Europe – Libertés numériques (partage 2.0) https://numerique.eelv.fr Site de la commission Partage 2.0 Sun, 17 Jan 2016 11:27:23 +0100 fr-FR hourly 1 La Neutralité du Net, pourquoi c’est important, et pourquoi le Parlement Européen doit la défendre https://numerique.eelv.fr/2014/03/21/la-neutralite-du-net-pourquoi-cest-important-et-pourquoi-le-parlement-europeen-doit-la-defendre/ Fri, 21 Mar 2014 11:30:00 +0000 http://numerique.eelv.fr/?p=1990 Ce mardi 18 mars, la commission ITRE (1) du Parlement Européen a adopté le rapport sur le marché unique des communications électroniques, présenté par la députée européenne Pilar del Castillo Vera (2), affilée au PPE, le parti européen démocrate-chrétien (qui réunit la plupart des partis  de droite des pays européens).

La Commission Industrie, Recherche et Energie (ITRE) est l’une des Commissions parlementaires du Parlement européen. Elle suit comme son nom l’indique les dossiers qui ont à voir avec la recherche et d’innovation, les questions industrielles ou d’énergie. Elle est la commission qui est chef de file sur le rapport sur le règlement relatif au Marché unique européen des télécommunications. Elle a récupéré des opinions de la part d’autre commission du parlement mais c’est elle qui a préparé la proposition d’amendement du règlement proposé par le Commission européenne au nom du Parlement.

Plusieurs amendements avaient été proposés pour introduire dans ce rapport une définition du concept de neutralité du net, dont l’importance cruciale est soulignée par de nombreuses associations et fondations eu Europe comme ailleurs. Hélas, aucun n’a été finalement retenu. Ce rapport, en l’état, prépare le chemin pour un réseau Internet passant outre ce fameux principe, c’est-à-dire un réseau qui n’aura plus grand chose à voir avec l’Internet que vous connaissez aujourd’hui.

La neutralité du net est un principe selon lequel toutes les données qui transitent sur le Net sont traitées, techniquement, de la même manière : le flux d’une vidéo voyage ainsi sur la toile selon les mêmes règles et à la même vitesse que celui d’un article de Wikipédia ou qu’une collection de photographies sur Flickr (3). Mais ces dernières années, avec l’émergence des sites de partage de vidéos et de musique, les données lourdes ont pris de plus en plus de place « dans les tuyaux » (notamment à cause de la technologie du streaming). Face à cette difficulté technologique, qui oblige les opérateurs à des investissements plus ou moins coûteux, la tentation est grande de choisir une solution de facilité : abandonner ce principe de la neutralité dans la transmission des flux, afin de « prioriser » par exemple l’accès aux vidéos issus de certains sites. Mais, conséquence évidente de cette discrimination des flux en fonction de leur nature (et pourquoi pas, de leur contenu !), elle se ferait au détriment d’autres accès…

Le danger d’une telle pratique est d’autant plus évident qu’en parallèle, l’industrie de la culture exerce un lobbying intense auprès des décideurs européens, afin de protéger les intérêts des intermédiaires qui vivent de l’exploitation des oeuvres selon un modèle que l’arrivée du Net a pourtant bouleversé, et pour imposer une production culturelle mondialisée et normalisée.

Sans neutralité du net, le risque est donc grand de transformer l’Internet en un espace plus ou moins complet et plus ou moins uniformisé. Tout sera fonction du budget que l’internaute pourra investir pour son abonnement, et des choix politiques et économiques du pays où il réside : plus ou moins complet car les fournisseurs d’accès pourront proposer des offres d’abonnement « low cost », qui ne permettront pas d’accéder à tous les types de contenus avec la même facilité. Il y aurait alors un Internet pour les riches, et un autre, plus dégradé, pour les pauvres. Plus ou moins uniformisé aussi, parce que, par exemple, tel célèbre site de partage de vidéos, qui propose des vidéos-clips produits par les « majors » de l’industrie musicale, sera plus facilement accessible que le site personnel de tel artiste indépendant qui souhaite proposer ses oeuvres directement aux internautes.

En outre, et c’est sans doute la conséquence la plus importante d’un Internet qui ne serait plus neutre, il sera beaucoup plus facile pour un État ou une multi-nationale de réduire drastiquement la visibilité de sites qui voudraient dévoiler des agissements ou des informations pouvant nuire à leurs intérêts. Que l’on pense notamment aux publications des mémos des ambassades américaines par le site Wikileaks, en 2009 : sans neutralité du net, l’accès à ces données aurait pu être freiné de manière beaucoup plus efficace et discrète que les tentatives réalisées à l’époque. Or, ces informations ont joué ensuite un rôle important dans les secousses politiques qui ont parfois permis à des peuples de se débarrasser de despotes installés depuis des décennies (voir par exemple cet article, en anglais, sur les prémisses de la Révolution de Jasmin en Tunisie en 2010, par un bloggeur tunisien : The First WikiLeaks Revolution? (4)).

Un Internet sans neutralité est tout simplement le rêve de tout État pour mieux contrôler ce que les citoyens auront l’opportunité de lire, de voir, et d’échanger. Et le rêve de tout conglomérat commercial voulant imposer son monopole sur la production culturelle, en mettant en avant ses chaînes, ses programmes, ses productions, ses « artistes-maison », bref, pour imposer sa vision du monde aux internautes devenus avant tout consommateurs.

En choisissant d’évacuer toute notion de neutralité du net de son rapport, la commission ITRE du Parlement Européen laisse donc la porte ouverte à une grave dégradation de la diversité culturelle, de l’équité d’accès, et de la liberté d’expression via le réseau Internet. Elle rend ainsi possible un réseau à (au moins) deux vitesses, avec une véritable ségrégation numérique des internautes.

C’est ce 1er avril (non, ce n’est pas une blague !) que le rapport sera, ou non, adopté par la Commission Européenne. D’ici là, une forte mobilisation, sur les réseaux sociaux et/ou en prenant contact avec vos députés européens, permettra peut-être de sensibiliser nos chers représentants sur l’importance de la Neutralité du Net et sur ce qu’impliquerait son abandon (5).

En France, le Conseil National du Numérique (CNNum), commission consultative indépendante, fondée fin 2012, a publié un rapport de 67 pages sur les enjeux de la Neutralité du Net (6) dont le premier chapitre s’intitule « La métamorphose de la société et de l’économie numériques impose le principe de neutralité ». Dans un avis publié sur son site en mars 2013, le CNNum précise que « le principe de neutralité doit être reconnu comme un principe fondamental nécessaire à l’exercice de la liberté de communication et de la liberté d’expression » et propose même de « l’inscrire dans la loi au plus haut niveau de la hiérarchie des normes » (7).

Sandrine Bélier, députée européenne Europe Écologie – Les Verts, a par ailleurs déjà publié un communiqué de presse, « Marché unique des communications électroniques : la Neutralité du Net menacée » (8) dans lequel elle précise notamment que « les Écologistes européens n’entendent pas céder aux pressions de certains lobbies industriels et sacrifier par là-même la neutralité du Net qui doit rester le principe fondateur et le moteur d’Internet. Ce point n’est pas négociable, même s’il suscite de revoir l’ensemble des dispositions du texte. »

NOTES

1 – Le site de la commission ITRE (Industrie, Énergie, Recherche) :
http://www.europarl.europa.eu/committees/fr/itre/home.html

2 – Page de Pilar del Castillo Vera sur le site du parlement européen :
http://www.europarl.europa.eu/meps/fr/28390/PILAR_DEL+CASTILLO+VERA_home.html

3 – The First WikiLeaks Revolution, sur le blog TunisiaWeekly : 
https://tunisiaweekly.wordpress.com/category/pre-revolution/

4 – Pour plus d’explications techniques sur le principe de neutralité du net, lire cet article de Wikipédia :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Neutralit%C3%A9_du_r%C3%A9seau

5 – Signalons notamment la campagne SaveTheInternet.eu lancée par plusieurs associations et fondations européennes, dont La Quadrature du Net en France :
http://www.savetheinternet.eu/fr/

6 – Le rapport du CNNum sur les enjeux de la Neutralité du Net est disponible ici :
http://www.cnnumerique.fr/wp-content/uploads/2013/03/130311-rapport-net-neutralite-VFINALE.pdf

7 – Avis du CNNum sur la neutralité du Net :
http://www.cnnumerique.fr/neutralite/

8 – Communiqué de presse du 18 mars 2014 de Sandrine Bélier, députée européenne EE-LV :
http://sandrinebelier.wordpress.com/2014/03/18/marche-unique-des-communications-electroniques-la-neutralite-du-net-menacee/


Article rédigé par Grégory Gutierez et les membres de la commission Partage 2.0.

Cet article est publié sous licence Creative Commons Attribution – Partage dans les mêmes conditions 2.0
Creative Commons

 

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Manifestations internationales contre ACTA le 11 février 2012 https://numerique.eelv.fr/2012/02/08/manifestations-internationales-contre-acta-le-11-fevrier-2012/ https://numerique.eelv.fr/2012/02/08/manifestations-internationales-contre-acta-le-11-fevrier-2012/#comments Wed, 08 Feb 2012 16:06:04 +0000 http://numerique.eelv.fr/?p=1706 Dans de nombreuses villes en France et à travers l'Europe  des manifestations sont organisées samedi 11 février 2012 pour dire non à ACTA. ...]]>

Dans de nombreuses villes en France et à travers l’Europe  des manifestations sont organisées samedi 11 février 2012 pour dire non à ACTA.

Avec l’équipe de campagne d’Eva Joly, la commission Partage 2.0 à rédigé un tract destiné à être diffusé par celles et ceux qui souhaitent se rendre à ces manifestations.

Vous pouvez télécharger ici le tract EELV rédigé pour l’occasion :

Tract pleine page format A4

Tract double page A5

 

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https://numerique.eelv.fr/2012/02/08/manifestations-internationales-contre-acta-le-11-fevrier-2012/feed/ 2
Les citoyens et les élus européens doivent se lever contre ACTA https://numerique.eelv.fr/2012/02/08/1690/ Wed, 08 Feb 2012 15:48:04 +0000 http://numerique.eelv.fr/?p=1690 Vingt-deux Etats de l’Union européenne, dont la France, ont signé le 26 janvier 2012 le traité anti-contrefaçon ACTA. Plus que cinq signatures européennes et la procédure de ratification s’actionnera au sein du Parlement. Aux côtés de nombreuses associations et ONG, les écologistes appellent l’assemblée à faire barrage à cet accord commercial, déjà signé par les Etats-unis, le Canada, l’Australie, la Corée du Sud, le Maroc, la Nouvelle-Zélande et Singapour…

Alors que les protestations se multiplient sur la toile contre les projets de loi anti-partage Sopa et Pipa aux Etats-Unis, et une semaine après la fermeture de MegaUpload, la liberté d’action et d’expression sur Internet est à nouveau au cœur de l’actualité. Ce jeudi 26 janvier 2012, à Tokyo, un petit club de pays a mis un terme à plusieurs années de négociations en signant l’accord commercial ACTA (qui signifie « anti-counterfeing trade agreement »).

Cet ACTA, qui pourrait au plus tôt être soumis au vote du Parlement européen au mois de juin 2012, « créerait de nouvelles sanctions pénales forçant les acteurs de l’Internet à surveiller et à censurer les communications en ligne. » Cet accord est donc « une menace majeure pour la liberté d’expression en ligne et est porteur d’insécurité juridique pour les entreprises de l’Internet », selon La Quadrature du Net. Au nom du droit des marques et des brevets, il pourrait également freiner l’accès aux médicaments génériques dans les pays pauvres.

Pour les eurodéputés écologistes, cette signature démontre une nouvelle fois « une volonté affichée de céder à la logique de privatisation des biens communs de la planète ». Pour Sandrine Bélier, eurodéputée EELV, « les chefs d’Etats et de gouvernements démontrent ici que les intérêts commerciaux et financiers de quelques-uns pèseraient plus que la défense de l’intérêt général. » En signant le texte, les 22 Etats-membres, bientôt suivis par les cinq restant, font en effet fi de l’avis d’éminents juristes ayant pointé l’incompatibilité du texte avec le droit européen, dont la Charte européenne des droits fondamentaux et la Convention européenne des droits de l’Homme.

Les eurodéputés EELV appellent le Parlement européen à défendre les droits des citoyens qu’il représente et à faire barrage à ACTA qui restreint les libertés publiques et fait peser de lourdes interrogations en matière d’accès aux médicaments génériques et de brevetabilité du vivant. « Citoyens, société civile, élus européens et nationaux… nous devons nous mobiliser pour défendre nos valeurs fondatrices et ses libertés », conclut Sandrine Bélier.

Pour en savoir plus, lire la rubrique Non à Acta sur le site Europeecologie.eu

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CONTRE ACTA AVEC EVA JOLY ET EUROPE ECOLOGIE LES VERTS https://numerique.eelv.fr/2012/02/07/contre-acta-avec-eva-joly-et-europe-ecologie-les-verts/ Tue, 07 Feb 2012 17:28:31 +0000 http://numerique.eelv.fr/?p=1687 “La logique qui vise à mettre les ressources de l’État au service des monopoles d’une poignée de multinationales doit être rejetée.” Eva Joly, janvier 2012 ...]]>

“La logique qui vise à mettre les ressources de l’État au service des monopoles d’une poignée de multinationales doit être rejetée.” Eva Joly, janvier 2012

ACTA , « Accord Commercial Anti-Contrefaçon» est un accord négocié dans la plus grande discrétion par 39 pays, dont l’Union européenne, les États-Unis et le Japon. Sans aucun débat démocratique, ACTA contourne les parlements et les organisations internationales pour imposer une logique répressive dictée par les industries de la recherche et du divertissement.

Au prétexte de protéger les droits d’auteur, ACTA est un cheval de Troie qui organise le contrôle de l’Internet dans l’intérêt d’une poignée de multinationales. Son champ d’action va bien au-delà de la protection des droits d’auteur : mise en danger des libertés publiques, entrave à l’accès aux savoirs et aux médicaments, brevetabilité du vivant, prohibition du partage de la culture sur internet…

En outre, le comité ACTA aura carte blanche pour modifier ses propres règles et sanctions, sans intervention d’instances démocratiques.

ACTA est une menace pour le principe fondamental de la présomption d’innocence :
· En accroissant de façon disproportionnée les droits des industries du copyright aux détriments de ceux des citoyens.
· En obligeant les fournisseurs de services sur internet à faire la police du copyright.
ACTA est une menace pour les libertés publiques :
· Vos supports informatiques seront inspectés aux frontières (disques dur, lecteurs mp3…)
ACTA représente une menace pour les libertés des internautes :
· Sanctions pour les utilisateurs violant le copyright en leur coupant l’accès à l’internet.
· Accès des industries du copyright à vos informations personnelles sans recours à un juge.
· Des activités banales criminalisées (partager un article de journal ou mettre en ligne la vidéo d’une fête où on entendrait de la musique)

ACTA permet à de grandes entreprises de censurer Internet.
ACTA remet en cause l’accès aux médicaments génériques.
ACTA interdit aux agriculteurs de réutiliser leurs semences.

Face à cette menace, Eva Joly et les députés européens EELV ont été les premiers à se mobiliser, aux côtés d’associations citoyennes. Il faut à présent peser sur le Parlement Européen pour que l’accord soit rejeté par les parlementaires en avril.

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Eva Joly appelle les citoyens européens à faire barrage à ACTA https://numerique.eelv.fr/2012/01/26/eva-joly-appelle-les-citoyens-europeens-a-faire-barrage-a-acta/ Thu, 26 Jan 2012 15:19:27 +0000 http://numerique.eelv.fr/?p=1661 Communiqué de Presse d'Eva joly du 26 janvier 2012 http://evajoly2012.fr/2012/01/26/eva-joly-appelle-les-citoyens-europeens-a-faire-barrage-a-acta/ ...]]>

Communiqué de Presse d’Eva joly du 26 janvier 2012

http://evajoly2012.fr/2012/01/26/eva-joly-appelle-les-citoyens-europeens-a-faire-barrage-a-acta/

Aujourd’hui à Tokyo, l’Union européenne et vingt-deux de ses États membres, dont la France, viennent de signer ACTA, « accord commercial anti-contrefaçon».

Eva Joly a tenu à réagir : « Alors qu’aux États-Unis les projets de loi SOPA et PIPA se sont fait retoquer suite à la mobilisation massive des internautes, l’Union européenne et la France poursuivent aveuglément la voie tracée par les lobbies industriels, en restant sourdes aux interpellations des citoyens. »

Eva Joly dénonce le fait qu’ACTA ait été négocié dans la plus grande opacité par une quarantaine de pays, sans consultation des peuples. « Cet accord est potentiellement dangereux pour les malades dépendants de médicaments génériques autant que pour les agriculteurs qui risquent de voir s’accroître sur eux la mainmise des semenciers. Il représente de surcroît une menace pour les internautes dont la liberté risque d’être supprimée en même temps que les principes fondamentaux de justice que sont la présomption d’innocence et la charge de la preuve. »

Depuis quelques jours, la mobilisation s’organise dans le monde entier : pétitions aux États-Unis, manifestations en Pologne, lettres de citoyens envoyées au Parlement européen. Alors que celui-ci devra se prononcer pour ou contre ACTA dans les prochains mois, Eva Joly apporte son soutien à ces mouvements de protestation : « L’escalade anti-démocratique doit cesser. La logique qui vise à mettre les ressources de l’État au service des monopoles d’une poignée de multinationales doit être rejetée. Ce sont les intérêts des citoyens et de la justice que les élus et les gouvernements doivent servir. Comme de nombreux citoyens européens, je suis mobilisée pour faire barrage à ACTA. »

Eva Joly

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Et si l’on discutait ouvertement d’Acta ? https://numerique.eelv.fr/2011/11/07/et-si-lon-discutait-ouvertement-dacta/ Mon, 07 Nov 2011 00:54:00 +0000 http://numerique.eelv.fr/?p=1796   Publié le 7 novembre 2011   Tribune de Sandrine Bélier, députée européenne EELV La faiblesse de certains de nos dirigeants pourrait nous conduire à céder ce qu’il nous reste de libertés publiques et de biens communs aux mains et profits des plus gros négociants économiques de la planète. ...]]>

 

Publié le

 

Tribune de Sandrine Bélier, députée européenne EELV

La faiblesse de certains de nos dirigeants pourrait nous conduire à céder ce qu’il nous reste de libertés publiques et de biens communs aux mains et profits des plus gros négociants économiques de la planète.

L’outil pour ce faire: un traité international, un accord commercial anti-contrefaçon dit traité «Acta», négocié dans le plus grand secret et qui présente aujourd’hui le risque d’une réorganisation mondiale dont les quelques possédants de brevets et de droits intellectuels deviendraient les maîtres incontestables. Un traité qui impacte tant l’avenir de la préservation de la biodiversité, de l’agriculture, de la santé, la culture et de nos principales libertés publiques.

Début octobre, alors que huit Etats signaient le traité Acta, deux nouvelles études jettent coup sur coup un nouveau pavé dans la mare paisible des petits arrangements entre Etats.

Mandatés par l’Internet Core Group des Verts européens, Douwe Korff, Ian Brown, respectivement membres de la London Metropolitan University et de l’Oxford Internet Institute (University of Oxford) ainsi que Sean Flynn et Bijan Madhani de l’American University Washington College of Law viennent démontrer, point par point, le caractère incompatible du texte avec le droit européen.

Libertés publiques et numériques

La première étude, celle de Douwe Korff et Ian Brown est relative à la compatibilité du traité avec la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) et la Charte européenne des droits fondamentaux (CEDF).

Elle confirme qu’Acta réduit l’équilibre des droits de propriété intellectuelle au principal bénéfice des ayants droit. Selon les auteurs, les mesures contenues dans le traité sont disproportionnées et contraires à de nombreux droits fondamentaux. Acta ne garantit pas de procédure juridictionnelle équitable, telle qu’exigée, notamment aux articles 6 de la CEDH et 47 de la CEDF.

Autre incompatibilité: en n’interdisant pas le recours à la riposte graduée et en faisant peser une responsabilité excessive sur les fournisseurs d’accès à Internet, Acta ne garantit pas le respect du droit communautaire en matière de défense des droits de l’homme et protection des données personnelles.

Tout comme d’autres études précédemment menées, parmi lesquelles l’Opinion de Hanovre [PDF], les conclusions de Korff et Brown ne laissent planer aucune ambigüité: transparence du processus de négociations, droit à un procès équitable, protection des données et de la vie privée, libre accès à l’information et libre diffusion des connaissances, autant de dispositions inscrites dans notre droit européen que viole ce nouveau traité.

Accès aux médicaments

Ciblée sur la compatibilité d’Acta avec l’accès aux médicaments, la seconde étude, conduite par Sean Flynn et Bijan Madhani est tout aussi critique.

Selon les auteurs, les dispositions vont au-delà des accords ADPIC, signés par l’Union européenne et font peser une réelle menace sur l’avenir des médicaments génériques. Autorisation de saisies et destruction de médicaments importés au sein de l’Union ou en transit, sur simple suspicion de contrefaçon, contournement de l’autorité judiciaire, faiblesse de la charge de la preuve demandée aux ayants droit, élargissement de la responsabilité et des sanctions juridiques aux intermédiaires (transporteurs, par exemple) quand bien même leur intention frauduleuse ne serait pas établie, absence d’exigences d’indemnisation des importateurs en cas de détention douanière abusive de médicaments, etc.

Tout comme en matière de respect des droits fondamentaux, la liste de griefs est pléthorique et n’est pas sans conséquences en matière d’accès aux soins, tant pour les populations des pays en voie de développement que pour les citoyens européens. Faut-il rappeler que l’accès aux génériques, est un gage pour la continuité d’accès aux soins, dans un contexte où les budgets santé des Etats membres de l’Union n’ont de cesse de se réduire et qu’un nombre grandissant de personnes, faute de moyens financiers suffisants, abandonnent déjà toute idée de souscrire à une mutuelle complémentaire.

Des mutuelles, qui viennent, à suite de l’alourdissement de la taxation par le gouvernement des contrats de santé, d’annoncer une nouvelle hausse moyenne de leurs tarifs de 4,7% pour l’année 2012.

Pour une consultation publique et citoyenne

Dans ce contexte, je me pose une question aujourd’hui: pouvons-nous accepter une nouvelle restriction de nos libertés publiques et de notre accès aux soins? La relance du débat sur l’abrogation d’Hadopi en France, dans le cadre de la pré-campagne de la présidentielle de 2012, entre dans le champ de cette interrogation tant les similitudes entre la Haute Autorité et les dispositions du traité anti-contrefaçon sont nombreuses en matière d’Internet, et que la France garde une réelle et forte influence au sein du Conseil européen.

Mais et au-delà d’Hadopi, au regard de la portée de ce traité et des conséquences qu’il fait peser sur la vie quotidienne des Français et des Européens, je maintiens que nous ne pouvons pas faire l’économie d’un débat de fond et ouvert sur Acta. La Commission européenne doit lancer une «consultation» publique et citoyenne avant tout engagement. La saisine de la Cour de justice de l’Union européenne est une des options qui reste ouverte.

Le Parlement européen devrait, vraisemblablement au cours du premier trimestre 2012, être appelé à se prononcer sur la ratification du traité, si la Commission européenne et le Conseil confirmaient, dans les prochaines semaines, leur volonté de signer le texte.

Autant dire qu’au-delà de la seule responsabilité du Parlement européen, au sein duquel la majorité de droite soutient fermement Acta, la mobilisation citoyenne mais aussi le résultat des prochaines échéances électorales françaises pourraient peser lourd dans la balance. Du choix du chef de l’Etat et de la prochaine majorité parlementaire pourrait dépendre l’avenir d’Acta et la garantie de nos droits les plus fondamentaux. La France pouvant jouer de son influence auprès des autres Etats membres pour rejeter l’accord et constituer une majorité de blocage comme elle l’a su le faire en d’autres domaines.

Retrouvez la tribune en ligne ici :

http://www.slate.fr/tribune/45195/acta-ue-hadopi

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