fédéralisme – Commission Europe https://europe.eelv.fr Un site utilisant Réseau Europe Ecologie Les Verts Sun, 18 Aug 2013 14:33:41 +0200 fr-FR hourly 1 Un non-accord sur le budget européen : quoi ? comment ? qui ? Les réponses https://europe.eelv.fr/budget-europeen-quoi-comment-qui-les-reponses/ Fri, 15 Feb 2013 12:20:59 +0000 http://europe.eelv.fr/?p=2153   Note technique sur le ''non-accord'' sur le CFP 2014-2020       I] Qu'est-ce que le ''non-accord''? ...]]>

 

Note technique sur le  »non-accord » sur le CFP 2014-2020

 

 

 

I] Qu’est-ce que le  »non-accord »?

Le  »non-accord » est la situation dans laquelle l’Union européenne sera si elle n’a pas de Cadre Financier Pluriannuel au 31 décembre 2013 qui peut résulter d’une ou plusieurs des raisons suivantes:

  • Absence d’accord politique au Conseil européen
  • Absence de majorité (<378 voix pour) ou rejet du CFP au PE
  • Absence d’Unanimité au Conseil
  • Absence de vote au PE et/ou au Conseil avant le 31 décembre 2013

Tout échec avant le 31 décembre 2013 ne signifie pas le  »non-accord » automatiquement il peut être rattrapé pour peut que les dispositions légales (approbation au PE d’abord, unanimité au Conseil ensuite) soit respectées.

 

Le  »non-accord » est un scenario

complexe qui aurait de nombreuses conséquences et répercussions sur l’ensemble de la politique budgétaire européennes (volet dépense et volet recette) et sur le financement des programmes européens (bases légales et financement).

 

II] Conséquences automatiques d’un  »non-accord »

En cas de  »non-accord » des dispositions techniques ont été prévues par les traités et/ou par différents règlements (Traités, règlement CFP, Accord InterInstitutionnel, règlement financier…) qui permettent d’affronter la situation.  »Ce n’est pas la fin du monde ».

En cas de non-accord, les plafonds de 2013 (et non le budget annuel!) seront prolongés année après année jusqu’à un nouvel règlement CFP entre en vigueur. Ils seront automatiquement augmentés de 2% par an pour tenir comp

te de l’inflation et adapter aux traités d’adhésion déjà négociés.

 

Les bases légales liées aux ressources propres n’ont pas de date d’expiration, le budget européen continuerait d’être financé. Les 6 textes proposés par la Commission européenne sur les ressources propres ne sont pas directement liés au règlement CFP ils pourraient faire l’objet d’une négociation séparée. En cas de  »non-accord » sur le dossier des ressources propres au 31 décembre 2013, les rabais autrichien, allemand, néerlandais et suédois cesseraient alors que le chèque britannique continuerait, n’ayant pas de date d’expiration.

 

A l’exception de 3 textes liés à la Politique Agricole Commune (hors Pilier II), l’ensemble des textes servants de bases légales aux programmes pluriannuels cesseraient et/ou se retrouveraient sans enveloppe budgétaire pour la période post-2014, on se retrouverait de fait avec des plafonds, de ressources mais sans la possibilité d’avoir un budget en absence de bases légales.

 

III] Alternatives techniques en cas de  »non-accord »

Le CFP serait reconduit d’année en année avec une augmentation automatique de 2% chaque année et une adaptation à chaque élargissement.

Les ressources propres et les contributions nationales continueraient d’être versées au budget européen.

Mais nous n’aurions pas de bases légales pour ni d’enveloppe budgétaire pour financer les programmes pluriannuels. Pour éviter cela, deux solutions existent:

  • Etendre l’ensemble des bases légales d’année en année jusqu’à un nouvel règlement CFP et de nouvelles bases légales entre en vigueur. Dans un tel cas les enveloppes de 2013 reconduites conviendraient parfaitement aux plafonds de 2013, eux aussi reconduits.
  • Adopter les nouveaux programmes 2014-2020 avec le risque que les nouvelles enveloppes ne conviennent pas aux plafonds reconduits de 2013. Dans ce cas 2014 serait  »gérable », 2015  »compliquée », 2016  »problématique »1. Dans ce cas là il faudra utiliser l’ensemble des outils de flexibilité à la disposition des institutions dès 2014, devenir inventif dès 2015 ou 2016. Au-delà de 2016, il semblerait que cela deviennent impossible.

 

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PVE : Quel avenir pour l’Europe ? Plus d’union ! https://europe.eelv.fr/pve-quel-avenir-pour-leurope-plus-dunion/ Sun, 11 Nov 2012 11:38:14 +0000 http://europe.eelv.fr/?p=2089 Le 11 novembre 2012, les écologistes européens réunis à Athènes à l’occasion du Conseil du Parti Vert Européen adoptent la résolution ci-dessous.

 

 

La crise actuelle révèle de façon spectaculaire l’incapacité de l’UE à prendre des mesures décisives en faveur des processus démocratiques, en remettant ainsi en question la cohésion socio-économique et la justice sociale.
Nous, les Verts, croyons à une Europe ouverte et forte, fondamentalement solidaire, capable de protéger ses citoyens et de faire face aux crises actuelles. Par conséquent, le PVE rejette l’idée qu’il faille ralentir le processus de construction d’une Union politique encore plus soudée et plus démocratique pour résoudre la crise. Au contraire, l’UE doit acquérir davantage de légitimité démocratique et changer ses politiques actuelles pour reconstruire notre économie sur de nouveaux modèles sociaux et économiques verts, en s’appuyant sur la solidarité, la solidité et le développement durable, pour redéfinir la démocratie et défendre l’État de droit.
Les citoyens doivent avoir les moyens d’influer sur des décisions et l’UE doit progresser de manière décisive vers une Union politique (fédérale) reposant sur une constitution courte adoptée par référendum à l’échelle européenne.
Les réponses actuelles déstabilisent nos démocraties et minent les conditions de vie, la santé, la situation professionnelle et les perspectives en matière de développement économique durable des citoyens. Elles provoquent un repli dans le nationalisme et le populisme, et minent la solidarité globale en Europe. Si pour de nombreux Européens, l’UE n’est qu’une terre lointaine où des hommes et des femmes énigmatiques de nationalité étrangère prennent des décisions immuables, ou une machine bureaucratique qui dépense leur argent sans réelles solutions en vue, la majorité d’entre eux reste toutefois favorable à l’idée européenne.

 
1.Nous assistons dans le même temps à une tendance à la « renationalisation » des politiques de l’UE et à une « dé-démocratisation » du processus de prise de décisions, notamment (mais pas exclusivement) au niveau européen, qui se démarque de la méthode européenne, au profit d’un recours plus marqué aux décisions intergouvernementales et aux réunions informelles. Nous devons jouer un rôle dans le reversement de ces tendances.
2.L’attribution du prix Nobel de la paix à l’Union européenne nous offre l’occasion et nous impose la responsabilité de donner une nouvelle force et une nouvelle orientation à la signification historique de l’unification européenne, et souligne l’importance d’un soutien et d’une solidarité mutuels au sein de l’Union.
3.La démocratie doit être défendue et encouragée partout, et l’UE doit continuer à se développer et devenir un système disposant de véritables compétences supranationales mais limitées, et plus de ressources propres. Ce partage de souveraineté et une application homogène du principe de subsidiarité doivent permettre aux États membres de conserver leurs normes et réglementations et de les améliorer, en les rendant plus strictes, notamment dans les domaines de la société, de l’environnement, de la santé, des droits civils et des droits de l’homme.
4.Les élections européennes en 2014 devraient contribuer à renforcer l’espace démocratique européen et la mobilisation des électeurs autour de notre projet pour un « New deal » vert et une Union européenne plus démocratique, plus transparente et plus efficace.
5.Le PVE s’engage pleinement à présenter aux électeurs un agenda politique complet et une équipe composée de femmes et d’hommes capables de le représenter et de le diffuser partout en Europe. Nous restons mobilisés sur un travail de réforme en profondeur de l’UE, la création de listes électorales transnationales et le lancement d’un débat sur la stratégie des Verts pour la nomination du Président de la Commission et du Secrétaire général/Haut représentant.
Le Conseil du PVE confie au comité, en coopération avec les groupes de travail nouvellement constitués, la présentation de propositions pour l’élaboration d’une « stratégie des Verts en vue des élections de 2014 », en impliquant les partis et en coopération avec le groupe des eurodéputés (GGEP), à l’occasion du prochain conseil qui aura lieu au printemps.

 

Concernant le débat actuel sur les mesures à prendre d’urgence pour sortir de l’instabilité :
6.Nous ne pouvons pas attendre jusqu’aux prochaines élections européennes pour agir : une alliance entre les citoyens, la société civile, les syndicats, les mouvements sociaux, les forces économiques responsables et politiques progressistes est indispensable pour sortir l’Europe de la crise. Nous pouvons renverser les tendances nationalistes et populistes grandissantes en mobilisant dès à présent et en faisant progresser nos idées lors des prochaines campagnes électorales, pour que l’UE aide les Européens à trouver des emplois plus nombreux et plus gratifiants, à développer une activité économique durable et innovante et une vision pour un meilleur avenir commun.
7. À court terme, les mesures suivantes doivent être prises d’urgence :
a. Donner le temps qu’il faut à la Grèce pour qu’elle consolide peu à peu ses finances publiques, dans une optique d’économie viable, de justice sociale et de développement durable. Cela implique que (1) des efforts de réforme, comme l’établissement d’un système fiscal fonctionnant normalement soient poursuivis et réorientés pour éviter le démantèlement de l’État providence (2) que l’UE soutienne une stratégie crédible, en mobilisant les instruments financiers dont elle dispose pour restaurer des investissements privés durables dans le pays et restructurer davantage la dette nationale, afin de remettre le pays sur une trajectoire viable.
b. Mettre fin à des politiques unilatérales prônant l’austérité budgétaire et la déflation des salaires. Ces politiques accroissent les inégalités sociales et s’avèrent contreproductives d’un point de vue économique, comme l’a lui-même reconnu le FMI en octobre. Les pays dont les comptes sont largement excédentaires doivent également prendre leurs responsabilités. Cela nécessite une stratégie d’investissements crédible qui combine les instruments publics existants (réglementations, politique fiscale, établissements d’investissements publics tels que la BEI, etc.), afin de mobiliser et de réorienter les moyens privés et publics et faire de l’Europe un moteur en matière de ressources et d’efficacité énergétique.
c. Rompre la relation entre les États et leurs banques, en permettant une recapitalisation directe des établissements systémiques à risques par le mécanisme européen de stabilité (MES). Parallèlement, nous devons nous assurer que cette recapitalisation repose sur la coopération. Cela suppose la supervision directe des banques : la première étape vers ce que l’on pourrait qualifier d’une union bancaire. À cet égard, le PVE soutient un mécanisme de supervision paneuropéen, investi des pouvoirs nécessaires pour superviser directement toutes les banques de l’Union, pouvant déléguer des tâches le cas échéant pour des raisons pratiques à des superviseurs nationaux, et placé sous une autorité de supervision bancaire européenne indépendante et entièrement responsable devant le Parlement européen. En outre, l’amélioration des réglementations bancaires et financières, et la lutte pour la fermeture des paradis fiscaux, doivent aller de pair. Les entreprises exerçant leurs activités dans des paradis fiscaux doivent être exclues des marchés publics. La séparation entre les banques d’investissements et les banques commerciales est nécessaire.
d. Sortir la BCE de la mission dans laquelle elle s’est « enlisée », du fait de l’incapacité du Conseil de l’UE à trouver une solution appropriée à la crise de l’euro, et qui l’a conduit à franchir de plus en plus la frontière qui sépare la politique monétaire et la politique fiscale. L’indépendance de la BCE doit être respectée, mais son fonctionnement doit devenir bien plus ouvert et transparent, avec notamment la publication des minutes de ses réunions. De même, la BCE doit également respecter l’indépendance des institutions européennes et des États membres dans l’élaboration des politiques.
e. L’urgence dans la zone euro a donné lieu au projet de mécanisme de supervision reposant sur la BCE, servant principalement de mesure sur le court terme, pour permettre une recapitalisation directe des banques de la zone euro par le biais du MES.
Les fondements juridiques proposés posent des difficultés importantes liées aux conflits entre la politique monétaire et la politique de supervision, au marché unique, aux droits des États membres hors de la zone euro, et à la responsabilité et la supervision des groupes qui intègrent des sociétés d’assurance. Le PVE considère donc que le mécanisme proposé ne peut pas servir de base à une solution pan-européenne pérenne.
f. Compléter le mécanisme de supervision bancaire unique par un système de garantie de dépôts et de résolution bancaire au niveau de l’UE, créant ainsi une union bancaire crédible tout en encourageant la diversité des modèles économiques dans le secteur bancaire. Les fonds européens concernés devront être financés par des prélèvements sur les banques en fonction des risques, et permettre une faillite ordonnée des banques sans que les pouvoirs publics aient à intervenir systématiquement pour les aider en utilisant l’argent des contribuables. Ces mesures ne doivent pas conduire à moins de restrictions sur les banques, ni à un risque plus élevé sur la stabilité financière.
g. Pour que les citoyens aient davantage confiance dans l’UE et ses finances, les Verts inciteront leurs gouvernements respectifs à publier une déclaration annuelle d’État membre, auditée par l’institut de contrôle national, concernant la gestion et le contrôle des fonds utilisés et des recettes collectées au nom de l’UE.

 

8.À moyen terme, les mesures suivantes devront être prises :
a. Une stratégie fiscale complète : au-delà de l’application de la taxe sur les transactions financières (TTF) dans le cadre d’une meilleure coopération, des progrès sensibles restent à réaliser en matière de contribution climat et énergie et d’impôts sur les sociétés, ainsi que de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.
b. Doter la zone euro d’un pare-feu financier efficace qui présenterait un prêteur en dernier ressort aux États souverains (l’établissement du MES et l’annonce du rachat des dettes souveraines sous condition par la BCE (OMT) sont loin de répondre aux besoins). Nous soutenons l’attribution d’un agrément bancaire au MES qui, associé à une procédure de vote à la majorité, constituerait le pare-feu nécessaire.
c. Progresser sur la voie de la mutualisation de la dette publique, avec la transformation du MES en un Fond monétaire européen, responsable démocratiquement, selon la législation européenne. Il permettra de refinancer progressivement la dette publique existante par le biais d’un fonds d’amortissement, et de commencer à émettre des titres de créance à court terme (« eurobills ») à responsabilité conjointe et solidaire. Chaque État devra dans le même temps s’engager à exercer une bonne gouvernance économique et à éradiquer la corruption.
d. Renforcer le budget de l’Union qui servira principalement à atteindre trois objectifs majeurs : soutenir les transitions écologiques, économiques et sociales, encourager la cohésion sociale et maintenir l’influence de l’UE et la solidarité au niveau international. Il servira d’instrument de politique économique et de moteur pour changer l’UE et construire une Union fondée sur la cohésion. Il faut un budget européen bien plus ambitieux, financé par des ressources propres, co-décidé avec le Parlement européen et alimenté par les TTF et les contributions climat/énergie, qui permette de soulager partiellement le niveau des contributions des États membres. Ce budget doit également être complété par des obligations dont l’émission servira à financer des projets d’intérêt général, tels qu’une infrastructure d’énergie renouvelable pan-européenne, ainsi qu’à créer des instruments communs pour lutter contre la pauvreté et à appuyer des changements « verts » structurels.
Dans cette optique, l’établissement d’un budget distinct pour la zone euro, dans un contexte où plusieurs États membres (y compris ceux appartenant à la zone euro) prônent une réduction bien plus importante du budget européen, apparaît comme un détournement dangereux et susceptible de déclencher des clivages. La consolidation du budget, en tant qu’instrument principal, doit rester prioritaire.
e. Rectifier les déséquilibres macroéconomiques qui sont l’un des facteurs de la crise de l’euro. Cela s’applique aussi bien aux pays excédentaires qu’aux pays déficitaires.

 
L’EUROPE PEUT MIEUX FAIRE : vers une réforme démocratique de l’UE

 
9.La nécessaire réforme de l’UE ne peut se limiter à sa gouvernance économique, et surtout, elle ne peut pas relever uniquement de la compétence des États membres, qui la décident à huis clos de façon unanime. L’approfondissement de l’intégration, et notamment le partage de la souveraineté, doit s’accompagner de droits accrus pour les parlements, à l’échelon national et européen, afin qu’ils puissent contrôler et co-décider, ainsi que d’un débat public à grande échelle et de processus démocratiques directs et innovants.

 
10.Le PVE réaffirme qu’il est important que l’UE reste soudée et rejette toute proposition d’institutionnalisation de la zone euro ou de création d’institutions « réservées exclusivement aux membres de la zone euro » : la Commission, le Parlement et la Cour de justice sont des institutions de l’Union, et ne peuvent pas être subdivisés ou répliqués. Des États membres ont et devraient avoir le choix d’accepter ou non des mesures visant une plus grande intégration. Ce choix ne doit pas être subordonné à leur appartenance à la zone euro, mais à leur volonté de partager leur souveraineté et de trouver des solutions communes pour façonner l’avenir de l’Europe. L’UE devra définir les conditions de participation des États membres qui choisissent de ne pas accepter une plus grande intégration ou une intégration complète, en négociant avec eux et sur la base des engagements qu’ils ont déjà acceptés.

 
11.Le PVE est convaincu que toute nouvelle réforme de l’UE doit avoir une légitimité démocratique à l’échelle européenne. La solidarité active, le progrès social et la responsabilité démocratique doivent être au cœur du projet européen. Les ministres nationaux et les diplomates ne doivent pas porter seuls la responsabilité de l’orientation future de l’UE, contrairement à la déclaration contenue dans les Conclusions du Conseil de l’Europe du 29 juin 2012, selon laquelle l’appropriation de la réforme de l’UE est du seul ressort des États membres. Le PVE est convaincu que les citoyens européens et leurs représentants doivent jouer un rôle prépondérant dans la définition de l’avenir de l’UE.

 
12.Le PVE considère donc que dans l’éventualité où des réformes limitées du Traité sur la gouvernance économique (pacte budgétaire n°2) étaient décidées avant les élections européennes de 2014, le Parlement européen devra être pleinement associé à ce processus, et les parlements nationaux devront y être également impliqués.

 
13.Le Parlement européen porte une responsabilité spéciale dans l’implication des citoyens et des acteurs sociaux dans le processus de réforme. Le PVE demande au Parlement européen de relever ce défi et de convoquer une Conférence interparlementaire au début de l’année 2013, ouverte aux contributions et à la participation des partis politiques et de la société civile. Cette conférence marquerait la première étape vers une réforme globale de l’UE, à finaliser par une nouvelle forme de convention, une assemblée constituante ou en conférant un rôle constituant au Parlement européen élu en 2014.

 
AU-DELÀ DU TRAITÉ DE LISBONNE :
L’UE doit réorienter ses actions et ses ressources pour abandonner une politique « d’austérité à tout prix », en faveur d’une politique axée sur le développement durable, les emplois verts, la justice sociale et des finances publiques viables. Elle doit avoir les moyens de prendre des décisions, en renonçant à des sommets qui n’aboutissent à aucune conclusion, mais à un consensus vide sur des mesures inefficaces.

 
Les priorités de la prochaine réforme de l’UE sont :
1. Combler le déficit démocratique : le Parlement européen doit avoir le pouvoir de prendre des initiatives législatives et d’exercer pleinement ses droits de co-décision et de contrôle dans tous les domaines où il a aujourd’hui seulement des droits consultatifs (notamment sur les questions de gouvernance économique, de migration, de fiscalité, d’affaires budgétaires, de politique étrangère et de sécurité). Le processus normal de prise de décision consisterait, et il devrait évoluer dans ce sens, en une deuxième chambre législative, et les droits de véto devraient être supprimés dans tous les domaines de compétence de l’UE.

 
2.Renforcer la démocratie directe et les instruments de participation des citoyens : l’initiative citoyenne européenne va dans le bon sens, celui d’une participation formalisée et directe des citoyens dans le processus de prise de décision. Toutefois, son organisation doit être facilitée. La portée de l’initiative citoyenne doit être étendue à la modification du Traité et pour que la législation soit présentée de façon plus accessible.
3.Renforcer la gouvernance démocratique de l’UE par une articulation des pouvoirs des institutions concernées (y compris à l’échelon local et régional), avec une meilleure intégration des différents acteurs sociaux et de la citoyenneté.
4.Des réglementations fortes doivent être adoptées pour garantir la transparence, prévenir des conflits d’intérêt et mettre fin à la mainmise des entreprises sur les institutions européennes.
5.Union sociale : l’Union européenne ne peut pas s’intéresser qu’aux dimensions économiques et financières, si elle doit être perçue comme un véritable défenseur du bien-être et de la justice sociale, elle doit jeter les bases d’une union sociale concrète, sous la forme d’un espace commun de sécurité sociale et de sécurité. Cela impliquerait la définition de normes sociales minimales en termes de salaires, pensions, allocations de chômage et couverture sociale, pour garantir un niveau minimal de protection sociale à l’ensemble des Européens. La création d’instruments communs pour lutter contre la pauvreté dans des zones de l’Union soumises à de graves tensions sociales doit être prise en compte, ainsi que l’importance de services publics solides et accessibles, et la préservation des biens communs. En outre, grâce, peut-être, à une meilleure coopération, les États membres doivent être encouragés à évoluer vers une allocation de chômage et une couverture sociale communes, et des régimes de droits des travailleurs aussi bien individuels que collectifs, qui apportent des éléments contributifs de leurs systèmes de protection sociale et juridiques au niveau européen. Cela facilitera la mobilité des citoyens dans l’Union et améliorera sensiblement sa résistance face à des développements macroéconomiques asymétriques.
6.Davantage de ressources propres pour le budget de l’Union et des dépenses mieux ciblées : le budget européen doit reposer sur un système de ressources propres (TTF, écotaxes, etc.) pour qu’il dépende moins des contributions et des vétos des États membres, et lui permettre d’appuyer des politiques en faveur de l’intérêt commun et de la solidarité.
7.Mutualisation de la dette : une révision du traité doit établir la base légale permettant d’émettre des titres de créance à responsabilité conjointe et solidaire (euro-obligations) et/ou un fonds d’amortissement.
8.De la concurrence à la coopération en matière de politique fiscale : une révision du traité doit amener la politique fiscale à un processus de co-décision totale selon la règle du vote à la majorité qualifiée. Elle doit permettre une harmonisation progressive, particulièrement en matière de fiscalité des entreprises et du secteur financier, de taxes sur l’énergie et les ressources, et de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.
9.Une voix plus forte pour les libertés fondamentales et les droits de l’homme : l’UE doit gagner en efficacité, en visibilité et en détermination pour défendre l’État de droit, les libertés fondamentales et les droits de l’homme, ainsi que les droits socio-économiques et les droits environnementaux. La confiance mutuelle au sein de l’UE et la réputation mondiale de l’UE sont toutes deux sapées par la persistance de la corruption, des attaques sur la liberté de la presse et le manque de sécurité lors des élections organisées dans certains pays de l’UE. Les obligations découlant de la Charte des droits fondamentaux doivent être rendues plus strictes et cette charte doit couvrir un champ plus large de droits et de libertés civiles, comme les droits des citoyens des pays tiers. Sa portée ne doit pas être limitée uniquement aux institutions ou aux États membres de l’UE lorsque les lois européennes sont appliquées, mais à toutes les actions des États membres. L’Agence européenne des droits fondamentaux de l’Union européenne doit se voir donner les moyens (à la demande de la Commission, du Parlement ou du Conseil) de surveiller également ce que font les États membres pour respecter les valeurs fondamentales de l’Union, telles que prévues à l’article 2 du Traité de l’Union européenne, en se fondant pour cela sur l’expérience du Conseil de l’Europe en la matière, et en coopération avec ce dernier. Le système de sanctions doit également être plus facile à mettre en œuvre.

 

10.Une présence commune plus forte dans le monde : l’UE doit être capable d’agir et de
parler d’une seule voix sur la scène internationale et au nom des États membres.

 

11.La procédure de modification du Traité doit être modifiée en profondeur : des conférences intergouvernementales agissant à huit clos, forcées à adopter un consensus unanime, ne doivent plus présider à l’orientation future de l’UE. Bien au contraire, il faut une convention parlementaire ouverte aux contributions de la société civile, des partenaires sociaux et du grand public, ou une assemblée constituante élue, convoquée sur la base d’un mandat co-décidé avec le Parlement européen et des représentants des États membres agissant à la majorité qualifiée. Les citoyens européens devront avoir le mot final, en participant à un référendum à l’échelle européenne. Nous sommes convaincus que nul pays ne doit être forcé à accepter un nouveau traité contre la volonté de son peuple.

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L’Union européenne, épicentre d’une crise systémique ? https://europe.eelv.fr/lunion-europeenne-epicentre-dune-crise-systemique/ Wed, 03 Oct 2012 13:37:38 +0000 http://europe.eelv.fr/?p=2095 Cet article fut publié fin 2012 dans « L’Etat du monde 2013 », recueil d’analyses sous la direction de Bertrand Badie.

Ancien député vert européen, Alain Lipietz continue d’animer la réflexion dans et hors du mouvement EELV sur les questions de politique nationale, européenne et internationale. Nous le remercions de bien vouloir mettre à disposition ses contributions sur le site de la Commission Europe.

 

À la fin des années 1980, l’Europe semblait affronter la crise ouverte dix ans plus tôt dans une bien meilleure position que les États-Unis, le Japon ou l’Union Soviétique. Vingt ans plus tard, l’Europe apparaît au contraire comme le « continent malade ». Il semble focaliser la crise des dettes souveraines, nouvel avatar de la crise mondiale, ouverte en 2007 avec la crise des subprimes, aux Etats-Unis. Lesquels, quoique bien plus endettés, peuvent se permettre de vilipender les risques que la mal-gouvernance européenne font courir à l’économie mondiale ! Comment comprendre un tel retournement ?
Il faut d’abord saisir la succession de modèles de développement entrés en crise depuis la Seconde guerre mondiale, ce qui permettra de comprendre les relatifs succès européens et la nature des difficultés présentes. Ces difficultés tiennent moins aux « fondamentaux » économiques et sociaux de l’Europe (relativement sains et porteurs d’avenir) qu’à l’incapacité du continent à se doter d’un espace de décision politique permettant de mener, d’une main vigoureuse, sa barque dans la tempête en cours, où s’affrontent de grands blocs constitués en États, qui peuvent être par ailleurs fédéraux : les Etats-Unis, la Chine, l’Inde, la Russie…
I – Les avantages initiaux de l’Union européenne
L’Union Européenne est née du plan Marshall, c’est à dire de la volonté des Etats-Unis de projeter sur le reste du « Monde libre » leurs propre modèle de développement, qu’illustrent les noms de Roosevelt, de Ford et de Keynes. Face à la crise des années 1930, crise du modèle libéral classique, le New Deal rooseveltien, par une série de réformes de la fiscalité, de la régulation bancaire, et surtout des relations professionnelles (avec le renforcement du pouvoir de négociation des syndicats, permis par le Wagner Act), avait offert à la production de masse des usines fordiennes un débouché massivement croissant : la consommation populaire. L’Europe de l’après-guerre ajoutera à ce modèle un puissant État-providence.
Les généraux américains en charge de la reconstruction des États vaincus, McArthur au Japon, Marshall en Europe, épaulés par des économistes et des politiciens clairvoyants à Washington, avaient compris l’intérêt pour les États-Unis de reconstruire à leurs côtés des partenaires forts, qui seraient d’abord leurs principaux clients. Marshall poussa l’Europe de l’Ouest à se constituer en vaste marché pour les biens d’équipement américains, et, de fait, la Communauté européenne du charbon et de l’acier, germe de l’Europe actuelle, régulait à la ois la distribution de l’aide du plan Marshall et la reconstruction de la puissance économique européenne. Comme le Japon, la « petite Europe » (6 membres) de la Communauté économique européenne (CEE) grandit ainsi très vite, en suivant le modèle de l’American Way of Life.
Plus importante encore était la volonté des peuples européens d’en finir avec deux millénaires de guerres perpétuelles, jusqu’au paroxysme de 1939-1945. L’aspiration à une véritable Europe politique, expression d’une civilisation commune, était réelle, mais pour l’heure l’Europe restait fragmentée en États nationaux regroupés en deux blocs hostiles sous l’hégémonie des États-Unis et de l’Union soviétique, et une partie significative de l’intelligentsia progressiste française manifestait dès 1954 son hostilité à une « Communauté européenne de défense ».
Le modèle de développement « fordiste », fondé sur un couplage, régulé par l’État national, de la croissance de la productivité et du pouvoir d’achat, risquait de se heurter à cette fragmentation de l’espace politique européen. La menace ne fut guère sensible les premières années. Mais l’adhésion à la CEE, en 1973, de trois pays de l’Association économique de libre-échange (pilotée par la Grande-Bretagne) aggravait le problème, par l’entrée de pays moins enclins à partager un projet de développement commun.
Le choc pétrolier de 1974 aiguisa la nécessité d’exporter, entre les pays européens eux-mêmes. Ces pays, qui jusque là rectifiaient sans trop de difficultés leurs petits déséquilibres commerciaux, se lancèrent dans une concurrence ravageuse : « l’austérité compétitive ». En fait, au début des années 1980, le modèle « fordiste » de l’après-guerre était répudié dans le monde entier, et la concurrence de tous contre tous se déchainait. La tendance la plus générale, promue par les États-Unis et la Grande-Bretagne, révoquait l’aspect social du compromis fordien : remise en cause de l’État providence et des conventions collectives. On espérait de la baisse du coût salarial une croissance de la compétitivité externe et « donc » de la production, alors que, par effet de composition, une stagnation générale étoufferait bien vite les gains que chaque pays pouvait espérer d’une croissance des exportations.
Mais une autre orientation était possible, fondant la compétitivité sur la qualification des travailleurs et leur implication dans la qualité des produits et processus de production. Souvent assimilée à la stratégie japonaise (le « Toyotisme »), elle caractérisait assez bien la zone scandinave, l’Allemagne rhénane, l’Arc alpin et ses franges allemandes et italiennes. Au contraire, la Grande-Bretagne et la France s’orientaient vers le modèle de « flexibilisation » du salariat. L’entrée des trois pays du Sud (Grèce en 1981, Espagne et Portugal en 1986) renforça le camp des pays européens en compétition par les bas salaires.
Et pourtant la Communauté sembla trouver un certain équilibre. Dans le nouveau modèle dominant à l’échelle mondiale, libéral dans ses relations professionnelles mais tout aussi productiviste que le fordisme dans sa gloutonnerie à exploiter les ressources naturelles, la configuration européenne faisait bonne figure par rapport à l’Amérique et à l’Asie, totalement dépourvus de forme de régulation sociale et fiscale collective. Les États-Unis voyaient fuir leurs industries vers les pays à bas salaires. Les pays d’Asie de l’Est profitaient de leurs bas salaires pour accélérer une stratégie centrée sur l’exportation, en imitant toutefois le modèle japonais d’escalade des filières technologique (upgrading), grâce à un haut niveau d’investissement dans l’éducation.
L’Union européenne au contraire présentait une hiérarchisation ordonnée de ses espaces productifs, autour d’un cœur très qualifié et spécialité dans la production des biens d’équipement (l’Europe du Nord), avec un périphérie, tout aussi compétitive , mais dans les produits banaux et par les bas salaires. Les plus menacés étaient les pays intermédiaires (la Grande Bretagne et la France), aux salaires trop élevés par rapport au Sud et pas assez qualifiés par rapport à l’Allemagne ou la Scandinavie. Mais l’ensemble de la Communauté présentait un espace de complémentarité relativement stable.
II- La déstabilisation
Cette stabilité reposait d’une part sur une réelle autosuffisance de l’Europe et une haute compétitivité de son noyau central par rapport aux pays tiers (Amérique et Asie), d’autre part sur le dynamisme de la demande que ce noyau adressait à sa périphérie. À la fin des années 1980, l’Europe exportait vers le reste du monde, notamment vers les Etats-Unis, en survalorisant son propre travail (quand on compare les exportations en dollars courants et leur valeur en parité de pouvoir d’achat). Mais les choses commencèrent à changer sous la pression de la concurrence asiatique. Pour résister, l’Europe n’avait qu’une solution : assumer clairement et collectivement la course au upgrading dans laquelle l’entraînait l’Asie, la montée permanente dans l’échelle des qualification. C’est cette volonté stratégique unitaire européenne qui fit défaut, ainsi que l’acceptation, par les pays centraux, de servir de débouché aux pays périphériques européens.
La montée des périls
Déjà, l’industrialisation des « dragons asiatiques » ne relevait plus de la simple délocalisation d’industries peu qualifiées vers quelques « États ateliers ». Et dans les années 1990, deux immenses pays asiatiques basculaient vers le modèle libéral, la Chine et l’Inde. Ces pays (mais aussi les Philippines, l’Indonésie, la Malaisie, le Vietnam…), adoptaient la même stratégie exportatrice que leurs prédécesseurs coréen ou taïwanais, mais (cette différence sera plus tard décisive) en disposant d’immenses marchés intérieurs et de ressources de main d’œuvre pratiquement illimitées. Les premiers dragons asiatiques s’en tiraient par une accélération de leur upgrading et atteignirent bientôt le niveau de qualification de la Grande-Bretagne sur certaines branches des nouvelles technologies. L’Asie nouait le même type de complémentarité vertueuse que l’Europe, avec le Japon comme modèle et marché central et comme fournisseur de biens d’équipement, mais avec une capacité exportatrice illimitée sur une échelle croissante de qualifications.
L’Europe ignora d’abord ce nouveau défi. Oublieuse de l’Histoire qui depuis l’antiquité replace périodiquement la Chine au centre du monde, elle réduisait la rivalité asiatique au problème de la concurrence sur les industries banalisées et au vieil Accord Multi-Fibres limitant cette concurrence. En réalité, il aurait fallu lancer dès les années 1980 un programme de remontée vers le haut de l’ensemble de la hiérarchie européenne, incitant sa « périphérie » à suivre la trajectoire coréenne d’investissements massifs dans la recherche et l’éducation.
De fait, des programmes de modernisation furent prévus lors de l’adhésion des pays méditerranéens et de l’Irlande. Mais cette croissance périphérique financée par des transferts mal contrôlés ne fut pas sans effets pervers. La périphérie s’installa dans l’attente des subventions européennes, qui dispensaient l’Irlande de taxer les entreprises venant s’y localiser. Ce dumping fiscal lui permit, en deux décennies, d’atteindre un des plus hauts niveaux de produit brut par personne, mais de façon largement artificielle.
La catastrophe libérale
À la fin des années 1980, la conscience de la nouvelle puissance européenne fondée sur son unité vint se marier en une étrange chimère avec le mythe alors dominant du caractère autorégulateur des marchés. Cette chimère prit en 1987 la forme d’un traité, l’Acte unique, qui unifiait complètement le « marché unique » en effaçant toutes formes de « protectionnisme mesquin » (c’est à dire réglementaire) entre pays de la Communauté. Mais cela, sans aucune progression de la régulation politique, telle que l’harmonisation des règles fiscales ou sociales. Dans l’atmosphère libérale, ce programme insensé s’imposa avec la caution de la majorité des économistes, qui avançaient des estimations mirobolantes sur le gain de croissance qui résulterait de cette libéralisation sans harmonisation. L’Acte unique fut adopté dans l’indifférence générale des populations et dans l’enthousiasme des dirigeants. Les marchandises et surtout les capitaux pouvaient désormais circuler librement à travers toute l’Europe.
Certes, cette étape impliquait une intense production de normes unificatrices au sein de la Communauté. Le maître d’œuvre de l’Acte unique, Jacques Delors, président de la Commission européenne, espérait que cette dynamique entrainerait un sursaut d’unification politique. Mais l’idéologie libérale poussa l’Europe à s’unifier à travers des règles et non par la délibération politique.
Expression de cette dérive : le traité de Maastricht (1992). La course à l’unification s’accéléra… avec un pas supplémentaire dans la dépolitisation de la gouvernance. Une monnaie unique était projetée, mais pour sa future stabilité était seulement posé un ensemble de règles, les « critères de Maastricht », portant sur le niveau d’endettement toléré des États (3% de déficit pour les administrations publiques).
Que des règles limitent l’autonomie des parties d’un tout est parfaitement légitime : tous les pays imposent de telles règles à leurs collectivités locales. Mais rien n’était fait pour promouvoir des formes de décisions européennes régulatrices en matière fiscale ou sociale. À la seule protection de l’environnement était accordée, du fait de sa nouveauté, des procédures de décisions à la majorité du Parlement Européen et des États. En outre, le budget du « tout » resta si faible qu’il pouvait à peine compenser les déséquilibres structurels entre régions.
Comment des gouvernements socio-démocrates (en France, celui de François Mitterrand) ont-ils pu accepter un tel marché ? La raison fondamentale est sans doute l’effondrement du mur de Berlin et la désagrégation de l’empire soviétique. Aux yeux de la France et de la Grande-Bretagne, le risque était de voir l’Allemagne réunifiée se construire un empire dans la Mitteleuropa.
Accepter l’Euro et une Europe régie par les règles visait à ancrer l’Allemagne dans l’Europe de l’Ouest.
Marché de dupes. Certes l’Allemagne professe une gouvernance européenne par les règles. Mais en réalité, le dialogue au sein de la « communauté socio-économique » de ses Länder lui permet de pratiquer un interventionnisme local améliorant la compétitivité de chacune de ses régions. De même, la régulation sociale allemande est davantage fondée sur les contrats de droit privé que sur la législation.
Jacques Delors comprit les dangereuses limites du traité de Maastricht, mais promit que les contradictions qu’il développerait impliqueraient rapidement un surcroît d’unification politique. Malheureusement, la tentative suivante de construire une Europe politique, le traité d’Amsterdam (1997), confirma sur l’essentiel, le domaine économique, la gouvernance par des règles. Les critères de Maastricht furent incorporés au traité sous le nom de « pacte de stabilité ».
Avec deux conséquences importantes. D’abord, l’application de ces « critères » entre la ratification de Maastricht (1992) et le passage à l’Euro (1997) contraignit pendant 5 ans les pays européens à une stagnation coordonnée. Les taux d’intérêt réels des banques centrales restèrent fortement positifs alors que la banque fédérale américaine d’Alan Greenspan appliquait la politique inverse. Il en résulta un différentiel d’investissements considérable entre les États-Unis et l’Europe, investissements qui, aux Etats-Unis, prirent la forme d’une bulle des « nouvelles technologies » largement spéculative, mais non sans effet réel. À la fin de la décennie 90, et pour la première fois de l’après-guerre, la productivité croissait plus vite aux États-Unis qu’en Europe.
Puis, après la ratification d’Amsterdam (1997), la gouvernance par les règles prolongea les contraintes de Maastricht, certes adoucies par le succès du passage à l’Euro. Une nouvelle ère de prospérité sembla alors se dessiner pour l’Europe.
D’autant que des coalitions impliquant socio-démocrates, verts et même communistes deviennent majoritaires dans ce qui était désormais l’Union Européenne. Au Sommet de Lisbonne (mars 2000) fut adoptée une stratégie explicite de compétitivité par la formation professionnelle et la recherche scientifique et technique : « Faire de l’Europe le continent le plus compétitif du monde par la connaissance ». Ambition qui aurait du être posée dix ans plus tôt…
Ce sera un échec. Une telle stratégie suppose un gouvernement fédéral apte à l’appliquer : limite à la concurrence interne par le dumping social et fiscal, investissements massifs et coordonnés dans le « capital humain », transferts de crédits vers les pays périphériques. Rien de tout cela n’était prévu. Au contraire, concession aux libéraux, la « stratégie de Lisbonne » reprenait l’antienne des vertus autorégulatrice des marchés, accompagnée d’une vague « méthode de la coordination ouverte ».
Surtout, l’Union Européenne, renonçant à approfondir son unification politique, se lançait dans une fuite en avant vers l’élargissement : tous les pays de l’ancien bloc soviétique furent appelés à adhérer. La volonté géopolitique de contrôler cette zone intermédiaire avec la Russie (que guigne également les États-Unis) se combinait à une évolution profonde du capitalisme allemand qui, comme les États-Unis quinze ans plus tôt, renonçait à sa régulation d’une économie sociale de marché, et cédait à son tour aux sirènes du libéralisme. Les plus beaux fleurons de l’industrie allemande délocalisaient vers ces nouveaux pays, parfois dotés d’un haut niveau de qualification professionnelle mais avec des salaires considérablement plus bas.
Ultime clou sur le cercueil d’une « Europe de la connaissance » : le traité de Nice (2002) prit en compte l’entrée dans l’Union des pays de l’Europe centrale et orientale, tout en organisant une régression du peu d’Europe politique préalablement existante. Les règles de décision en Conseil européen instituèrent un droit de véto généralisé pour chaque pays. Le rêve d’une Europe communautaire s’éloigna au profit d’un vaste libre marché dans lequel la décision politique exigeait une improbable unanimité.
Les raisons de ce recul sont diverses : hégémonie des idéologies libérales, et nationalisme bien naturel des jeunes pays indépendants d’Europe de l’Est, peu soucieux de passer d’une tutelle soviétique à une tutelle bruxelloise. Cette étrange convergence du libéralisme et du nationalisme doit être bien comprise. Dans un espace unifié, où la circulation des marchandises et des capitaux est « libre et non faussée » (par des frontières intérieures), la fragmentation en entités politiques nationales incapables de prendre une décision collective revient à graver dans le marbre le recul du politique au profit des marchés.
Ce couple « libéralisme / souverainisme national », illustré par le couple inattendu « Espagne de Aznar/ Pologne de Kwasniewski » et plus tard par Henri Guaino, conseiller n°1 de Nicolas Sarkozy, s’approfondira jusqu’à la crise mondiale du modèle libéral-productiviste. Certes, les secteurs les plus avertis parmi les élites européennes comprirent le piège dans lequel elles s’enfermaient. En particulier le gouvernement de coalition entre sociaux-démocrates et Grünen allemands mesura que ce jeu menaçait à terme la puissance et même le modèle civilisationnel allemand. Sous l’impulsion du vice-chancelier vert Joschka Fischer, une tentative de forcer l’unification politique fut lancée : la Convention pour rédiger une véritable constitution européenne.
Le virage allemand.
Le Traité constitutionnel européen élaboré par la Convention se heurta immédiatement à la coalition souverainiste-libérale. Espagnols et Polonais en prirent la tête sous le mot d’ordre : « Nice ou la mort ». Les administrations des grands pays (en particulier le ministère des Finances français) s’opposèrent farouchement aux avancées fédéralistes adoptées par la Convention (qui regroupait les parlementaires et les ONG). Les appareils du capital financier (Financial Time, Wall Street Journal) se mobilisèrent pour le Non. Après la chute du gouvernement Aznar, un projet édulcoré fut présenté aux électeurs en 2004. Il fut adopté par les référendums espagnols et luxembourgeois, mais rejeté par la France et les Pays-Bas. Dés 2005, le projet était mort-né.
Les raisons de ce rejet sont connues. Dans le cas de la France : une convergence du souverainisme de droite et du souverainisme « anti-libéral » ; dans le cas des Pays-Bas : une exaspération contre une sphère politique consensuelle et coupée de la population, un malaise croissant face à la montée de l’immigration la plus forte d’Europe. Pourtant l’opposition à l’invasion de l’Irak voulue par G.W. Bush (2003) avait créé une sorte d’opinion publique européenne défendant un « modèle » singulier face à l’hégémonisme de la droite américaine, et favorable à une fusion franco-allemande ! Cela n’a pas suffi : la critique du caractère libéral de l’Europe de Maastricht et de Nice permit aux souverainistes d’imposer… le maintien de l’Europe de Maastricht-Nice.
Ultime « rattrapage » pour l’Europe politique (négocié de façon purement diplomatique et ratifié par les parlements) : le traité de Lisbonne (2007) qui permit formellement d’adopter la plupart des avancées fédéralistes du TCE.
Significativement, le traité fut rejeté par une majorité nationaliste-libérale du peuple irlandais (avec pour motivations principales le souhait de maintenir le dumping fiscal, et la crainte de voir l’Europe imposer le droit à l’avortement). Mais ce vote s’inversera après l’ouverture de la crise, les Irlandais espérant de l’Europe une solidarité, que leur propre dumping fiscal démentait.
Il était trop tard : le pli était pris d’une Europe purement intergouvernementale et donc à la remorque du pays dominant, l’Allemagne. Or celle-ci, à la fin du gouvernement Schröder puis sous Angela Merkel (2005), était désormais résignée à l’absence d’Europe politique, et bascula dans une stratégie individualiste à la chinoise : la minimisation des prix à l’exportation. Le gouvernement Schröder engagea un démantèlement des droits sociaux, aggravé sous Angela Merkel. Il en résulta un retour à la compétitivité allemande qu’avait menacé le coût finalement important de la réunification. Cette compétitivité retrouvée se paya pour l’Europe d’un double phénomène déflationniste. D’une part, le plus important marché central se contractait. D’autre part, ce même pays redevenait compétitif par rapport à tous les pays de l’Union et les contraignait eux aussi à des politiques d’austérité. Contrairement aux Etats-Unis de 1945-1980, l’Allemagne refusait de jouer les « locomotives » de sa zone d’influence, en acceptant un déficit vis-à-vis de ses voisins.
Pire, l’Allemagne (fortement appuyée par la France de Sarkozy) prit la tête d’une croisade « Tout pour la compétitivité des entreprises » qui amènera l’Europe, à la conférence de Copenhague (2009), à renoncer au leadership qui était le sien dans les négociations climatiques depuis une vingtaine d’année. En revanche, après l’accident de Fukushima et la victoire des Grünen dans le Bade-Wurtemberg (2011), l’Allemagne sortira «agressivement » du nucléaire, consciente que cette industrie n’a plus guère d’avenir alors que l’industrie allemande est leader dans les énergies alternatives.
De ce retournement de l’Allemagne, citons une illustration : la réforme du pacte de stabilité. En 2003, le modèle libéral-productiviste connut ses derniers feux au niveau mondial, précipitant une crise écologique du côté de l’alimentation et surtout de l’énergie. Ce nouveau choc entraina en Europe un ralentissement que les gouvernements français et allemand acceptèrent de compenser par les classiques recettes keynésiennes du déficit budgétaire. Le pacte de stabilité était violé. Désormais proclamé « stupide » par le président de la Commission Européenne lui-même, Romano Prodi, il fut au printemps 2005 réformé et assoupli : il n’y aurait plus de sanction à prendre contre les pays qui s’endetteraient excessivement… pour financer les investissements d’avenir.
Malheureusement, le laxisme budgétaire devint une recette générale et permanente en Europe du Sud, tandis que les pays du Nord restaient beaucoup plus vigilants. Quand, 5 ans plus tard, la crise des dettes publiques éclatera, l’Allemagne critiquera le « laxisme » de la réforme de 2005…

 
III- La crise systémique
La crise mondiale qui s’ouvre vers 2007 est l’une des plus grandes crises de l’histoire du capitalisme. Elle est trop complexe à analyser ici. Se combinent une crise de type 1930 (les écarts entre salaires et profits au niveau mondial empêchent les travailleurs d’acheter ce qu’ils produisent et les capitalistes de réinvestir utilement leurs profits) et une double crise écologique (crise énergie/climat, crise alimentation/santé). Cette double crise déclencha la crise des subprime (la hausse du prix des dépenses quotidiennes interdit aux salariés appauvris des États-Unis de rembourser leurs logements hypothéqués). Par ailleurs, elle bloque toute sortie « fordiste » de la crise au niveau mondial : la redistribution des profits vers les salaires est certes nécessaire, mais elle ne peut prendre la forme d’une relance de la consommation de masse de biens matériels et polluants.
Cette crise de fond (comme toutes les crises…) fut d’abord masquée par ses conséquences boursières puis financières : les investissements risqués furent brutalement dévalorisés, et les dettes contractées par les États ne pouvaient plus être remboursées. À l’automne 2008, l’ensemble du monde réagit de façon « keynésienne » : renflouement des banques, et déficits budgétaires massifs. L’Europe, pilotée par le social-démocrate britannique Gordon Brown, suivi par le couple libéral Sarkozy-Merkel, impulsa cette gestion keynésienne de la première phase de la crise. Celle-ci semblait enrayée fin 2009… sauf que certains États européens se retrouvaient gravement endettés. Et les banques désormais ragaillardies s’empressèrent de mordre les mains qui les avaient sauvées, en exigeant remboursement avec intérêt.
Surtout, les créditeurs internationaux (fonds de pension, fonds souverains des pays excédentaires tels la Chine, le Qatar ou l’Arabie Saoudite) commencèrent à prendre en compte la clause des traités européens stipulant que les États ne sont pas responsables financièrement les uns des autres. Ils courent donc un risque différencié de faire défaut, les uns parce qu’ils sont plus endettés que d’autres (l’Europe périphérique), d’autres parce que ils sont grevés de lourds engagements hors-bilan (telle la France, dont l’accident de Fukushima révélait l’exposition au risque d’un accident équivalent, dont le coût serait pour elle de l’ordre d’une demi-année de PIB). Lorsque, en décembre 2009, le Premier ministre grec Geórgios Papandréou, à peine élu, constata que ses prédécesseurs avaient laissé une dette publique largement sous-évaluée, les prêteurs commencèrent à appliquer un différentiel de taux meurtrier par rapport au meilleur emprunteur (l’Allemagne) : le spread.
La première moitié de l’année 2010 vit alors éclater la crise systémique de l’Europe, qui condensait toutes les tensions précédentes. D’une part, l’endettement excessif des pays périphériques n’avait plus aucune chance de se résorber, du fait des politiques de déflation compétitives menées en Allemagne. D’autre part, le risque de défaut d’un pays, si petit soit-il (la Grèce représente 2% du PIB européen), attisait la spéculation contre des pays de plus en plus gros jusqu’à l’Espagne, l’Italie, la France et la Grande-Bretagne, ne serait-ce que parce que ces pays étaient eux-mêmes des créditeurs de pays plus petits risquant de faire défaut. Enfin, les conséquences institutionnelles d’un défaut n’étaient pas du tout claires et donc potentiellement dangereuses. Les assurances sur le défaut de paiement de dettes souveraines (les Credit Default Swaps – CDS) sont des institutions non-régulées dont on ne sait exactement à quelles conditions elles sont déclenchées et avec quels effets. Et le défaut d’un pays dont la monnaie est l’Euro affaiblit nécessairement le crédit de l’Euro lui-même.
Fallait-il dans ses conditions renforcer la solidarité entre pays membres de l’Euro ? Devait-elle être purement financière (des moins endettés vers les plus endettés, au risque de généraliser le doute sur la capacité de remboursement des pays « moyens ») ? Ou impliquer un début de coordination des politiques macro-économiques, ouvrant des débouchés aux plus endettés ? Ou au contraire, allait-on vers l’expulsion des pays faisant peser sur les autres un « risque (ou alea) moral » excessif ?
La réponse fut typique des ambiguïtés de la construction européenne depuis Maastricht. Oui, les autres pays paieraient pour les pays en difficulté. Mais non, il n’y aurait pas de politique macroéconomique commune assurant une balance équilibrée entre les pays les plus compétitifs et les autres : au contraire, on affirmait pousser plus loin encore la gouvernance par les règles, et condamner les endettés à des politiques d’austérités socialement dramatiques et macro-économiquement catastrophiques pour l’Union toute entière. Et non, la Banque centrale ne prêterait pas aux pays en difficulté, car ce « financement par la planche à billets » compromettrait la valeur de l’Euro, ce dont l’opinion publique allemande, encore traumatisée par les souvenirs d’hyperinflation, ne veut à aucun prix. C’est d’ailleurs ce qui se passa, car la BCE « monétisait » indirectement les dettes insolvables : l’euro perdit 20 % par rapport au dollar.
Mais n’était-ce pas surtout la conséquence de la défiance qu’inspirait désormais la construction européenne ?
Ainsi, après 18 mois de négociations et de bricolages, un Mécanisme européen de stabilité (MES) fut adopté le 19 décembre 2011. Financé par tous les pays européens (sauf la Grande-Bretagne et la Tchécoslovaquie qui se trouvèrent de jure expulsés du cœur de la négociation européenne), il aurait la capacité d’intervenir puissamment au secours d’un pays gravement endetté (après avoir, comme en Grèce, imposé l’annulation d’une grande partie de la dette publique aux banques privées… qu’il faudrait donc recapitaliser), et d’émettre des emprunts communs garantis par les Trésors publics, rien de s’opposant à ce qu’il se refinance auprès de la Banque centrale. Mais le même jour fut adopté un second Traité de surveillance, de coordination et de gouvernance (TSCG) fixant des règles beaucoup plus drastiques que celles de Maastricht sur les déficits publics.
Naturellement, aucun pays capable de respecter les règles du TSCG n’aura jamais besoin du MES ! Il s’agissait donc d’une pure rhétorique dogmatique, dirigée contre l’alea moral (le risque d’imprudence d’un agent couvert par une assurance tout-risque), mais dont les accents potentiellement récessifs entrainait un surcroit de défiance de la part des créditeurs internationaux. Toutefois, la ratification du MES au cours du premier trimestre 2012 permit de calmer la spéculation. L’Europe s’engageait en 2012, comme 1992, dans une période d’austérité coordonnée, qui la place dans la situation la plus défavorable du monde industriel pour aborder la conversion écologique… sans pour autant rassurer ses créditeurs.

 
IV. Une issue reste possible
L’Europe garde de très nombreux atouts. Troisième puissance mondiale en population, première en Produit intérieur, elle présente une large gamme de qualifications, dans le haut de la hiérarchie mondiale. Malgré sa fragmentation politique, elle hérite de l’expérience d’un demi-siècle de négociations et de coordination. Cette capacité de coordonner des États jadis hostiles fut même longtemps sa « carte de visite », son modèle de réponse aux défis de la mondialisation. Enfin, malgré son endettement, elle dispose d’une palette de produits exportables suffisamment large (hautes technologies, finances, tourisme…) pour gager solidement la monnaie qu’émet sa Banque Centrale.
Il lui reste donc à assumer clairement, au plan politique, le processus d’unification économique initié il y a une soixantaine d’années. S’unifier politiquement, ce n’est pas se doter de simples règles de coordination (certes indispensables), mais d’une capacité de réponse politique collective à des défis conjoncturels et structurels. Or le grand défi est la sortie de la triple crise mondiale (économico-sociale, alimentaire-sanitaire et énergie-climat). L’Europe en a la capacité, si elle sait transformer les intuitions de la stratégie de Lisbonne en planification de la transition écologique. Les réponses à la double crise écologique sont en effet le support principal de la réponse à la crise macro-économique : formation, investissements « verts »…
Cela implique un élargissement de la solidarité conjoncturelle de l’Europe envers ses composantes nationales (le MES), de sa solidarité structurelle envers ses régions les moins développées (Fonds Européen de Développement Régional), et de développer son organisme de crédit, la Banque Européenne d’Investissement, pour le financement de la transition verte. Ces trois sources de financement pourraient se voir reconnaître clairement le droit à un refinancement à très bas taux auprès de la Banque Centrale Européenne. Enfin, l’Europe doit se doter d’un pouvoir de décision macro-économique refreinant les politiques d’austérité compétitive.
Mais tout cela suppose d’abord et avant tout l’acceptation par les opinions publiques nationales d’un pas en avant majeur vers le fédéralisme européen. Pour paraphraser Massimo d’Azeglio, « Nous avons fait l’Europe, il nous reste à faire les Européens. »

 
Alain Lipietz

 
Pour en savoir plus.
« Questions européennes », Conseil d’analyse économique, n°27, 2000
« Politique économique et croissance en Europe », Conseil d’analyse
économique, n°96, 2006
« Perspectives 2011-2012 », Revue de l’OFCE n°119, 2011
Lipietz Alain, Green Deal. La crise du libéral-productivisme et la réponse
écologiste, La Découverte, Paris, 2012.

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La Déclaration de Paris, Parti Vert Européen https://europe.eelv.fr/la-declaration-de-paris-parti-vert-europeen/ Thu, 03 Nov 2011 11:09:23 +0000 http://europe.eelv.fr/?p=2087 Adoptée à Paris en novembre 2011, la Déclaration de Paris est la grande déclaration politique du Parti Vert européen et de ses composantes face à la crise qui frappe tous les pays européens.

 

Sortir de la crise en Europe

Douze propositions vertes pour une solution socialement juste et environnementalement durable à la crise

 

 

Introduction: l’échec des sommets traditionnels
Notre monde fait l’expérience d’une combinaison de crises financières, économiques, sociales, écologiques et démocratiques, et d’un changement climatique galopant qui représente une menace vitale pour l’humanité. La crise européenne actuelle est imbriquée dans ce large contexte. Du Printemps arabe au mouvement israélien, du mouvement Occupy aux ONG environnementales en passant par les défenseurs des droits humains, tout autour du monde les peuples se révoltent. Les Verts sont des partenaires solidaires de ces initiatives.
Nous faisons face aux conséquences d’un modèle de développement insoutenable, centré sur la croissance économique seule, ignorant les contraintes sociales et écologiques et alimenté par une dette publique et privée excessive, les privatisations et la déréglementation. Ces crises érodent la cohésion sociale et mènent à la désintégration politique du continent, nous rendant chaque jour plus impuissant en ce XXIème siècle.
La crise à mis à jour des lignes de faille dans la construction de l’euro et placé les économies les plus faibles de la Zone Euro e en danger de faire défaut sur leurs dettes souveraines, nécessitant de multiples mesures d’urgence, qui aujourd’hui même peuvent ne pas suffire pour contenir la marée. Pour résoudre ces profonds problèmes structurels, nous aurons besoin de faire des pas substantiels qui auront un impact sur tous les Etats membres de l’Union Européenne, qu’ils soient membres de la Zone Euro ou non.
Comme l’euro est menacé, les fondations de la stabilité qui ont soutenu la société européenne depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale semblent s’effriter. Les populistes de droite et l’intolérance gagnent du terrain et la démocratie participative est trop souvent mise de côté. Les national-populistes se rapprochent toujours plus du pouvoir. Pourtant nous avons de bonnes raisons d’être fiers des succès européens: l’intégration a empêché la résurgence des conflits militaires au sein de l’Union et a promu une meilleure compréhension entre les Européens. Nous sommes déterminés à les défendre et les développer plus avant.
Jusqu’ici, la réponse des décideurs européens et nationaux a été insuffisante. Elle a été marquée par un manque de vision et d’efficacité, fournissant trop peu de mesures, trop tard pour être efficaces. Ceci a été causé par le déni constant de quatre réalités:

1/ Les politiques simultanées et coordonnées d’austérité comme unique réponse politique ne peuvent que conduire l’Europe vers une récession économique qui ne peut qu’empirer le problème de la dette souveraine plutôt que de le résoudre.

2/ La Grèce est insolvable et endure une sévère récession depuis plusieurs années de sorte que sa dette publique ne sera jamais remboursée intégralement.

3/ Aucune union monétaire n’est soutenable sans une union fiscale et politique forte; la coordination ne peut pas servir de palliatif à l’intégration.

4/ Des finances publiques insoutenables ou un manque de compétitivité ne sont pas les principales causes de la crise que nous éprouvons: au cœur du problème se trouve l’augmentation mondiale des inégalités de revenus et de richesse au cours des dernières décennies, ainsi qu’un secteur financier démesuré mais insuffisamment capitalisé, dopé à la dette et à la spéculation, bénéficiant de garanties publiques implicites et explicites. Ces travers ont nourri une croissance insoutenable du crédit, l’accumulation des risques et les inégalités sociales.
Si les sommets récents ont montré que les décideurs européens ont commencé à prendre la mesure de ces vérités dérangeantes, ils restent idéologiquement biaisés: leur approche pour atteindre des finances publiques soutenables se concentre principalement sur les coupes dans les dépenses; ils estiment que la compétitivité est fondée sur des bas salaires; pour eux, les inégalités dans la société ne sont pas un problème; ils sont principalement motivés par la peur des marchés et les sondages du lendemain. Tout ceci a produit une réponse à la crise non seulement inefficace, mais aussi dont les coûts sont principalement portés par les plus vulnérables dans la société, exacerbent les inégalités au sein de et entre les sociétés.
Le manque dramatique de vision et de leadership démontré jusqu’ici par les principaux décideurs au niveau européen comme au niveau des Etats Membres a nourri une méfiance croissante vis-à-vis de l’Union Européenne. Ceci est vrai à la fois dans les pays contributeurs nets, où les gens considèrent que des engagements financiers sont pris en leur nom sans la moindre justification. Cela l’est aussi dans les pays sous assistance d’urgence où les citoyens se sentent impuissants et humiliés par l’impact de mesures d’austérité injustes, alors que les affaires continuent comme avant dans le secteur financier.
Les manifestations de rue se multiplient spontanément et les processus politiques conventionnels semblent déconnectés des citoyens. Des initiatives, comme Los Indignados en Espagne et le mouvement Occupy sont, en peu de temps, devenues une expression véritablement internationale de colère, de frustration et d’opposition aux processus politiques basés sur des idéologies pénalisant la majorité et récompensant quelques privilégiés. Nous reconnaissons et soutenons le droit démocratique d’exprimer pacifiquement son mécontentement et condamnons donc l’usage de la force contre des manifestants et des occupants pacifiques. Nous exprimons notre solidarité avec ceux qui prennent part à ces initiatives de par le monde. Tous les mouvements mentionnés ci-dessus méritent notre soutien et notre solidarité.
Bien que nous fassions face à des défis immenses, cette crise est une opportunité unique d’effectuer un saut en avant sans précédent, permettant aux Européens de construire une société environnementalement soutenable et socialement juste, basée sur le respect des droits de l’Homme et une démocratie participative multinationale à plusieurs niveaux. Nous avons besoin d’un changement de paradigme, mettant le bien-être humain dans un environnement soutenable au centre des décisions plutôt que comme objectif lointain à long terme. Il s’agit d’un moment de vérité dans l’histoire de l’humanité: nous sommes à la veille de la transformation de notre civilisation. Même s’il n’existe aucun plan ”prêt à l’emploi” pour un monde soutenable au 21ème siècle, nous, les Verts, reconnaissons l’immense ampleur et profondeur des changements que nous devons opérer.

C’est pourquoi nous proposons un Green New Deal pour l’Europe – un ensemble global de politiques, qui vise à fournir des solutions innovantes et indissociables aux défis qui nous font face au 21ème siècle, et qui requièrent une nouvelle pensée politique, avec de nouvelles visions économiques. Nous croyons que ce Green New Deal donnera naissance à une vague de nouveaux emplois de haute qualité et d’investissements qui génèreront un nouveau modèle de développement.

 

Une Boussole Verte: les principes guidant une réponse crédible.
Tandis que l’Europe est confrontée à cette crise sans précédent, les deux défis majeurs du 21ème siècle demeurent présents: assurer la prospérité et le bien-être pour tous les habitants sur la planète – et pas seulement quelques privilégiés – à la fois pour les générations actuelles et futures, tout en adaptant notre modèle de développement aux limites physiques de la planète. Le futur de l’Humanité sur cette planète dépend de la nature et de la rapidité de la réponse mondiale à ces défis. Ceci nous amène à adopter les principes suivants pour définir notre réponse à la crise actuelle :

1/ Si les Européens, qui représentent 7% de la population mondiale, veulent maintenir – en fait rétablir – la capacité de déterminer leur propre avenir et de jouer un rôle sur la scène mondiale, ils doivent agir ensemble et de manière unifiée. L’Europe dans son ensemble, comme la Zone Euro, bénéficient de fondamentaux économiques qui ne sont pas parfaits mais qui nous positionnent relativement bien en termes macro-économiques ; de plus nous disposons de ressources de grande qualité – notre population, nos connaissances et notre capacité d’innovation, notre richesse collective, notre diversité – qui nous permettent collectivement de répondre aux défis qui nous font face. Dès lors, tout scénario risquant d’aboutir à l’éclatement de la Zone Euro – premier pas de la désintégration politique de l’Europe – est inacceptable pour nous. De même, l’intégration politique accélérée de la Zone Euro ne peut pas mener à la cristallisation d’une Europe à deux vitesses; il est nécessaire de renforcer la
gouvernance économique de la zone euro, mais ceci ne doit pas se faire au détriment des autres Etats-Membres de l’UE.

2/ Les sociétés les plus égalitaires sont plus efficaces: toutes les preuves empiriques démontrent qu’une distribution plus juste des salaires et des richesses est une condition du bien-être individuel et collectif: les solutions de crises doivent donc renverser le cours actuel vers une accélération des inégalités de revenus et de richesse.

3/ Des finances publiques soutenables à tous les niveaux de gouvernement sont un ingrédient-clé du succès; elles doivent être équilibrées à une vitesse raisonnable en fonction de la conjoncture économique, en optimisant les dépenses comme les ressources, en particulier quand les niveaux absolus d’endettement public sont élevés. Dans cette perspective, la dette ne peut être justifiée que comme instrument pour financer des investissements qui accroîtront effectivement le capital matériel ou immatériel des générations futures.

4/ Un problème systémique nécessite une solution systémique qui rétablit la primauté de la politique sur la spéculation. L’industrie financière doit donc être forcée à revenir à son rôle de soutien à l’économie réelle, qui doit elle-même viser le bien-être de tous. L’utilité sociale doit en définitive guider les décisions dans tous les domaines de la régulation de l’industrie financière.

5/ Le principe du pollueur-payeur: ceux dont les actions nous ont mené à la crise actuelle et qui ont le plus bénéficié du modèle de développement fondé sur l’endettement et la spéculation doivent contribuer le plus à sa résolution. Chaque fois que les gouvernements doivent intervenir financièrement, ils doivent exercer des droits de propriété, même temporaires.

6/ Enfin, toute solution doit réduire plutôt qu’augmenter le déficit démocratique à l’échelle européenne comme au sein des Etats-Membres.
A court-terme: seuls des actions audacieuses suffiront
L’incendie est loin d’être éteint; il n’y aura pas de solution pérenne si la spirale infernale n’est pas arrêtée. Convaincus que la solidarité et la solidité budgétaire doivent aller de pair, nous, les Verts, demandons donc que les actions suivantes soient prises:
1.Rendre le fardeau de la dette grecque supportable: les 50% de réduction volontaire annoncés dans la valeur de la dette grecque détenue par le secteur privé sont insuffisants dans la mesure où tous les détenteurs privés ne participeront pas alors que les détenteurs publics ont été épargnés. Il en résultera in fine une réduction d’au maximum 25% de la dette alors qu’il faut une réduction globale d’au moins 60%, ce qui nécessite soit une participation de tous les détenteurs publics et privés, soit une contribution bien plus élevée des détenteurs privés.
2. Faire du FESF (et du futur FME) un rempart efficace: le dispositif actuel (et très flou) visant à étendre l’impact du Fonds Européen de Stabilité Financière (FESF) est trop timoré que pour décourager la spéculation future sur la dette souveraine des Etats-Membres. Afin de devenir un rempart crédible, le FESF doit devenir une banque, capable d’utiliser les capacités de liquidités de la Banque Centrale Européenne; ses décisions doivent être prises à la majorité. La proposition de recourir à une ingénierie financière discréditée, à une large échelle, sous la forme d’assurance de crédit comme les CDS et de
véhicules d’investissement spéciaux comme les CDO ne contre en rien le manque de confiance.
3. Recapitaliser les banques européennes: le montant (109 milliards €) décidé par les derniers sommets est le minimum absolu de ce qui est nécessaire pour consolider l’industrie bancaire européenne: un montant de 300milliards € est probablement plus approprié. Les sources privées doivent contribuer prioritairement, mais si des deniers publics sont injectés, les droits de propriété et de contrôle doivent être transférés aux contribuables (par le contrôle public temporaire, ouvrant ainsi la voie à une plus grande mutualisation dans le système bancaire européen). Des conditionnalités fortes doivent être imposées, comme la rétention des profits pour renforcer les fonds propres et renflouer les caisses des Etats avec les excédents dégagés; la réduction du bilan des banques en liquidant d’abord les activités les plus risquées; la protection des prêts à l’économie réelle ; la fin du comportement égoïste des dirigeants en matière de pensions, bonus et salaires; la prévention d’activités délictueuses par les banques sauvées, comme l’évasion fiscale. De plus des mesures pour éviter un resserrement du crédit sont d’une importance cruciale.
Dans les cas où les pertes induites par des faillites de banques menacent la soutenabilité de la dette d’un Etat, la BCE et le FESF doivent mettre en place une série de mesures pour réduire le coût de ces recapitalisations pour l’Etat.

4. Rééquilibrer l’approche du “tout à l’austérité”: Bien que nous comprenions le besoin de finances publiques soutenables conformément à ce que prévoient les Traités, certaines politiques d’urgence décrétées par la Troika Union Européenne / Fonds Monétaire International / Banque Centrale Européenne ont été socialement injustes; les conditionnalités imposées doivent être rééquilibrées en insistant sur le prélèvement effectif de l’impôt sur les plus aisés dans la société, et en brisant les tabous et les privilèges comme l’immunité du milieu militaire en Grèce ou des églises comme en Grèce ou en Italie. De plus, l’UE doit utiliser ses fonds de cohésion non utilisés, afin d’assouplir les conditions de co-financement des Etats-Membres sous assistance pour stimuler une activité économique indispensable. L’austérité unilatérale doit céder la place à des réformes socialement justes et soutenables et à des investissements pour renforcer les économies nationales.

 

A moyen et long-terme: engager une transformation profonde

 

L’action de court-terme ne remplace pas des réponses plus durables et plus fondamentales, qui mettront l’Europe sur la voie d’un rétablissement durable. Voici les composantes essentielles que nous, les Verts, envisageons dans cette approche globale :
5. Une forte re-régulation de l’industrie financière européenne: l’Europe ne doit pas hésiter à dépasser les propositions de Bâle III et à imposer des minima ambitieux en fonds propres (15%), une limite absolue sur le taux de levier, des minima contraignants de liquidités. Pour nous, les institutions dites “too-big-to-fail” (“trop grandes que pour en autoriser la faillite”) sont tout simplement trop dangereuses pour exister; nous devons saisir la chance d’agir sur celles-ci et les ramener à une taille raisonnable, en s’assurant que toute institution financière peut s’écrouler sans dégâts importants pour l’ensemble du système financier et l’économie. De même, il doit exister des règles pour une séparation étanche entre l’activité bancaire stricto sensu qui sert l’économie réelle et les activités d’investissement plus risquées, voire spéculatives. En règle générale, les activités et produits financiers qui n’ont pas démontré leur utilité sociale ou économique doivent être interdits; l’usage de techniques comme les transactions à découvert et les transactions sur produits empruntés doit être interdit ou au moins fortement régulé. Enfin, le système bancaire fantôme (« shadow banking ») doit être graduellement privé de fonds par des règles plus fortes gouvernant les liquidités et les opérations opaques non consignée dans les livres comptables. Une agence européenne de notation indépendante doit être créée, se basant sur l’analyse scientifique de la qualité de la dette, y compris sa soutenabilité écologique.
6. Une stratégie fiscale européenne globale: nous n’atteindrons pas des finances publiques saines, une cohésion sociale raffermie et une soutenabilité environnementale sans une transformation radicale des politiques fiscales en Europe. Au niveau de l’Union, nous devons agir pour mettre en place une Taxe sur les Transactions Financières (TTF) européenne, une contribution climat/énergie de l’UE, une assiette consolidée des impôts sur les entreprises, associée à un taux minimum effectif d’imposition, de manière à assurer une contribution juste du secteur privé. L’UE doit développer un “traité de désarmement fiscal” par lequel les Etats-Membres démantèleront les paradis fiscaux inclus dans leurs législations et s’engageront à lutter contre l’évasion fiscale et à limiter les niches fiscales au sein d’une stratégie européenne globale. Toutes ces mesures nécessitent la fin de la règle de l’unanimité en matière fiscale, qui doit devenir un domaine de législation ordinaire, régi par la co-décision entre le Conseil des Ministres européens et le Parlement. Au niveau national une plus forte progressivité de l’impôt sur le revenu et des impôts sur la richesse doit être mise en place.
7. Etablir un Fond Monétaire Européen (FME) capable d’émettre des euro-obligations, qui devraient améliorer l’attractivité du marché de la dette souveraine en Europe, le rendant à la fois plus liquide et plus solide tout en le prémunissant de l’aléa moral en fixant des conditions claires pour la participation et en particulier en termes de discipline fiscale. Ce FME doit être établi comme un instrument communautaire (et non intergouvernemental), rendant démocratiquement compte au Parlement Européen, absorbant le rôle de l’actuel Fond Européen de Stabilité Financière en tant qu’instrument de réponse aux crises. Au-delà de ces mesures instaurant plus de transparence et de contrôle démocratique, y compris au niveau de sa gouvernance, il faudra également envisager de le doter de fonds supplémentaires afin d’aider les économies ayant besoin de prêts d’urgence et d’aide structurelle.
8. Rendre le cadre de surveillance macro-économique plus efficace et plus équilibré: Ce cadre, établi par le “six-pack” définissant la gouvernance économique européenne en septembre, doit être mis en place de manière équilibrée. Il doit d’une part, s’appliquer efficacement aux pays en surplus comme à ceux en déficit de leur balance courante, car ils sont interconnectés, et d’autre part, introduire des indicateurs appropriés de nature sociale et environnementale comme les inégalités de salaire, les dépenses d’éducation, l’empreinte écologique ou la productivité des ressources.
9. Faire du budget de l’UE un instrument de politique économique: Aucune union monétaire n’a été couronnée de succès sans un budget commun crédible qui enrichit la gamme des instruments de politique économique. Ainsi, nous avons besoin d’un budget européen nettement plus ambitieux, financé par des ressources propres co-décidées par le Parlement et alimentée également par la taxe sur les transactions financières (TTF) et la contribution énergie/climat, ce qui donnera lieu à une réduction partielle des contributions des Etats-Membres. Ce budget sera complété par l’émission d’obligations dédiées au financement de projets d’intérêt général comme des infrastructures pan-européennes d’énergies renouvelables ou bien le positionnement de l’Europe comme leader dans les solutions sobres en énergie et en ressources. Ceci créera un Trésor Européen fort et utile.
10. Un Green New Deal pour l’Europe: l’obsession de l’austérité est une stratégie suicidaire. On ne peut pas diriger une entreprise, encore moins un pays, en minant les facteurs sous-tendant la productivité future pour afficher des résultats de façade de court terme. L’épargne des ménages européens et des entreprises augmente sensiblement : voilà les moyens qu’il faut mobiliser et combiner avec la capacité (limitée) d’investissement des gouvernements dans un Green New Deal pan-européen pour verdir notre énergie, nos transports, nos infrastructures de production, restaurer nos ressources naturelles, renforcer la cohésion sociale, l’éducation, la recherche et l’innovation. Cette mobilisation nécessite un plan cohérent, ainsi que des stratégies régulatrices comme:
a. Mettre les objectifs EU2020 sur le même pied que les objectifs budgétaires du pacte de stabilité et de croissance, ce qui augmenterait la pression pour diriger les investissements publics vers la soutenabilité sociale et environnementale;
b. Un prix plus efficace du CO2 en visant une réduction de 30% des gaz à effets de serre d’ici 2020 pour relever le prix du carbone, une taxe carbone couvrant les secteurs non-ETS et une mise aux enchères des crédits d’émission ;
c. L’imposition de stress-tests sur le carbone aux institutions financières afin d’évaluer l’impact de leurs décisions sur ce plan, l’introduction du risque climatique comme risque systémique dans la législation, la promotion des indices verts que les fonds indexés pourront suivre, le développement des banques vertes pour rendre les clients plus conscients de l’empreinte carbone des investissements faits avec leur épargne (avec des incitants fiscaux si nécessaire);
d. La Banque Centrale Européenne obtiendra le droit de refinancer des obligations émises par la Banque Européenne d’Investissement, à condition qu’elles soutiennent des investissements durables;
e. Obliger les fonds de pension publics et encourager les fonds privés à allouer une proportion de leur portefeuille à des investissements et des entreprises verts;
f. Mener à bien la transition énergétique qui nous emmènera dans un futur fonctionnant aux énergies renouvelables et débarrassé du système énergétique nucléaire et fossile.
Une Europe plus démocratique et plus intégrée politiquement
La plupart des actions décrites plus haut impliquent un changement profond dans les objectifs politiques et les priorités, et demande une Europe plus intégrée politiquement. S’ils agissent isolément, les Etats-Membres échoueront à redomestiquer le secteur financier, à regagner de l’emprise sur les assiettes fiscales qui leur échappent de plus en plus, à mobiliser les investissements nécessaires au Green New Deal ou à faire face aux marchés financiers mondiaux. Tout ceci requiert un changement substantiel des traités européens. Pour nous, les Verts, il est impératif que le processus menant à une Europe plus intégrée politiquement ainsi que son fonctionnement accroissent la participation et le contrôle démocratiques. Nous proposons donc:
11. La co-décision des grands axes de politique économique: A l’heure actuelle, la Commission européenne oriente de facto la politique économique et fiscale en Europe et dans certains Etats-Membres. Pour leur donner une légitimité démocratique, les actions de la Commission dans ce domaine doivent être subordonnées à des orientations politiques adoptées en co-décision par le Conseil et le Parlement. En ce sens, les stratégies économiques pluriannuelles (actuellement EU2020), comme leurs principes directeurs (actuellement l’Examen Annuel pour la Croissance, faisant partie du Semestre Européen) doivent devenir des actes législatifs en co-décision.
12. Une Convention pour une Nouvelle Europe: Une nouvelle réforme du Traité européen est impérative et doit être initiée par la convocation d’une Convention le plus rapidement possible. Cette convention serait composée de représentants des parlements nationaux et du Parlement Européen ainsi que de partenaires sociaux et de la société civile, y compris par des formes de participation innovantes, devant ouvrir la voie à une réforme en profondeur du Traité afin de fournir une base légale aux actions décrites ci-dessus. Pour asseoir davantage encore la légitimité démocratique, un référendum européen devra décider des changements d’orientation qui seront mis en pratique si une majorité de citoyen(ne)s et d’Etats les approuvent. Les révisions au Traité ne peuvent en aucun cas plus être négociées à huis clos par les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE, puis imposées aux parlements.

 

Conclusion
Il est primordial que la confiance revienne en Europe: confiance entre les acteurs économiques, confiance entre les gouvernements, confiance entre acteurs économiques et gouvernements, confiance dans les institutions européennes, mais avant tout la confiance de nos citoyens envers leurs banques, leur économie, leurs gouvernements, leur avenir. Nous, les Verts, croyons que des actions de peu d’envergure, à reculons, prenant la crise comme état naturel ne suffiront pas; elles ne feront qu’augmenter les chances d’un écroulement économique, social et environnemental. Ce n’est qu’en étant prêts à faire un pas décisif vers l’avant, vers plus d’intégration politique et démocratique, vers une transformation profonde de nos sociétés et de nos économies pour plus de justice sociale et de soutenabilité environnementale, que nous aurons une chance de réussir. Les propositions mises en avant plus haut doivent être des premiers pas dans cette transformation profonde; c’est l’offre que nous faisons à nos concitoyen(ne)s. Nous sommes prêts à parier notre avenir sur elles.

 

Refonder le projet européen

1. Les Verts Européens sont convaincus que le projet européen doit trouver une nouvelle direction et se doter de nouveaux objectifs. Le rejet, de plus en plus prononcé, du projet européen par l’opinion publique s’explique par l’incapacité des 27 Etats membres à produire des solutions communes, soutenables et progressistes aux multiples crises qui affectent les citoyens.
2. L’érosion du processus de décision communautaire au profit des négociations intergouvernementales, où c’est la loi du plus fort qui règne, sape l’importance des parlements nationaux et ne laisse que peu de place au débat public. Les décisions sont prises strictement sur base d’intérêts nationaux. Les profondes crises financière, économique et sociale, que nous traversons actuellement, révèlent le caractère totalement inadéquat d’un tel mécanisme de « gouvernance ». Seul un réel saut démocratique pourra répondre à cette situation déplorable.
3. L’Union Européenne n’atteindra pas la cohésion et un fonctionnement efficace si les institutions qui représentent les européens, à savoir le Parlement Européen et la Commission, continuent d’être mis de côté dans la prise de décision, et si leurs pouvoirs sont constamment érodés, entre autres par les dirigeants franco-allemands qui monopolisent le discours et le pouvoir. Nous nous opposons fermement à la pratique du Conseil Européen, qui, en s’immisçant dans toutes les affaires politiques, décrédibilise l’attention du Traité de Lisbonne sur le vote à majorité qualifiée. Ce n’est pas seulement une question institutionnelle ou légale, c’est aussi une question de démocratie et de transparence du processus décisionnel. Nous voulons utiliser la méthode communautaire pour mettre en pratique le Green New Deal et la transition écologique de l’économie européenne.
4. Dans le passé, les réformes des traités ont été effectuées par des représentants gouvernementaux réunis en Conférences Intergouvernementales et décidant à l’unanimité, avec peu ou pas de débat public ni de participation. Les réformes ne peuvent continuer à être basées sur des conférences diplomatiques gérées exclusivement par les Etats membres.
5. La récente mobilisation massive de citoyens à travers toute l’Europe montre que le futur du projet européen doit être décidé avec et non sans eux.
6. Le PVE soutient la proposition selon laquelle le Parlement Européen devrait entamer, tel que le prévoit l’Article 48 du Traité sur l’Union Européenne, une procédure appelant à une nouvelle Convention pour une nouvelle Europe. Cependant, la procédure doit être établie de telle sorte que les conclusions de cette Convention ne puissent être complètement changées par une conférence intergouvernementale classique. De nouvelles voies et de nouvelles alliances doivent donc être trouvées pour sortir de cette impasse permanente.
7. Dans le cadre de la procédure de « Développement d’un Agenda Politique Vert » adoptée à Budapest, le PVE décide donc de créer un groupe de travail chargé de produire, d’ici le prochain Conseil du PVE, une proposition sur le contenu et la voie à suivre pour modifier le Traité sur l’UE. Ce groupe de travail devra assurer une large participation publique des citoyens européens à la redéfinition du projet européen.

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Le chantier institutionnel européen https://europe.eelv.fr/le-chantier-institutionnel-europeen/ Mon, 03 Oct 2011 10:53:41 +0000 http://europe.eelv.fr/?p=2085 par Gérard Onesta, ancien député européen, conseiller régional

 

 

« Aucun domino ne peut tomber, dès lors qu’il est solidement lié à tous les autres »
(proverbe perso d’un ancien eurodéputé qui a passé 10 ans en Commission des Affaires Institutionnelles 😉
POURQUOI AGIR ?
Il est impossible d’élaborer un projet politique cohérent au niveau national, sans l’inclure dans sa dimension européenne. En effet, dans une infinité de domaines (agriculture, monnaie, commerce extérieur, environnement, services, droit, transports, énergie, etc.) les décisions votées au niveau de l’Union influent fortement sur notre sphère décisionnelle domestique, quand elles ne la surdéterminent pas totalement. À l’Assemblée Nationale comme au Sénat, près des deux tiers des points à l’ordre du jour ne sont plus que des simples transpositions pour la France des décisions prisent à Bruxelles. Ne pas intégrer cette donnée clef dans le débat de 2012 serait une faute politique.
Certes l’Europe ne fait plus rêver. On a déjà oublié que l’Union a apporté la plus longue période de paix que notre continent ait connu en deux millénaires, ou encore a donné une dimension normative essentielle à la protection de l’environnement. Son projet généreux, raboté au quotidien par la logique mercantile d’un libéralisme dominant, est parfois devenu pour son demi milliard de citoyen(ne)s
synonyme de recul social ou démocratique. En d’autres termes, figée dans son fonctionnement complexe et bridée par bien des gouvernements nationaux (qui n’y voient qu’un appréciable guichet quand tout va bien, et un utile bouc émissaire quand tout va mal), l’Europe est devenue anxiogène.
L’accouchement au forceps d’un Traité obèse, autolimitant et confus – même s’il donne heureusement bien plus de poids au Parlement Européen au travers de la codécision législative – ne règle aucun
problème de fond de la (non) gouvernance démocratique européenne. Dans la tourmente de la crise protéiforme que traversent nos sociétés, les gouvernants constatent au jour le jour, mais sans rien faire, les effets désastreux d’un processus institutionnel européen inabouti.
Il est vrai que les soubresauts des débats institutionnels européens passés ont laissé un souvenir amer. Quelles que soient les positions que les un(e)s ou les autres ont pu y défendre : la « mal Europe »
est toujours là, et, que ce soit par inconséquence, fatalisme, égotisme ou lâcheté, les dirigeants des 27 n’osent plus y toucher. Il suffirait pourtant de repartir des évidentes conclusions de l’intense débat qui a accompagné feu le TCE (Traité Constitutionnel Européen), en s’appuyant sur les avancées indéniables que soutenaient les tenants du Oui, tout en intégrant les légitimes exigences de celles et ceux qui, tenants du Non, n’en étaient pas moins des européistes convaincu(e)s. Le prochain pas, s’il est franchi dans ce souci de respect mutuel et d’intelligence collective, permettra enfin le rassemblement d’une forte majorité pro européenne.
Alors qu’il n’est plus d’État qui ne craigne d’être entraîné dans la spirale de la Crise, faire preuve de courage politique en remettant en route le processus européen est aujourd’hui d’une impérieuse nécessité. Cette relance passe bien sûr par la redéfinition des politiques européennes, mais celles-ci ne pourront jamais voir le jour au travers du mécanisme européen autobloquant actuel.
La priorité est donc de changer la « règle du jeu », puisque c’est elle qui détermine le cours du jeu… Une nouvelle donne nommée fédéralisme.

 
AGIR SUR QUOI ?
L’Union Européenne, sans oser se l’avouer à elle-même, vit déjà au quotidien avec des pans entiers de fédéralisme (budget, justice, monnaie, défense, commerce…), mais le mot est encore souvent mal compris dans certains pays qui n’ont pas eu une vraie culture de décentralisation. Le fédéralisme européen n’est en rien un centralisme bruxellois. Au contraire, c’est un équilibre efficient entre deux notions indissociables que sont la solidarité (renforcement des liens entres les êtres et entre les territoires) et la subsidiarité (respect de la diversité des êtres et des territoires). C’est donc la logique d’un fédéralisme bien compris et assumé qui doit servir de trame à la rédaction des institutions nouvelles (1).
Simplifier, renforcer, légitimer
Avant toute chose, il faudra retirer du texte constitutionnel (par nature, rarement modifié) qui sortira du processus, tout ce qui a trait à la définition des politiques de l’Union pour n’y garder que les objectifs (en préambule) et les valeurs (Charte de Droits fondamentaux) ainsi que les compétences et les rouages (qui fait quoi et comment) (2). S’il est compréhensible que des politiques soit décrites dans un Traité inter étatique, leur « constitutionnalisation » serait une aberration intellectuelle doublée d’un diktat démocratique (il n’y a guère que la dictature soviétique qui ait osé le faire) car les citoyen(nes) d’Europe doivent obtenir le droit inaliénable de faire évoluer aisément et à tout moment – via les décisions de leurs institutions élues – le cadre des politiques qui déterminent leur quotidien. Par cette « décantation » on obtient un texte institutionnel comportant non plus des centaines, mais seulement quelques dizaines de pages.
Parmi les objectifs de l’Union, il faudra mettre en regard des « quatre libertés » issues du Traité de Rome et concernant la libre circulation « des marchandises, des personnes, des services et des capitaux » – et qui sont autant de prétextes de dérégulation sociale et environnementale – des objectifs tout aussi ambitieux en termes de défense et promotion des droits individuels et des biens communs (3).

Quelles seraient par ailleurs, pour chacun des organes institutionnels existants, les réformes urgentes et essentielles :
1 – Le législatif
En Démocratie, tout pouvoir procède du Peuple, c’est donc l’organe qui l’incarne le plus directement qui doit avoir la primauté dans l’édifice institutionnel. Le futur régime européen doit ainsi être clairement d’essence parlementaire (4).
Le Parlement européen qui représente les citoyen(ne)s doit voir ses pouvoirs renforcés par :
a – le droit de codécision généralisé à l’ensemble des politiques – notamment en ce qui concerne le droit de définir les recettes du budget européen – et que ce droit de codécision ne soit pas bridé en 2ème lecture par la difficulté à amender le texte (5) (en 2 ème lecture, les décisions doivent rester adoptées à la majorité simple avec un vote global final sur le texte ainsi amendé) ;
b – le droit d’initiative législative (6) (aujourd’hui laissé entre les mains de la seule Commission) quitte à ce que ce droit soit exercé non pas au travers d’un mécanisme de « niche parlementaire » pour chaque groupe politique, mais au travers d’une demande à la majorité qualifiée de l’ensemble de l’Assemblée ;
c – le pouvoir de renverser la Commission avec la même majorité qui a permis de lui accorder l’investiture, c’est-à-dire à la majorité simple (7), mais avec obligation alors de coupler ce vote de destitution avec l’élection concomitante d’un(e) nouveau(velle) Président(e) de la Commission (ainsi pas de vacance du pouvoir en vertu du principe de « censure constructive ») ;
d – le droit d’être saisi – au même titre que la Commission – au travers du droit d’interpellation citoyen (saisine par une pétition d’un million de signatures) pour une inscription directe d’un point à son ordre du jour ;
e – l’uniformisation complète du mode de scrutin pour son élection dans tous les États Membres, avec suppression de certains découpages en circonscriptions fantaisistes qui ne rapprochent en rien l’élu(e) de l’électeur(trice) mais augmentent le seuil d’éligibilité portant alors atteinte à la représentativité de l’assemblée et au « caractère globalement proportionnel » du scrutin (notion pourtant indiquée dans le texte actuellement en vigueur) ;
f – le renforcement de la vocation naturelle de la coalition parlementaire majoritaire à fournir le (la) chef de l’Exécutif par l’élection d’une partie significative de ses membres (au moins 10 %) sur liste transnationale présentée par les partis européens (8), liste dont la personne placée en tête serait candidate, pour sa famille politique, à la présidence de la Commission. Cette disposition, par la force du suffrage universel, est la seule à même de permettre la pleine entrée en pratique de l’article 9 D du Traité qui dit que le Conseil européen doit proposer au Parlement un(e) candidat(e) à la présidence de la Commission « en tenant compte des élections au Parlement européen ». Cette liste transnationale permettra en outre l’émergence de courants de pensées politiques enfin cohérents à l’échelle continentale.

Le Conseil de l’Union qui représente les États Membres doit voir sa légitimité clarifiée par :
a – la désignation, par le gouvernement de leur pays respectifs, de membres du Conseil dédiés à cette mission exclusive, bien identifiés par les citoyen(ne)s et siégeant à temps plein (9) (et non à temps très partiel comme c’est le cas actuellement, où ce sont des ministres trop occupés par leurs fonctions dans leur pays qui délèguent leur rôle de législateur continental à des fonctionnaires, certes chevronnés mais inconnus et qui n’ont jamais de comptes à rendre aux électeurs(trices)). De plus, cette disposition séparerait davantage le pouvoir législatif européen du pouvoir exécutif national.
b – l’évolution de la composition de ce Conseil en intégrant mieux la représentation des régions (pour les États qui leur ont dévolu des droits institutionnels), et même des Assemblées nationales (en remplacement de la COSAC – Conférence des Organes Spécialisés dans les Affaires Communautaires – qui joue très mal son rôle aujourd’hui – ce qui accélèrerait certainement la transposition des directives en droit national). Cette évolution permettrait, à terme, l’émergence d’un véritable « Sénat européen » (10) partageant à parité avec le Parlement européen le pouvoir législatif, et intégrant de façon lisible la représentation légitime des territoires fédérés.
c – la réunion publique de toutes les sessions du Conseil (que celui-ci siège en formation « affaires générales » ou en formations sectorielles, et ce, quel qu’en soit le niveau).
d – la fin de la présidence tournante semestrielle qui nuit à la qualité du travail de cette instance.
Comme le Parlement, le Conseil doit élire pour la durée d’une demi-mandature un(e) Président(e) en charge d’organiser ses travaux et de présider le Conseil « affaires générales », et autant de président(e)s de « commissions » que le Conseil a de formations sectorielles (11).
2 – L’Exécutif Pour mettre un terme à la confusion savamment entretenue par la pratique institutionnelle actuelle, le seul et unique organe exécutif européen reconnu doit clairement être la Commission européenne. Le Conseil Européen (réunissant chef d’États et de Gouvernements) ne doit plus – en aucun cas – prétendre définir les grands axes de la politique de l’Union, mais revenir à son rôle initial, celui d’être (sous la conduite de son (sa) Présidente choisi(e) au travers de la procédure actuelle) une instance d’analyse et de prospective de très haut niveau (12). En effet, le mécanisme même de décision (unanime) au sein de ce Conseil européen ne fait émerger que le plus petit dénominateur commun, qui est forcément médiocre en termes de résultats politiques. Même si cet organe n’a formellement aucun droit dans le processus décisionnel, la caisse de résonnance médiatique de ces sommets des gouvernants nationaux est telle, qu’elle impose de fait ses (non) décisions aux institutions légitimes de l’Union (« les 27 ont décidé », affirme à tort la presse). Et l’on voit alors anéantis des mois de travaux autrement plus ambitieux, comme ce fut le cas lors des « Perspectives Financières », ou du « Paquet Énergie Climat » qui ont été vidés de toute substance par le « putsch médiatico institutionnel » du Conseil Européen. Les gouvernants devraient désormais intervenir dans le processus législatif uniquement via leurs représentant(e)s au Conseil de l’Union, instance où personne n’a le droit de veto (décisions à la majorité qualifiée), ce qui change absolument tout quant aux résultats des compromis qui en sortent.
La Commission européenne doit obtenir toute légitimité, pour cela il convient :
– a) de voir son (sa) Président(e) élu(e) par le Parlement Européen, certes sur proposition du Conseil Européen, mais obligatoirement choisi dans les rangs de la coalition parlementaire majoritaire issue
des urnes européennes (13). Ainsi les citoyen(ne)s choisiront non seulement leurs député(e)s européen(ne)s mais indiqueront aussi quelle personne doit présider la Commission. Un tel enjeu est
de nature à faire reculer l’abstention qu’ont connue les scrutins européens.
– b) de laisser le Président(e) de la Commission composer son Collège de Commissaires en respectant la parité Femme / Homme, mais sur la seule base des compétences et de la cohérence politique, sans obligation de nombre ou considération d’origine nationale (14). Car la règle actuelle qui tend à assurer la représentation de chaque pays au sein de la Commission est d’une perversion totale : outre le fait qu’elle engendre une Commission pléthorique jusqu’au ridicule, sa mission de gardienne de l’intérêt européen est antinomique avec toute défense (plus ou moins avouée) d’un quelconque intérêt national. De plus, certains dirigeants de « grands » pays n’hésitent plus à illustrer leur mépris communautaire en soulignant que quand toute l’ex-Yougoslavie sera entrée dans l’Union elle disposera de sept commissaires contre un seul pour la France ou l’Allemagne, et que, dès lors, il faudra retirer tout pouvoir à la Commission et en faire un « petit secrétariat » du Conseil, ce qui achèverait de diluer le projet européen dans le combat des nombrils nationaux… Au contraire, une Commission européenne, resserrée, politiquement cohérente (et dont l’appréciation de la compétence de chaque membre resterait soumise à des auditions parlementaires préalables) apporterait – après avoir reçu l’investiture du Parlement – bien plus de garanties de démocratie et d’efficience.
– c) de conserver l’actuel caractère collégial des décisions prises au sein de la Commission Européenne (une personne = une voix) afin de ne pas personnaliser à l’extrême le pouvoir dans l’Union. Son(sa) Président(e) n’a de voix prépondérante qu’en cas de partage des voix à égalité.
– d) de doter la Commission européenne d’une administration « de terrain » et non plus cantonnée à la seule bulle étanche bruxelloise (15). Assurer ainsi, notamment par redéploiement de personnels, une présence de proximité pour la puissance publique fédérale est la plus sûre façon de rapprocher les citoyen(ne)s de la « chose européenne » tout en connectant mieux les décisions bruxelloises à la réalité quotidienne des territoires et de leurs habitant(e)s.
– e) de donner à la Commission européenne le nom de « Gouvernement européen » et à ses membres le titre de « Ministres européen(ne)s », afin de lever toute ambiguïté quant à la nature du rôle institutionnel d’exécutif fédéral qu’ils(elles) doivent assurer (16).
3 – Le Judiciaire
Le pôle de Justice de l’Union, qui dit le Droit européen, est peu connu. Basé à Luxembourg et composé (pour l’essentiel) d’une Tribunal de Première Instance (TPI) et d’une Cour, il est souvent
confondu avec la Cour européenne des Droits de l’Homme (qui est, elle, rattachée au Conseil de l’Europe, basée à Strasbourg, et recours ultime des justiciables en cas de non respect de la Convention européenne des Droits de l’Homme).
Pour renforcer la Justice dans l’Union il conviendrait :
– a) d’élargir la possibilité de saisine par de simples citoyen(ne)s à tout type de recours auprès du Tribunal, notamment en cas de non respect du Traité (17);
– b) de mettre enfin en place un « Procureur européen », premier organe communautaire chargé de défendre les intérêts financiers de l’Union en poursuivant les auteurs d’infractions (18), et dont la création immédiate est possible au regard du Traité. En l’absence de ce « parquet européen », ce sont les États Membres qui sont – avec l’empressement que l’on imagine – censés traquer sur leur territoire leurs propres errements vis-à-vis du droit communautaire. La mission de ce Ministère public européen serait utilement articulée avec celle de l’actuel OLAF (Office de Lutte Anti Fraude) qui, lui, n’a aucun moyen autre que des investigations administratives pour agir.
– c) de doter le TPI et la Cour de moyens opérationnels adéquats pour que le mécanisme de la « question préjudicielle » soit rapide quand un juge national veut s’assurer du cadre d’une affaire au regard du droit européen (actuellement plus d’un an de délai en moyenne). C’est une des conditions sine qua non pour faire vivre le principe de primauté du droit européen sur la sphère nationale (hiérarchie des normes acquise depuis 1964) mais aussi d’uniformiser la jurisprudence entre les divers États Membres ;
– d) de mieux intégrer au niveau fédéral (dépassement de la simple coordination) et de renforcer le contrôle démocratique des organes « Eurojust » (coordination judiciaire contre le crime organisé), « Europol » (coordination des polices) et du système « Eurodac » (comparaison des empreintes digitales des demandeurs d’asile et de clandestins).
4 – Les autres organes
En ce qui concerne les autres organes communautaires, il faudrait également :
– a) remettre à plat le statut de la Banque Centrale Européenne (BCE) dans le double souci de renforcer, là aussi, son contrôle démocratique et la pertinence de ses interventions (19). En ce sens, il faut revoir la gouvernance de l’Euro en alignant – au minimum – les statuts de la BCE sur ceux (pourtant perfectibles) de la Réserve Fédérale américaine (meilleur contrôle du Parlement, missions non limitées à la seule défense du niveau de la monnaie, évolution des règles internes de la Banque selon la Loi et non selon le Traité, etc.).
– b) faire désigner les membres des deux Comités européens consultatifs par leurs pairs et non plus par les gouvernements nationaux (20). Ainsi, le Comité Économique et Social Européen (CESE) pourraient voir ses membres désignés par les fédérations européennes syndicales et professionnelles, mais aussi sa composition élargie aux fédérations continentales du secteur associatif (notamment environnemental, comme ce fut récemment le cas en France). De son côté, le Comité des Régions (CdR) verraient ses membres désignés au sein des associations nationales d’élu(e)s régionaux(ales), à l’exclusion d’autres représentants tels ceux de départements ou de villes comme le pratique étrangement la France.
Des moyens à la hauteur du projet
Aucune réforme institutionnelle ne peut porter ses fruits si les organes qui en sont issus ne voient leurs moyens budgétaires alignés à la hauteur des ambitions du projet européen. Pour cela, il y a des verrous règlementaires à faire sauter et il conviendrait notamment de :
– a) démocratiser le processus budgétaire en impliquant pleinement le Parlement Européen dans la définition des recettes, à parité avec le Conseil, dans le cadre de la procédure de codécision ;
– b) d’abroger la décision 2007/436/CE du Conseil qui fixe un (misérable) plafond budgétaire de 1,24 % du RNB continental comme limite aux ressources financières de l’Union. Le montant du budget
doit être apprécié au regard des seules décisions politiques et des nécessités stratégiques du moment (21) (à titre de comparaison les 50 États des USA mettent en commun, au niveau fédéral, 20% de leur RNB global)

– c) permettre l’évolution de la fiscalité européenne dans le cadre général de la codécision (22) en supprimant la « procédure législative spéciale » qui impose l’unanimité au Conseil (avec consultation
de pure forme du Parlement). Seule une harmonisation des politiques fiscales nationales et leur intégration – pour une part – au niveau européen est de nature à mettre fin aux « guerres de l’impôt » entre États (qui privent les budgets nationaux de ressources essentielles et désarticulent le corps social) ;
– d) lutter (grâce au futur Parquet européen) contre la fraude qui détourne actuellement de ses fins une part du budget européen à cause du laxisme des États (destinataires de cet argent) ;
– e) « dénationaliser » l’essentiel des contributions budgétaires en basant celles-ci non pas sur des apports d’États, mais en créant une taxation « transfrontière » établie sur les pratiques et non sur la nationalité : on taxerait ainsi la spéculation (taxe de type « Tobin ») et la pollution (pollutaxe sur gaz à effet de serre + déchets y compris du nucléaire). Cette taxation concernerait indifféremment les entreprises, les collectivités, les États, les individus, et pourrait assumer le terme fédéral « d’impôt européen » (23). Cela sous entend la suppression de toute « ristourne » nationale (notamment le
fameux « chèque britannique » cher à Mme Thatcher).
– f) établir que tout prélèvement basé sur l’évaluation des richesses des territoires doit s’appuyer sur une batterie d’indicateurs bien plus large que le seul PIB (critères sociaux, sanitaires, environnementaux, etc.). Cela implique la réalisation d’une cartographie territoriale des ressources non pas basée uniquement sur les 27 unités étatiques, mais bien plus fine faisant apparaître des
centaines de « pixels » régionaux et locaux.
– g) simplifier le mécanisme autour de la « ressource TVA » en permettant à l’Union de décider en toute autonomie et de façon uniforme la part de TVA qui serait directement versée au budget européen.
– h) permettre le recours à l’emprunt européen – quitte à le plafonner – et en réservant celui-ci aux seules dépenses d’investissement de long terme (la « bonne dette ») et excluant les dépenses de fonctionnement (la « mauvaise dette ») (24);
– i) établir aux frontières de l’Union une taxe de « protectionnisme solidaire » : taxation des produits entrants à hauteur de ce qu’ils auraient coûtés s’ils avaient respectés les clauses environnementales des AME (Accords Multilatéraux sur l’Environnement) et les accords de l’Organisation Internationale du Travail (OIT). Le caractère « solidaire » de ce protectionnisme réside dans le fait qu’une (large ?) partie de cette taxe est renvoyée dans le pays d’origine du produit pour y permettre l’aide directe aux populations (transfert d’écotechnologies, aides sociales, etc.) afin que, dans l’avenir, les AME et les
règles de l’OIT y soit respectées.

 
AGIR COMMENT ?
2012, levier du nouvel élan européen
Le Traité européen permet à plusieurs organes institutionnels de l’Union de rouvrir le chantier institutionnel. La Commission européenne, qui brille par sa complaisante inconsistance envers les États, semble peu encline à la hardiesse. Le Parlement européen a récemment gagné ce nouveau droit, y fait d’ailleurs souvent référence, mais reste paralysé par le jeu politique traditionnel et, selon un vieil adage communautaire, « bondit en rugissant comme un tigre, avant d’atterrir comme une carpette ». Reste qu’un État-Membre peut aussi introduire unilatéralement cette demande de réforme et lancer ainsi un grand débat.
Dans ce contexte, le choix des personnes qui occuperont au Conseil le siège de la France – pays fondateur qui pèse (encore) lourd dans les dynamiques bruxelloises – à partir du printemps 2012 n’est pas neutre. Si les progressistes veulent VRAIMENT faire de l’Europe l’outil de régulation globale qu’ils appellent de leurs vœux, il est INDISPENSABLE de mettre cette question d’un « New Deal européen » au cœur de l’accord entre partenaires de l’alternance/alternative du printemps prochain.
Une assemblée constituante
Le saut institutionnel majeur que l’on doit franchir ne peut se faire dans le bricolage de couloirs au travers du Conférence Inter Gouvernementale (qui, comme son nom l’indique, tourne vite au maquignonnage entre États), et encore moins dans le dos des Peuples. Une assemblée constituante représentant « le Peuple et les Peuples » d’Europe, entièrement dédiée à l’élaboration d’une constitution courte, claire et évolutive, doit être désignée (25). Cette assemblée ne peut être l’assemblée « législative » qu’est le Parlement européen, non seulement parce que c’est une des bases de la Démocratique que ce ne soient pas les mêmes personnes qui édictent les règles que celles qui se les voient appliquées, mais également parce qu’on peut être très bon législateur et piètre constitutionnaliste (et vice versa). Si l’on souhaite éviter une complexe campagne électorale européenne juste pour désigner des « expert(e)s », on peut envisager de faire désigner cette assemblée constituante par le Parlement européen, chaque eurodéputé(e) cooptant un(e) constituant(e) en provenance de son pays d’origine. On pourrait obtenir ainsi – dans de brefs délais – un corps de 751 citoyen(ne)s spécialisé(e)s dans les questions institutionnelles, représentant parfaitement les équilibres politiques voulus par nos concitoyen(ne)s, et prenant totalement en compte les savants dosages (surpondérés pour les petits pays) de nombre de personnes par États-Membres. On respecterait ainsi pleinement la légitimité populaire, la représentativité politique et les équilibres géographiques, tout en obtenant un haut niveau d’expertise.
Si l’on désire avancer rapidement, l’actuel Parlement européen pourrait d’ores et déjà désigner cette Constituante « symétrique », mais indépendante de lui. Mais on peut aussi considérer qu’il n’a pas reçu mandat populaire pour cela, auquel cas il conviendra d’attendre juin 2014 et le renouvellement de l’Assemblée de Strasbourg pour qu’une Constituante soit élue séparément – ou cooptée par chaque nouveau(elle) eurodéputé(e) – en toute transparence. Cette dernière aurait alors un mandat court – une année – pour rédiger le nouveau texte institutionnel : la première Constitution européenne…
Un référendum transnational
Cette Constitution ne saurait être validée « par appartement », État après État, chacun d’eux adaptant le mécanisme de ratification à sa sauce nationale, avec le risque certain que les électeur(trice)s – du moins pour celles et ceux qui auraient la chance d’être consulté(e)s – soient tenté(e)s de répondre non pas à la question posée, mais au gouvernement qui la leur pose…
La proposition est donc de soumettre le (court) texte constitutionnel à un référendum continental, organisé de façon transnationale le même jour partout dans l’Union. L’Europe se verrait alors dotée d’une constitution à la double condition (fédéraliste) d’avoir obtenue une majorité des suffrages populaires exprimés dans l’Union (celle-ci étant considérée comme une circonscription unique) ET que le Oui l’emporte dans une majorité d’États Membres (26). On pourrait, pour que la Loi fondamentale puisse se revendiquer d’un large consensus, envisager que la majorité à recueillir au niveau des États soit une majorité qualifiée (le Oui devant, par exemple, être vainqueur dans les 3/5èmes des pays) mais en aucun cas l’unanimité des États. Requérir l’unanimité reviendrait à permettre à un seul pays, même le plus petit d’entre eux, de prendre tous les autres en otage et de bafouer ainsi le libre droit d’une majorité de citoyen(ne)s de l’Union d’avancer vers l’avenir qu’ils (elles) se seraient choisi.
Il faut que noter que si rien ne prévoit dans l’actuel Traité (ni à fortiori dans les constitutions nationales) l’organisation d’un tel référendum européen, absolument rien n’interdit d’organiser une telle consultation populaire. Ce serait un « sondage officiel », exhaustif et continental en quelque sorte. Même avec un simple statut consultatif, la charge symbolique et la force politique de ce vote citoyen paneuropéen seraient telles que les parlements nationaux seraient ensuite contraints de ratifier – pour respecter la forme juridique – le texte selon le désir exprimé directement par leurs peuples respectifs (c’est d’ailleurs déjà la pratique légale dans divers États-Membres).
Mais quid des États dont l’électorat national rejetterait la Constitution, alors que celle-ci serait validée au niveau de l’Union ?
Il suffit d’établir à l’avance, d’un commun accord, que les pays minoritaires « récalcitrants », devraient alors décider – en suivant simplement leurs propres procédures nationales (parlementaire et/ou référendaire)soit de se rallier au consensus européen en approuvant finalement la Constitution par un nouveau vote (organisé uniquement à leur niveau national), soit de faire usage du droit DÉJÀ inscrit dans l’actuel Traité, et de se mettre en retrait de l’Union tout en gardant des liens de coopération étroits avec elle (27) (comme le font déjà des pays « hors Union » qui émargent au Budget européen pour certaines politiques ou ont intégré des pans entier de législation communautaire : les accords de Schengen par exemple).
Un texte qui n’insulte pas l’avenir
Enfin, la Constitution européenne devrait rester un texte « vivant » qui pourrait évoluer dans le futur au travers de l’adoption d’amendements (suivant en cela le modèle constitutionnel des USA) dès lors qu’une majorité qualifiée au Conseil ou au Parlement en ferait la demande, et qu’un nouveau référendum transnational (toujours à double majorité requise) l’approuverait (28).

 

 
CONCLUSION

 
Refonder ou disparaître
La question européenne ne doit plus, ne peut plus, être la grande absente des campagnes élyséenne et législatives qui s’annoncent. Tou(te)s les commentateur(trice)s avisé(e)s conviennent aujourd’hui que la crise mondiale, parce qu’elle est systémique – nous amène à changer de système en franchissant un pas décisif. Aujourd’hui, ne pas avancer n’est plus synonyme de « sur place » mais d’effondrement. Un modèle fédéral assumé, parlementaire et citoyen, évident et efficace dans ses rouages, cumulant la force de la solidarité et la richesse de la diversité, est la solution qui doit s’imposer. Adossé à des moyens et mécanismes financiers cohérents avec les objectifs à atteindre, et basé sur une Constitution libérée du corpus des politiques sectorielles, lisible, évolutive, et souverainement adoptée par les Peuples et les États, ce fédéralisme doit être le moteur d’un nouvel âge européen.
Enfin, par la garantie de stabilité sociale et économique qu’il procure, ce saut fédéral rendrait crédible la nouvelle donne nationale que nous appelons de nos vœux.

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