Du lard ou du cochon ?

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AFFAIRE FINDUS :
PRIVILÉGIONS LES CIRCUITS COURTS
ET SAUVONS NOS ABATTOIRS DE PROXIMITÉ

On a trouvé du cheval dans des lasagnes « au bœuf » surgelées…

 

De la viande découpée en Roumanie et stockée aux Pays-Bas vendue par un trader hollandais à un trader chypriote qui l’a revendue à la société Spanghero, fournisseur de Comigel, une entreprise de Metz qui fabrique des lasagnes au Luxembourg, pour les vendre à Findus, entreprise suédoise appartenant au fonds anglais Lion Capital…

Une lecture superficielle des récents évènements pourrait conduire à conclure à une fraude isolée, réalisée par un sous-traitant véreux. Fraude qui pourrait être circonscrite par une plus grande traçabilité et des contrôles renforcés. Mais, un examen plus attentif nous montre que les normes alimentaires favorisent la grande distribution et la mondialisation des échanges, pénalisant ainsi les petits producteurs.

En regardant de plus près, on observe que c’est le système alimentaire industriel lui-même, pour fournir de la nourriture bon marché, qui constitue le problème.

Ce système alimentaire industrialisé maximise les profits en vendant des volumes considérables d’aliments bon marché. Une pression s’exerce à chaque étape de la chaîne de production pour réduire les coûts. Et notamment en grignotant sur les dépenses dédiées à la sécurité des pratiques alimentaires.

En outre, du fait de l’échelle même de la production alimentaire moderne, une défaillance isolée peut devenir très grave, et exposer des millions de personnes à un danger entrainé par les dérapages d’une seule installation. En l’espèce, l’affaire des lasagnes à la viande de cheval de Comigel concerne treize pays, vingt-huit entreprises et 4,5 millions de produits diffusés.

Sous le titre « Chronique d’un scandale annoncé », le journal le monde du 16 février s’interroge : « Comment un distributeur britannique peut-il commander, à un prix plancher, à une usine basée au Luxembourg, un plat fait avec du bœuf irlandais, sans s’interroger sur les méthodes employées ? »

« Comment des consommateurs qui achètent des steaks hachés 33 centimes d’euros peuvent-ils croire qu’ils ne sont constitués que du bœuf ? »

Le journal pointe les pratiques peu regardantes de l’industrie agro-alimentaire et prophétise qu’il faut s’attendre à d’autres révélations.

Aux Etats-Unis, des déchets d’abattoirs sont transformés en une pâte. Ensuite mélangés à de l’ammoniac, le produit est revendu aux firmes agro-alimentaires comme agent de remplissage bon marché. Ce mélange est ensuite mélangé au bœuf haché… ce produit pouvait être trouvé, en 2010, dans 70% des hamburgers consommés aux Etats-Unis (voir le rapport de l’ONG Grain :  mai 2011 http://www.grain.org/article/entries/4239-a-qui-profite-la-securite-sanitaire-des-aliments-les-profits-des-entreprises-contre-la-sante-des-populations).

Il semble qu’une pratique similaire existe en Europe avec le « minerai » de viande, déchets de viande intégrés aux préparations de viande congelées vendus en grande surface.

Les contrôles et les normes de traçabilité n’y feront rien. Les scandales sanitaires, liés à l’industrie de la malbouffe, vont se multiplier si nous ne décidons pas que notre nourriture n’est pas une marchandise comme les autres. Il nous faut donc relocaliser notre production et diminuer les intermédiaires dans la chaîne de distribution. Favoriser les circuits courts alimentaires, en rendant le pouvoir aux agriculteurs, aux transformateurs locaux, et aux marchés régionaux le permettrait.

Dans cette entreprise de relocalisation, et parce que la filière de la viande est la plus menacée, défendre nos abattoirs de proximité est capital.

La région Champagne-Ardenne, après avoir demandé un rapport au CESER (Conseil économique, social et environnemental régional), a décidé en 2013 de concentrer ses aides à l’agro-alimentaire sur la modernisation de ses 4 abattoirs.

Défendre nos fermes et les petites unités de transformation est essentiel pour garantir notre souveraineté alimentaire définie par Via Campesina comme « le droit des peuples à une alimentation saine ».

Faute de quoi avant chacun de nos repas, comme le faisait remarquer Pierre Rabhi, il nous faudra bientôt, plutôt que « bon appétit », nous souhaiter « bonne chance ».

Christophe Dumont

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