La formation pour les salariés de l’insertion par l’activité économique : un enjeu majeur pour révéler un secteur qui joue un rôle clef en matière de développement économique local

Patricia Andriot, Vice-Présidente à l'Economie Sociale et Solidaire

 

Une journée nationale de travail sur la question de la formation pour les salariés de l’insertion par l’activité économique (IAE) était organisée par la direction générale de l’emploi et de la formation professionnelle à Paris.

Regroupant  des chantiers écoles, des associations et entreprises d’insertion, ce secteur propose à des publics en difficulté, de retrouver le chemin du travail par des activités adaptées et encadrées.

Il s’agit d’un secteur important de l’économie sociale et solidaire, qui est souvent catalyseur de développement local et territorial,  qui invente parfois de nouveaux métiers, et qui répond à des besoins en créant des services que le secteur marchand ne couvre pas automatiquement.

Et pourtant, les acteurs de l’IAE sont plus souvent considérés  soit comme le pansement social de l’économie que comme des acteurs économiques à part entière, et même, quelquefois, comme des concurrents déloyaux du monde économique.

Pourtant, dans une société qui n’est plus capable de faire une place à chacun,  où de plus en plus de personnes, victimes de ce que l’on appelle « accident de la vie » sont la variable d’ajustement, ce secteur peut, et doit, jouer un rôle clef dans la relocalisation de l’économie.

Chargée de représenter l’Association des Régions de France, j’ai redit que ce n’est pas seulement au titre de la formation qui est une des compétences attribuées à ces collectivités, mais aussi au titre de ces autres compétences qui sont celle du développement économique, de l’aménagement du territoire ou encore de l’innovation que l’IAE est un secteur sur lequel les régions ont des attentes. Et je dis bien des attentes, pas des devoirs. Parce que l’idée, l’enjeu est d’arrêter de regarder ce secteur dans une logique corrective, mais de le regarder dans une logique contributive. C’est en effet un secteur qui contribue à la richesse de la société, des territoires et pas un secteur qui coûte.

Contributif au niveau de l’emploi et des services, l’insertion par l’activité économique répond en fournissant de la main d’oeuvre aux métiers en tensions, en inventant des métiers. Contributif aussi au niveau du développement local, en terme de partenariat, de décloisonnement, de relocalisation de l’économie, d’approche croisée sociale.

Contributif enfin, du point de vue du niveau de la formation, secteur qui, face à un public pour qui école rime avec échec,  innove souvent, qui invente parfois des solutions qui pourraient être reprises  dans les domaines de la formation professionnelle…

Pour répondre à ces différents enjeux, la formation est un véritable levier. Si aujourd’hui cette dimension est bien prise en compte par les acteurs du secteur (les chiffres démontrent que la formation est mobilisée à un niveau comparable voire supérieur pour ces salariés en comparaison avec les entreprises dites classiques), c’est au prix d’un parcours du combattant et cela repose d’abord beaucoup sur l’initiative des acteurs locaux, des structures d’insertion , et sur la bonne volonté  et des partenaires institutionnels .

Millefeuille institutionnel et cloisonnement des compétences et financements , multiplication des dispositifs de droits communs auxquels ces salariés n’ont pas toujours accès, contenus et approches de formation classique inadaptée, c ‘est parce que cette réalité est bien connue que le besoin de faire le point sur cette question était largement partagé.

Des  constats aux témoignages d’initiatives qui confirment que l’inventivité et la bonne volonté doivent être mobilisées pour avancer aujourd’hui.

Ce moment de rassemblement national se voulait l’aboutissement d’un travail plus large, avec notamment l’organisation en 2012 de plusieurs manifestations régionales dont l’une, le 24 février dernier, en Champagne-Ardenne.

Je crois qu’il y a plusieurs enjeux majeurs pour que ce temps de rencontre ne reste pas lettre morte :

–  institutionnaliser, pour sortir de la seule « bonne volonté » et du bricolage , une réelle capacité à articuler les dispositifs, les financements, les partenaires pour fluidifier les parcours et leur assurer une réelle continuité ;

– maintenir le cap de l’innovation en formation, penser en terme de contenu de formation pédagogie et pas seulement de « tuyauterie » , et tout cela dans une logique de reconstruction de projet de vie, dans une appréhension globale de l’individu (et pas chercher uniquement à mettre en adéquation les compétences humaines, avec l’offre immédiate, ce qui relève trop du court-terme ;

– enfin, il faut oser laisser l’initiative, l’expérimentation aux territoires, reconnaître la créativité de ceux-ci et jouer la carte de la proximité.

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