climat – Site de la Commission Energie https://energie.eelv.fr Sobriété, efficacité, renouvelables Mon, 05 Feb 2018 20:55:32 +0100 fr-FR hourly 1 Climat – Rapport du Groupe III du GIEC: il est plus que temps d’agir! https://energie.eelv.fr/climat-rapport-du-groupe-iii-du-giec-il-est-plus-que-temps-dagir/ Tue, 15 Apr 2014 08:51:31 +0000 http://energie.eelv.fr/?p=5727 Le 3ème volet du cinquième rapport du Groupe Intergouvernemental d’Experts sur le climat (GIEC), paru ce 13 avril, dresse un tableau alarmant et sans appel : la possibilité de maintenir le réchauffement planétaire en-dessous de 2°c d’ici à 2100 par rapport à la période pré-industrielle est déjà presque épuisée. Pour limiter l’ampleur et la gravité des impacts, il faut agir dès à présent, de manière concertée, et à un rythme bien plus important que ce qui a étéfait jusqu’à maintenant.

Les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté de 2,2% entre 2000 et 2010, contre 0,4% en moyenne pour les trois décennies précédentes. A ce rythme, le seuil des 2°c sera atteint en 2030, soit demain. Pour n’atteindre ce seuil qu’en 2100, il faut réduire les émissions mondiales de 40 à 70% d’ici 2050, et les ramener à un niveau « proche de zéro » d’ici la fin du siècle.

L’urgence de ces préconisations du GIEC se mesure dès aujourd’hui : les effets du changement climatique sont déjà à l’œuvre ; sécheresses, inondations, perte de biodiversité, pénuries alimentaires, impacts sanitaires, migrations, risques de conflits touchent d’abord les populations les plus fragiles. Ces impacts seront de plus en plus importants et irréversibles avec l’ampleur du réchauffement planétaire, et l’inaction ne fait qu’aggraver les coûts futurs : il sera beaucoup plus complexe et coûteux d’atténuer nos émissions et de s’adapter aux changements irréversibles demain que d’agir aujourd’hui.

Les solutions existent. Si tous les secteurs économiques (bâtiment, agriculture, transport…) doivent se mobiliser, la transition énergétique a un rôle particulièrement important à jouer : les progrès accomplis en efficacité énergétique sont à l’heure actuelle annulés par la croissance de consommation d’énergies fossiles, en particulier du charbon. Pour le GIEC, il faut « de rapides progrès dans le domaine de l’efficacité énergétique » et « parvenir à tripler voire quadrupler l’énergie neutre en carbone », notamment produite à partir des énergies renouvelables.

« La lutte contre le changement climatique réclame une coopération internationale sans précédent », avertit aussi le GIEC : des efforts isolés ne suffiront pas, et il faut un accord mondial, fort et contraignant pour poursuivre et amplifier le travail engagé par le protocole de Kyoto.

Les deux prochaines décennies seront cruciales pour notre capacité à enrayer un phénomène aux conséquences graves, avec trois mots d’ordre : sobriété, efficacité, renouvelables.

Avec la loi sur la transition énergétique à l’été 2014 et la conférence de Paris en 2015, la France dispose de deux dates-clé pour montrer l’exemple. Elle doit s’en saisir pour contribuer à l’émergence rapide d’une transition énergétique et climatique forte.

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La «Passerelle de Doha» sur la route de Paris 2015 https://energie.eelv.fr/la-passerelle-de-doha-sur-la-route-de-paris-2015/ Fri, 14 Dec 2012 08:58:28 +0000 http://energie.eelv.fr/?p=5467 Par Ronan Dantec, sénateur EELV de Loire-Atlantique, porte-parole de réseaux mondiaux de collectivités locales dans la négociation climatique

Ni fiasco, ni évidemment succès, les décisions prises à Doha étaient un passage obligé, une « passerelle » pour reprendre les termes du président de la conférence, le vice-premier ministre qatari, Abdullah Al-Attiyah. La route est donc encore très longue pour amener la communauté internationale vers la négociation de 2015, qui décidera ou non de réellement limiter les émissions planétaires de gaz à effet de serre.

Passons rapidement sur les conditions de la négociation elle-même de cette conférence annuelle (la COP 18) : depuis Kyoto, la tradition est de terminer par un marathon diplomatique d’au moins 36 heures, une tragi-comédie fondée sur quelques coups de théâtre, énervements surjoués et appels à la responsabilité historique, faux suspens sur un accord final dont les grandes lignes étaient globalement connues avant d’arriver au Qatar.

Dans ce cas, on peut évidemment toujours douter de l’intérêt de ces grandes conférences, au coût non négligeable. Mais, outre le fait qu’elles sont l’occasion de multiples réunions techniques, dont les décisions ne sont pas sans implications, elles disent aussi clairement que la négociation multilatérale reste la seule voie possible et 190 pays ne négocieront jamais ensemble par vidéoconférence. Je retiendrai ainsi, comme symbole de cette négociation de Doha, la présence d’une délégation palestinienne ne siégeant plus comme simple observateur, mais bien comme Etat observateur. Le combat qu’ils ont mené pour avoir le droit de s’assoir à cette table commune des Nations devrait donner à réfléchir à ceux qui entonnent par trop rapidement le chant convenu et démagogique de l’inutilité de ces grands sommets mondiaux. S’ils illustrent les extrêmes difficultés de la régulation mondiale, ils n’en sont pas la cause et demeurent nécessaires à la bonne marche du monde.

En grande partie prévisibles, les résultats de Doha doivent cependant être analysés au vu des échéances à venir. Premier enjeu, la reconduction du protocole de Kyoto ne faisait guère de doute. Sans les Etats-Unis, qui n’y ont jamais participé, le mécanisme est préservé par l’Europe et l’Australie, mais avec des objectifs tellement faibles (-20% en 2020 pour l’Union européenne) que son impact sera très limité, on sauve l’outil mais on ne s’en sert guère. Point à retenir, la décision d’une révision des objectifs en 2014 (après le prochain rapport du Giec), laisse ouverte la possibilité d’un renforcement de l’ambition, et donne à la France, qui a défendu ce calendrier, l’opportunité d’un signal positif vers les pays du Sud avant la grande conférence de 2015.

Je passerai ici sur le temps perdu pendant la conférence à tenter de résoudre le problème des surplus de la première période d’engagement, l’avenir de ces « crédits CO2 » que possèdent les pays de l’ancien bloc de l’Est, dont les émissions se sont effondrées au même rythme que leur industrie lourde. Ainsi, le temps perdu à Doha en palabres européennes sur le cas polonais pose clairement la question de la capacité des 27 à se mettre d’accord avant d’arriver sur le lieu-même de la conférence… même si un compromis interne à l’Union européenne a finalement été trouvé.

S’agissant des Russes, en revanche, c’est avec une dureté assez inhabituelle dans ce genre de conférences que le président qatari les a laissés avec leur « air chaud » sur les bras, en faisant voter les textes du « Paquet de Doha » sans même tenir compte de leur demande de prise de parole. Ainsi « éjectés » par l’ensemble des pays, notamment par les Chinois, les Russes sont les grands perdants de la COP 18, et il faudrait suivre avec attention leur réaction. En tout cas, au Qatar, la communauté internationale leur a dit sa lassitude de leurs blocages permanents.

Autre absent de cette deuxième période d’engagement, le Japon. Encore sous le coup du traumatisme de Fukushima, et en pleine transition énergétique, il aurait peut-être mérité plus d’attention…ce n’est pas un « adversaire » de l’accord climatique global, il devra être associé aux réflexions à venir.

A Doha, c’est déjà à 2015 que réfléchissaient les négociateurs et personne n’a abattu ses cartes, se contentant de surveiller son voisin. Ce fut particulièrement vrai de la question des financements, l’autre élément clé de cette négociation. Dans la période de crise budgétaire actuelle, les Européens n’avaient guère les moyens de grandes promesses, mais leur prudence est sans nul doute aussi liée à leur volonté de faire évoluer le débat vers des financements innovants (comme les taxes sur les carburants de « soutes » des bateaux et des avions), qui engageraient aussi les grands pays émergents. Sur ce point, il est peu probable qu’il y ait des évolutions majeures avant le « deal global » de 2015. Cette absence de confirmation des engagements des pays développés, pour faire évoluer progressivement leurs contributions, entre le « Fast start » de Copenhague, et ses 30 milliards de dollars jusqu’en 2012, et les 100 milliards promis à horizon 2020, n’était pas de nature à restaurer cette fameuse « confiance », mot clé du vocabulaire de l’ONU climat.

Mais, en l’absence d’engagements financiers précis, les pays en développement ont néanmoins obtenu l’ouverture d’une négociation sur un nouveau mécanisme sur les « pertes et préjudices ». C’est une avancée intéressante, qui a aussi permis d’aider à l’adoption du paquet final de cette conférence. Cela signifie que, demain, les fonds d’adaptation promis par les pays développés pourraient être distribués, au moins en partie, selon des règles précises, et pas seulement de manière discrétionnaire, au gré des relations bilatérales entre Etats. La réflexion sur ce mécanisme devrait aussi déboucher sur une meilleure appréhension des coûts de l’adaptation pour les pays du Sud, c’est un enjeu considérable.

La route de 2015 est encore loin d’être dégagée, c’est une évidence, mais au moins connaît-on maintenant la destination : ce sera Paris. Bien sûr, le choix ne sera officiellement validé qu’en 2014, mais la disponibilité de la France pour l’accueil de la COP 21, confirmée par Laurent Fabius, qui a fait le voyage à Doha, vaut engagement. Aucun autre Etat européen ne devrait s’y opposer et, comme ce sera au tour de l’Europe de l’Ouest d’accueillir une COP, les choses sont quasiment faites. C’est une excellente nouvelle et un véritable défi pour la France, en termes diplomatiques… et logistiques. Il convient donc de s’y préparer dès à présent car, dans ce genre de négociations, le rôle de la présidence, exercée par le pays hôte, est primordial.

La négociation climat est une négociation globale et l’erreur est souvent de ne pas l’appréhender dans sa globalité, économique et géopolitique. Elle dit un monde où la coopération est nécessaire, car les mécanismes de compétition habituels ne permettent pas de résoudre le défi climatique. Il y a sur la table les changements de mode de vie et les mutations technologiques permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais aussi la convergence des grandes économies, entre anciens pays développés et émergents, l’urgence d’un développement solidaire planétaire. Entre extrême technicité des mécanismes climat et perception des enjeux globaux, c’est toute la diplomatie française qu’il faut aujourd’hui activer, des réseaux qu’il faut mobiliser. Paris 2015 peut être un échec, ne le nions pas, mais cela peut aussi marquer une date importante.

Les crises financières, économiques et climatiques disent aujourd’hui l’impasse de cette mondialisation libérale, née notamment de la chute du mur de Berlin. Cette COP 21 à Paris pourrait réussir à dire un autre monde, où la régulation prend le dessus, où le développement humain compte plus que les profits du capitalisme financier, où la crise environnementale et la perception de la finitude de la planète ne sont pas des mots pour fins de discours, mais des enjeux intégrés des politiques publiques.

Si la France, puissance économique moyenne, a encore une capacité d’influence universelle, c’est ici qu’elle peut le démontrer, en se mobilisant pour créer les conditions de cet accord mondial, clôturant 25 ans de mondialisation libérale, ébauchant les règles de vie commune dont le XXIe siècle a besoin. François Hollande a eu raison de porter cette candidature cohérente avec les valeurs qui animent sa majorité gouvernementale. Nous devons dès aujourd’hui nous mettre collectivement en situation d’assurer la réussite de cette conférence vitale pour notre avenir à tous.

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Sommet de Doha : pour le climat, l’inaction n’est pas une option https://energie.eelv.fr/sommet-de-doha-pour-le-climat-linaction-nest-pas-une-option/ Mon, 26 Nov 2012 17:23:47 +0000 http://energie.eelv.fr/?p=5339 Ce 26 novembre s’ouvre à Doha un nouveau sommet international sur le changement climatique. Tout laisse penser, à ce stade, que cette conférence pourrait être un nouvel échec, et qu’aucun accord – ou, pour le moins, aucun accord solide – n’y interviendrait quant à l’avenir du protocole de Kyoto conclu en 1992. Le protocole prend fin le 31 décembre, soit un peu plus d’un mois, et les parties prenantes ne sont toujours pas parvenues à s’accorder sur les suites à lui donner.

Le Sommet de Doha devrait pourtant avancer sur la seconde période d’engagement du protocole de Kyoto dont la mise en place nécessite des décisions importantes (États participants, modalités d’engagement, période…). De même, la préparation d’un accord juridiquement contraignant, avec des objectifs par pays, à trouver pour 2015 (pour entrée en vigueur en 2020) doit impérativement progresser à Doha.

Les informations ne manquent pourtant pas sur ce que seraient les conséquences et les coûts – environnementaux, mais aussi sociaux et économiques – de l’inaction en matière de dérèglement climatique. Le récent rapport publié par la Banque mondiale est venu, de ce point de vue, s’ajouter aux nombreuses alertes lancées, ces dernières années, par la communauté scientifique, sur les impacts désastreux d’une hausse brutale de la température du globe.

Europe Écologie Les Verts, comme l’ensemble du mouvement écologiste mondial, appelle la communauté internationale à hisser enfin son action à la mesure des enjeux. La gravité des risques est trop grande. L’inaction n’est tout simplement pas une option.

Parmi les questions laissées en suspens, la définition des modalités d’abondement du « Fonds vert », décidé à Cancun en 2010, censé recueillir 100 milliards de dollars par an à partir de 2020 notamment pour aider les pays en développement à financer des mesures d’adaptation, n’est toujours porté par aucune décision concrète.

Plusieurs parlementaires et élus EELV seront présents à Doha. Ils et elles rendront compte, au cours des discussions et à leur retour de la conférence, de leurs points de vue sur le déroulement de la conférence.

 

 

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Intervention de Yannick Jadot sur le prochain sommet climatique https://energie.eelv.fr/intervention-de-yannick-jadot-sur-le-prochain-sommet-climatique/ Thu, 22 Nov 2012 17:17:55 +0000 http://energie.eelv.fr/?p=5325 Au Parlement européen – 22 novembre 2012


Intervention de Yannick Jadot sur le prochain… par EurodeputesEE

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Eva Joly répond à Sauvons le climat https://energie.eelv.fr/eva-joly-repond-a-sauvons-le-climat/ Tue, 17 Apr 2012 16:28:08 +0000 http://energie.eelv.fr/?p=4169 Courrier d’Eva Joly à Sauvons le Climat (PDF)

Paris, le 15 mars 2012

Mesdames, messieurs les pétitionnaires de l’appel lancé par sauvons le climat,

 

je vous remercie d’essayer d’attirer l’attention sur l’enjeu climatique, bien trop absent des débats présidentiels. Je partage pleinement avec vous l’inquiétude au regard du dérapage auquel nous assistons en termes d’émissions de gaz effet de serre et de la concentration atmosphérique conséquente. Les écologistes ont été les premiers à se battre politiquement pour la protection du climat (je vous invite à relire René Dumont par exemple) et ce bien avant que l’industrie nucléaire n’en fasse un cheval de bataille par opportunité trompeuse. Je partage également avec vous l’inquiétude relative à la raréfaction des ressources fossiles et, en conséquence, à l’inflation du coût des consommations énergétiques qui ne manquera pas de suivre. Cependant, je ne peux partager pleinement l’analyse qui est la vôtre.

 

Tout d’abord, vous ne pouvez balayer d’un revers de main ce qui s’est passé -et continue de se passer- à Fukushima. Ce sont des dizaines de milliers de personnes déplacées, des conséquences pour l’environnement dramatiques. C’est l’angoisse quotidienne d’un pays qui a peur de se nourrir. C’est un pays qui a failli évacuer sa capitale, qui a encore un risque de devoir le faire si par malheur un séisme supplémentaire conduisait à perdre le contrôle précaire de la piscine du réacteur numéro 4. Je sais que, à sauvons le climat, ces considérations ont bien peu de place : je m’inscris en faux. Tout le monde s’accorde à dire, y compris M. Lacoste, que « personne ne peut garantir qu’il n’y aura jamais en France un accident nucléaire ». En tant qu’écologiste, je porte donc la sortie du nucléaire, programmée et progressive.

 

Pour autant, je ne sacrifie pas le climat, pas plus que je ne sacrifie notre économie aux importations fossiles supplémentaires. Je porte un projet cohérent et global de transition énergétique, qui permettra de réduire les émissions françaises de 30% en 2020 et de plus de 85% en 2050.

 

D’ailleurs votre appel est trompeur, pour ne pas dire mensonger : l’Allemagne non plus ne sacrifie pas le climat. Tout d’abord, sa décision ne fait pas suite a Fukushima, mais correspond à un processus de long terme engagé il y a plus de dix ans. Refusant l’arbitrage réducteur entre risque climatique et risque nucléaire, le projet allemand vise une réduction des émissions de 40% en 2020 et d’au moins 85% à l’horizon 2050, un objectif qui n’a pas été remis en cause après Fukushima. Vous constaterez qu’à l’issue de l’année 2011, malgré l’arrêt de près de 40% de ses capacités nucléaires, les émissions du secteur électrique allemand sont restées stables, grâce à une augmentation de la production renouvelable, une baisse de la demande et une réduction du solde exportateur net. Rappelons également que chaque Allemand émet en moyenne 36% de gaz à effet de serre en plus que chaque Français, et non 70% comme vous souhaitez le faire croire[1] (vous feignez d’oublier les autres gaz à effet de serre que le CO2, ce qui est particulièrement inquiétant pour des défenseurs du climat). Par ailleurs, vous savez comme moi, que le système de quotas européen garantit la réduction des émissions de gaz à effet de serre du secteur industriel, et en particulier de l’industrie électrique.

 

Enfin, comparer les niveaux d’émissions en valeur absolue n’a que peu de sens quand il s’agit de déterminer si un pays est sur la bonne trajectoire ou pas : l’Allemagne hérite d’un parc charbon important et tout comme la France d’un parc nucléaire développé. Dans les deux cas, ce sont des considérations économiques et politiques qui ont conduit à cet état de fait, bien avant l’émergence des inquiétudes liées au climat. En conséquence, nous ne pouvons pas blâmer plus l’Allemagne que nous pouvons être fiers de notre performance. Il faut regarder les efforts auquel chacun s’engage pour juger de sa responsabilisation. A cet égard l’Allemagne n’a pas à rougir, bien au contraire.

 

Il est vrai que la situation au Japon est bien plus inquiétante. Mais ceci est bien la conséquence du danger nucléaire. La sortie précipitée, non programmée du nucléaire au pays du soleil levant induit une augmentation des consommations d’énergies fossiles. Voilà exactement la situation que nous souhaitons éviter en mettant en œuvre une sortie du nucléaire progressive, programmée et contrôlée, associée à un effort massif sur l’efficacité énergétique.

 

Enfin, avant d’en venir à vos propositions, je voudrais rappeler qu’au niveau mondial le nucléaire n’est en rien à l’échelle des enjeux. Seuls 2,2% des besoins en énergie finale sont assurés par le nucléaire dans le monde. Pour commencer à avoir un effet significatif sur les émissions mondiales, il faudrait multiplier le parc par trois, quatre ou davantage. Ce qui est strictement impossible au plan industriel et économique : le nucléaire requière trop de capitaux, une structure technico-sociale absente de la plupart des pays et surtout il est trop long à développer pour arriver à temps. Par ailleurs, bien évidemment, de multiples arguments s’opposent au développement du nucléaire (finitude de la ressource uranium, coûts économiques, déchets, prolifération, accidents majeurs etc.). Je ne développe pas davantage car ici n’est pas le lieu, mais ces arguments, qui reposent sur des analyses sérieuses et poussées, se suffisent à eux-mêmes

 

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Vous faites trois propositions en guise de solutions pour « rompre le silence incompréhensible« . Si je suis tout à fait favorable à l’idée de rompre le silence effectivement incompréhensible, en revanche laissez-moi expliquer pourquoi vos propositions sont irresponsables.

 

D’après vous, il suffirait de développer l’électricité décarbonée pour sauver le climat. Pouvez-vous expliquer pourquoi, dans un pays qui a le maximum possible de nucléaire, avec un parc surdimensionné, nous devons encore diviser nos émissions de plus de 75% ? Comment expliquer que le plus gros parc de chauffage électrique européen ne suffise pas à résoudre la question des émissions du secteur résidentiel et tertiaire, pour lesquels les acteurs s’accordent sur l’impératif de réduction des émissions ? Sincèrement, le climat mérite mieux que ces raccourcis intellectuels, qui cachent en réalité une volonté de défendre une technologie particulière –le nucléaire-.

 

Tout d’abord, rappelons que seuls 24% des besoins énergétiques sont satisfaits en France par l’électricité, et seulement 17% par le nucléaire. L’électricité n’est qu’une partie du problème ou de la solution. Pour sauver le climat, il faut envisager l’ensemble du système énergétique, à commencer par nos modes de consommation. Ceci, vous le savez parfaitement.

 

Vous affirmez qu’il faut refuser l’augmentation de la production d’électricité fossile. Or, celle-ci est causée principalement par l’application massive et inefficace du chauffage électrique qui engendre des pointes de consommation toujours plus élevées et, en conséquence, un recours aux sources d’électricité carbonées. Contrairement à ce que vous affirmez, l’électrification massive de certains usages conduit à l’augmentation des émissions. D’ailleurs, soulignons que ce sont notamment les centrales allemandes, que vous pointez du doigt, qui nous permettent de passer l’hiver sans black-out. Et que les émissions conséquentes sont comptabilisées dans le bilan allemand, pas dans le bilan français.

 

Nous partageons votre point de vue sur la nécessité de réduire au plus vite l’usage des combustibles fossiles les plus polluants – charbon et fioul -, que ce soit pour l’électricité ou la chaleur. Cependant, nous concevons que les centrales à gaz performantes -co- ou trigénération – ont un rôle à jouer dans la transition énergétique. Dans un premier temps, ces centrales se substitueront à l’usage des combustibles fossiles polluants pour réduire les émissions du secteur énergétique. A plus long terme, le gaz conventionnel devra être remplacé par du biogaz et du gaz de synthèse, produit à partir de l’électricité renouvelable excédentaire.

 

Par ailleurs, nous soulignons que le développement du gaz que nous proposons est inférieur à ce qui est déjà prévu par le programmation pluriannuelle des investissements (PPI), alors même que cette PPI s’inscrit pleinement dans la politique du nucléaire que vous soutenez. Ceci s’explique parce que nous recourons à l’efficacité énergétique, tandis que le système actuel encourage l’inefficacité… et donc les émissions.

 

Résumer la question des besoins de chauffage aux seuls modes de production est pour le moins lacunaire. Ce dont nous avons besoin est avant tout d’un effort massif de rénovation énergétique des bâtiments.

 

Enfin vous proposez d’encourager fortement l’électrification des transports en commun et des véhicules particuliers. Pour nous, ceci est envisageable à plusieurs conditions. D’abord que les véhicules électriques soient des véhicules d’un nouveau type, petits et légers, adaptés aux besoins principaux de déplacement, c’est-à-dire aux besoins du quotidien (domicile-travail…) plus qu’aux usages exceptionnels (déplacement à 5 personnes, avec grands volumes, puissance surdimensionnée…) comme le permettent l’immense majorité des véhicules mis sur marché actuellement. En un mot, avant de développer l’électrification, il faut réinventer la mobilité. De plus, le véhicule électrique n’a d’intérêt que s’il vient renforcer et stabiliser le réseau électrique, et non le déstabiliser : il doit permettre le stockage massif et décentralisé afin notamment de faciliter l’intégration des énergies renouvelables. Enfin, il ne saurait constituer l’ensemble des réponses : de nombreuses autres solutions techniques sont souhaitables (motorisation hybride, gaz-carburant…) et se révèleront peut-être plus efficaces et à privilégier. Concernant les transports en commun, l’enjeu est principalement d’un développement de ceux-ci, plus que d’un changement de mode de propulsion de l’existant.

 

L’électrification des transports pourrait représenter une partie de solution, mais seulement une petite partie. Une réponse cohérente doit prendre en compte d’autres facteurs majeurs que sont les enjeux d’aménagement du territoire, d’organisation sociale, et d’utilisation des moyens de déplacements.

 

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Mesdames, messieurs, parlons-nous franchement. Sauvons le climat est une association dont le but principal est la défense de la technologie nucléaire[2]. Certains la surnomment « Sauvons le nucléaire ».

Je veux croire que, pour certains d’entre vous, le climat est un réel enjeu. Je veux aussi croire que certains d’entre vous sont réellement convaincus que le nucléaire fait partie de la solution pour sauver le climat. A ceux-là, je veux dire que le climat mérite mieux que cet appel. Je veux dire également que nous ne devrions pas nous trouver en opposition, car malgré des divergences sur une partie de la production du mix énergétique, nous devrions nous retrouver sur le reste : efficacité énergétique, production de ce qui n’est pas électrique (soit 76% de l’énergie en France). Et notre convergence sur l’essentiel ne serait pas de trop dans une société qui, manifestement, n’évolue pas du tout au rythme nécessaire. Je vous invite donc à envisager nos arguments avec respect -nous ferons de même- et à joindre nos forces dans l’urgente lutte pour sauver le climat. Tout comme je vous invite à vous éloigner de ceux qui instrumentalisent le climat aux seules fins de défense de la technologie nucléaire, par endoctrinement ou par intérêt.

Veuillez croire, Mesdames, Messieurs, en mes salutations écologistes les plus sincères,

Eva Joly

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Présidentielles mollassonnes dans une semaine énergétique https://energie.eelv.fr/presidentielles-mollassonnes-dans-une-semaine-energetique/ Sat, 31 Mar 2012 09:42:10 +0000 http://energie.eelv.fr/?p=4076 Sur l’environnement, l’énergie, le climat, la campagne est aphone et atone. Scandale démocratique.

 

Résumons l’actualité relative à l’énergie et au climat de la semaine passée (lundi 26 au samedi 31 mars) :

–          Abandon. Les deux géants de l’énergie allemands, EON – RWE, se retirent des projets de centrale nucléaire au Royaume-Uni. Le choix est économique : trop cher, trop risqué. Ils préfèrent investir dans les renouvelables et dans l’efficacité énergétique. Voir ici.

–          Abandon. La Bulgarie abandonne son projet de centrale nucléaire à Béléné. Là encore, la décision prise par le gouvernement repose principalement sur des considérations d’ordre économique : un besoin d’investissements à hauteur de 10 milliards d’euros, aucun investisseur prêt à mettre la main à la poche. Voir ici.

–          M. Edano et TEPCO. TEPCO demande l’aide du gouvernement japonais : 9 milliards d’euros de recapitalisation et un prêt de 7,7 milliards d’euros. Le Ministre japonais de l’Industrie, du Commerce et de l’Energie, M. Edano, déclare que cela n’est acceptable que si l’Etat reprend la main sur la politique de TEPCO. Il menace l’entreprise de faillite. Il indique aussi que le Japon cherche à devenir indépendant du nucléaire, que la question est de savoir quand. Voir ici ou ici.

–          M.  Edano et la sortie du nucléaire. M. Edano fait une seconde déclaration dans le Wall Street Journal : il déclare que la question est de savoir comment être « aussi proche de zéro nucléaire en 2030 que possible« , alors que le nucléaire était censé fournir 50% de l’électricité nippone. M. Edano souligne qu’il ne faut plus réfléchir en termes de production d’électricité mais en termes d’efficacité de la consommation. M. Edano est considéré comme pragmatique, et particulièrement influent. Voir ici.

–          Fukushima, mauvaises nouvelles. A chaque avancée, une déconvenue. TEPCO a réussi à faire pénétrer des instruments dans la cuve du réacteur n°2. Mais au lieu d’y trouver un niveau d’eau estimé à plusieurs mètres, seuls 60 cm d’eau ont été constatés. La radioactivité est extrême : 70 sieverts là où la mesure a été prise, soit de quoi tuer un homme en quelques minutes et endommager les instruments en peu de temps. Voir ici.

–          Gaz. Accident majeur sur une plateforme gazière de Total au large de l’Ecosse. Un ancien puits fait l’objet d’une fuite massive, obligeant l’évacuation de la plateforme. Risque d’explosion. Pollutions importantes, locales et globales : hydrocarbures et gaz acides et corrosifs. Et potentiellement 6 mois pour stopper la fuite.  Total perd 7% en bourse. Voir ici.

–          Prix du baril et essence. Stablement installé à un niveau élevé (125$/baril), le pétrole pousse l’essence à battre des records de prix. Après la « réduction des taxes » ou le « jeu de la concurrence » les semaines passées, on nous propose maintenant d’utiliser les stocks stratégiques pour atténuer le prix à la pompe. Evidemment, ce n’est pas une solution. La seule vraie solution serait de parler efficacité et réduction des besoins, mais ca… Voir ici.

–          Pression. Un grand colloque scientifique international se tenait à Londres en vue de Rio+20 : Planet under pressure (la planète sous pression). Tous les indicateurs sont au rouge, les changements globaux sont avérés et extrêmement inquiétants de par leur ampleur et leur vitesse. Voir ici.

–          Changement climatique, toujours. L’Organisation Mondiale de la Météorologie a sorti son rapport annuel sur l’état du climat. Pas de surprise : l’année 2011 aura été la 11ème plus chaude jamais enregistrée. La décennie 2002-2011 aura été 0,21°C plus chaude que décennie 1991-2000. Voir ici.

–          Extrême. Le GIEC publie un rapport (SREX) sur les conséquences du changement climatique sur les événements météorologiques extrêmes : une intensification des catastrophes météo est à attendre. La presse en parle à peine. Voir ici.

–          Climate week. La semaine du climat, en France et partout dans le monde. Sujet absent des radars médiatiques français. Voir ici.

 

Et pourtant, dans la campagne Présidentielle française, ces sujets n’ont aucune place. Rien. C’est à désespérer de la démocratie. Il serait temps que les médias et que les « faiseurs d’opinion » fassent monter le niveau : nous voulons un vrai débat sur l’avenir énergétique et climatique de la France et de l’Europe.

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