Session du 7 février 2014 : Intervention du groupe Ecologiste sur l’avenir de la Picardie

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(version longue)

 

« Nous voulons une collectivité régionale cohérente, aux compétences claires, qui rende service aux habitant-e-s de notre territoire »

Le 16 janvier, le Président de la République a lancé un débat sur la taille des régions et leurs compétences. Il a interrogé certains départements en raison de l’émergence des métropoles et posé les jalons de contraintes et encouragements financiers pour les collectivités qui s’engageraient dans cette réforme.

Un débat médiatique s’en est suivi sur l’avenir de la région Picardie, mais ceci ne doit pas nous faire perdre de vue que les questions qui sont posées sont bonnes : comment simplifier notre « mille-feuilles » territorial ? Comment réaliser des économies dans les dépenses publiques en réalisant des réformes structurelles et pas seulement un coup de rabot généralisé dans tous les budgets ? Comment rendre plus efficace l’action publique sur les territoires ?

Malheureusement, diminuer le nombre de départements et de régions conserve un empilement de niveaux identique en changeant uniquement leurs frontières et n’apporte aucune réelle réponse structurelle, ni financière : Les régions représentent 2% de la dépense publique et 4% de la masse salariale des collectivités locales. Le gisement d’économies est sans aucun doute ailleurs.

S’il faut poser les jalons d’une réforme, il faut d’abord se poser la question de la pertinence des niveaux de collectivité au regard de l’action menée. Ainsi :

–          Soit la région est inutile et il faut les supprimer toutes.

–          Soit la région est utile et la réponse ne tient pas dans le nombre de régions (22, 15, 8, 2, 1 ?) mais dans le choix des compétences pour un territoire cohérent au service des habitants.

La région est l’espace territorial adapté pour traiter spécifiquement les questions de développement économique, d’emploi, de formation tout au long de la vie, de recherche, de développement durable, d’aménagement du territoire et de transports.

Mais c’est aussi, et il faut le souligner, l’espace cohérent quant aux politiques publiques en matière d’agriculture ou encore de tourisme. Voilà pourquoi il est indispensable de penser non pas à l’affaiblissement des Régions mais aux renforcements de leurs compétences.

C’est d’ailleurs ce qu’a commencé à faire François Hollande en annonçant la possibilité pour les régions de dessiner des schémas prescriptifs en matière d’aménagement, comme cela existe déjà en Ile-de-France avec le SDRIF.

Ce grand schéma intégrateur formalisera la politique et la stratégie de la région, et sera opposable aux autres niveaux de collectivités et intercommunalités.

Nous saluons également l’annonce par le Président de la République de la création d’un pouvoir règlementaire d’adaptation locale pour les Régions, comme cela existe déjà en Corse. Cette expression, malheureusement peu compréhensible par tous, renforcera considérablement le rôle des Régions et va dans le sens d’un « Fédéralisme à la Française », comme l’appelle le Président de la Région Ile-de-France dans une tribune publiée la semaine dernière.

A l’heure du TGV, des universités, du numérique, des enjeux européens et mondiaux… c’est donc bien la région qui est l’échelon stratégique pour : accompagner les PME et ETI. Car ce sont elles qui connaissent les entreprises sur les territoires, qui peuvent les accompagner dans leurs projets d’innovation, d’export, de reconversion, de formation – et non l’Etat qui a pour interlocuteurs de grands groupes souvent devenus transnationaux,

C’est la région qui peut proposer une offre de formation et des parcours pour tous, tout au long de la vie. Qui peut nier que les lycées, les lycées pro, les lycées agricoles, ont bénéficié de la décentralisation ?

C’est la région qui peut proposer des réponses globales sur l’environnement, protégeant nos espèces, nos espaces, notre patrimoine, notre eau… Le développement soutenable, c’est bien l’économique, le social et l’environnement, et on voit bien dans les problématiques touchant à l’agriculture, à la forêt, au tourisme, que c’est sur un territoire que cette complémentarité peut être renforcée

C’est la région qui peut accompagner l’effort de recherche et de développement notamment au travers des universités et des pôles de compétitivité.

C’est la région qui peut proposer une offre de mobilité globale (train, autocars, voitures personnelles ou partagées, deux roues, transports urbains…). Qui peut nier que le réseau ferroviaire régional a bénéficié de la décentralisation ?

Autant de politiques publiques qui sont aujourd’hui éclatées notamment entre l’Etat, les conseils régionaux et généraux. Prenons les transports : les TET à l’Etat, les TER à la région, les transports scolaires aux départements, les transports urbains dans les villes, les routes partagées entre les départements et l’Etat,… ce dont ont besoin les citoyens, c’est d’une offre de mobilité globale, pour avoir une offre de transports collectifs et alternatifs cohérente, compatible avec des objectifs énergétiques et climatiques plus globaux.

C’est la région qui est en mesure d’avoir une approche globale sur les espaces ruraux et urbains d’un même territoire. Mais encore faut-il faut assumer les conséquences de ce choix régional fort.

Ceci implique d’interroger le département comme espace pertinent de régulation de l’action publique territoriale. Les conseils généraux reposent sur des départements créés en 1790 à l’échelle d’une journée à cheval pour rejoindre la ville préfecture. Les dépenses des Conseils généraux sont contraintes par les budgets sociaux et il devient de plus en plus difficile d’assurer une péréquation digne de ce nom entre la Lozère et la Seine St Denis. Cet éclatement empêche même de mettre en œuvre une réelle solidarité nationale, notamment quand surgissent de nouvelles problématiques – comme la dépendance – qui ne peut venir s’ajouter à des politiques sociales que les départements ne parviennent plus à bien assumer. La France, la France rurale comme la France urbaine, le monde qui nous entoure, rendent cet échelon factuellement obsolète. S’il faut résoudre le « mille-feuilles » territorial, il faut sans aucun doute commencer par là, Corrèze y compris.

Ceci implique de clarifier et renforcer les compétences du bloc communal en démocratisant les communautés de communes et d’agglomérations. C’est bien à ce niveau de proximité – autrefois dévolu au Conseil général – que tous les espaces ruraux et urbains peuvent être défendus et disposer d’un projet.

Ceci implique de clarifier les compétences de l’Etat, qui aujourd’hui s’occupe de tout, pas toujours dans les meilleures conditions, et continue à considérer les collectivités comme des lieux de dépenses inconsidérées via la DGCL, alors que les territoires sont devenus depuis 30 ans des lieux d’innovation dans les politiques publiques.

Ceci implique de clarifier la fiscalité locale, car les citoyens comprendront mieux pour qui et pour quoi ils votent s’ils ont un territoire avec un scrutin, des compétences, une fiscalité dédiée.

Ceci implique de renoncer à la clause de compétence générale pour la Région et le Conseil général, car de facto elle oblige chaque niveau de collectivité à s’occuper de tout, et chaque partenaire à courir tous les guichets pour tenter de faire vivre son projet.

Ceci implique de renoncer à une forme de jacobinisme et de centralisme, où tout viendrait d’en haut, de Paris, du Président et de concevoir un modèle démocratique plus fédéral et partagé.

Car notre sujet, notre question, c’est « comment les politiques publiques sont-elles les plus efficaces pour tous et toutes ? »

Et donc, éclater ou démanteler la région Picardie, cela permettrait-il de répondre à cet objectif ? Ou est-ce un échelon trop petit, ou sans réalité, comme on l’entend parfois.

Certains ont parlé de 8 régions, ce qui reviendrait aux euro-régions des prochaines élections européennes. On voit mal la cohérence et la continuité de l’action publique sur de tels territoires patatoïdes. On voit bien l’absence totale de proximité qui en résulterait. Ces schémas sont hérités de l’antique DATAR qui voyait la France au travers Paris et de grandes métropoles d’équilibre. C’est ce qui a conduit par exemple, à faire passer l’autoroute A1 puis le TGV au milieu de la Picardie en contournant les bassins de vie du territoire.

Diminuer le nombre de régions parce que certaines voudraient fusionner, comme cela a été évoqué entre Bourgogne et Franche Comté, les deux Normandie… si cela est une volonté partagée, pourquoi pas. Cette volonté n’a jamais été exprimée ici ou dans les régions frontalières, bien qu’il existe des problématiques communes avec le boulonnais ou le rémois, et ceci n’a pas empêché de mener des politiques inter-régionales en nombre croissant avec le NPDC, la Haute Normandie, la Champagne Ardennes, l’Ile-de-France.

Si la Picardie est un échelon pertinent, ce n‘est pas pour des raisons historiques ou culturelles, car la Picardie s’étend historiquement du Thelle, dans le sud de l’Oise, jusqu’au Hainaut Belge et la région de tournai dont les habitants se disent toujours Picards car ceci désignait depuis le moyen–âge et jusqu’au XXeme siècle la région non flamande au nord de Paris. Tout ce territoire a changé, évolué, et ce n’est pas l’identité régionale qui peut justifier de refuser l’éclatement de la région Picardie.

Mais c’est parce que la Picardie est à la bonne dimension pour agir et parce qu’elle correspond à un territoire qui ne peut être rattaché ou dispersé entre le Grand Paris et la surpuissance de la région parisienne d’une part, et la métropole lilloise d’autres part.

La seule, la vraie question qui doit nous guider en tant que dépositaires d’une partie de l’intérêt général -local, national, européen et – osons-le – planétaire – ce n’est pas la défense de notre clocher contre celui du voisin, ce n’est pas d’avoir l’espace d’incarnation d’un potentat local – C’est de répondre aux besoin de nos concitoyens, qui ont besoin de se déplacer, de se nourrir, d’être bien formés, de trouver un emploi, de se loger, d’être soignés, de disposer d’un cadre de vie de qualité, de loisirs, de sports, de culture, d’une justice et d’une police efficaces, de services publics. Et leurs enfants, nos enfants, après eux.

Et pour cela, il nous faut un espace démocratique et cohérent, aux compétences renforcées, et la région Picardie y répond parfaitement aujourd’hui.

 

Christophe Porquier

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