JEAN-FRANCOIS CARON – Intervention concernant le Louvre – Lens

Séance Plénière des 24 et 25 novembre 2011

Daniel Percheron :  « Dans ce cas, nous allons écouter Monsieur CARON, qui va nous faire rêver du Louvre et des terrils. »

« J’aimerais bien !

Avec votre introduction, pour casser un peu, comme vous dites, je vais essayer d’avoir un propos peut-être ramassé, mais synthétique, autour de cette discussion concernant le premier contrat de rayonnement autour du Louvre-Lens, qui est quand même un événement pour notre territoire minier mais aussi pour le territoire régional, et développer trois grands enjeux.

Le premier est que c’est pour nous un enjeu de territoire, puisque la notoriété de notre territoire Euralens est maintenant avérée grâce à la marque « Louvre-Lens » et laisse présager la reconnaissance d’une nouvelle destination touristique. Qui l’eut cru en territoire minier ?

Quoi qu’en 1988, on créait la Chaîne des Terrils qui compte aujourd’hui 14 salariés ; quelquefois, les emplois ne sont pas là où on l’imagine.

Cette destination du Louvre se couple avec le projet d’inscription du bassin minier à l’Unesco, avec l’obtention du label « pays d’art et d’histoire » en 2008 et sur la place Lens-Liévin, élément également extrêmement important, accueil  d’événements internationaux, pour partie les Jeux olympiques 2012, la Coupe d’Europe de football en 2016 et d’autres.

Sujet auquel le Président PERCHERON est particulièrement attaché, c’est également une zone de grands sites de mémoire, mémoire minière, je l’ai dit, mais mémoire de la Guerre 14-18 ; je rappelle que Lorette est un lieu nationalement connu, qui draine des populations venues du monde entier, souvent sur les traces de ceux qui ont permis l’émergence de leur nation, qu’il s’agisse de la Nouvelle-Zélande, de l’Australie ou d’autres.

Toutes ces entrées sont des points d’appui pour une nouvelle dynamique du territoire autour de la logique du tourisme.

C’est un enjeu de territoire, mais, en même temps, la question ne se résume pas à dire :

– combien de touristes le label Unesco va nous permettre d’attirer ?

– comment allons-nous les retenir pendant quelques heures de plus ?

– combien d’emplois allons-nous créer ?

Bien sûr, tout cela est important, mais élément probablement beaucoup plus important, par exemple, l’inscription d’un territoire au patrimoine mondial de l’Unesco génère un attrait touristique supplémentaire, et contribue à profondément modifier l’image du territoire et à façonner du désir pour ce territoire. De ce point de vue, c’est un levier pour une transformation plus globale, une transformation écologique, sociale, économique, qui est beaucoup plus intéressant que les seuls impacts touristiques à proprement parler.

Le deuxième enjeu dans la continuité de cette entrée par le territoire est : comment viser la qualité ? Viser la qualité, ce n’est pas seulement se focaliser sur les efforts en matière de durée de séjour des visiteurs, mais travailler, par exemple, ’impression qu’on souhaite leur laisser, ce qui signifie l’importance de travailler sur la qualité de l’accueil, y compris les commerces ; par exemple, comment est-on capable, aujourd’hui, dans le coeur de Lens, d’accueillir les visiteurs ? C’est une mutation profonde pour des gens qui n’ont connu comme clients que les populations minières, c’est une vraie mutation, et aussi sur la population à proprement parler ; pour avoir vu les premiers Japonais visiter les cités minières, cela fait un certain choc des cultures.

 

C’est aussi un enjeu de qualité en matière de lisibilité des éléments d’orientation qui vont être donnés aux visiteurs sur le territoire, on l’a vu tout à l’heure, les sites internet, mais bien plus large.

On a aussi un enjeu, toujours en termes de qualité, sur l’idée que l’image vécue sur place doit être à la hauteur de la promesse avant le déplacement ; autrement dit, il vaut mieux, d’un point de vue économique, un touriste qui ne passe que quelques heures, mais qui va repartir avec un sentiment d’une expérience de voyage réussie, et donc qui va avoir envie de revenir et, surtout, qui va faire fonctionner du bouche à oreille, plutôt qu’un touriste qu’on aurait capté pendant deux jours et qui repartirait finalement, en n’étant pas un bon ambassadeur du territoire. Ces enjeux d’entrer par le territoire et d’entrer par la qualité conduisent à l’élaboration et, actuellement, à la discussion autour de ce premier contrat de rayonnement touristique, compris comme un outil d’excellence et de transformation du territoire.

Je rappelle que dans le Schéma régional d’aménagement du territoire, nous avions affiché l’ambition d’être une région pilote en matière de tourisme durable, c’est-à-dire d’assurer conjointement un développement économique, tout en veillant à préserver les ressources – ressources naturelles, ressources culturelles – pour les générations futures ou pour les populations existantes.

Tout à l’heure, le Président évoquait la difficulté de boire un verre à Equihen ; je pense que pour boire un verre à Equihen, il faut avoir eu envie de venir sur le littoral et avoir été attiré par la qualité de ses paysages et son authenticité, ce qui n’interdit évidemment pas, ni au centre de Lens ni à Equihen, de prendre un verre ; simplement, c’est une organisation de l’espace volontariste qui doit permettre de structurer ensemble ces activités.

Cette entrée de tourisme durable est particulièrement intéressante dans le cadre du projet autour d’Euralens, puisqu’on est en territoire déjà totalement marqué par la présence des populations, la présence du patrimoine, et donc, on n’arrive pas en pays conquis, si on peut dire, on arrive dans un espace où des gens vivent. La façon dont va se construire cette articulation entre les visiteurs et les habitants est extrêmement intéressante.

Les éléments de méthode que nous allons essayer de mettre dans ce contrat de rayonnement touristique sont d’abord de faire en sorte que la greffe Louvre-Lens/territoire puisse prendre, et donc veiller à ce que la population, les acteurs au sens large, puisse être complètement associée. Je rappelle que ce n’est pas la culture du territoire et qu’il y a un enjeu particulier à associer ces acteurs, ce qui veut dire que ces acteurs, dans leur diversité, doivent, ensemble, dégager un projet commun. Il y a un travail d’animation, de mise en réseau, d’écoute, autour sans paraphraser, ce qui a été dit par les uns et les autres, des missions d’accueil, d’information, de promotion, de coordination… Je ne vais pas faire l’énumération de tous les prérequis pour une politique d’accueil touristique.

Il y a donc, de ce point de vue, un enjeu autour de la mutation et du développement de l’Office du tourisme et du patrimoine de ce secteur, puisqu’il faut articuler le tout, il y a des enjeux aussi, puisqu’on a parlé d’appropriation, auprès du jeune public qui sont à imaginer.

Autre élément de méthode, cela veut dire qu’il faudra communiquer différemment ; puisque ce que nous vendons, ce que nous proposons, n’est pas une superbe vue sur la mer Méditerranée ou sur la Côte d’Opale, mais, au contraire, la  compréhension d’un territoire, il y a donc un enjeu à communiquer autrement, en cherchant à partager des émotions plutôt qu’en décrivant un produit. Le contact humain est, évidemment privilégié, par exemple, avec les greeters en tant qu’ambassadeurs du territoire, avec tous les volontaires, qu’ils puissent accueillir les touristes sur le territoire.

Certains d’entre vous ont déjà visité le centre historique minier de Lewarde, par exemple, le plus possible, j’espère ; la visite avec les anciens mineurs vaut toutes les salles que l’on peut visiter, même si leur caractère historique est indéniable. Il y a donc une dimension humaine extrêmement forte pour notre entrée touristique. Il faut donc, à cette occasion, bien mettre en lumière toute la réalité de ce qu’est cette région, sa culture, et gommer les clichés par la qualité des relations humaines que les gens pourront pratiquer.

On a donc un enjeu, dans ce contrat, de rassembler toutes les actions, et cela aussi, pour ne pas faire de langue de bois, ce n’est pas simple, rassembler toutes les actions qui concourent à l’offre touristique, qu’il s’agisse du territoire, de la culture ou des produits du territoire. C’est un des éléments pour accéder à un cofinancement régional qui implique différentes politiques et directions de la région ; c’est un challenge aussi. L’intérêt des entrées par le territoire est que l’on croise justement toutes les entrées et que cela amène notre Conseil régional à revisiter ces pratiques pour plus de transversalité, en étant au service d’un projet et d’un territoire.

On peut dire enfin, pour terminer et quasiment conclure, que dans ces éléments de méthode, il y a donc un effet de levier par les grands équipements, c’est incontestable, et s’il n’y a pas – je n’ose pas employer le terme marque, mais, en même temps, cela a une signification – la marque « Louvre-Lens », s’il n’y a pas la marque « patrimoine mondial de l’Unesco », il manque une lisibilité et il manque un produit d’appel. Je ne suis pas expert, donc je me méfie des termes, mais, en même temps, on voit que ce ne sont pas ces grands équipements qui feront l’impact sur le territoire et que c’est tout ce qu’il y a autour, toutes les dynamiques d’acteurs, les manifestations, « Mineurs du monde » par exemple, qui vont permettre de véritablement embrayer et démultiplier l’effet. En conclusion, je pense que, pour nous, il est extrêmement important de vérifier que ce développement va réellement bénéficier aux populations et ne va pas se faire dans une logique… ailleurs, on dirait de « dégradation de milieu naturel », chez nous, c’est un peu plus compliqué, mais imaginez les gens qui vont se déplacer dans les cités minières après avoir visité le Louvre, 600 000, 700 000, 800 000, le choc risque d’être réel entre des jardins ouvriers qui ont toujours vécu dans leur tranquillité et des flots. Comment éviter d’être des réserves d’indiens ? Comment créer des liens entre les acteurs, tout cela est passionnant et porteur d’ouverture, dans les deux sens d’ailleurs, puisque ce que nous avons beaucoup à faire partager, ce sont des valeurs dans ce territoire, plus que des paysages.

En conclusion, c’est donc un territoire accueillant, qui saura héberger, qui saura créer du lien. C’est ce que nous allons essayer de construire avec vous autour d’un contrat de rayonnement touristique.

Merci. »

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