Désintox – Site de la Commission Energie https://energie.eelv.fr Sobriété, efficacité, renouvelables Mon, 05 Feb 2018 20:55:32 +0100 fr-FR hourly 1 28.500 conteneurs de déchets radioactifs au large de la Hague ! https://energie.eelv.fr/28-500-conteneurs-de-dechets-radioactifs-au-large-de-la-hague/ Mon, 15 Apr 2013 16:58:47 +0000 http://energie.eelv.fr/?p=5565 Les plages de la Manche vont elles définitivement perdre leur pavillon bleu cet été ?

Après l ‘ACRO qui à découvert 110 Bqs/l de tritium dans l’eau de mer au large de la Hague ce sont maitenant les Allemands qui viennent d’en rajouter une couche par l’intermédiaire de leur magazine SPIEGEL ON LINE , qui indique que pas moins de 28 500 fûts de matières radioactives ont été immergées par les Anglais dans les années 50/60 au large de nos cotes. En effet selon un rapport d’enquête publié par ce magazine, la SWR allemande de radiodiffusion publique a envoyé un drone télécommandé sous-marin dans les profondeurs du Channel, où ils ont découvert deux fûts de déchets nucléaires à une profondeur de 124 mètres (406 pieds) à quelques kilomètres des côtes françaises.

L’information a été reprise par le blogueur veilleur de Fukushima GEN4 dans un article fracassant qui dénonce également l’autorisation de rejets radioactif d’ AREVA dans ce secteur.

Ce sont quelques 17.224 tonnes de déchets de faible activité radioactive, sous forme de fûts qui ne demandent maintenant qu’à s’éventrer depuis le temps qu’ils sont dans l’eau de mer, et qui se situent dans la vallée sous-marine de la Manche qui est connu sous le nom de Hurd Deep, juste au nord de l’île d’Aurigny, selon l’Agence internationale de Agence de l’énergie (AIEA). Les fûts britanniques sont estimées contenir 58 trillions de becquerels , tandis que des fûts belges contiendraient eux, 2,4 trillions de becquerels. A titre de comparaison, la limite de l’Union européenne pour l’eau potable est de 10 becquerels par litre !

« Nous pensons qu’il ya encore de nombreux barils en bon état là-dessous,« estime le journaliste de la SWR Thomas Reutter pour le SPIEGEL ONLINE, ajoutant qu’il était très peu probable que l’expédition du radiodiffuseur ait découvert que les seuls conteneurs intacts du lot…

Mais ces fûts radioactifs Allemands selon GEN4, ne sont rien comparé aux rejets autorisés à la Hague toute proche : avec 19 PBq de rejets radioactifs “autorisés” par an, l’usine de La Hague peut ainsi se permettre de déverser 330.000 fois chaque année les 28.500 fûts radioactifs immergés en plus de dix années par les anglais !

Atommüll im Ãrmelkanal / ARTE

Bonne baignade, avec la bénédiction de notre gouvernement pour qui le nucléaire est une solution d’avenir! Et qui ne sait toujours pas quoi faire de ses déchets ! Le reportage de l’équipe de SWR sera diffusé en France le mardi 23 avril à 20h50 sur la chaine ARTE.

Source: blog de Etienne Servant

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Prix de l’électricité et industrie https://energie.eelv.fr/prix-de-lelectricite-et-lindustrie/ Wed, 07 Nov 2012 22:58:43 +0000 http://energie.eelv.fr/?p=5203 Le maintien d’une « électricité bon marché » serait le gage de la compétitivité en France. Dans son rapport, Louis Gallois affirme que « Le faible coût de l’énergie, comparé aux autres pays européens, est un atout pour l’industrie française. (…)Dans la transition énergétique qui s’engage, il est essentiel que cet atout, lié au développement de la filière électrique, ne soit pas perdu.»

Il y a de nombreux éléments à répondre à cette affirmation qui tendent à montrer que l’enjeu n’est pas là.

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Résumé et messages clé :

  • L’électricité ne pèse que pour 31% de la consommation énergétique finale des entreprises : l’enjeu énergétique pour elle est donc bien plus large que le prix de l’électricité.

 

  • Sur la base d’une comparaison internationale historique de long et court terme (10 pays européens, dont France et Allemagne) des données de production industrielle et des données relatives à l’emploi dans l’industrie et dans l’industrie électro-intensive, il n’existe aucune corrélation entre le prix de l’électricité pour les industriels et la dynamique industrielle (emplois ou production). Le prix de l’électricité n’est pas un déterminant significatif de la production industrielle, ni à court terme, ni à long terme.

 

  • Le prix de l’électricité augmentera quoi qu’il arrive (cf. annonces de la CRE), même dans la situation actuelle avec une part importante de nucléaire dans le mix électrique. De plus, les industries ne participent que marginalement au soutien aux énergies renouvelables électriques et à la solidarité sociale et territoriale car elles sont largement exonérées de CSPE. Présenter le développement des EnR électriques comme un problème pour les industries est purement et simplement un mensonge.

 

  • Le prix de l’électricité faible pour la compétitivité des industries est une chimère qui empêche de se poser les bonnes questions pour l’avenir de nos industries. En particulier : les potentiels d’efficacité rentable dans l’industrie sont très importants à court et long terme, la considération d’une électricité chère est source de R&D et d’innovation etc. …

 

 

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 1. Ne pas confondre énergie et électricité

Rappelons tout d’abord l’électricité ne représente que 31% de la consommation finale d’énergie de l’industrie manufacturière.

Le prix de l’électricité a donc un impact limité sur l’activité industrielle en général. L’enjeu du prix de l’énergie est forcément plus large et plus complexe que la simple question du moyen de production électrique : un seul moyen de production électrique, comme le nucléaire, ne représente pas un atout industriel particulièrement fort en matière d’accès à l’énergie pour l’industrie.

On conviendra cependant que certaines industries, électro-intensives, sont très dépendantes de cette forme d’énergie, mais leur cas est spécifique et leur nombre est limité (cf. 4.).

 

2. Rien ne prouve qu’une électricité peu chère permette un dynamisme industriel

 

2.1.  Prix de l’électricité et production industrielle

Le tissu industriel allemand est plus compétitif et plus solide que le tissu industriel français. Pourtant, en Allemagne, le prix de l’électricité est significativement plus élevé pour les industriels qu’en France. C’est ce qu’illustre le graphique ci-dessous :

D’après les chiffres d’Eurostat, le prix de l’électricité pour les industriels en France et en Allemagne (trois catégories selon leur niveau de consommation) a évolué comme le graphique ci-dessous l’indique, entre 2007 et 2012 :

On constate que dans toutes les trois catégories les industriels allemands paient leur électricité 25% à 80% plus chère que les industriels français.

Une comparaison internationale européenne montre que la France se situe dans le bas de la fourchette des prix de l’électricité pour les industriels (petits, moyens, gros consommateurs), tandis que l’Allemagne, et surtout l’Italie, sont les pays les plus chers pour la consommation d’électricité par les industriels comme l’indiquent les trois graphiques ci-dessous.

Partant de ce constat, il est intéressant de comparer la variation du prix de l’électricité pour les industriels avec la variation de la production industrielle dans plusieurs pays, à court et à long terme.

La variation de la production industrielle de dix pays d’Europe est la suivante :

On constate tout d’abord :

  • d’une part une tendance globale à l’augmentation de la production industrielle depuis le début des années 1990,
  • d’autre part l’important impact de la crise économique de 2008-2009.

On constate ensuite qu’il existe différentes réactions à l’issue de la chute de production de 2008-2009 :

    • d’une part les pays pour lesquels la production reste faible : France, Royaume-Uni, Italie, Danemark, Espagne
    • d’autre part les pays pour lesquels la production industrielle repart rapidement : Allemagne, Belgique, Suède, Finlande.

 

On distingue le cas de la Norvège qui ne semble pas être affectée par la crise aussi violemment que les autres pays, mais qui poursuit une réduction régulière de sa production industrielle.

La question qui se pose est de savoir si le prix de l’électricité pour les industriels permet d’expliquer la différence dans :

  • l’accroissement ou non de la production industrielle dans les années 1990-2000
  • la reprise de la production industrielle, après la crise de 2009.

 

  • Dans la catégorie prix de l’électricité élevé :

L’Espagne, le Royaume-Uni ou l’Italie ont des prix de l’électricité moyens à élevés. La production industrielle est restée stable ou a diminué dans les années 1990-2000 dans le cas de l’Italie et du Royaume Uni. En Espagne, celle-ci a augmenté. Dans les trois cas, l’impact de la crise a été important et la production industrielle n’a pas redémarré à l’issue de la crise.

A contrario, l’Allemagne et la Belgique, qui ont également des prix pour les industriels élevés, voient leur production repartir très rapidement pour retrouver des niveaux de production en 2011 comparables à ceux d’avant crise ; la résilience de l’outil industrielle semble élevée. Globalement, leur production industrielle a augmenté de manière régulière et significative depuis 1990.

 

  • Dans la catégorie prix de l’électricité faible :

La Finlande a un prix de l’énergie faible, sa production industrielle avait fortement augmenté avant la crise.  En 2010-2011, sa production industrielle a redémarré mais elle reste pour l’instant à des niveaux très inférieurs à ceux d’avant crise.

La France a également un prix de l’électricité pour les industriels faible (comparable à la Finlande), pourtant sa production industrielle est restée stable dans les années 2000-1990 (contrairement à la Finlande). A l’issue de la crise, sa production a légèrement redémarré mais reste encore très loin de la situation pré-crise.

La Norvège a également un prix de l’électricité pour les industriels faibles, et pourtant sa production industrielle a décliné régulièrement depuis le début des années 2000.

> pour plus de détails, se reporter aux graphes pays par pays ci-dessous.

 

CONCLUSION sur le prix de l’électricité et la dynamique industrielle :

Sur la base de la comparaison de ces dix pays européens représentatifs, il n’existe aucune corrélation entre un niveau de prix de l’électricité pour les industriels et le niveau de production industrielle. En particulier, un prix élevé n’empêche pas un secteur industriel dynamique sur le long et sur le court terme.

 

2.2 Prix de l’électricité et emploi dans l’industrie et dans les secteurs électro-intensifs

D’après la base de données STAN de l’OCDE pour l’année 2007 (dernière année disponible), il existait au total 1,5 fois plus d’emplois industriels en Allemagne qu’en France. Mais surtout, ce ratio est plus élevé dans tous les secteurs électro-intensifs :

  • 2,1 fois plus d’emplois dans le papier,
  • 3,7 dans la chimie hors pharmacie,
  • 2,5 dans l’acier,
  • 3,9 dans les métaux non ferreux…

Une comparaison élargie à d’autres pays indique également une absence de corrélation entre la variation du prix de l’électricité et la variation des emplois dans l’industrie électro-intensive. Toujours grâce aux données Eurostat, Philippe Quirion réalise la comparaison du nombre d’emplois dans les domaines électro-intensifs et du prix de l’électricité.

 

Et Philippe Quirion de conclure :

« Que constate-t-on? Tout d’abord, une tendance quasi-généralisée à la baisse de l’emploi dans ces secteurs, sauf en Italie [ndlr : qui a pourtant le prix de l’électricité pour les industriels le plus élevé d’Europe, de loin]. Ensuite, les pays où le prix de l’électricité est relativement bas (comme la France) ne s’en sortent pas mieux que les autres, et l’évolution de l’emploi n’a rien à voir avec celle du prix de l’électricité: ce dernier a augmenté continûment en Italie où l’emploi s’est maintenu, alors qu’en Grande-Bretagne la baisse massive de l’emploi a commencé bien avant la hausse du prix de l’électricité. De même, en Allemagne, la hausse du prix de l’électricité de 53% au cours des années 2000 n’a pas empêché l’emploi de résister mieux qu’en France, où ce prix est resté pratiquement stable.

Ces observations sont confirmées par une analyse statistique simple des mêmes données: dans aucun des secteurs, le prix de l’électricité n’explique statistiquement l’évolution de l’emploi [dans les industries électro-intensives]. »

 

3. L’augmentation du prix de l’électricité interviendra quoi qu’il arrive ; les énergies renouvelables n’impactent pas l’industrie

La Commission de Régulation de l’Energie l’a annoncé à plusieurs reprises : un accroissement de 30% du prix de l’électricité est à anticiper d’ici 2016-2017. Pourtant la France n’a pas annoncé sa sortie du nucléaire… Cela n’est pas non plus le fruit d’une politique d’ouverture du marché au niveau européen comme certains l’affirment. Mais c’est le résultat de sous-investissements réalisés par le passé qui se paient aujourd’hui (réseau principalement), en plus du besoin de sécurisation des centrales nucléaires.

Enfin, il faut rappeler que la CSPE (contribution au service public de l’électricité) qui permet, notamment, de financer certaines énergies renouvelables (éolien, photovoltaïque) est plafonnée pour les industriels (0,5% de la valeur ajoutée ou 500 000€/site.an et exonération de l’autoproduction). Autrement dit, ceux-ci ne sont pas impactés par le soutien aux énergies renouvelables. Au contraire, ils peuvent bénéficier de la réduction du prix sur le marché de gros induit par une abondance des énergies renouvelables variables (ils peuvent par exemple accéder à une électricité à 0,014€/MWh, importée d’Allemagne, comme cela a été observé certains jours de septembre 2012 vers 14h).

 

4. Les vrais facteurs de compétitivité relatifs à l’énergie

Considérer le prix de l’électricité comme fondamental pour notre compétitivité est un leurre qui permet d’éviter les vraies questions.

La comparaison franco-allemande est à cet égard très instructive. La réalité est que l’outil industriel allemand est plus moderne, plus électrifié mais de manière plus performante et plus économe que l’outil industriel français. L’industrie allemande est plus compétitive malgré, et peut-être même grâce à, un prix de l’électricité plus élevé. En effet, un prix de l’électricité (ou de l’énergie en général) élevé incite à innover en matière d’efficacité énergétique et de process industriel en général.

 

Une véritable politique de la compétitivité, concernant les questions énergétiques, devrait reposer sur des objectifs de :

  • renforcer de la structure du tissu d’entreprise, avec une politique en faveur des PME, créatrices d’une nouvelle dynamique et d’innovations : financement des métiers de la transition énergétique par la BPI, création de centres de formation pour la transition énergétique, signaux de long terme de la transition énergétique pour désamorcer le développement des secteurs d’EE et ENR, etc. …

 

  • proposer des financements adéquats pour développer l’efficacité énergétique au sein même des entreprises: faire plus avec moins. Il faut savoir qu’actuellement de très nombreux investissements en matière d’efficacité énergétique dans l’industrie sont repérés, qu’ils seraient très rentables (temps de retour sur investissement de 3 ou 4 ans), mais qu’ils ne sont pas réalisés par manque de connaissance et surtout par court-termisme dans la gestion de l’outil industriel. Le gisement d’économie d’énergie dans l’industrie, à production égale, est estimé à une réduction de la consommation de 18% à horizon 2020 (-12% pour l’électricité, -20% pour la chaleur) et de 46% à horizon 2050 (-29% pour l’électricité).

 

  • favoriser l’emploi avec une fiscalité écologique adaptée, qui par le même biais peut pousser l’innovation

 

  • ne pas complètement s’abstraire du problème d’une électricité « chère » qui peut être un problème pour certains secteurs spécifiques : encore faut-il identifier de manière objective et analytique les secteurs qui sont soumis simultanément à une double exposition prix de l’électricité et ouverture à l’international. Le nombre de secteurs concernés est dans ce cas très limité. Néanmoins, un soutien spécifique à ces secteurs est à envisager (il est toujours préférable de produire localement plutôt que d’importer), mais il doit s’insérer dans une logique du long terme: il ne faut pas juste donner des subventions pour « produire plus avec moins de coûts », mais développer des incitations ciblées avec un soutien à l’efficacité énergétique et à la réorientation. A long terme, les industries électro-intensives devraient voir leur importance diminuer au profit de nouveaux secteurs qui fournissent le même service par d’autres méthodes : recyclage (papier, aluminium…), réutilisation et réemploi (verre…), écomatériaux à la place du ciment etc. …

 

Conclusion générale : se focaliser sur l’électricité « peu chère » pour garantir un avenir à nos industrie, outre d’être en partie une arnaque intellectuelle (cf. 3.) est la garantie d’un échec industriel à venir puisque les bonnes questions ne sont pas posées.

 

 

 

Annexes : graphes, pays par pays

 

 

Eléments méthodologiques :

  • Données relatives au prix de l’électricité : agrégats nrg_pc_205 et nrg_pc_205h d’Eurostat, consultés le 5/11/12. A noter que la méthodologie d’Eurostat a changé en 2007 ; les données pré 2007 et post 2007 sont agrégées dans les graphiques, bien que n’étant pas parfaitement homogènes. Il convient donc de considérer qu’il n’y a pas continuité entre 1990-2007 et 2007-2012.
  • Données sur la production industrielle : agrégat STS_inpr_m d’Eurostat (index NACE rev. 2), consulté le 5/11/12.
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Intox / désintox : le nucléaire et la recherche publique https://energie.eelv.fr/intox-desintox-le-nucleaire-et-la-recherche-publique/ Thu, 06 Sep 2012 16:48:50 +0000 http://energie.eelv.fr/?p=4493 Le nucléaire dans la recherche publique française

La rubrique « Désintox » du journal Libération fait sa rentrée sur une phrase de Jean-Vincent Placé, Sénateur EELV de l’Essonne : « Aujourd’hui, la recherche sur les énergies en France, c’est à 85% tourné vers le nucléaire ».

Force est de reconnaître que Jean Vincent Placé s’est un peu emporté dans son chiffrage, et l’analyse de Libé, au pied de la lettre, est juste.

Cependant, Jean Vincent Placé n’a pas tout à fait tort !

1. Jean Vincent Placé n’est pas à côté de la plaque, il a juste un train de retard !

  • Dans le budget actuel…

Libération donne les chiffres de répartition du budget de recherche consacré à l’énergie : sur la base d’une note officielle qui circule actuellement en préparation de la conférence environnementale, EELV confirme les ordres de grandeur : en 2010, le nucléaire représentait plus 50% du budget de la recherche publique sur l’énergie que 85%. En 2011, l’équilibre est à peu près le même. Le rapport sénatorial sur le coût de l’électricité dont Jean Desessard, Sénateur EELV de Paris était le rapporteur, confirme également ces chiffres. On y trouve le graphique suivant :

 

 

Il y a une nuance de taille à apporter à ces chiffres : ils ne prennent certainement pas en compte les dépenses dans le cadre d’Euratom (qui représente au niveau européen 3 milliards d’euros) et surtout la participation financière dans ITER (1,5 milliards d’euros rien que pour la France) ! Il faudrait donc y ajouter quelques centaines de millions d’euros par an consacrés au nucléaire au titre des projets internationaux…

  • Mais dans le passé proche, Jean Vincent Placé avait raison…

Il n’avait pas mis ses fiches à jour! Car avant le Grenelle de l’environnement, l’ordre de grandeur était bien celui dont il parle.

Seule source, à la connaissance d’EELV, qui fait la comparaison : un rapport de l’Agence Internationale de l’Energie daté de 2004. Voici la répartition historique, année par année, entre 1985 et 2002 :

 

Pendant les 17 années pour lesquelles on dispose de données, le nucléaire a bénéficié de 85 à 90% des ressources publiques. Et les énergies renouvelables ? Moins de 2% !

L’inflexion a été réalisée à la suite du Grenelle de l’environnement.

2. L’argument de fond de Jean-Vincent Placé reste juste

  • L’engagement de Sarkozy n’a pas été tenu : les renouvelables toujours parent pauvre

Nicolas Sarkozy déclarait en 2007 : « Là où nous dépenserons 1 euro dans le nucléaire, nous dépenserons le même euro dans la recherche sur les technologies propres et la prévention des atteintes à l’environnement. » Pendant la campagne électorale de 2012, il déclarait : « Depuis que je suis président de la République, j’avais pris l’engagement 1 euro dans le nucléaire, 1 euro dans le renouvelable. »

Dans le deux cas, cela n’a pas été respecté. Il suffit de reprendre le premier graphique :

– Les renouvelables ne bénéficiaient, en 2010, que de 12% des crédits. On est loin de l’égalité avec le nucléaire, et cela reste toujours inférieur aux sommes consacrées à la recherche dans les énergies fossiles (15%).

– Si on y ajoute l’efficacité énergétique et les technologies de stockage, les « technologies propres » atteignent péniblement 37%.

Il y a bien la moitié du gâteau pour le nucléaire, mais c’est loin de faire l’autre moitié pour les renouvelables et pour l’efficacité énergétique…

  • Faut-il raisonner en budgets annuels ou en budget total ?

La Cour des Comptes, dans son rapport sur les coûts de la filière nucléaire, estime le budget de la recherche publique investi dans le nucléaire à 38 milliards d’euros entre 1955 et 2010.

Sur la base des données de l’AIE (cf. supra), on peut estimer que non-nucléaire a bénéficié de quelque chose entre 10 et 20% de la recherche publique. Et, das cette fourchette, les énergies renouvelables ont pu peut-être avoir 2 ou 3%, grand maximum 5%, du budget public.

  • Autant d’argent pour faire quoi ?

Autre moyen de regarder : 80 ou 90% du budget de la recherche publique en France permet quoi ?

Ces masses gigantesques permettent de produire … 17% de l’énergie finale consommée en France. Eh oui, les 75% d’électricité d’origine nucléaire ne représentent qu’une petite partie de l’énergie consommée. Rappelons que l’électricité ne représente que 24% de toute l’énergie consommée en France, loin derrière le pétrole par exemple.

Donc en résumé, on a consacré 80 à 90% de la recherche publique pour arriver à produire 17% de nos besoins. Logique, non ?

  • Et le budget maintenant ?

Mais au fait, le nucléaire n’est-il pas une technologie mature capable de dégager une très grande rente en France ? Dans ce cas, n’est-il pas un principe de bon sens qu’une technologie mature et rentable finance son propre développement ? Et que les deniers publics soient consacrés aux technologies émergentes ?

De deux choses l’une :

– soit le nucléaire est mature et rentable, et dans ce cas, le budget public de recherche dans l’énergie consacré au nucléaire devrait être nul.

– Soit le nucléaire n’est ni mature, ni rentable, et il doit continuer de bénéficier de soutiens publics forts pour pouvoir tenir et affronter l’avenir.

En conclusion, si Jean-Vincent Placé s’est trompé sur le chiffre avec quelques années de retard, la critique et l’argumentaire restent totalement valables : la recherche publique consacrée à l’énergie a été et reste encore phagocytée par le nucléaire, dans des proportions totalement irrationnelles.

 

 

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L’impact de la décision post-Fukushima sur le tournant énergétique allemand https://energie.eelv.fr/limpact-de-la-decision-post-fukushima-sur-le-tournant-energetique-allemand/ Mon, 16 Apr 2012 12:58:18 +0000 http://energie.eelv.fr/?p=4158 L'Institut du Développement Durable et des Relations Internationales (IDDRI) vient de publier sous la plume d'Andréas Rudinguer un intéressant papier qui remet les pendules à l'heure concernant la politique énergétique allemande. ...]]>

L’Institut du Développement Durable et des Relations Internationales (IDDRI) vient de publier sous la plume d’Andréas Rudinguer un intéressant papier qui remet les pendules à l’heure concernant la politique énergétique allemande.

Points clés :

LA SORTIE DU NUCLÉAIRE : UNE DÉCISION PROGRAMMÉE MAIS ACCÉLÉRÉE PAR FUKUSHIMA

Les décisions post-Fukushima s’inscrivent dans un processus de sortie du nucléaire et de restructuration du système électrique engagé et préparé depuis dix ans. L’arrêt anticipé des huit centrales les plus anciennes a ainsi été compensé en 2011 par une augmentation de la production d’électricité renouvelable et une réduction du solde exportateur, sans engendrer un recours accru à la production d’origine fossile durant cette première phase d’adaptation.

LES DÉFIS À COURT TERME

À l’horizon de la sortie définitive en 2022, la restructuration du secteur électrique représente un double défi : des investissements considérables sont nécessaires pour compenser le nucléaire et remplacer une partie des centrales à charbon ; et le décalage croissant entre le rythme de déploiement des énergies renouvelables et l’insuffisante adaptation des infrastructures- réseau représente une contrainte croissante pour l’Allemagne, avec des effets déstabilisateurs sur le système électrique européen. L’impact marginal des décisions post-Fukushima sur la réalisation de l’objectif climat 2020 devrait néanmoins être limité en cas de maintien d’une politique climatique rigoureuse et considérant que cet objectif avait été fixé en fonction du calendrier initial de sortie du nucléaire.

UNE STRATÉGIE DE TRANSITION GLOBALE ET À LONG TERME

Tout en ayant une portée politique décisive, la sortie du nucléaire ne constitue pas une fin en soi, mais s’inscrit au contraire dans un projet de tournant énergétique à long terme. Celui-ci vise à atteindre une réduction des émissions de GES d’au moins 80 % à l’horizon 2050 à travers un effort important d’efficacité énergétique et une substitution des énergies fossiles par les énergies renouvelables dans tous les secteurs. Dans cette perspective, les décisions post-Fukushima pourraient jouer un rôle de déclencheur politique important par le consensus qu’elles ont suscité. A contrario, l’absence d’un signal politique fort dans la décennie actuelle augmenterait considérablement le risque d’un lock-in technologique et ralentirait la nécessaire sortie du charbon.

Lire la suite sur le site de l’IDDRI

En complément, voir aussi Development of renewable energy sources in Germany 2011, présentation préparée par le ministère fédéral allemand de l’environnement

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L’indépendance énergétique https://energie.eelv.fr/lindependance-energetique/ Sun, 11 Mar 2012 18:50:21 +0000 http://energie.eelv.fr/?p=3943 Mieux que de longues phrases, ce petit clip résume très bien la situation. 1mn et 22 secondes pour tout comprendre. ...]]>

Mieux que de longues phrases, ce petit clip résume très bien la situation. 1mn et 22 secondes pour tout comprendre.

Independance energetique ca c est fait episode 1 par SAV_EvaJoly

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La caricature de la désinformation pro-nucléaire https://energie.eelv.fr/la-caricature-de-la-desinformation-pro-nucleaire/ Fri, 10 Feb 2012 09:15:45 +0000 http://energie.eelv.fr/?p=3639 En une du site Lefigaro.fr, un article déclarait jeudi 9 février vers midi que l’Allemagne « réactive des centrales nucléaires», en raison du « grand froid qui touche l’Europe ». Un pur et simple mensonge, relayé par d’autres médias (Europe1.fr, boursier.com, aufemin.com) … et démenti depuis.

Se reposant sur de soi-disant révélations de la presse allemande, Le Figaro annonce que des centrales nucléaires sont relancées en Allemagne. Aucune source n’est citée. Et pour cause.

La presse allemande n’a jamais révélée une telle information, car celle-ci est fausse. Aucune centrale ne peut être «rallumée » pour faire face à un pic de consommation. Techniquement, ceci n’a pas de sens :  réactiver une centrale nucléaire est une opération longue et compliquée qui ne peut pas se faire uniquement pour quelques heures de production.

Ce que la presse allemande a réellement déclaré est que des centrales électriques au charbon mises en réserve cet été ont été réactivées.

Le Figaro est un journal mensonger sur le nucléaire. Le 22 septembre 2011, Le Figaro titrait déjà en une de son édition papier qu’en France,  la sortie du nucléaire couterait 750 milliards d’euros. Un chiffre totalement aberrant, mais surtout, il n’émanait pas de Bernard Bigot, Administrateur Général du CEA alors interviewé, mais du journaliste qui a lui-même suggéré ce montant. Aujourd’hui, LeFigaro.fr titre une information fausse. LeFigaro.fr a depuis corrigé son erreur par un autre article, sans modifier le premier mais en se défaussant sur l’AFP comme source de l’erreur. Lire aussi : Nucléaire/Allemagne : l’AFP invente un redémarrage de centrales dans la rubrique « Vite dit du site Arrêt sur Images

Au-delà du mensonge sur le nucléaire, on peut regretter que des centrales polluantes aient été réactivées. Mais pourquoi l’ont-elles été ? Simplement parce que la France a battu son record de consommation électrique à l’occasion des «pointes de consommation », pointes qui ne peuvent être passées que par des importations massives d’électricté (jusqu’à 3 000 MW en provenance d’Allemagne ces jours passés). En conséquence, c’est la France qui est responsable de la réactivation des centrales au charbon allemandes. Lire aussi : Froid: la pénurie évitée grâce à la coopération européenne.

Nous rappelons que la « pointe de consommation » française est supérieure à celle de l’ensemble des autres pays d’Europe réunis. Le besoin de puissance électrique allemand est de 50 000 MW, tandis que la France a eu un besoin double le mercredi 8 février. Cette caractéristique française est principalement due au développement massif du chauffage électrique, lui-même promu comme le pendant naturel de la production nucléaire. CQFD.

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Rapport de la Cour des Comptes : le nucléaire a mangé son pain blanc https://energie.eelv.fr/rapport-de-la-cour-des-comptes-le-nucleaire-a-mange-son-pain-blanc/ Mon, 30 Jan 2012 22:12:10 +0000 http://energie.eelv.fr/?p=3366 Par Denis Baupin

La Cour des Comptes rendra public demain 31 janvier 2012 un rapport sur les coûts du nucléaire qui fera date.

 

1) Il fera date car il met en pièce le mythe du nucléaire bon marché. D’ores et déjà, les chiffres accumulés par la Cour sont sans appel : depuis des décennies, on a menti sur le coût réel du nucléaire. Celui-ci se trouve au minimum (et malgré les inconnues rappelées ci-dessous) à 20% plus cher que les évaluations précédentes. Et cela même si, de l’aveu même de la Cour, les coûts pharamineux de la recherche nucléaire n’ont pas été intégrés dans ce surcoût.

 

2) Il fera date car il confirme le coût faramineux du nucléaire futur. Même si les chiffres du nucléaire passé ont été sous-évalués, il est clair aujourd’hui que le nucléaire a mangé son pain blanc. Dorénavant, qu’on choisisse de prolonger la durée de vie des réacteurs existants (en les sécurisant suite à Fukushima et en tentant de les faire tenir 10 à 20 ans de plus), ou qu’on choisisse de construire des EPR pour les remplacer, le coût du kWh produit sera près de deux fois plus élevés que le prix artificiel actuel.

 

3) Mais ce rapport fera aussi date en démontrant que sur de nombreux sujets cruciaux, même la Cour des Comptes ne sait pas chiffrer le coût réel du nucléaire. Qu’on en juge : qu’il s’agisse du coût des travaux de sécurité post-Fukushima (dont il faut rappeler qu’ils n’intègrent même pas la sécurité anti agression terroriste), du coût du démantèlement, du coût de la gestion des déchets, du coût de l’assurance en cas d’accident majeur en France… la Cour des Comptes reconnaît son incapacité à chiffrer et est obligée de s’en tenir à des hypothèses vagues.

 

Les représentants du lobby tenteront sans doute de minimiser l’impact de ce rapport. Mais, qu’ils le veuillent ou non, ce que dit ce rapport c’est qu’en matière d’industrie nucléaire, on avance à l’aveugle. Cette énergie soit-disant hyper professionnelle, à la pointe de la technologie et de la science, est pilotée totalement à vue.

 

L’abîme est d’autant plus vertigineux si on compare d’un côté ce constat de carence en matière nucléaire, et de l’autre les exigences posées par les mêmes décideurs quand on évoque les alternatives au nucléaire, qu’il s’agisse des renouvelables et de l’efficacité énergétique.

 

La charge de la preuve doit dorénavant être inversée : ce n’est plus le seul chiffrage de la sortie du nucléaire qu’il faut établir, mais plus encore le coût d’une poursuite éventuelle du nucléaire. A quand un rapport sur les scénarios d’avenir des pro-nucléaires, qui aurait le même niveau d’exigence de transparence et de réalisme que, par exemple, le scénario Négawatt ?

 

Le rapport de la Cour des Comptes marque une étape. Il montre aussi le chemin qui reste à parcourir pour que toute la transparence soit faite sur les vrais coûts du nucléaire. Il est en tout état de cause un outil majeur pour aider à ce qu’enfin la France prenne le virage énergétique et industriel pris par nombre d’autres pays, et que nous risquons bien de manquer. C’est pourtant là que se situent les principaux gisements d’emplois d’aujourd’hui et de demain.

 

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Analyse critique de l’étude de la Commission énergie 2050 https://energie.eelv.fr/analyse-critique-de-letude-de-la-commission-energie-2050/ Mon, 30 Jan 2012 21:56:07 +0000 http://energie.eelv.fr/?p=3343 par Benjamin Dessus et Bernard Laponche Le site Mediapart nous a demandé de faire l’analyse critique d’une version non encore définitive, mais manifestement très avancée et qu’il s’est procurée très récemment, du rapport de la Commission Energie 2050 mise en place par le ministre Eric Besson et qui doit lui être remise dans les jours qui viennent. ...]]>

par Benjamin Dessus et Bernard Laponche

Le site Mediapart nous a demandé de faire l’analyse critique d’une version non encore définitive, mais manifestement très avancée et qu’il s’est procurée très récemment, du rapport de la Commission Energie 2050 mise en place par le ministre Eric Besson et qui doit lui être remise dans les jours qui viennent.

Cette version provisoire du rapport de la Commission Energie 2050 ainsi que cette analyse critique sont présentés aujourd’hui sur le site de Médiapart.

Les rapporteurs de la Commission se proposent d’examiner les différentes trajectoires possibles du système énergétique français d’ici 2050 en comparant des scénarios contrastés produits par différents acteurs. Il apparaît cependant très vite que la question centrale qui intéresse le gouvernement est celle de l’électricité et plus particulièrement la production d’origine nucléaire.

Le rapport est donc très marqué par une approche presque exclusivement « offre » de la question énergétique, avec une insistance permanente sur le « mix énergétique », considéré comme beaucoup plus important que la demande d’énergie, et bien évidemment la place de l’énergie nucléaire dans ce mix. Ce biais, manifeste dès le début du rapport, en réduit considérablement l’intérêt comme outil de prise de décision en matière de politique énergétique globale.

L’analyse du corps du rapport qui comporte 5 chapitres principaux nous conduit à mettre l’accent sur plusieurs points.

Du point de vue méthodologique, l’étude exclut de façon incompréhensible l’analyse des seuls scénarios contrastés établis sur une base commune, ceux d’Enerdata, pourtant utilisés officiellement par le gouvernement dans les négociations européennes, au profit de notes et scénarios produits dans la hâte par des des acteurs du nucléaire. Elle privilégie ouvertement l’analyse du seul mix électrique au détriment du système énergétique, laissant ainsi à l’écart les questions qui concernent 75% de l’énergie finale du bilan français, ne prend pas en compte les marges de manoeuvre ouvertes par les économies d’électricité et exclut corrélativement toute discussion sur le coût d’accès à ces mesures d’économie d’électricité .

Elle réduit le concept de transition énergétique à la question des émissions de CO2 et fait l’impasse totale sur les risques environnementaux associés aux filières non fossiles, et très particulièrement nucléaires en faisant l’hypothèse que le suivi des recommandations du dernier rapport de l’ASN règlent définitivement ces questions.

Elle réduit enfin le débat à la seule question du coût unitaire du kWh électrique associé à différents mix électriques, en « oubliant » que le coût pour l’usager et la collectivité dépend aussi des quantités d’électricité distribuées.

S’ajoutent à ces critiques des erreurs factuelles telles que l’oubli du rôle prépondérant des économies d’énergie dans les scénarios bas carbone (450 ppm) de l’AIE , ou sur la définition même de grandeurs comme l’énergie primaire ou l’indépendance énergétique.

Nous considérons donc que le document dont nous disposons aujourd’hui est un exercice de médiocre qualité, biaisé par des erreurs factuelles, des non dits, des hypothèses implicites et des omissions majeures, sans aucune analyse de cohérence, ni aucun recul par rapport aux études analysées. Il distille ça et là des affirmations non étayées qui relèvent plus de partis pris ou d’opinions subjectives que de jugements objectifs. Cette complaisance et cette médiocrité méthodologique nuisent gravement aux conclusions qui sont ainsi suggérées, sinon proposées aux pouvoirs publics pour une politique énergétique à long terme de la France.

Nous avons pensé que vous pourriez être intéressés par la mise à votre disposition de notre rapport critique détaillé de ce rapport provisoire de la Commission Energies 2050 .  : Analyse critique de l’étude de la Commission énergie 2050

Lire également le communiqué de presse publié par Global Chance : la manipulation

 

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Réponse à Henri Proglio https://energie.eelv.fr/reponse-a-henri-proglio/ Tue, 15 Nov 2011 15:06:34 +0000 http://energie.eelv.fr/?p=2113 Lire aussi : les scandaleux mensonges d’Henri Proglio – Communiqué de presse de Cécile Duflot

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Les déclarations de M. Proglio dans l’interview publiée le 9 novembre 2011 dans Le Parisien appellent à des réponses détaillées, afin d’illustrer la manière dont le patron d’EDF n’hésite pas à déformer la réalité et à manipuler les chiffres dans le cadre d’une opération de propagande destinée à la défense d’une énergie à l’agonie.

Ceci est d’autant plus grave que certains responsables politiques, tel M. Copé (le 11 novembre), reprennent à leur compte et répètent ces affirmations, fussent-elles mensongères ou manipulatrices.

Le débat sur l’avenir énergétique de la France mérite mieux que cela. EELV appelle la presse à jouer son rôle pour garantir un débat réellement démocratique et serein.

1. Concernant les emplois et le nucléaire

M. Proglio agite la crainte de la perte d’emploi par des mensonges objectivement indéfendables. C’est la transition énergétique avec sortie du nucléaire qui est source d’emplois (+ 500 000 emplois nets au moins), pas l’inverse.

Le Parisien titre : « Sortie du nucléaire : ‘un million d’emplois mis en péril’ selon le PDG d’EDF ».

M. Proglio affirme en effet :

n « une telle décision [sortir du nucléaire, ndlr] menacerait 400.000 emplois directs et indirects de la filière nucléaire, 500.000 emplois dans les entreprises actuellement localisées en France et très gourmandes en énergie, comme l’aluminium, qui risquerait de partir à l’étranger. Il faut y ajouter 100.000 emplois futurs provenant du développement du nucléaire mondial à partir de la France. Au total, 1 million d’emplois seraient mis en péril et cela coûterait entre 0,5 et 1 point de PIB. Rien de tout cela n’est inimaginable. »

M. Proglio annonce 1 million d’emplois perdus, en mélangeant emplois nucléaires directs, indirects et induits, emplois industriels, hypothétiques emplois futurs pour le développement à l’étranger.

1.1.  Emplois nucléaires directs, indirects et induits

D’après une étude du cabinet PriceWaterhouse réalisé pour AREVA, voici la structure de l’emploi relative au nucléaire en France[1] :

Emplois directs – activité spécialisée dans le nucléaire = 125 000

Emplois indirects – sous traitant = 114 000

Emplois induits – dépenses des employés du nucléaires = 171 000

Total = 410 000

Les emplois induits correspondent aux emplois alimentés par les dépenses des employés du nucléaire et des employés des sous-traitants du nucléaire (par exemple le boulanger d’une commune abritant une centrale). Leur inclusion dans ce calcul fausse le débat puisque les emplois induits ne dépendent pas d’une technologie donnée (le nucléaire, le charbon, l’éolien …). Ils seraient aussi induits par d’autres types d’activités (production d’énergies renouvelables, rénovation du bâti, etc.).

Le nucléaire permet donc l’emploi en France de 125 000 personnes. Les emplois indirects, correspondant à la sous-traitance, ne sont pas spécifiques à l’activité nucléaire et pourraient avoir été créés par d’autres activités. En les comptabilisant néanmoins, la somme porte à 239 000 le nombre d’emplois réellement liés au nucléaire.

Comparons l’état des emplois directs et indirects en France et en Allemagne dans le nucléaire et dans les énergies renouvelables :

  • en France, 239 000 personnes sont employées directement et indirectement dans la filière nucléaire (qui représente 75% de la production d’électricité) ;
  • en Allemagne, les énergies renouvelables électriques représentent déjà aujourd’hui 370.000 emplois directs et indirects (pour une part de 20% de la production d’électricité).
  Production 2010 (GWh) Emplois Ratio Emploi/GWh
Nucléaire France 428 000[2] 239 000 0.6
Renouvelables Allemagne 103 000[3] 370 000 3.6

Il suffit de regarder le tableau pour se rendre compte que par GWh produit, les EnR sont nettement plus génératrices d’emploi. La différence entre les ratios emploi/énergie produite entre le nucléaire français et les renouvelables en Allemagne est d’un facteur 6. Les renouvelables en Allemagne créent six fois plus d’emploi que le nucléaire français, par unité d’énergie électrique produite.

1.2.  Les « 500 000 emplois industriels »

M. Proglio trouve une potentielle destruction de « 500 000 emplois » à cause d’une augmentation du prix de l’électricité.

Tout d’abord, personne ne sait sur quelle étude M. Proglio s’appuie pour avancer ce chiffre qui semble particulièrement gonflé au regard des statistiques de l’emploi du secteur industriel.[4]

Mais surtout, l’argument de la baisse de compétitivité en cas de sortie du nucléaire ne tient pas : en Allemagne, le prix de l’électricité est plus élevé et pourtant le tissu industriel y est bien plus solide que l’industrie française… et l’outil industriel allemand est également plus moderne, plus électrifié mais de manière plus performante et plus économe.

Les chiffres ne trompent pas, là encore : d’après la base de donnée STAN de l’OCDE, il existait au total 1,5 fois plus d’emplois industriels en Allemagne qu’en France en 2007 (dernières données). Mais surtout, ce ratio est plus élevé dans tous les secteurs électro-intensifs : 2,1 fois plus d’emplois dans le papier, 3,7 dans la chimie hors pharmacie, 2,5 dans l’acier, 3,9 dans les métaux non ferreux…

D’autre part, M. Proglio n’est pas à une contradiction près puisqu’il affirme lui-même que le prix de l’électricité devra augmenter même si la France reste dans le nucléaire (cf. infra).

Ainsi, pour EELV, ce ne pourrait être une électricité moins chère qui sauverait la compétitivité de l’industrie française dans un environnement hautement concurrentiel. Il faut au contraire miser sur l’innovation dans les process et sur l’efficacité énergétique de la production. Comme pour les ménages, miser sur les économies d’énergie est la seule voie d’avenir : les gisements d’économies sont connus et ils sont très rentables. De plus, les énergies renouvelables ainsi que la maîtrise de l’énergie constituent de formidables opportunités pour l’industrie française, aussi bien pour son marché intérieur qu’à l’export.

1.3.  Emplois à l’exportation du nucléaire

En ce qui concerne les 100.000 emplois qui proviendraient, selon M. Proglio, du futur développement du nucléaire à l’étranger, le chiffre est grossièrement exagéré et mensonger. Dans le meilleur des cas (sur la base d’une hypothèse extrêmement favorable, eu égard au peu de pays qui s’intéressent à l’EPR), seule la conception aura en partie lieu en France, la construction et l’exploitation se faisant évidemment sur place. Ainsi, quelques centaines d’ingénieurs au maximum seront concernés.

Sans compter qu’à l’échelle internationale,  la « renaissance du nucléaire » reste très largement une fiction, d’autant plus que les marchés les plus prometteurs (Chine, Inde, Russie) font tout pour maîtriser eux-mêmes la filière industrielle, laissant peu de place aux industriels français. Il suffit pour s’en convaincre d’écouter les dernières déclarations des responsables indiens sur le nucléaire.

1.4.  Avenir des emplois nucléaires

De manière plus générale, la transition énergétique (avec sortie progressive du nucléaire et des énergies fossiles) créera bien plus d’emplois qu’elle n’en détruirait (cf. infra). Les difficultés de reconversion des employés du nucléaire sont également réduites pour deux raisons :

  • d’une part, la pyramide des âges de l’emploi de la filière (EdF, Areva, principalement) fait état d’un départ à la retraite massif d’ici 2020 (+ de 40%, plus de 50% pour les seuls employés du nucléaire d’EDF, selon M. Proglio) ;
  • d’autre part, ces emplois sont constitués essentiellement de cadres (environ 60% pour AREVA et EDF, un peu moins pour les entreprises de sous-traitance), qui pourraient facilement se reconvertir dans des secteurs annexes les énergies renouvelables et la MDE.

Il ne s’agit en aucun cas de « tuer » la filière nucléaire. Même en cas de sortie, celle-ci aura encore pour longtemps besoin de nombreux emplois qualifiés, que ce soit pour l’exploitation et la maintenance ou encore pour le développement d’un pôle d’excellence en matière de gestion des déchets et démantèlement des réacteurs. Cette excellence, d’ailleurs, sera prisée au niveau international tant l’expertise manque crucialement.

Au-delà des chiffres, il faut s’interroger sur la nature des emplois du nucléaire. La France se caractérise en effet par un système de sous-traitance en cascade, avec jusqu’à 7 niveaux de sous-traitance et une protection des travailleurs qui diminue d’autant (« la viande à rem »). Ce système a été de nombreuses fois remis en cause par l’ASN et les syndicats de  la filière (comme l’illustrent les grèves récentes).

En cas de sortie comme de maintien du nucléaire, il paraît donc urgent de s’assurer que ce phénomène de sous-traitance soit davantage limité et que la protection des travailleurs du nucléaire soit garantie à tout moment.

1.5.  Transition énergétique et emplois

La transition énergétique créerait de manière nette au minimum plus de 500 000 emplois d’ici 2020 :

  • de l’ordre de 300 000 emplois dans la rénovation du bâti (hypothèse de  900 000 logements rénovés par an en 2020) ;
  • au moins 300 000 emplois dans les énergies renouvelables (en 2020 : 40% d’électricité renouvelable et 35 à 40% de chaleur renouvelable)[5].

Cela s’explique simplement parce que le contenu en emplois des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique est bien plus élevé que pour le nucléaire ou que pour les énergies fossiles, pour un coût qui est ou sera prochainement très comparable.

1.6.  Investissements

Le chiffre de 400 milliards d’euros avancé par M. Proglio repose très certainement sur l’étude de l’Union Française de l’Electricité (association des producteurs d’électricité), sortie lundi 7 novembre[6].

Là encore, M. Proglio tient un raisonnement d’une malhonnêteté intellectuelle incroyable.

En effet, M. Proglio oublie de dire que, selon la même étude, le scénario d’un maintien dans le nucléaire implique un investissement de 300 Mds€ d’ici 2030.

Donc, sur la base d’une étude pourtant réalisée pour le compte du lobby nucléaire, la différence entre rester et sortir ne s’élève qu’à 100 Mds€, soit un surcoût de seulement 33% par rapport au scénario d’un maintien dans le nucléaire ou encore quatre fois moins que ce que soutient M. Proglio, qui confond à dessein investissements et surcoûts.

Surtout, cette étude de l’UFE est très contestable, notamment du fait que les hypothèses retenues quant à l’efficacité énergétique sont d’un extrême pessimisme (ce qui n’est pas étonnant s’agissant d’une étude commandée par les électriciens, dont EDF et GDF-Suez, toutes deux largement impliquées dans le nucléaire[7]). De plus, en reportant la question du remplacement des réacteurs actuels par de nouvelles centrales (supposées plus sûres mais surtout plus chères) à une date ultérieure, l’analyse fausse quelque peu le chiffrage, puisque les coûts augmenteront de ce fait considérablement après 2030 dans le scénario de maintien massif du nucléaire pour financer ces nouvelles constructions.

Une autre étude sur le même sujet, réalisée par Benjamin Dessus[8], arrive à la conclusion que la sortie du nucléaire impliquerait des investissements de 10 à 15% inférieurs au maintien du nucléaire (soit 50 à 100 Mds€), pour un total investi du même ordre de grandeur que dans l’étude de l’UFE (autours de 500 Mds€ en 2030).

En conclusion, toutes les études prospectives – y compris celles pilotées par le lobby nucléaire – montrent qu’il faudra investir à peu près autant pour le maintien que pour la sortie du nucléaire. Selon les études, la différence entre les deux cas de figure varie peu dans un sens ou dans l’autre (+ ou – 25%). En revanche, l’incertitude liée au coût du nucléaire est bien plus importante que l’incertitude liée aux EnR, sans évoquer le risque d’un accident majeur et les dégâts humains, matériels et environnementaux associés.

1.7.  Facture pour les ménages et les entreprises

De même, sur le coût de l’électricité pour les ménages, M. Proglio confond à dessein prix de vente et facture.

M. Proglio affirme que sortir du nucléaire « se traduirait par un doublement de la facture d’électricité ». Cette analyse repose probablement toujours sur l’étude de l’UFE citée précédemment.

Il fait une comparaison relative en 2030 : selon lui, par rapport à aujourd’hui, l’augmentation serait de 33% en cas de maintien du nucléaire, 65% en cas de sortie.

Ce faisant, M. Proglio reconnaît en réalité qu’il faut prévoir une augmentation du prix de vente unitaire (€/kWh) de l’électricité quel que soit le scénario. Les écologistes ne peuvent que s’accorder avec lui sur ce point.

En revanche, la conclusion qu’EELV tire de cet état de fait est tout à fait différente de celle des producteurs d’électricité. Au lieu de réfléchir en termes de prix unitaire (le kWh), il convient de réfléchir en termes de facture réelle des ménages, c’est à dire le prix unitaire multiplié par la quantité consommée…

Pour agir sur la facture, il est nécessaire de réaliser des économies d’énergie, ce que les électriciens n’envisagent pas sérieusement. Cela s’explique peut-être par le fait que les économies d’énergie sont structurellement beaucoup plus difficiles dans un système basé sur le nucléaire, pour des motifs liés à la centralisation de la production, à l’existence de conflits d’intérêts ou encore à une production en base ne correspondant pas aux besoins. Or, les économies d’électricité ont la particularité d’être très rentables.

Une preuve en est qu’en Allemagne, un ménage consomme 25% de moins d’électricité qu’un ménage français (hors chauffage afin que la comparaison soit honnête) pour un même confort.

Si on envisage sérieusement une transition énergétique, c’est-à-dire en incluant des économies d’énergie –contrairement à l’étude de l’UFE-, la conclusion est que la facture finale des ménages et des entreprises sera plus faible d’au moins 10% en cas de sortie du nucléaire par rapport au maintien du nucléaire (étude B. Dessus)[9].

2.     Les émissions de gaz à effet de serre et la sortie du nucléaire

La sortie du nucléaire de l’Allemagne (ou de la France) va-t-elle conduire à une augmentation des émissions de gaz à effet de serre ? M. Proglio affirme :

 « D’abord, cela augmenterait probablement de 50% les émissions de gaz à effet de serre à cause de l’utilisation du charbon, du gaz et du pétrole pour remplacer le nucléaire. C’est ce que fait l’Allemagne. »

La mauvaise foi de M. Proglio est évidente.

En effet, comme M. Proglio le sait parfaitement, le secteur de l’électricité est sous contrainte des « permis d’émission » européens (quotas carbone), comme une grande partie du secteur industriel.

Quel que soit le choix du mode de production électrique, le nombre de quotas européen reste fixe. Le système de quotas fonctionne donc comme des vases communicants : si certains secteurs peuvent émettre plus, d’autres doivent réduire leurs émissions, à quantité totale de quotas égale. Ainsi, si les électriciens veulent émettre plus pour produire l’électricité, ils devront acheter des quotas à d’autres industriels qui eux réduiront leurs émissions. Cette demande aura un effet à la hausse sur les prix des quotas, favorisant ainsi l’innovation dans les réductions d’émissions.

En revanche, d’un point de vue environnemental, strictement aucun effet ne peut être observé.

L’Allemagne s’est engagée sur un objectif de 40% de réduction de ses émissions de GES en 2020 (la France s’en tient à un objectif de 20%) qu’elle n’a pas remis en question avec la décision de sortie du nucléaire.

En réalité, la question de la réduction des émissions de gaz à effet de serre est bien plus large que la question électrique… D’ailleurs, si tel n’était pas le cas, la France ne devrait pas avoir de problèmes d’émissions de gaz à effet serre, avec 75% de nucléaire. Or, l’empreinte carbone par habitant de la France est du même ordre de grandeur que les pays n’ayant pas de centrale nucléaire. On le voit, l’industrie du nucléaire s’est emparée de la question du climat comme d’une bouée à des seules fins de communication : le changement climatique mérite bien mieux.

De plus, il ne faut pas oublier que tout effort de maîtrise de l’énergie, notamment dans la rénovation des bâtiments, conduit à une baisse des besoins non seulement en électricité, mais aussi en énergies fossiles (gaz, fioul), réduisant d’autant les émissions de gaz à effet de serre.


[1] Source : étude « Le poids socio-économique de l’électronucléaire en France », mai 2011, réalisée par PWC pour AREVA.

[2] MEDDTL 2011 : Bilan énergétique de la France pour 2010

[3] BMU 2011 : Erneuerbare Energien in Zahlen – Nationale und internationale Entwicklung

[4] Voir par exemple l’article « Pourquoi il n’y a pas 500 000 emplois menacés chez les industriels énergivores », la Nouvelle Usine du 10.11.11

[5] Ces chiffres sont issus des calculs internes à EELV, sur la base d’hypothèses conservatrices. A titre de comparaison, le rapport de P. Quirion (CIRED/CNRS) pour le WWF en 2008 arrivait à la conclusion suivante, pour un chemin énergétique comparable : « -30% de GES en 2020 = +684 000 emplois » (titre du rapport).

Il n’est pas impossible que la création d’emplois issue de la transition énergétique portée par les écologistes soit plutôt de l’ordre du million d’emplois, mais EELV refuse de promettre trop et préfère les bonnes surprises aux promesses intenables, contrairement à d’autres, moins scrupuleux.

[6] Etude « Electricité 2030, quels choix pour la France ? »

[7] On ne peut donc pas qualifier cette étude d’indépendante. Au contraire, EELV estime que la publication simultanée des résultats de cette étude et de l’interview de M. Proglio au moment même où ce point est discuté par EELV et le PS dans le cadre d’un accord pour 2012 relève d’une offensive lobbyiste ayant pour unique objet de faire échouer ces discussions.

[8] Ingénieur et économiste, notamment co-auteur, avec MM. Charpin et Pellat, du rapport  au Premier Ministre Etude économique prospective de la filière électrique française.

[9] Dans l’étude de Benjamin Dessus, le coût de la production augmente également dans les deux cas de figure (conséquence des investissements nécessaires : augmentation de l’ordre de 50 à 80% par rapport à aujourd’hui), avec un prix au kWh de 20% plus important en cas de sortie qu’en cas de maintien du nucléaire, mais une facture finale incluant les économies d’élecricité.

Télécharger le dossier au format PDF : Dossier de presse réponse à H. Proglio – nov 2011

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