Droit de vote des étrangers : Hélène Flautre rappelle quelques vérités
La mémoire a ses vertus que l’ambition électorale parfois ignore. Nicolas Sarkozy affirmait au Monde en octobre 2005: « Je ne trouve pas anormal qu’un étranger en situation régulière, qui travaille, paie des impôts et réside depuis au moins dix ans en France, puisse voter lors des élections municipales. J’ouvre un débat en faveur d’une mesure que je pense juste. »
C’est d’ailleurs en ce sens que les Français se sont prononcés, à travers de multiples sondages, entre 55 et 60% se déclarant favorables à l’extension de ce droit aux étrangers résidents non-membres de l’UE. Rappelons que les étrangers issus des pays membres de l’UE, installés en France, ont le droit de vote aux élections municipales et européennes.
Combien de personnes seraient concernées? En 2008, selon l’Insee 3,7 millions d’étrangers résident en France, soit 5,8 % de la population totale (6,5 % au sein de l’UE) dont 1 million de ressortissants d’un autre pays de l’UE. Si on tient compte d’une certaine durée de résidence 1,5 à 2 millions d’étrangers non communautaires pourraient s’inscrire sur les listes électorales, soit 3 à 4% du corps électoral. Cela permet de relativiser les propose de ceux qui crient au loup.
Mais au delà de ce chiffrage, le vote, et tout un chacun le vit pleinement en cette période électorale, constitue un acte citoyen par lequel on se manifeste en tant que membre d’une communauté politique (qu’elle soit locale, nationale, ou européenne…), d’une communauté de destin. La citoyenneté est bien l’une des composantes du lien social, notamment par l’égalité des droits dont elle est garante. Comment exiger l’intégration de ces personnes et proclamer l’attachement de l’Union à l’égalité, à la démocratie tout en les excluant du débat démocratique? L’octroi du droit de vote marque un progrès en matière de citoyenneté qui ne saurait se réduire à la nationalité française. Et même il s’agirait d’une juste reconnaissance de leur participation à la vie sociale, culturelle et économique – 12 milliards par an d’apport au budget de l’Etat! C’est également un moyen de faire entendre leur voix et d’impliquer les nombreux Français issus de l’immigration déclarant ne pas être inscrits sur les listes électorales, 23% contre 7 % des Français « d’origine ».
Le Parlement européen, le Conseil de l’Europe, le Comité économique et social européen se sont déjà déclarés favorables à de telles mesures à plusieurs reprises. Une majorité d’Etats européens l’autorisent. Pionnière en la matière, l’Irlande autorise, depuis 1963, tous les résidents étrangers à voter aux élections municipales, sans durée minimale de résidence. Depuis 1985, les ressortissants britanniques peuvent même voter aux législatives.
La Suède (en 1975), le Danemark (en 1981), les Pays-Bas (en 1983), le Luxembourg (en 2003) et la Belgique (en 2004) ont octroyé le droit de vote à tous les étrangers qui résident sur leur territoire depuis plusieurs années – entre deux et cinq ans. L’Estonie, la Slovénie, la Lituanie, la Hongrie, la République tchèque et la Slovaquie ont pris les mêmes dispositions.
L’Espagne, le Portugal et le Royaume-Uni accordent le droit de vote aux ressortissants de certains pays, notamment leurs anciennes colonies. L’Espagne et le Portugal, sous réserve de réciprocité et de durée de résidence. La Grande-Bretagne ouvre tous ses scrutins – locaux et nationaux – aux citoyens du Commonwealth (qui compte 54 États membres) et aux Irlandais.
Enfin, deux États accordent le droit de vote à d’autres élections que les municipales : le Danemark (pour les régionales) et la Suède (à l’équivalent des conseils généraux). En Suède, les étrangers peuvent même participer à des référendums nationaux.
Et même, certains pays permettent l’éligibilité: les étrangers disposant du droit de vote sont éligibles aux assemblées municipales au Danemark, Espagne, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal, Suède et au Royaume-Uni sous certaines conditions. En Irlande, il n’y a aucune restriction.
Et à l’inverse, de nombreux pays hors UE accordent le droit de vote aux étrangers là où de nombreux Français se sont installés. On peut citer, entre autres, l’Argentine, le Chili, la Colombie, l’Uruguay, le Burkina, le Malawi, le Maroc, la Corée du Sud, l’Islande et bien d’autres.