Projet de Parc éolien en mer des Deux Côtes

Un enjeu : Développer les énergies renouvelables sur notre littoral

Le développement des énergies renouvelables dans l’Union Européenne : un objectif de longue date !

Dès 1997, le Livre blanc de la Commission européenne sur les sources d’énergies renouvelables (EnR) prévoyait une augmentation de la part des EnR dans la production d’électricité. Confirmés par la directive européenne de 2001 et revus à la hausse à la faveur de l’élargissement de 2004, les objectifs étaient déjà:

  • Objectif indicatif pour la France : porter la part de l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables dans la consommation brute d’électricité à 21% en 2010.
  • Objectif pour l’UE-27 : 21%.

Depuis, le Grenelle de l’environnement en France et adoption du Paquet Climat-Energie en décembre 2009 par la communauté européenne sont venus asseoir les objectifs, traduits dans les 3 fois 20% d’ici 2020.

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La réalité : la part des EnR dans la consommation totale diminue !

Note : Les sources d’énergies renouvelables retenues pour la production électrique couvrent l’hydraulique (hors pompage), l’éolien, le solaire photovoltaïque, la géothermie à haute température (Dom uniquement), les déchets urbains, le bois-énergie, les résidus de récolte (Dom uniquement), le biogaz.

Une analyse de l’IFEN montre que la part des énergies renouvelables dans la consommation intérieure brute d’électricité a diminué de 1990 (15%) à 2007 (13 %). Pourquoi ? Parce que la production d’électricité d’origine renouvelable augmente moins vite que la consommation totale d’électricité !

Dans un tel contexte, nous rappelons que la priorité est à donner à la réduction des consommations, à l’efficacité énergétique, associées au développement des énergies renouvelables.
La France a accumulé un retard considérable en matière d’éolien, et les oppositions à ces projets sont encore et toujours trop prégnantes. Aujourd’hui, l’éolien représente seulement 1,6% de la consommation électrique nationale.
C’est pourquoi, les élus régionaux Europe Ecologie de Haute-Normandie et de Picardie et les Verts de Haute-Normandie encouragent la mise en place d’un parc éolien offshore au large des Deux Côtes.
Toutefois, au regard du projet qui nous est présenté, nous souhaitons exprimer certaines réserves et proposer des pistes d’amélioration.

Ces propositions font écho à notre attachement à :
• un service public et territorialisé de l’énergie,
• la participation citoyenne individuelle et collective,
• la promotion de projets misant sur la co-génération et associant plusieurs techniques et sources de production d’énergies renouvelables,
• la promotion d’un développement local riche en emplois.

La Haute-Normandie et la Picardie, un potentiel de développement coordonné de l’éolien.

La Haute-Normandie, terre de production d’énergies… non renouvelables.
La Haute-Normandie est en surproduction, avec respectivement, 2.5 fois plus d’énergie produite que consommée et 11.5 fois plus d’électricité produite que consommée. Et cette production est carbonée.
Avec seulement 0.3% d’énergies renouvelables dans la production électrique haut-normande, la Haute-Normandie est mal placée, alors même qu’elle bénéficie d’un potentiel important (comme ses 167 km de côtes). A contrario, 88 % de sa production électrique est d’origine nucléaire.
Déjà 3ème productrice d’énergie en France, notre région concentre toujours nombre de projets : terminal méthanier, EPR, centrales à charbon… Encore et toujours des projets basés sur la valorisation d’énergie fossile, donc épuisable.

Face à son retard criant en matière d’énergies renouvelables, tout particulièrement sur l’éolien, la région Haute-Normandie doit s’appuyer sur son savoir-faire industriel en le mettant au service de ces projets. En ce sens, la plate-forme technologique de Fécamp est un atout majeur. Développant la recherche et l’expérimentation sur le couplage électrique de sources renouvelables en sites autonomes, elle est un lieu de démonstration et de transfert de technologie qui associent recherche, enseignement et entreprises.

La Picardie, une région qui a l’ambition d’être à la pointe en matière d’éolien.
Si la Picardie reste déficitaire en matière de production énergétique, elle accorde une place importante aux énergies renouvelables grâce aux projets éoliens présents sur le territoire. En 2007, 38% de la production électrique picarde était fournie par le vent. La progression de l’éolien en Picardie est considérable : le nombre d’éoliennes implantées sur le territoire (431) a doublé par rapport à 2009. En conséquence, le potentiel énergétique dépasse aujourd’hui largement les 600 MW installés, ce qui fait de la Picardie, selon le syndicat des énergies renouvelables, la première région française en la matière.

En se positionnant à la pointe en matière d’éolien, la Picardie a l’ambition de structurer une filière qui intervienne en amont comme en aval de la production, comme en atteste le plan énergie-climat adopté en 2006 par le conseil régional. Cette démarche s’est traduite concrètement par l’installation en Picardie de la première usine de fabrication de mâts en béton. Une pépinière d’énergies renouvelables a également été créée à Oust-Marest. Une politique de formation professionnelle dans le domaine des énergies renouvelables est engagée.

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Par la différence de leurs profils énergétiques, les régions Picardie et Haute-Normandie sont complémentaires. Nos régions doivent saisir cette opportunité d’approfondir leur coopération en matière énergétique par la création d’un pôle d’excellence régional des énergies renouvelables.

Créer les conditions d’une politique énergétique cohérente

Les éoliennes peuvent produire de l’énergie en continu.
Une centrale hybride combinant le vent, le biogaz et l’hydrogène, a été inaugurée en Allemagne en avril 2009. Elle produit en continu à partir de différentes sources d’énergies renouvelables.
L’expérience allemande est terrestre mais ce type de projet pourrait être transposé à l’éolien en mer.
Quand le vent – et donc la production électrique – serait important, l’eau de mer serait électrolysée, produisant de l’hydrogène qui peut être stocké. A côté de l’unité éolienne, serait construite une unité de biogaz (digesteur de méthane). Lorsqu’il y a peu de vent, l’hydrogène et le méthane seraient mélangés faisant tourner une turbine à gaz en co-génération. L’entreprise tiendrait ainsi ses engagements de production constante.
Cette expérience démontre que la notion de mix énergétique n’est pas une fatalité. Pourtant, le maître d’ouvrage affirme que ce projet est « complémentaire de la plate-forme existante d’énergies conventionnelles (gaz, pétrole, nucléaire) ». Il met en avant la connexion directe du parc éolien à la centrale de Penly.

Le discours sur le « mix énergétique » condamne les investissements massifs dans les énergies renouvelables.

Le projet des Deux-Côtes ne doit pas avoir vocation à « compléter [le] bouclier énergétique » du littoral normando-picard. Cette conception du maître d’ouvrage implique le maintien d’investissements massifs dans des projets tels que l’EPR de Penly ou le terminal méthanier d’Antifer. Or, si ces investissements étaient confirmés, la France ne pourrait assumer ses engagements internationaux en matière de développement de la production d’énergie renouvelable. Les objectifs de la PPI -électricité 2009 supposent des investissements que seule une réorientation massive des soutiens en direction du renouvelable peut permettre. La notion de « mix énergétique » constitue donc un obstacle majeur en justifiant une réorientation insuffisante des investissements en faveur des EnR.

Pour mettre en œuvre une réelle politique énergétique soutenable, le développement des EnR doit s’accompagner d’une remise en cause de la stratégie du « toujours plus » de production. La mise en place des nécessaires sobriété et efficacité énergétiques doit être une priorité. Cela implique également d’assumer une « rupture » avec les anciens modes de production d’énergie électrique.

Quel projet pour quel impact sur l’environnement ?

Le maître d’ouvrage propose trois scenarii pour mettre en place l’éolien off-shore au large des côtes d’albâtre et picarde. Selon les versions « Littoral », « Large » ou « Grand Large », le projet couvrira les besoins de 400 000, 900 000 ou 2 000 000 d’habitants.

Minimiser l’impact environnemental

« En mer » ne doit pas signifier « contre la mer ». Au large de nos côtes se trouvent plusieurs aires marines protégées et des zones Natura 2000 en mer. La priorité doit être donnée à la préservation des espèces protégées. Le scénario « Large », en étant situé à au moins 7 km de ces zones, est celui qui perturbera le moins les équilibres marins.

L’avifaune doit également faire l’objet d’une attention particulière. L’analyse des couloirs migratoires et des aires de stationnement doit encore être approfondie.

Du fait de l’érosion et du réchauffement climatique, le trait de côte doit faire l’objet d’une attention particulière. Les investissements liés au projet et les recettes futures doivent pouvoir bénéficier à la préservation du littoral.

Minimiser l’impact social

L’acceptation sociale nécessite une « gouvernance » de l’éolien démocratique. Ainsi, Olivier Labussière, chercheur au CIRED, relève que « le mode de portage institutionnel accrédite le sentiment que la politique éolienne est une politique de casino confiée par l’Etat à des opérateurs privés »’. Les enquêtes publiques laissent parfois les opposants aux projets frustrés de n’avoir pu exprimer leurs positions, sans être taxés de « positions NIMBY ». Une meilleure prise en compte de la parole des citoyens permettrait de distinguer les critiques sur la manière dont les projets sont mis en œuvre des critiques sur le bien-fondé même du projet.

Dans le projet des Deux Côtes, cette réalité s’illustre par l’opposition marquée des pêcheurs. Les inquiétudes qu’ils expriment sont légitimes. Des mesures d’accompagnement et d’indemnisation des pêcheurs, notamment pendant la période des travaux, devront être adoptées.

Maximiser les retombées économiques pour nos régions

Les ressources présentes sur notre territoire ne doivent pas être accaparées au profit d’une simple rente privée. Le projet devra être étroitement connecté au tissu économique local.

La coopération avec les entreprises locales initiée pendant la construction (fabrication des pylônes, des fondations, mise en place des raccordements…) devra s’insérer dans une perspective à plus long terme. Concrètement, la filière pourra s’appuyer sur la politique de formation professionnelle de la Région Picardie qui soutient les formations qualifiantes de tous niveaux dans le domaine des énergies renouvelables. Une formation dans le domaine de la maintenance éolienne est en voie de finalisation à Amiens.

De plus, le projet des Deux-Côtes doit servir à la diversification et à la reconversion des activités des entreprises locales. De nombreuses entreprises agissent dans des domaines dont le futur est plus qu’incertain : automobile, aéronautique… Au vu des complémentarités fortes qu’il existe entre ces pôles et les qualifications requises par la filière éolienne, une reconversion partielle des activités est possible pour favoriser un développement local durable.

Le choix du scénario « Large »

Le projet des Deux-Côtes aura inévitablement un impact sur son environnement. L’enjeu du débat est de parvenir à la solution qui minimisera les dommages écologiques et sociaux, tout en maximisant les bénéfices collectifs qui lui sont liés. Au regard de ces enjeux et considérant que le projet doit démontrer sa capacité à répondre aux besoins d’un bassin de vie d’ampleur, nous privilégions le scénario « Large » proposé par le maître d’ouvrage.

Donner leur place aux collectivités et aux citoyens par la création d’une SCIC interrégionale.

Une lacune démocratique à corriger!
Les territoires sont trop souvent un lieu d’application de directives nationales et insuffisamment un lieu d’élaboration des politiques, comme en atteste la faible concertation qui a eu lieu avec certaines communautés de communes de Haute-Normandie et de Picardie (Bresle Maritime et le Pays Bresle – Yères).
C’est pourquoi, nous proposons que les collectivités, et, en premier lieu, les Régions Haute-Normandie et Picardie, puissent participer au développement du projet par la création – a minima – d’un syndicat mixte de gestion. Une commission pluraliste de suivi devrait également être mise en place.

Pour que le citoyen accepte l’éolien, encore faut-il qu’il en soit partenaire.
En Allemagne, au Danemark, les citoyens sont impliqués. En France, du fait de notre forte centralisation, notre seul outil en la matière reste l’Appel public à épargne (APE), mais c’est un système lourd à mettre en place.
Cette difficulté concourt au constat que seuls les industriels ont les moyens d’investir. La demande n’émerge pas des territoires. Pire, nous risquons de créer les conditions d’une bulle verte, qui à l’image de la gestion de l’eau, nous conduiraient à des situations de monopole et de rente pour les grands industriels du secteur.
Nous souhaitons faire de ce projet un exemple. Aussi, nous proposons que dans ce projet, l’actionnariat citoyen soit encouragé. Les marins-pêcheurs de la zone seraient les partenaires naturels de cette démarche et bénéficieraient ainsi de l’investissement.
Cette démarche participerait par ailleurs d’un changement nécessaire de notre rapport à l’énergie. Etre conscient et partie prenante de l’ensemble de la chaîne (de la production à la consommation) encourage à réfléchir à ses usages et à opter pour la sobriété et l’efficacité énergétiques.

Proposant d’associer à la fois les collectivités et les citoyens, c’est bien l’outil SCIC qui est à privilégier.

En conclusion, les élus régionaux Europe Ecologie et les Verts de Haute-Normandie et de Picardie soutiennent le projet « Large » d’éoliennes off-shore mais invitent à une réflexion approfondie sur sa dimension. Le mode de gouvernance dans la prise de décision doit être participatif. La mise en œuvre du projet doit associer tous les acteurs et les populations concernés.

C’est un OUI exigeant.

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