Session 29 novembre 2013 : Intervention de Franck Delattre sur le Débat d’Orientation Budgétaire 2014

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Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs les élus,

 

Nous sommes réunis aujourd’hui pour débattre du budget 2014et de ses grandes orientations. Et cette année encore, ce n’est pas chose facile.

Ce n’est pas chose facile, puisque l’actualité est mouvante et incertaine. En effet, même s’il nous paraît de moins en moins favorable, l’acte III de la décentralisation dont le volet régional devrait voir le jour au début de l’année 2014 n’est toujours pas abouti. Il en est presque de même avec le contenu des Contrat de Plans Etats-Région 2014-2020 dont le volet multimodal n’est pas totalement arrêté. Mais j’y reviendrai tout à l’heure.

Ainsi, même si cela n’en prend pas le chemin, nous espérons que le volet régional de la loi de décentralisation que je viens d’aborder répondra à l’exigence d’une meilleure répartition des compétences tout en fournissant les moyens humains et financiers pour les appliquer. Pour nous écologistes, il n’est en effet pas possible de déposséder les régions au profit des métropoles. Il faudra également veiller à ce que le rôle déterminant des régions soit réellement mis en avant comme chefs de file sur le développement économique, l’innovation, les transports et l’aménagement du territoire.

 

Le résultat d’un modèle marchand et productiviste à bout de souffle

Je l’ai dit, l’actualité mouvante et les aléas, rendent l’avenir incertain.

Ce que nous savons en revanche c’est que la crise financière, sociale, environnementale a eu et continuent d’avoir des conséquences dramatiques sur l’Europe, la France, notre Région, et ses habitants.

Ce que nous savons c’est que la crise dont nous parlons est le résultat d’un modèle marchand et productiviste à bout de souffle, d’une économie dérégulée où chacun se voit en concurrence avec son voisin, et dans laquelle la misère sociale fait le terreau de la défiance et de la haine à l’égard de celui que l’on perçoit à tort comme « différent ».

Ce que nous savons, c’est que la Picardie connaît un taux de chômage de 12,4 % au 2e trimestre 2013, et que nous devons être réellement chef de file en matière de développement économique. Face à cela, nous, hommes et femmes politiques de tous bords, devons retrouver le sens de ce que revêt un « projet politique ».

Ce dont nous sommes persuadés, nous, les écologistes, c’est que cette crise appelle en effet à un changement global de modèle économique. Non pas par la seule arme du mégaphone et de la brutalité, non pas non plus par la politique du « pansement sur la jambe de bois » mais par une réelle amplification de nos politiques publiques (et donc régionales) en faveur des investissements d’avenir.

Nous opposons également un nouveau modèle à une vision scientiste, qui voudrait que l’innovation et la recherche permette de résoudre toutes les dégradations dont l’environnement est victime. La réponse classique dite du « plus-tard-on trouvera-bien-une-solution » a montré ses limites dès l’amorce du développement du parc nucléaire Français et de l’insoluble question des déchets radioactifs.

Aujourd’hui encore, l’Académie des Sciences voudrait nous jouer le même tour sur l’exploitation du gaz et pétrole de schiste. La solution que nous devons prôner n’est pas celle de l’illusion de la science réparatrice de tous les maux mais d’un nouveau modèle, plus sobre, plus efficient, qui recrée du lien social, propose de vraies solutions durables pour se former aux filières d’avenir, pour se nourrir correctement, se déplacer de façon moins coûteuse pour l’environnement,…

 

En Picardie et ailleurs, les écologistes ont toujours prôné l’alliance du développement économique et de la préservation de l’environnement.

C’est d’abord le cas de la politique en matière d’économie sociale et solidaire, qui fait le choix d’investir dans un nouveau modèle, où les bénéfices sont réinvestis dans le développement de l’entreprise, où l’échelle de salaire est encadrée, où l’entreprise agit dans l’intérêt général d’une part et le développement du territoire d’autre part. En effet, le 12 décembre marquera le 1er carrefour de l’innovation sociale, ici, à Amiens, permet de répondre à des besoins nouveaux ou mal satisfaits. L’ESS, c’est l’opportunité de créer des centaines de milliers d’emplois durables. Il faut maintenant faire connaître et reconnaître l’ESS (ce qu’a commencé à faire Benoît Hamon au niveau national). Mais nous devons donc également donner une place plus importante à l’économie sociale et solidaire dans la stratégie régionale de développement économique, afin de continuer la bataille pour l’emploi dans notre région.

« Allier développement économique et préservation de l’environnement », disais-je. C’est aussi la politique picarde que nous portons en matière de développement des énergies renouvelables. Les régions sont cheffes de file sur la transition écologique et je ne suis pas étonné que la Picardie ait été citée en exemple par Alain Rousset à Nantes cette année. C’est en effet une des premières régions de France en puissance installée pour l’éolien terrestre. Ces investissements dans l’énergie verte engagent la transition énergétique dont nous avons besoin pour réduire notre empreinte carbone et sortir de l’impasse du nucléaire. Mais c’est aussi une façon de créer de vrais emplois d’avenir, par la structuration des filières, celle de l’éolien et celle du bois, notamment. Nous investissons ainsi dans le terrestre mais aussi l’offshore, dans la construction, mais aussi la maintenance, dans le développement des installations mais aussi dans la formation des jeunes aux métiers de l’éolien (notamment avec Windlab, ici à Amiens).

L’emploi, c’est aussi l’agriculture durable. En Picardie, nous soutenons la modernisation des bâtiments d’élevage et nous agissons en faveur de l’aide à l’installation des agriculteurs. Notre intervention a ainsi permis l’installation entre 2008 et juin 2013 de 78 candidats en reprise de l’exploitation familiale, 39 candidats en création d’exploitation et 14 candidats en reprise d’une exploitation hors du cadre familial. Les emplois créés sont non délocalisables et permettent aux Picards d’accéder à une alimentation saine. Le développement des circuits courts offre aussi la possibilité d’un meilleur prix de revient pour les agriculteurs et réduit l’impact du transport sur l’environnement.

Avec le Service Public de l’Efficacité Energétique, nous avons franchi une étape décisive. L’efficience des logements et leur rénovation thermique est en effet un des piliers de la transition écologique. La région Picardie agit ainsi pour un monde de consommation plus sobre, plus efficace et moins énergivore. Mais l’isolation des logements c’est aussi encore une fois, je le souligne, la structuration d’une filière. En impulsant cette politique publique, nous engendrons environ 650 emplois directs et indirects dans le secteur du BTP.

 

Alors que réserve l’année 2014 pour les Régions ?

D’abord 2014 sera une année de transition en ce qui concerne les marges de manœuvre des collectivités en général et des régions en particulier.

Avec la crise, leurs moyens financiers se contractent : recul de la CVAE en 2014, contraction des recettes liées aux ventes de carburant (TICPE) et aux ventes automobiles (cartes grises). Mais vous savez comme moi que les régions financent de plus en plus de dépenses contraintes, comme la convention TER-SNCF que nous avons approuvée il y a deux mois maintenant.

En 2014, l’Etat réduira de 184M€ sa dotation à l’ensemble des régions de France. Une fiscalité propre aux régions est donc indispensable, notamment pour la région Picardie. Ainsi, alors que Jean-Marc Ayrault a annoncé une remise à plat de la fiscalité pour 2015, notre groupe écologiste souhaite se joindre à l’Association des Régions de France en demandant à ce que la fiscalité locale soit prise en compte lors de ce débat essentiel.

 

2014 devra, en Picardie comme ailleurs, être l’année de la transition écologique de l’économie.

Le dernier rapport du GIEC le confirmait dès le 27 septembre dernier : les activités humaines sont au moins pour moitié responsables du réchauffement actuel de la planète et plusieurs degrés de réchauffement sont à prévoir si nous émettons trop de gaz à effet de serre. Le niveau de la mer risque, lui, d’augmenter de 25 cm à 1 m d’ici la fin du siècle.

Alors oui, sans ce réchauffement climatique, les typhons et ouragans séviraient malgré tout. Mais ce qui est sûr c’est que ce réchauffement climatique rend ces épisodes plus nombreux et plus intenses. Aussi, nous devons tirer les leçons du typhon Haiyan qui a frappé les Philippines le 8 novembre dernier et fait plus de 5 200 morts et 1 600 disparus.

Plus largement, un rapport de la Banque Mondiale publié récemment souligne que ces trente dernières années, 2,5 millions de personnes ont été tuées dans des catastrophes naturelles, dont les trois-quarts liées à des évènements météorologiques extrêmes, avec des dommages s’élevant à 4 000 milliards de dollars par an. Depuis 10 ans, les pertes dues à des catastrophes naturelles s’élèvent à environ 200 milliards de dollars par an, soit 4 fois plus que dans les années 80.

Face à cela, nous devons intégrer le fait que ce que nous faisons ici, a des incidences là-bas, et ailleurs. Si le sommet climatique de Varsovie a une fois de plus accouché d’une souris (ou presque) samedi dernier, c’est aussi ici, dans les Régions, que nous pouvons agir pour une réelle transition écologique.

 

Cette transition elle passe notamment par une vérité des prix sur le transport de marchandises.

Les moyens financiers dont on est en train de parler pour les collectivités, c’est en effet aussi la taxe poids-lourds, suspendu par le gouvernement en raison de ses modalités pratiques. Cette contribution, estimée à 33M€ en Picardie, permettrait de réellement relocaliser l’économie et de contribuer à financer les infrastructures d’aménagement durable du territoire. C’est pour nous une nécessité à mettre en œuvre pour redonner des marges de manœuvre aux pouvoirs publics et à la Région en matière de développement du réseau ferroviaire notamment. C’est une manière de faire payer les transports à leur coût réel, et ne plus en faire supporter la charge par le contribuable d’une part et pour par l’environnement d’autre part ; c’est donc un levier d’action pour amorcer le changement de modèle dont nous avons besoin.

A propose des moyens financiers toujours, nous continuons également de déplorer la hausse de 7 à 10% de la TVA sur les transports publics qui, pour nous écologistes, est un besoin de première nécessité et doit être traité comme tel, avec un taux à 5,5%. Cette décision pénalisera la collectivité d’une part qui prendra en charge une partie de l’augmentation et les milliers d’usagers du train et des transports en commun en général d’autre part qui verront les tarifs augmenter. La transition écologique, seul modèle soutenable pour la planète, ne peut se passer d’une politique ambitieuse de transports publics.

En Région Picardie nous n’avons pas à rougir de nos investissements en matière d’aménagement durable du territoire et nous continuerons à agir car ce sont des milliers d’usagers qui sont concernés dans leurs déplacements quotidiens ; et ce sont des milliers d’emplois que nous soutenons par le développement du ferroviaire.

Encore une fois, la politique que nous menons en matière d’aménagement durable a des effets positifs pour les trajets quotidiens des Picards, pour l’environnement mais également pour le développement économique et l’emploi de la Région.

 

Mais 2014 devra également être une année de transition pour les finances des collectivités.

Je l’ai dit, la priorité doit être l’investissement dans des politiques publiques permettant d’amorcer le changement de modèle économique dont nous avons besoin. La maîtrise des coûts, environnementaux et économiques, ne peut se faire sans l’arrêt des grands projets inutiles que l’on cherche à imposer aux contribuables, qu’ils soient français ou européens.

C’est par ailleurs une année de transition pour les CPER. Ces Contrats de Plan Etat-Région 2014-2020 comporteront en effet des thématiques prioritaires qui vont dans le sens d’un changement de modèle énergétique plus soutenable. Si nous nous inquiétons de la trop grande part faite au volet routier dans ce dispositif, les investissements dans les filières d’avenir, la transition écologique ou l’égalité des territoires sont annonciateurs de projets structurants pour le territoire picard.

Par ailleurs, les Régions se verront désormais confier en direct la gestion des fonds européens et nous avons la certitude que cette opportunité permettra une meilleure efficience des ressources publiques et des politiques plus justes pour les Picards.

 

Ce débat d’orientation budgétaire, c’est l’occasion de rappeler que l’écologie, qui est un impératif, est par ailleurs la possibilité de réfléchir à nos modes de production, de consommation et de déplacements.

Ainsi, je l’ai dit, dans les politiques que nous menons, ici, en Picardie – que ce soit dans l’agriculture biologique, le développement de l’ESS, le soutien aux énergies renouvelables ou l’aide à l’isolation des logements – nous agissons pour l’emploi qualifié et non délocalisable, pour des circuits courts moins nocifs pour l’environnement et plus rentables pour les producteurs.

Ecologistes, nous voulons saisir ces opportunités pour « changer la vie » des Picards, faire en sorte qu’ils puissent se former dans des filières d’avenir, qu’ils puissent étudier dans des lycées rénovés. Nous voulons dynamiser le développement d’une économie sociale et solidaire créatrice de richesses, d’emplois et d’intérêt général.

Nous voulons aider à la rénovation thermique des logements des particuliers ; agir concrètement pour une agriculture durable ; lutter contre la pollution des sols et de l’air pour préserver les habitants de nos territoires ; améliorer le confort des Picards qui utilisent les transports en commun et les modes de transports doux ; travailler à l’aide au développement des régions du monde les plus touchées par les évènements climatiques.

Nous, les écologistes Picards, nous voulons amplifier ce que nous avons déjà commencé et faire en sorte que l’année 2014 soit une année de transition vers un modèle économique soutenable, cohérent, solidaire et juste, afin de répondre au mieux aux vrais besoins de nos concitoyens.

 

Je vous remercie.

Franck Delattre

 

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