Les huîtres triploïdes

Commission Mer et Littoral de EELV – Fiche Thématique – novembre 2009

 

Cette fiche est issue du travail des militants d’Europe-Ecologie-Les Verts et a été validée par la Commission Mer et Littoral de EELV. Il ne s’agit néanmoins pas de la position officielle d’EELV sur le sujet.


Etat des lieux

L’huître creuse Crassostrea gigas, possède naturellement 2 lots de 10 chromosomes. Elle est diploïde comme tous les êtres vivants naturels.

L’huître triploïde est une nouvelle variété de l’huître Crassostrea gigas issue d’une manipulation chromosomique.

Le but est d’obtenir une huître stérile, donc non laiteuse dans les périodes de reproduction, commercialisable en toute saison, d’où son appellation non officielle “ Huître des 4 saisons ”.

Le but était aussi d’obtenir une huître plus poussante et plus résistante, du fait que son énergie n’est pas utilisée à la reproduction. Cependant, rien ne prouve aujourd’hui (même si tout et son contraire ont été dit et publié sur ce sujet) que les huîtres triploïdes poussent plus vite ou meurent moins que les huîtres diploïdes.

Les naissains triploïdes (3 lots de chromosomes) sont obtenus en écloserie par croisement à partir d’huîtres tétraploïdes (4 lots de chromosomes) et d’huîtres naturelles diploïdes (2 lots de chromosomes), résultats de travaux menés par IFREMER.

Les géniteurs tétraploïdes sont obtenus depuis 1997 dans les laboratoires d’IFREMER et de la SATMAR (Société Atlantique de Mariculture, écloserie privée).

Afin d’éviter tous risques de développement non contrôlés des tétraploïdes dans le milieu naturel dont les conséquences sont difficiles à estimer, la réglementation impose de garder les huîtres tétraploïdes en système de quarantaine avec stérilisation des eaux de rejet.

 

Les huîtres triploïdes échappent à la réglementation des OGM, du fait qu’elle sont issues d’une transgénèse et non pas d’une modification du patrimoine génétique.

Les textes sont clairs, l’induction polyploïde fait partie des techniques qui ne sont pas considérées comme entraînant une modification génétique. (J.O. de la C.E. 08/05/90)

Historique

L’huître triploïde est apparue aux USA il y a plus de 20 ans, en France la SATMAR propose du naissain triploïde depuis 1994. Jusqu’en 1998, la triploïdie est obtenue chimiquement à l’aide d’inducteurs chimiques comme la cytochalasine B en phase d’être interdite d’utilisation par les règlements communautaires. Durant cette période la commercialisation est restée marginale. Depuis 1999 où IFREMER a permis d’utiliser du sperme d’huître tétraploïde, de nouveaux produits apparaissent sur le marché : les Triplodocus proposés par Grainocéan et le G.T.S. (gigas triploïde SATMAR) vendus par la SATMAR.

Entre 2000 et 2001, ce sont 5.000 tonnes de triploïdes qui sont vendues. La production ne cesse de croître. En France, c’est au moins 30 à 40% de la production d’huîtres qui est désormais triploïdes (la majorité des huîtres d’écloserie en fait) même si le marché est un peu à la baisse depuis les séries de mortalités estivales.

De fait les huîtres sont de plus en plus souvent élevées et vendues en mélange diploïdes + triploïdes, ce qui ne permet plus vraiment de les distinguer sur le marché.

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Débat en cours et analyse critique

Les Verts sont inquiets de la culture et de la commercialisation d’huîtres triploïdes.

Nous pensons que la production éventuelle d’huîtres triploïdes doit faire l’objet d’un débat le plus large possible, associant à la profession ostréicole consommateurs et protecteurs de l’environnement. Les Verts soutiennent totalementles producteurs et les consommateurs dans leur réflexion contre cette nouvelle variété d’huître et demandent plus d’informations sur le plan biologique et commercial et plus de transparence dans le marché : étiquetage spécifique des huîtres triploïdes afin que le consommateur achète en connaissance de cause.

(La profession ostréicole n’a pas attendu les Verts pour avoir des débats sur ce sujet qui divise complètement la profession).

 

Nos interrogations :

– Il n’y a pas lieu d’introduire cette nouvelle espèce d’huître issue d’une manipulation chromosomique pour ne pas dire génétique ?

– Car qui peut affirmer aujourd’hui qu’il n’y a aucun risque ? N’aurions-nous pas tiré les leçons de la vache folle et du sang contaminé ? Le principe de précaution doit prévaloir car nous n’ignorons pas que ces naissains triploïdes, donc stériles, sont obtenus à partir d’une huître tétraploïde elle aussi manipulée. L’introduction par accident dans le milieu de cette huître tétraploïde risquerait de rendre stérile l’ensemble du cheptel.

– Les ostréiculteurs ne seraient-ils pas alors dépendants des écloseries, tels que sont les agriculteurs dépendants des semenciers ?

– La plupart des ostréiculteurs, en proposant jusqu’aujourd’hui un produit exclusivement naturel, ont échappé à la crise provoquée par les farines animales et les poulets à la dioxine, et le rejet des plantes transgéniques par les consommateurs. Pourquoi aller au devant de problèmes dans le seul but de conquête du marché, partant d’un produit frelaté ?

– En outre la stérilité des huîtres triploïdes n’est pas assurée à 100%. Que pourrait-il se passer lorsque l’on sait que la méiose des triploïdes donne toutes les combinaisons possibles ? Où serait le principe de précaution ?

– Ajoutons que le comportement de cette nouvelle variété face à la maladie reste encore une inconnue. A-t-on assez de recul pour affirmer un risque zéro et se lancer dans une production à grande échelle en milieu naturel ?

 

– Nous craignons que la colonisation du milieu maritime par cette espèce animale non naturelle présente un risque élevé de déstabilisation des élevages naturels. Pour mémoire, les saumons ou truites tétraploïdes – à la qualité amoindrie – sont élevés dans des bassins confinés.

 

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Position officielle des Verts sur ce sujet

Il n’y a pas de position officielle des Verts sur ce sujet.

Des groupes locaux des Verts appellent les producteurs et les consommateurs à la réflexion en refusant cette nouvelle huître tout en attendant plus d’informations et un débat ouvert.

Demander la transparence du marché avec un étiquetage spécifique semble la première des choses.

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Prise de position proposée par la commission

La commission “ Mer et littoral ” des Verts a été saisie et des “ chats ” ont eu lieu entre Verts du littoral atlantique.

Les acteurs de la société impliqués dans ce débat

Les professionnels attachés à la culture traditionnelle sont inquiets des décisions que pourrait prendre le ministère de l’agriculture suite aux discussions avec le Comité national de la conchyliculture (CNC), sous la pression de l’ONEHTOM (Organisation nationale des éleveurs d’huîtres triploïdes et de l’ostréiculture moderne) et des écloseries.

 

La position officielle des scientifiques, André Gérard, directeur de la station d’IFREMER de La-Tremblade, et le professeur M.B. Chevassus, directeur de l’AFSSA, sont favorables au développement des triploïdes.

 

La confédération paysanne est opposée et souhaite que soit “ appliqué le principe de précaution, seule procédure qui traduit une attitude de prudence ”.

Rédacteur de la fiche

Michel Daverat  

Amendé par Pierre Gildas Fleury, chercheur IFREMER (novembre 2009)

 

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