classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) – Grandes écoles très largement à l’écart du système universitaire. Cette dualité est un handicap majeur pour le dynamisme de la société française. Ne pas s’y attaquer serait une erreur monumentale.

Pour cela, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche doit voir ses prérogatives élargies de manière à être le lieu de décision pour l’ensemble du supérieur, et pas seulement pour le monde académique. La tutelle des classes préparatoires aux grandes écoles – CPGE et celle de l’ensemble des « grandes écoles » lui seront donc confiées (les tutelles d’autres ministères renvoient à une époque où chaque école formait les cadres desdits ministères, un temps plus que révolu), et les procédures d’habilitation des écoles privées seront revues pour assurer une meilleure coordination.

Les Pôles de recherche et d’enseignement supérieur (Pres) créés dans le cadre de la loi de programmation de 2006 ont ouvert des pistes intéressantes. Sont autorisées des mutualisations entre établissements qui peuvent à la fois être souples et adaptées aux contextes locaux. Les Pres fournissent un cadre certes imparfait – notamment sous statut d’EPCS imposé par le MESR dans le cadre du plan campus : statut anti-démocratique, risques de coupure enseignement / recherche, de « balkanisation » des licences, particulièrement lors des liens avec les IDEX – ; mais qui sous réserve d’aménagements peut se prêter aux nécessaires rapprochements entre classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) et universités, de même qu’à l’intégration progressive des écoles, « grandes » ou moins prestigieuses. Les PRES pourraient donc être revisités et réorientés vers des actions de rapprochement profitables à tous, dans un cadre universitaire qui constitue la référence universelle en matière d’enseignement supérieur.

La multiplicité des structures créées depuis 2006 a cependant abouti à un paysage où la complexité confine désormais à l’illisibilité. Simplifier est donc un impératif incontournable. Mais cela ne peut se faire par l’imposition top-down de la création de méga-établissements dont le projet d’université de Paris-Saclay n’est que l’avatar le plus caricatural et dont l’objet commun – faire monter des universités françaises dans le classement de Shanghai (qui avec ses paramètres ne mesure que ce qu’il peut mesurer) – n’a rien à voir avec la qualité des formations prodiguées. Rappelons enfin que le système français de recherche continue de figurer parmi les plus performants au monde et que le principal organisme français de recherche, le CNRS, demeure une référence internationale.

Les superstructures nées ou à naître dans le cadre des « Investissements d’avenir » de la présidence Sarkozy sont à revoir. En particulier, les huit Idex (Initiatives d’excellence) retenues ne peuvent tenir lieu de politique soutenable en matière d’ESR. Outre les dérives insupportables constatées par exemple à Toulouse, tous les Idex souffrent peu ou prou de la définition d’un périmètre d’excellence (« péridex ») qui aboutit à laisser de côté une grande part des forces vives de recherche et d’enseignement des établissements impliqués. Autre perversion induite par le système, le transfert automatique et durable d’une fraction importante des ressources attribuées par le ministère aux établissements parties prenantes vers une partie restreinte de leurs acteurs. Et cela au moment où nombre d’universités sont déjà en très grande difficulté financière. Puisque par ailleurs des régions entières sont restées sans lauréats aux deux phases de sélection des Idex, et que même au sein des régions mieux pourvues, les exclus sont majoritaires, il apparaît indispensable de revenir sur le principe même de cette politique. La signature des conventions Idex doit donc être suspendue.

Les autres innovations introduites dans le cadre des Investissements d’avenir sont à examiner au cas par cas. Les Equipex sont issus d’un travail du terrain, et devraient à ce titre être financés. En revanche certains grands projets financés au titre des investissements d’avenir seront gelés et leur pertinence remise en débat : ITER, ASTRID (conférence de citoyens?). Les Labex apparaissent d’abord comme un outil de déstructuration, et les financements au final assez modestes. Ils seront supprimés en temps que structures, la dotation correspondante étant distribuée aux organismes afin d’assurer la continuité des travaux éventuellement engagés. Les Unités mixtes de recherche (UMR) doivent être confortées dans leur forme actuelle, ayant comme tutelles au moins une université et un organisme national de recherche.

Les moyens dédiés aux Idex et au plan campus feront l’objet d’une remise à plat globale, dans le cadre de la définition d’universités confédérales de dimension régionale. La création des fondations (FCS) prévues, et notamment celles liées à certains projets d’Idex, sera également suspendue. Les SATT (Sociétés – de droit privé – d’accélération du transfert de technologies), outils de mise en concurrence et de pilotage de la recherche et de l’enseignement par l’industrie, doivent être abandonnées ; certains Instituts de recherche technologique – IRT pourraient en revanche mériter d’être confortés si tant est qu’ils permettent au pays d’avancer vers les développements technologiques nécessaires à la transition écologique. Il faut prendre acte des équipements d’excellence (Equipex) financés en veillant à ce qu’ils ne phagocytent pas les moyens de leurs structures d’accueil.

Des moyens sur la durée : la clé de la réussite

Un audit global de l’ensemble des lignes de la Mission interministérielle recherche enseignement supérieur (MIRES) devra être immédiatement lancé afin d’y voir enfin clair sur l’état réel des comptes publics après des années de voltige budgétaire et d’annonces jamais suivies d’effets.

Un financement pérenne majoritaire, et des postes permanents, en enseignement comme en recherche, sont indispensables. Le financement sur projets, qui a pris en recherche ces dernières années des proportions insupportables, induisant une lourdeur de gestion et une précarité croissantes, doit être ramené à un niveau minoritaire. Ces appels à projets devront prioritairement financer des axes de recherche en direction de la reconversion écologique de la société.

Ces moyens peuvent être obtenus sans impacter le budget de l’Etat, par une réforme du Crédit d’impôt recherche (CIR). Si son intérêt est réel pour la recherche dans les PME, sa forme actuelle donne aussi aux grands groupes un effet d’aubaine énorme qui ne profite en rien à la production ou à l’emploi scientifique du pays. Il convient de plafonner le CIR à un montant de quelques millions d’euros par groupe ou holding, de le conditionner fortement au recrutement de docteurs, et d’introduire une modulation de son montant en fonction de l’adéquation des projets engagés avec la transition écologique.

Certaines mesures pourront ainsi être mises en œuvre immédiatement :

  • création de plusieurs centaines de postes statutaires, autant pour les enseignants, enseignants-chercheurs et chercheurs que les personnels Biatoss, marquant le démarrage d’un plan de résorption de la précarité qui s’étendra sur la mandature (5.000 postes), la progressivité étant nécessaire pour assurer la richesse du vivier de recrutement et limiter les effets d’accordéon démographique. Les crédits prévus pour des CDD pourront être réaffectés au financement de cette mesure, en réduisant considérablement la portée budgétaire ;

  • réévaluation des dotations récurrentes des organismes de recherche compensant les diminutions des budgets 2011 et 2012 (et d’ors et déjà annoncées pour 2013…) ;

  • retour d’une partie des crédits non engagés vers les établissements et organismes, amorçant ainsi la décrue des montants gérés par cette agence, le reliquat des crédits devant être réservé à des recherches réellement émergentes (projets blancs bottom up) ou pour lesquelles existent encore des lacunes thématiques au niveau national (santé – environnement, biodiversité, études sur les rapports sociaux de sexe, écotoxicologie, systèmes complexes, énergies renouvelables…), et permettant le financement de projets de taille modeste, au suivi administratif allégé ;

  • transformation des diverses « Primes » non encore attribuées en augmentation du nombre de promotions dans les différents échelons, et revalorisation des salaires (perte de 10% de pouvoir d’achat en 10 ans dans la fonction publique).

L’ESR en lien avec les territoires, des Régions à l’Europe

La politique de l’ESR telle qu’elle sera issue de la future loi devra à l’évidence s’inscrire en cohérence avec la nouvelle étape de décentralisation prévue par le programme du Gouvernement. D’ores et déjà, les régions et un certain nombre d’autres grandes collectivités territoriales ont anticipé le mouvement en s’impliquant en matière d’ESR dans le cadre de leur clause générale de compétence qu’il faut confirmer. Parfaitement illustratif est le rôle croissant des collectivités, au premier rang desquelles les régions, dans le financement des opérations inscrites dans les CPER successifs et en particulier dans les derniers Contrats de projets Etat-Régions 2007-2013. Dans l’acte III de la décentralisation, la compétence ESR doit devenir partagée entre le niveau national qui restera prépondérant (grands organismes nationaux et des diplômes définis nationalement) et le niveau régional complémentaire qui est parfaitement adapté à l’accompagnement des projets d’intérêt général proposés par les acteurs locaux ou à la gestion du bâti universitaire. Il va de soi que cette nouvelle compétence qui sera reconnue aux régions par la loi doit s’accompagner de l’assurance de recettes nouvelles et pérennes et de la création d’un système de péréquation entre régions riches et moins riches, faute de quoi seules les premières seraient en mesure d’intervenir dans ces secteurs essentiels pour l’avenir du pays.

C’est également ce qu’exige la politique d’équilibre entre les territoires affichée dans la structure même du Gouvernement (Ministère de l’égalité entre les territoires attribué à Cécile Duflot). L’Île-de-France où travaillent plus de 40% des forces vives de la recherche française représente à l’évidence un cas extrême qui appelle un traitement spécifique. En matière d’ESR, l’engagement du Conseil régional d’Île-de-France est budgétairement limité. Dans cette région comme partout ailleurs, une politique équilibrée de l’ESR est indispensable pour ne pas laisser des populations et des territoires entiers à l’écart du mouvement. Dans le cadre des 20 et quelques milliards du « Grand emprunt Sarkozy » destinés à soutenir l’ESR, le seul milliard d’euros directement consommable a été attribué au projet Saclay, hors jury et de façon totalement régalienne. Ce projet pharaonique a par ailleurs été sélectionné au titre du plan campus et de très nombreux appels à projets dans le cadre des Investissements d’avenir. Ce milliard d’euros cash sera utilement remis dans un pot commun dont la gestion sera déléguée au conseil régional d’Île-de-France pour des projets d’ESR équilibrés entre les divers territoires de l’ESR francilien.

Les financements européens de la recherche ont pris ces dernières années une place croissante, en particulier avec la montée en puissance du Conseil européen de la recherche. Ce qui se prépare dans le cadre du programme Horizon 2020 (le plan qui remplacera les anciens PCRD pour la période 2014-2020) devrait être plus largement discuté au sein des diverses instances françaises, qui en matière d’ESR comme du reste se tiennent encore trop éloignées des discussions européennes. La dimension européenne de la recherche, l’encouragement à la libre circulation des acteurs européens de la recherche, doivent devenir prioritaires et affichés, y compris chez les plus jeunes chercheurs, dès leur formation doctorale.

Des établissements réellement autonomes,
au fonctionnement démocratique renforcé

La loi sur les Libertés et responsabilités des universités (LRU) est à remplacer. Elle n’a en aucune manière apporté aux universités l’autonomie qu’abusivement elle prétendait leur conférer, elle a au contraire généré une bureaucratisation au détriment du service aux usagers, et ne leur a guère permis que de de gérer la pénurie. L’abrogation pure et simple de la loi LRU créerait, sur le plan légal et pratique, autant de difficultés qu’elle en résoudrait : une large partie de cette loi n’en est pas moins inacceptable et une réforme en profondeur est donc indispensable. Cette nouvelle loi devra être préparée avec la contribution de l’ensemble du monde académique, des étudiants et de la société. Dans l’intervalle, les dévolutions de patrimoine seront suspendues.

Dans son essence, l’autonomie des établissements d’enseignement supérieur est à promouvoir. Une autonomie qui autorisera enfin le déploiement de politiques d’établissement créatives, innovantes, au service de l’ensemble des usagers de ce service public de l’enseignement supérieur que nous appelons de nos voeux. Il faut pour cela une réforme d’ampleur du mode de financement de l’enseignement supérieur en France, afin d’amener le financement moyen par étudiant et le taux d’encadrement (pédagogique comme administratif) au niveau des pays comparables les plus performants, et d’engager une politique sociale ambitieuse permettant à tous les jeunes de réussir, quelle que soit leur origine sociale.

Afin de remettre le fonctionnement démocratique au coeur des pratiques académiques, l’ensemble des conseils d’administration, des études et de la vie étudiante, et scientifiques de toutes les structures d’enseignement ou de recherche rattachées au MESR ou de structures les intégrant (Pres notamment) devront comporter au minimum un tiers d’élus direct. Les alliances ont été mises en place au nom des vertus de la coordination inter-établissements, mais elles sont surtout un moyen de limiter le rôle des scientifiques élus et de donner plus de poids à la finalisation des recherches. Elles seront donc dissoutes pour être transformées en structures légères de coordination scientifique.

L’évaluation de toute activité financée sur fonds publics est non seulement légitime mais désirable afin d’en améliorer l’efficacité. L’évaluation des organismes et des universités pourrait être confiée à un HCST rénové et opérationnel. Du fait du mode international de fonctionnement de la recherche, les activités des chercheurs sont soumises à évaluation quasi permanente, qu’il s’agisse de publier ses résultats, d’obtenir des contrats pour développer ses recherches, d’être recruté ou promu. Dans le monde entier, ce sont les pairs qui procèdent à l’évaluation, et ces pairs doivent être reconnus par ceux qui seront évalués. Un mix d’évaluateurs élus et nommés reste la meilleure solution pour la constitution des comités d’évaluation. Celle-ci est formalisée dans le cadre des organismes nationaux de recherche qui en France emploient les chercheurs. Pour les enseignants-chercheurs dont les missions à l’université sont plus diverses, la situation est nécessairement plus complexe. La part recherche doit être évaluée par des pairs selon des procédures adaptées à la diversité de leurs activités. En revanche, l’évaluation de leurs enseignements appelle à d’autres procédures, l’avis des étudiants devant être pris en compte. En toute hypothèse, l’Aéres (Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur), au coût démesuré pour la collectivité et qui n’a nullement fait la preuve de sa valeur ajoutée, doit être soit supprimée, soit très largement restreinte dans ses missions, ses champs d’intervention et son coût de fonctionnement.

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Réponses d’Eva Joly au questionnaire de l’AJSPI https://recherche-enseignementsup.eelv.fr/2012/03/22/reponses-deva-joly-au-questionnaire-de-lajspi/ Thu, 22 Mar 2012 19:04:43 +0000 http://recherche-enseignementsup.eelv.fr/?p=2432 Réponses d’Eva Joly au questionnaire de l’Association des Journalistes Scientifiques de la Presse d’Information

I – Depuis plus de 20 ans, tous les gouvernements ont affiché l’objectif d’un effort de R&D de 3% du PIB. Ils ont tous échoué, cet effort dépasse de très peu les 2%. Quel objectif vous fixez-vous, et en quelles proportions pour la recherche publique en part de réalisation d’ici 2017 ?

Je tiens tout d’abord à souligner à quel point la création et la diffusion des savoirs sont au cœur de la pensée écologiste. Faire davantage de recherche, c’est participer à la quête de connaissances qui fait partie intégrante de l’aventure de l’humanité ; c’est aussi s’ouvrir de nouvelles perspectives dans un monde en mutation et face aux défis nouveaux posés par les crises sociale et environnementale. Les objectifs quantitatifs sont un préalable, mais ne doivent pas masquer les objectifs qualitatifs : quelles recherches, quelles innovations ? La société doit pouvoir s’exprimer sur ces questions, encourager certains axes de recherche et de développement, encadrer strictement les innovations susceptibles d’impacts non désirés. En parallèle, il faut assurer l’autonomie des chercheurs face à tous les pouvoirs, qu’ils soient économiques ou politiques.

Même si l’objectif européen de 3% avait été fixé en 2000 sous de bien mauvais auspices (ceux de la concurrence généralisée et de la connaissance perçue d’abord comme source de valeur économique), il n’en est pas moins intrinsèquement pertinent. Très rares sont les pays à l’avoir atteint, mais pratiquement tous les pays développés ont significativement augmenté leur effort de R&D ces dernières années. Tous… sauf la France qui stagne à peine au-dessus des 2%. Ce constat signe un échec majeur des gouvernements de droite successifs, d’autant plus cinglant que des sommes considérables ont été mises sur la table. Mais au lieu de l’être pour la recherche civile publique – dont le budget net, désormais sous les 0,6% du PIB, est en régression selon les chiffres de l’OCDE ! – ou de manière ciblée en direction des PME et des entreprises fortement innovantes, elles ont pris la forme explosive du Crédit d’impôt recherche, cadeau fiscal indifférencié et dont toutes les études quantitatives démontrent l’impact négligeable.

Je fixe pour ma part un objectif de 1% du PIB pour la recherche publique civile à l’horizon 2017, atteint notamment grâce à un redéploiement d’une grande partie du CIR et des investissements militaro-industriels, dans l’aérospatial et le nucléaire (ramenés à 0,2% environ). Pour stimuler l’effort privé, j’engagerai une politique ciblée sur les PME et tenant compte des besoins réels du pays en matière d’innovation.

II – Le gouvernement sortant a réorganisé l’Enseignement supérieur et la recherche, et modifié son mode de financement (LRU, ANR, AERES, IDEX…). Allez-vous conserver, changer ou abroger ces dispositifs ?

Les structures nouvelles et les milliards supplémentaires de l’ère Sarkozy promettaient un nouvel âge d’or. La réalité est tout autre : au lieu de consacrer leur temps à leurs missions statutaires – chercher, former les plus jeunes, s’ouvrir à la société – les chercheurs et enseignants-chercheurs croulent désormais sous des avalanches d’appels à projets, doivent multiplier les réunions préparatoires, courir d’un guichet à l’autre pour décrocher les contrats qui leur rendront les moyens de travailler, et participer à toutes sortes de comités où ils évaluent leurs collègues et, faute d’argent disponible, retoquent la très grande majorité de leurs demandes de crédits. Et quand ils en obtiennent, cela a pour principal effet de faire exploser les contrats précaires (personnels administratifs et techniques, jeunes chercheurs…), les postes pérennes disparaissant en même temps que les financements récurrents. Quant aux structures porteuses de ces évolutions, elles ont complexifié inutilement le paysage de la recherche. Ces niveaux de décision intermédiaires s’affranchissent des principes de collégialité et de démocratie qui sont le cœur du fonctionnement du monde académique ; et le système d’appels d’offre et de benchmarking permanent ouvrent au gouvernement la possibilité d’un contrôle poussé sur les faits et gestes des établissements, à l’opposé des discours  exaltant « l’autonomie » – une première illustration a été fournie il y a quelques semaines avec la suppression brutale du programme ANR sur la santé environnementale, dont les résultats auraient pu menacer certains intérêts privés. La situation est telle que c’est une véritable refondation de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche qu’il faut envisager.

Après des années de décisions autoritaires, la communauté de l’ESR et plus généralement toute la société doivent retrouver le chemin du dialogue et de la confiance : je convoquerai donc des États-généraux chargés notamment de préparer le remplacement de la loi LRU et de définir les modalités d’une évaluation transparente et collégiale. Le principe d’autonomie sera assuré non seulement pour les universités, mais aussi pour les chercheurs et enseignants-chercheurs, ce qui passe par des moyens majoritairement récurrents pour les organismes et établissements d’enseignement supérieur publics, et par un large plan de titularisation : le statut permanent des personnels est en effet un énorme atout pour la prise de risque scientifique et la projection dans des travaux de long terme. L’AERES sera supprimée, l’évaluation pouvant être assurée de manière plus transparente et collégiale par les différentes instances démocratiques existantes. La politique des investissements d’avenir sera non pas accélérée mais entièrement revisitée, sans préjudice de moyens pour les lauréats actuels. Quant à l’ANR, je souhaite en faire un organisme au périmètre réduit, centré sur des missions précises : financer, à titre de complément, des sujets définis comme prioritaires aux termes d’un débat démocratique, ainsi que des recherches partenariales associant laboratoires académiques et associations.

III – La France produit actuellement un peu moins de 10.000 docteurs es-sciences par an, dont environ un quart d’étudiants étrangers, un chiffre stagnant depuis près de 20 ans. Voulez-vous, durant votre quinquennat, maintenir ou augmenter ce chiffre ? A combien doivent se chiffrer le nombre et le montant des contrats de doctorants financés par l’État ?

Bâtir une société de la connaissance suppose un fort développement de la formation par la recherche. Cela passe par l’augmentation du nombre de docteurs : le nombre de doctorats délivrés devrait progresser de 1000 par an pendant 10 ans, soit un doublement à cette échéance. Mais cette évolution n’aura de sens que si le doctorat est correctement valorisé dans l’ensemble du tissu socio-économique : j’engagerai également une action résolue en ce sens.

Dans la grande majorité des cas, un doctorat est une première expérience professionnelle de la recherche : celle-ci doit se dérouler dans de bonnes conditions matérielles et en réelle interaction avec une équipe de recherche. Nombre de préparations de thèse s’éternisent en longueur car le futur docteur, faute de financement approprié, manque de moyens matériels de travail et/ou doit exercer une activité rémunérée – et trop souvent, cela a lieu au sein des universités, dans des conditions de forte précarité. Je porterai progressivement le nombre de contrats doctoraux accessibles à 10000 chaque année, et développerai les mécanismes incitatifs des contrats CIFRE pour atteindre les 3000 contrats annuels. L’harmonisation des contrats doctoraux avec le droit du travail (congé maternité par exemple) doit être achevé, le financement par libéralités interdit en pratique et pas seulement dans les textes. La charte des thèses sera incluse dans le contrat doctoral, notamment la clause limitant le nombre de thèses encadrables par un responsable doctoral donné.

Il faut sortir du cliché qui voudrait que le seul débouché des docteurs soit la recherche publique. Premièrement, les docteurs ont vocation à irriguer l’ensemble de la fonction publique : pour cela, le doctorat entrera dans les grilles de la fonction publique, et la durée effective de la thèse sera systématiquement intégrée dans les calculs d’ancienneté requis pour  divers concours de la haute fonction publique. Deuxièmement, je ferai appel aux partenaires sociaux, comme prévu par la loi, pour organiser la reconnaissance du doctorat dans les conventions collectives et promouvoir le recrutement de docteurs, y compris en SHS, dans les entreprises. Enfin, la poursuite de carrière hors académie des docteurs bénéficiera d’une politique volontariste et ciblée de soutien à l’innovation, centrée sur les PME innovantes, qui permettra de faire enfin décoller la R&D privée

IV – C’est la croissance des PME qui crée l’emploi, et non les grands groupes. Mais cette croissance est difficile en France. Allez-vous contraindre les marches publics à recourir pour une part aux PME et défendre au niveau européen une telle mesure?

Je souhaite en effet mettre en place une déclinaison française, et à terme européenne, du « Small Business Act » américain, qui réserve notamment certains marchés publics aux PME. Ce dispositif a fait la preuve de son efficacité et est parfaitement documenté : il n’y a aucune raison de ne pas le décliner en France et en Europe, si ce n’est l’intérêt de grands groupes qui ont su jusque là bloquer toute initiative ambitieuse en ce sens. Il faut d’ailleurs noter qu’un « SBA » existe en Europe depuis 2008, mais le nom est trompeur puisqu’il ne s’agit que d’un ensemble de simplifications réglementaires, certes utiles, mais en aucun cas à la hauteur de l’enjeu.

Plus précisément, je souhaite promouvoir cinq mesures :

  • Réserver les marchés publics d’un montant inférieur à un seuil de l’ordre de 50 000 à 70 000 €, aux PME, sauf lorsque l’acheteur public peut établir qu’aucune d’entre elles ne peut offrir les produits ou services attendus,
  • Clarifier les conditions de sous-traitance. En effet, une partie des marchés publics est aujourd’hui attribuée à de grandes entreprises qui en sous-traitent la réalisation à des PME. Mais, bien souvent, ce mécanisme a des effets pervers : d’une part, l’acheteur paye plus cher car il supporte la marge que la grande entreprise ajoute au prix de ses sous-traitants. D’autre part, ceux-ci se font « étrangler » au passage par leur donneur d’ordre. Certes, pour l’acheteur, il est plus confortable de n’avoir qu’un seul interlocuteur, mais le même bénéfice pourrait être obtenu en passant un marché avec un maître d’œuvre en charge de coordonner les intervenants, le tout dans des conditions économiques globales probablement plus satisfaisantes. Aux USA, la grande entreprise titulaire du marché doit, avant signature, présenter son plan de sous-traitance et le faire agréer : on pourrait mettre en œuvre le même dispositif en Europe.
  • Protéger la capacité d’innovation des PME alors que certains grands groupes ont la mauvaise habitude de se servir des sous-traitances qu’ils passent, pour « siphonner » la R&D de leurs partenaires.
  • Clarifier la notion de « mieux disant » : les services de la Commission Européenne travaillent actuellement sur un projet de directive qui demande de prendre en compte, dans le calcul des prix proposés, la totalité du cycle de vie des produits : fourniture, maintenance, démantèlement ou recyclage en fin de vie. Cette notion devrait à mon avis être traduite dans le Code des Marchés Publics français, sans délai.
  • Monter un Service chargé d’animer les relations entre acheteurs publics, grandes entreprises et PME, pour fluidifier les relations et faire en sorte que les engagements pris au titre d’un SBA soient respectés. Certains acheteurs publics ont commencé, par exemple, à organiser des réunions pour présenter les projets de marché qu’ils ont pour l’année en cours, et pour mieux connaître les PME susceptibles de les assurer. Cette initiative devrait, je pense, être généralisée.

Je dois aussi préciser que ce sujet du SBA est trop sérieux pour faire l’objet de rodomontades et de déclarations menaçantes envers l’Europe, comme vient de le faire le candidat Sarkozy lors de son meeting de Villepinte. Nous souhaitons convaincre nos partenaires Européens, la mise en demeure n’est pas la plus efficace des méthodes. Dans le même temps, nous utiliserons les marges de manœuvre que laisse la réglementation Européenne, notamment pour les marchés de « petit » montant, pour avancer rapidement. C’est tout le sens du « Pacte de Développement » que nous proposons pour les PME.

V – Le Crédit d’impôt recherche a été présenté comme un outil majeur de l’État pour développer la recherche privée, et son montant a été augmenté jusqu’à près de 5 milliards par an. Allez-vous le conserver dans son principe (toute recherche privée est a soutenir) ? Allez-vous garder ou modifier son mode de calcul actuel qui favorise les grandes entreprises ?

La majorité des observateurs estime que les capacités réelles d’innovation technologique se sont de longue date déplacées des laboratoires et bureaux des grands groupes pour se nicher préférentiellement dans les petites et moyennes entreprises (PME), voire dans les toutes petites entreprises (TPE) ou même chez des individus dans certains secteurs comme le numérique. Je suis donc très prudente avec les « grands projets industriels » tels que la France en a mené au cours du XXe siècle et dont l’issue a été parfois positive mais souvent aussi un échec au coût démesuré.

Ce type de politique d’État perdure : appel à projets pour la création d’instituts de recherche technologique (IRT), où de très grandes entreprises comptent sur un prétendu « écosystème » comprenant de plus petites entreprises et des laboratoires publics de recherche pour se développer ; pôles de compétitivité rassemblant des laboratoires publics et des PME autour de  grands groupes industriels ; et surtout la formidable niche fiscale (4 à 5 G€ par an) que constitue aujourd’hui le crédit d’impôt recherche (CIR) dont les grands groupes – au premier rang desquels les banques et assurances – et leurs filiales souvent créées à cet effet sont les principaux bénéficiaires, sans qu’à aucun moment une évaluation qualitative n’en soit effectuée, ni que la masse de la R&D privée développée en France n’en soit statistiquement augmentée.

Nous avons donc besoin d’une autre politique de l’innovation, bien plus sélective, moins coûteuse pour les budgets de l’État et des collectivités publiques. Elle devra se concentrer sur les PME, TPE et projets individuels et permettre l’émergence d’activités et d’entreprises innovantes dans les secteurs économiques du futur. Toute approche écologiste d’une politique de l’innovation s’accompagne nécessairement d’une réflexion approfondie sur les processus qui font passer les innovations technologiques des étapes du concept et de l’expérimentation à la mise à disposition (ou à l’imposition) du public ou à l’introduction sur le marché. A côté des intérêts financiers et/ou politiques habituellement seuls à l’œuvre, la question doit être enfin posée de la façon dont pourrait s’exprimer un avis citoyen sur l’intérêt des innovations proposées.

Sur le CIR lui-même, la réponse est simple : je réviserai profondément son mode de calcul, en le plafonnant au niveau des groupes, introduirai une réelle obligation de recrutement de docteurs, et le modulerai en fonction de l’intérêt social et environnemental des projets développés. Pour privilégier les innovations socialement utiles, des mécanismes nouveaux seront à explorer. Des appels à candidatures seront lancés vers les entreprises afin qu’elles orientent leurs efforts de recherche vers l’atteinte d’objectifs contractuellement définis : les entreprises retenues à concourir seraient dédommageables de leurs dépenses en fonction et après contrôle des moyens réellement investis, les plus performantes recevant des prix dont l’importance pourrait dépendre du régime juridique adopté par l’entreprise en matière de protection ou de mise en biens communs des résultats obtenus.

VI – Allez-vous poursuivre les recherches sur des réacteurs nucléaires de Génération IV, maintiendrez-vous ou stopperez-vous le programme Astrid (réacteur de démonstration a neutrons rapides du CEA) ?

Le sigle Génération IV a servi à entretenir le mythe de réacteurs nucléaires sûrs et ne produisant plus, ou pratiquement plus, de déchets. Les écologistes n’ont jamais été abusés par cette opération de communication techno-scientifique, pas davantage qu’ils ne croient au mythe du « soleil en boîte » des réacteurs de fusion : si certains réacteurs de Génération IV pourraient peut-être réduire la tension sur les ressources naturelles en uranium, c’est au prix d’une complexité, et donc d’un coût et d’un risque de défaillance, largement accrus, et de la manipulation à bien plus  grande échelle qu’aujourd’hui de substances hautement radio-toxiques, tout cela sans rien régler de la question des déchets. Astrid est exemplaire de cette tromperie : il ne s’agit ni plus ni moins que d’une resucée de Superphénix, accompagnée de la renaissance de l’industrie du plutonium. Je mettrai un terme à ce programme, orienterai la R&D nucléaire vers la création d’une filière d’excellence en matière de démantèlement et de gestion des déchets, et ferait du CEAEA un véritable Commissariat aux Énergies Avancées qui se tournera de plus en plus vers les énergies réellement renouvelables et l’efficacité énergétique.

VII – Comment rendre plus efficace le soutien public dont l’innovation a besoin ? Considérez-vous qu’il faille réorienter la recherche publique vers les besoins de l’économie et des entreprises ?

La recherche publique n’a pas vocation à être mise au service de l’économie : sa mission première est l’exploration des frontières de la connaissance. Des collaborations, sur la base de partenariats équilibrés, sont bien évidemment souhaitables ; et s’il importe de faciliter le passage des découvertes vers les applications, c’est en restant dans le cadre du principe constitutionnel de précaution, donc en veillant à ce que toute industrialisation et mise sur le marché soit assortie de garanties objectives sur l’innocuité environnementale et sociétale des produits (la question de l’innocuité sociétale se pose par exemple pour les aspects de vie privée liés à la banalisation des nanotechnologies).

Pour les écologistes, le lien entre recherche et innovation ne passe pas par le rapprochement forcé des structures, comme tente de le mettre en place le gouvernement avec la politique dite de « clusters » dont le plateau de Saclay est l’archétype. L’exemple de la Silicon Valley est d’ailleurs éloquent : une dynamique endogène s’y est développée entre jeunes industriels et scientifiques ayant fréquenté les mêmes bancs universitaires, alimentant une culture et des réseaux partagés entre chercheurs et monde entrepreneurial. Le gouvernement américain a su accompagner cette dynamique ; il n’aurait jamais pu la créer de toutes pièces comme on prétend le faire aujourd’hui en France. Ce dont la France a besoin, ce n’est pas de politiques déplaçant universités et industries sur un plateau, mais de faire entrer des cadres formés par la recherche à la tête de nos entreprises (et des décideurs politiques) pour encourager la créativité, le désir d’innover et celui de développer de nouvelles entreprises.

VIII – L’innovation doit aussi être sociale et d’organisation, comment la favoriser par une politique publique 1’accompagnant jusqu’à son déploiement ?

A mes yeux, l’important est de libérer la créativité des individus qui est sans bornes pour peu qu’on ne la réprime pas. C’est en grande partie une question culturelle et qui dit culture dit aussi éducation. L’éducation doit dès le plus jeune âge encourager la prise d’initiatives et non le conformisme et le formatage. Au-delà de l’initiative individuelle, il y a la puissance de l’intelligence partagée, de la contribution participative. Que les projets soient à but lucratif ou non, mobiliser les citoyens pour qu’ils s’impliquent dans tel ou tel sujet qui les passionne et les motive est une source renouvelable d’innovations de toutes sortes. Celles-ci peuvent se concrétiser au niveau le plus local comme avec l’appropriation et l’utilisation des données publiques qu’il faut absolument rendre facilement réutilisables par le plus grand nombre : c’est la responsabilité des collectivités locales comme de l’État décentralisé. Mais c’est également vrai des niveaux national et européen. De ce point de vue, la France doit faire preuve de volontarisme pour que ce que certaines collectivités réussissent à mettre en œuvre puisse « passer à l’échelle ». Il faut s’inspirer de ce qui a montré son efficacité ailleurs comme il faut donner à voir les expériences réussies ici en terme d’innovation sociale. Je pense par exemple à des villes comme Brest, Mouans-Sartoux dans le sud ou Loos-en-Gohelle dans le nord, où des élus écologistes font la preuve de ce que l’innovation socialement utile est de leur côté. Chaque territoire a ses enjeux et ses potentialités. L’expérimentation doit être non seulement encouragée mais facilitée, y compris par des crédits spécifiques qui peuvent provenir de fonds régionaux, nationaux ou européens. Les citoyens doivent dans tous les cas être au centre des préoccupations et de la mise en mouvement, faute de quoi l’innovation socialement utile que nous appelons de nos vœux ne pourra se faire.

IX – La société s’est interrogée sur la pertinence de la mise en œuvre d’innovations comportant des risques controversés. Quelle sera votre politique concernant les domaines controversés des OGM, des nanotechnologies, de la biologie de synthèse ? Comment la France pourra-t-elle garder l’expertise scientifique et le poids nécessaire pour défendre ses points de vue ?

Je défends l’application stricte du principe de précaution : toute mise sur le marché de produits doit être précédée d’une démonstration contradictoire de leurs impacts possibles. Cette politique n’est pas obscurantiste, comme certains se plaisent à le répéter : elle est au contraire formidablement génératrice de connaissances et de science. Tous les champs de la connaissance ont vocation à être explorés, et je m’engage à veiller jalousement à garantir l’indépendance des chercheurs, car la recherche, les universités, comme la justice, sont des lieux très importants de contre-pouvoirs. Ce sont des lieux de défense des fondements d’une démocratie. Les juges, les étudiants, les jeunes, les chercheurs, les artistes doivent pouvoir faire preuve d’impertinence, inventer et ré-inventer, critiquer. Cela concerne tous les champs du savoir,  des économistes qui doivent s’écarter des chemins orthodoxes pour comprendre la crise aux lanceurs d’alerte dont le rôle a été tellement important, crucial même pour mettre dans le débat public des interrogations fondamentales (Gilles-Eric Seralini, André Cicolella, Rachel Carson, pour n’en citer que quelques-uns : grâce à eux sont sortis des analyses contradictoires, gênantes, sur l’amiante, l’éther glycol, les OGM ou l’état de l’environnement).

Au-delà de ces principes, il nous faut inventer une véritable démocratie scientifique, qui donne la parole à des citoyens qui sont aujourd’hui bien formés, cultivés, désireux de s’exprimer et parfois même de contribuer à l’évolution des sciences et des techniques. Je souhaite mettre en débat les grands choix scientifiques et techniques, avec des mécanismes participatifs divers dont les conférences de citoyens sont un exemple. Les futures évolutions de la bioéthique devront impérativement se faire dans le cadre d’un véritable dialogue avec la société, de même que des sujets à soutenir plus particulièrement peuvent être déterminés de manière ouverte et démocratique.

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Circulaire Guéant sur les jeunes diplômés étrangers : le dogme de l’immigration zéro passe avant l’économie et la recherche https://recherche-enseignementsup.eelv.fr/2011/11/03/circulaire-gueant-sur-les-jeunes-diplomes-etrangers-le-dogme-de-limmigration-zero-passe-avant-leconomie-et-la-recherche/ Thu, 03 Nov 2011 17:37:04 +0000 http://recherche-enseignementsup.eelv.fr/?p=2348 Communiqué de presse du 3 novembre 2011

En renonçant à demander tout aménagement de la circulaire du ministère de l’Intérieur du 31 mai sur la transformation des permis de séjour d’étude en permis de travail, Laurent Wauquiez, ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche, a confirmé que pour le gouvernement, la seule vraie priorité est le dogme de l’immigration zéro – et il a mangé son chapeau au passage.

Saisi par le collectif du 31 mai, interpellé par Europe Ecologie Les Verts et les partis de gauche, le ministre semblait avoir pris la mesure de l’absurdité de la situation en déclarant le 6 octobre que la circulaire devait être « corrigée ». En effet, alors que la France se veut hautement attractive pour les jeunes étudiants étrangers, la circulaire de Claude Guéant a de facto pour conséquence d’empêcher tout jeune diplômé de travailler en France à l’issue de sa formation. Le débat semblait traverser tout le gouvernement, Valérie Pécresse s’étant elle aussi émue de la situation. Il faut dire que les milieux économiques ont largement fait part de leur opposition à cette mesure. Mais rien n’y a fait : finalement, la ligne xénophobe l’emporte une fois de plus. Il n’y aura ni retrait, ni même aménagement de la circulaire.

Or cette circulaire est d’autant plus absurde que les étudiants étrangers rencontraient déjà d’énormes obstacles pour obtenir le statut salarié. En plus de la recherche d’emploi, il leur faut permettre à l’entreprise de justifier de son choix d’embaucher un étranger après plusieurs mois de recherche d’un profil français capable de remplir la même mission. Dans ces conditions, seules les entreprises ayant réellement besoin d’un profil spécifique embauchent un diplômé étranger. Ces difficultés ne sont pas limitées au monde de l’entreprise : elles affectent également durement les chercheurs étrangers, dont les compétences sont très recherchées mais qui peinent à assurer la jonction entre leur soutenance de thèse française et un éventuel futur poste dans le public ou privé.

EELV déplore la volte-face de Laurent Wauquiez et renouvelle son appel au retrait immédiat de cette circulaire. Les étudiants étrangers, qu’ils retournent dans leur pays d’origine ou s’établissent temporairement ou définitivement en France, participent tous au rayonnement de notre pays. Ils sont un atout pour nos universités, notre économie et notre culture, et certainement pas un fardeau ou une menace.

Pascal DURAND, Porte-parole EELV

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Convention nationale EELV ESR : un succès et de nombreuses propositions https://recherche-enseignementsup.eelv.fr/2011/10/17/convention-nationale-eelv-esr-un-succes-et-de-nombreuses-propositions/ Mon, 17 Oct 2011 19:59:19 +0000 http://recherche-enseignementsup.eelv.fr/?p=2324 (Photo : les organisateurs de la convention ESR EELV avec Philippe Meirieu et Eva Joly (tous droits réservés)) ...]]>

(Photo : les organisateurs de la convention ESR EELV avec Philippe Meirieu et Eva Joly (tous droits réservés))

Près de 150 personnes ont participé aux débats organisés par EELV à Lyon le samedi 1er octobre dans le cadre de la convention nationale « Des régions à l’Europe : perspectives pour reconstruire l’enseignement supérieur et la recherche ». Etudiants, personnels, responsables d’université, syndicalistes ou simples citoyens intéressés par les questions de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR), ils sont venus débattre des propositions présentées par EELV pour 2012.

Après la plénière d’ouverture consacrée aux évolutions en cours dans l’enseignement supérieur et la recherche en France et en Europe, la journée s’articulait en 5 ateliers, chacun préparé à l’aide de notes préalablement diffusées et bénéficiant de l’éclairage de « grands témoins ». Ainsi, les débats ont-ils dépassé les simples principes pour aller au fond des questionnements et aborder des mesures précises :

  • Favoriser l’accès et le succès du plus grand nombre dans le supérieur, en mettant en place un revenu étudiant, en refusant résolument la hausse des droits d’inscription, en construisant 10 000 places de logement étudiant par an, en révisant la pédagogie des premiers cycles et en développant la pluridisciplinarité
  • Sortir des logiques d’élitisme en rapprochant activement universités et écoles au sein de structures ancrées régionalement, en multipliant les années de transition entre filières, en ramenant progressivement les classes préparatoires vers l’université
  • Garantir l’indépendance de la recherche, en rompant avec la logique de la prétendue excellence et son hyper-concentration des moyens pour retrouver une pérennité des financements, en résorbant la précarité et en remettant la collégialité au coeur du fonctionnement de l’ESR (remplacement de la loi LRU, suppression de l’Aéres et retour à une évaluation par les pairs)
  • Développer les échanges entre sciences et société, en mettant en débat les grandes orientations de recherche, en finançant les travaux associant scientifiques et associatifs, en créant des boutiques de science pour répondre aux questions des citoyens, en valorisant le doctorat dans la fonction publique et les conventions collectives
  • Favoriser l’innovation écologique en diminuant drastiquement le crédit d’impôt recherche, en conditionnant les aides aux entreprises innovantes, en développant des mécanismes novateurs de soutien aux projets (concours…), en faisant évoluer les pôles de compétitivité vers des pôles de coopération recentrés sur les PME/PMI.

Les attentes d’une communauté ESR malmenée par les réformes des dernières années étaient palpables. Les propositions déjà formulées par EELV ont été particulièrement bien reçues. D’autres ont émergé, qui vont maintenant être intégrées au projet 2012 des écologistes.

Lors de la plénière de conclusion, Eva Joly a souligné l’importance qu’elle attache à la formation des jeunes et à l’Université, ainsi qu’à la nécessaire indépendance des scientifiques, ceux-ci devant avoir les moyens d’être « de véritables contre-pouvoirs ». Elle a pointé la nécessité de « redonner confiance à la communauté de l’enseignement supérieur et de la recherche » par une politique fondée sur la concertation avec les acteurs de l’ESR, à l’opposé des bouleversements autoritaires et des mensonges budgétaires du gouvernement.

Plénière de clôture : les vidéos


Plénière de clôture : intervention de Philippe Meirieu


Plénière de clôture : intervention de Eva Joly

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Convention Lyon 2011 – Préparation aux débats https://recherche-enseignementsup.eelv.fr/2011/09/22/convention-lyon-2011-preparation-aux-debats/ Thu, 22 Sep 2011 16:46:29 +0000 http://recherche-enseignementsup.eelv.fr/?p=2142 Dans le cadre de notre convention nationale « Des régions à l’Europe : perspectives pour reconstruire l’enseignement supérieur et la recherche », nous soumettons un certains nombre de textes préparatoires aux débats que nous aurons le 1er Octobre à Lyon.

Vous serez présent le 1er octobre ? Prenez-en connaissance pour préparer les débats !
Vous ne pouvez pas être des nôtres ? N’hésitez pas à nous faire des remarques, propositions… en nous contactant par mail !

 Au programme de la convention

 

 

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Pilotage, liberté de la recherche et démocratie scientifique https://recherche-enseignementsup.eelv.fr/2011/09/18/pilotage-liberte-de-la-recherche-et-democratie-scientifique/ https://recherche-enseignementsup.eelv.fr/2011/09/18/pilotage-liberte-de-la-recherche-et-democratie-scientifique/#comments Sun, 18 Sep 2011 14:21:46 +0000 http://recherche-enseignementsup.eelv.fr/?p=2056 Convention ESR EELV Lyon 1/10/11 – Note « Pilotage, liberté de la recherche et démocratie scientifique » – Synthèse des débats préparatoires de la commission ESR EELV, rédigée par Marc Lipinski

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Longtemps, la quasi totalité des chercheurs s’est opposée à toute irruption du monde extérieur dans les laboratoires. La peur d’être « piloté » par le personnel politique ou de voir ses recherches orientées par les applications d’aval et les besoins du marché est d’autant plus prégnante que cette méfiance est basée sur des réalités éprouvées. Or, pour les chercheurs, les espaces de liberté sont indispensables à l’accomplissement de recherches purement cognitives. Eux seuls sont à même de percevoir dans quelles directions déployer leurs efforts pour obtenir des avancées conceptuelles, atteindre des points de rupture dans les connaissances, explorer les interfaces possiblement productives. Ce sont eux qui sont en position de distinguer ce qui vaut la peine d’être tenté de ce qui n’apparaît que comme perte de temps et d’argent. Vouloir faire fonctionner toute la recherche en « mode projet » est donc inepte. Jamais il ne suffira d’assigner à la recherche fondamentale des objectifs volontaristes même assortis de moyens financiers conséquents pour qu’elle aboutisse à coup sûr. Si l’on veut réellement que progressent les savoirs et que se préparent les révolutions scientifiques de demain, il est totalement contre-productif de marchander aux chercheurs leur liberté. C’est malheureusement le cours que suivent les choses quand la recherche est promue essentiellement pour les retombées économiques qu’on en attend et de ce point de vue, les bouleversements introduits par les gouvernements des années récentes n’ont fait qu’aggraver une tendance de fond de la politique française de recherche déjà clairement à l’oeuvre dans les années Jospin-Allègre. Disons-le clairement : pour les écologistes, l’action publique doit viser à un avancement général des connaissances et la recherche cognitive doit être soutenue en conséquence.

Une fois défendu ce principe incontournable de liberté pour la recherche dans tous les domaines, sciences exactes, sciences de la vie, humanités, il est indéniable qu’une politique écologiste visera également à ce que se développent des travaux estimés cruciaux pour leurs applications prévisibles, attendues ou espérées (par exemple en matière d’énergie pour la réduction des gaspillages, l’amélioration des méthodes de production d’énergie d’origine réellement renouvelable, etc.). Certaines de ces recherches à visée applicative ont vocation à être développées en partenariat avec des acteurs du secteur marchand, à condition que ceux-ci assument leurs responsabilités sans externalisation vers les laboratoires publics de recherche. Mais la recherche partenariale doit aussi se diversifier, au-delà des seules entreprises privées. Il s’agit d’encourager la recherche dans toutes ses déclinaisons afin qu’un équilibre satisfaisant soit trouvé dans son organisation. A l’habituelle représentation opposant secteur académique – la recherche d’amont – et secteur des entreprises – l’aval – l’écologie politique préférera l’image du trépied dont la stabilité dépend d’une troisième composante, le monde associatif et citoyen.

Celui-ci étant à l’évidence largement dépourvu des moyens incitatifs dont disposent l’Etat et le secteur privé, il reviendra à la puissance publique d’inventer des dispositifs permettant d’inclure la société civile intéressée dans l’organisation générale du système français de recherche. Lors des Etats généraux de la recherche de 2004, les débats avaient été particulièrement âpres sur la question des rapports entre sciences et société. Pour les écologistes, l’engagement citoyen est hautement souhaitable, dans la recherche et l’innovation comme dans toutes les activités sociales. Il n’est pas plus étrange, moins légitime ni déraisonnable qu’une partie des budgets pour la recherche soit destinée à répondre à la demande sociale. Le milieu de la recherche semble y être désormais plus ouvert, comme en atteste la réussite du dispositif des Partenariats institutions-citoyens pour la recherche et l’innovation (Picri) mis en place dès 2005 par la région Ile-de-France, aujourd’hui rejointe par d’autres régions. Depuis l’émergence du phénomène quand apparut le Sida au début des années 1980, toujours plus nombreux sont les groupes de « profanes éclairés » qui en savent tout autant que les spécialistes ou les experts d’un sujet donné. Contrairement aux craintes initiales des chercheurs, l’irruption brutale d’une fraction de la société civile alors en danger de mort a surtout débouché sur une demande supplémentaire et pressante de recherche fondamentale. Ces rapports nouveaux entre « savants » et « simples citoyens » soulignent les besoins d’évolution d’une recherche publique qui malgré de récents efforts reste encore peu ouverte au monde extérieur.

Il revient donc à l’Etat d’introduire parmi les missions des établissements de recherche, organismes et universités, cet impératif d’ouverture. Les citoyens ont toute capacité à s’impliquer comme on peut le constater chaque fois qu’on leur donne les moyens et le temps de s’approprier des questions complexes, y compris quand elles sont de nature scientifique ou technologique, il suffit pour s’en convaincre d’examiner la façon dont ils participent aux conférences de citoyens ou aux débats publics lorsqu’ils sont organisés de bonne foi et non comme rideaux de fumée pour camoufler des décisions déjà prises. En écho aux labels Carnot attribués aux laboratoires publics particulièrement engagés dans des partenariats avec les entreprises, un nouveau label et des financements ad hoc soutiendraient les laboratoires qui s’engageraient à des coopérations actives avec le monde associatif. À l’université, les étudiants doivent se voir offrir la possibilité de suivre des parcours de formation diversifiés, avec des enseignements dans des disciplines majeures et mineures au cours desquels ils pourraient mettre leurs acquis au service de la demande citoyenne de science. Ils obtiendraient des crédits d’enseignement pour cela. A l’image de ce qui existe dans nombre de pays à travers le monde, des science shops – que la Commission européenne promeut pour que le progrès scientifique soit mieux orienté au service de la société – accueilleraient sur les différents campus universitaires citoyens et associations actives sur le territoire alentour pour tenter de leur offrir des réponses aux problèmes qu’ils leur soumettraient. Des représentants de cette société « civile » locale seraient appelés à siéger dans les Cevu – voire dans les conseils scientifiques – redémocratisés. Les conseils régionaux pourraient inclure dans les conventions qu’ils signent avec les universités ou avec les Pres un objectif de création de telles « boutiques de science ». A l’instar de l’échelon européen appelé à jouer un rôle plus grand dans les politiques de soutien à la recherche, les conseils régionaux devraient en effet se voir conférer des compétences accrues en matière d’enseignement supérieur et de recherche dont le lien avec l’organisation des territoires n’est plus à démontrer. Les pôles de recherche et d’enseignement supérieur (Pres) pourront d’autant mieux constituer des outils pertinents – fournissant par exemple un cadre favorable au rapprochement des premiers cycles universitaires et des classes préparatoires aux grands écoles, à celui des écoles et des seconds et troisièmes cycles des universités – qu’ils redeviendraient des lieux de mutualisation démocratique et non ces couches administratives additionnelles, détachées à dessein du terrain universitaire pour qu’elles se rapprochent du monde économique par le biais de ces fondations de coopération scientifique à la gouvernance de plus en plus distante et opaque.

On le voit, pour les écologistes, opposer liberté académique et demande sociale et sociétale n’est plus pertinent. L’Etat doit conserver sa responsabilité de fixer les grandes orientations du système français de recherche et d’enseignement supérieur, il lui revient de faire voter des budgets en accord avec les missions qu’il assigne aux établissements qui ont à se conformer à une stratégie cohérente et de long terme définie démocratiquement. Il ne s’agit donc pas de donner à la puissance publique ou aux citoyens une capacité de contrôle de la façon dont les chercheurs accomplissent leur métier. Il faut au contraire libérer ceux-ci de cet amoncellement de taches qui ont progressivement accaparé leurs emplois du temps. En retour, ceux-ci doivent accepter un certain volontarisme politique qui s’exprimerait dans une interaction féconde avec les organismes de recherche et sans l’étranglement progressif de toutes leurs marges de manoeuvre et de leur capacité à développer de véritables politiques scientifiques dont nous sommes actuellement les témoins.

Au stade où nous en sommes arrivés, c’est toute l’organisation du système français de recherche qui doit être revu. Ce ne pourra se faire qu’après un processus, complexe à mettre en oeuvre mais absolument nécessaire, de très large élaboration démocratique. Il s’agira de rendre le système globalement plus performant, mais aussi de combler des déficits dans certaines grandes disciplines. L’éternelle question de la transversalité devra être revisitée puisque chacun en convient, c’est aux frontières entre les disciplines que les chances sont les plus grandes de produire ces avancées soudaines qui transforment la perception d’une question, ouvrent de nouveaux champs thématiques, remettent à plat certaines problématiques.

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Enseignement supérieur : assumer l’ambition de la démocratisation https://recherche-enseignementsup.eelv.fr/2011/09/18/enseignement-superieur-assumer-lambition-de-la-democratisation/ https://recherche-enseignementsup.eelv.fr/2011/09/18/enseignement-superieur-assumer-lambition-de-la-democratisation/#comments Sun, 18 Sep 2011 14:19:41 +0000 http://recherche-enseignementsup.eelv.fr/?p=2067 Convention Education EELV Lille 2011 – Note « Enseignement supérieur : assumer l’ambition de la démocratisation »
Synthèse des débats de la commission ESR EELV, rédigée par  Laurent Audouin (Responsable de la commission ESR d’EELV) & Sandrine Rousseau (Conseillère Régionale du Nord-Pas-de-Calais, vice-présidente ESR

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Nota : Cette table-ronde ne prétend pas à l’exhaustivité : certaines questions sont renvoyées à celles sur l’autonomie des jeunes (soutien aux étudiants, conditions d’études) et la formation des enseignants (« masterisation »). De même, faute de temps, nous ne pouvons aborder nos propositions plus directement liées à la recherche dans cette Convention.

Pour les écologistes, démocratiser l’accès aux savoirs n’est pas seulement un vecteur de progrès social : c’est également un impératif pour préparer la transition vers une société soutenable. Dans un monde toujours plus complexe et interdépendant, une éducation de qualité, accessible à tous et tout au long de la vie, est le meilleur gage d’une citoyenneté éclairée et de la capacité à appréhender les transformations que devront réaliser nos sociétés. EELV souhaite donc engager une action déterminée pour permettre au plus grand nombre d’accéder aux études supérieures, sans distinction d’origine sociale et sans que les parcours ne soient conditionnés par les seuls résultats scolaires antérieurs.

Il ne peut y avoir de démocratie véritable sans émancipation intellectuelle : l’éducation est donc un droit pour tous et une mission centrale de la puissance publique. Ceci fonde le caractère de service public de l’enseignement supérieur. En France, son financement par la puissance publique combine un coût des études faible, supposé encourager les jeunes issus de familles modestes et moyennes à s’y engager, et un accompagnement social limité, qui les en dissuade – comme le prouve la polarisation croissante des étudiants en fonction de l’origine sociale. Le résultat est paradoxal : les impôts de tous (a fortiori ceux des plus modestes, vu la mauvaise progressivité des prélèvement sociaux en France) financent les études supérieures des enfants de cadres. La réponse néo-libérale est connue : laisser ceux qui les entreprennent assumer le coût de leurs études ou développer l’emprunt des étudiants. Celle d’EELV est radicalement opposée : considérer ce service public comme un investissement de la société sur elle-même, dans le cadre d’une fiscalité réellement progressive et d’une politique d’autonomisation des jeunes (avec pour principaux outils une politique dynamique de logement étudiant et la transition vers un Revenu Étudiant – cf la table ronde consacré à l’autonomie des jeunes).

Démocratiser l’accès à l’ES, c’est assurer que toutes les voies de formation accueillent les étudiants dans de bonnes conditions. Malgré une avalanche de lois, de plans, et surtout de milliards désespérément virtuels, l’Université reste insuffisamment dotée face aux autres filières du supérieur. Un rattrapage des moyens reste donc indispensable, d’autant que la France dépense aujourd’hui relativement peu pour son ES (1,3% du PIB contre 1,5 en moyenne de l’OCDE). Mais, en rupture avec la logique actuelle et sa fascination pour des classements internationaux biaisés, il ne s’agit pas seulement de faire émerger quelques pôles de prestige, qui plus est concentrés dans une bande étroite du territoire : il faut assurer que chaque région dispose d’au moins un pôle universitaire au meilleur niveau, en lien étroit avec un réseau de sites mettant l’accent sur la proximité. Cet objectif répond à la fois à un souci d’équité géographique et à la nécessité d’un tissu national équilibré pour répondre aux besoins de formation qualifiée et garantir le dynamisme de la recherche – tout en veillant à éviter le saupoudrage, qui peut mettre en danger la qualité de la recherche et donc des formations, ni d’ignorer les points forts ou les spécificités locales. L’objectif est l’accès à l’éducation et le développement de toutes les recherches : créer des pôles de recherche et d’enseignement supérieur compétitifs au niveau international peut être un moyen, mais en aucun cas une fin. Soutenir l’activité de recherche universitaire ne passe d’ailleurs pas par la formation d’une élite d’EC n’enseignant presque plus, mais par une généralisation des possibilités de décharges au fil de la carrière.

Plus généralement, notre conviction est que l’ES se construit sur la coopération et l’échange plutôt que dans l’autoritarisme et la mise en compétition. Par exemple, nous souhaitons garantir l’accès ouvert aux savoirs : la publication des travaux d’étudiants et de recherche doit être réalisées en archives ouvertes, les ressources pédagogiques doivent être mutualisées (ce qui est au bénéfice des enseignants comme des étudiants), la diffusion et l’usage des logiciels libres doivent être privilégiés. Mais surtout, il y a urgence à sortir de la politique dite « d’excellence », qui se révèle n’être qu’une rivalité permanente tant entre les personnels (PES, chaires d’excellence, généralisation des emplois précaires) qu’entre les Universités, et que le gouvernement entretient à coup d’appels à projet incessants (Campus, Labex, Idex…). La multiplication de structures de gestion et d’évaluation a débouché sur une aberration : le monde universitaire est devenu un nouveau marché pour les cabinets de conseil du privé ! L’Etat (ainsi que les régions) et le monde académique doivent inventer ensemble, dans le cadre d’un véritable débat national, les formes d’une autonomie scientifique et pédagogique réelle, qui remplacera celle imposée par la LRU, qui soit cette fois fondée sur la collégialité, la démocratisation et la démocratie de fonctionnement. Le rôle de l’Etat doit être celui d’un partenaire, exigeant bien sûr, mais certainement pas celui d’un organisateur de concours de beauté dont les perdants sont condamnés à mourir à petit feu. Pour que l’Etat puisse jouer son rôle de stratège, il est d’ailleurs impératif qu’un même ministère soit au moins co-tutelle de l’ensemble des filières du supérieur.

Démocratiser l’accès à l’ES, c’est aussi sortir de la logique élitiste des classes préparatoires – grandes écoles, qui cristallise et amplifie les inégalités scolaires antérieures, et mettre la formation par la recherche au coeur de l’ES. Les classes préparatoires, dans lesquelles l’hyper-investissement attendu devient pour de nombreux jeunes une réelle souffrance, ont vocation à s’intégrer progressivement dans les cursus universitaires de licences, pour construire un premier cycle alliant densité d’encadrement, pratiques pluridisciplinaires et ouverture sur la recherche. Cette dernière peut prendre des formes variées, comme celle des boutiques de sciences où des étudiants encadrés répondent aux sollicitations d’associations. Quant aux « grandes » écoles, nous souhaitons accélérer leur rapprochement avec les universités. Les PRES sont à cet égard un outil intéressant, à condition de préparer dès aujourd’hui leur évolution vers des universités confédérales et d’affirmer leur dimension territoriale. Il sera ainsi possible de rapprocher entreprises et recherche fondamentale, alors que le fossé actuel réduit inutilement les perspectives des étudiants et pénalise notre tissu économique. Dans ce dernier but, nous souhaitons développer les bourses CIFRE ; les stages de L3 ou M1 sont également un moyen de faire découvrir les laboratoires aux étudiants se destinant à l’entreprise, et réciproquement.

Nous entendons donner aux licences les moyens de retrouver leur attractivité : plus interdisciplinaires (par exemple via un système clair de majeures/mineures?), dotées d’un encadrement suffisant pour accompagner les jeunes dans leur acquisition de l’autonomie méthodologique, elle s’ouvriront à la diversité des parcours en généralisant les années « passerelles », notamment à l’entrée en première année, qui pourraient être obligatoire en fonction du dossier scolaire. Les licences doivent-elles se doter d’un cadre national, à l’image de celui des IUT qui n’est pas pour rien dans leur succès ? En tout cas, si l’ambition est bien d’élever le niveau de formation d’une majorité de la jeunesse, la réponse aux problèmes du premier cycle doit être avant tout pédagogique, y compris en encourageant les initiatives originales dans ce domaine. Nous proposons de lancer, avec la contribution des étudiants, une réflexion portant à la fois sur la didactique et sur les modes d’évaluation : comment faire évoluer les cursus, qui se résument encore souvent à la juxtapositions d’apports disciplinaires, vers de véritables curricula de formation, portés par des équipes, articulant objectifs, tâches, travaux collectifs et personnels, modalités d’accompagnement et d’évaluation ? Une telle valorisation des activités de formation devrait bien entendu se retrouver dans l’avancement des enseignants-chercheurs. Couplée à une orientation renforcée (dont la phase d’information devrait débuter dès la 1ere), cette approche pédagogique est une réponse autrement plus pertinente aux problèmes de réussite que la sélection. Pour autant, la question de l’accès aux masters mérite d’être posée : une orientation franche à l’entrée du M1 ne permettrait-elle pas de donner de la cohérence aux masters tout en évitant une année sans réel bénéfice pour ceux dont on peut souvent anticiper qu’ils ne pourront trouver de place en M2 ?

Enfin, l’enseignement supérieur doit aussi être le lieu d’une formation tout au long de la vie accompagnant les évolutions nécessaires de notre modèle de développement. Les formations supérieures ont vocation à s’ouvrir largement à la VAE et aux reprises d’études, y compris à temps partiel, à mesure que se développera un système de crédit-formation utilisable tout au long de la vie. Le succès des filières à dimension professionnelle (BTS et IUT) démontre qu’elles répondent à un besoin, tant des étudiants que des entreprises : mais elles le font d’autant mieux qu’elles sont le débouché de filières uni- ou pluridisciplinaires ayant permis aux étudiants d’acquérir le bagage théorique et méthodologique approprié. Le « tout-professionnel », outre qu’il serait antinomique avec un développement de la formation par la recherche, ne peut être une réponse durable à la montée en complexité des métiers et au besoin d’adaptabilité, comme en témoigne la réflexion en cours en Allemagne sur la prolongation de la formation initiale avant le passage en apprentissage. La pérennité des IUT, mise à mal par la LRU alors qu’ils sont (avec les BTS) parmi les dernières institutions qui permettent un minimum d’ascenseur social, doit être réaffirmée. Une réflexion globale, associant les acteurs en charge de ces formations ainsi que leurs parties prenantes, est nécessaire pour garantir la cohérence de ces formations, préciser leur positionnement au niveau des PRES, et poursuivre leur développement, notamment sur les villes moyennes, tout en restant fidèles à leur vocation initiale d’accueillir une diversité de publics, et notamment un pourcentage important de bac technologiques. Quant aux universités, plus que d’une « ouverture au privé », elles ont besoin des moyens (ressources humaines notamment) d’assurer des relations pérennes avec les entreprises de leurs bassins d’emploi, faire connaître leurs formations et tisser des réseaux donc bénéficieront directement les étudiants en recherche de stage.

La construction d’une France plus écologique et plus juste socialement se joue aussi dans le développement d’un enseignement supérieur attractif et démocratique. A rebours des effets d’annonces, nous souhaitons mener une action déterminée pour l’ouvrir à toutes et tous.

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