Plénière du 28 juin 2012 : discours de politique générale de Clara Osadtchy

Seul le discours prononcé fait foi

Merci Monsieur le Président.

 

Chers collègues, je suis heureuse d’intervenir à cette tribune dans un nouveau contexte politique national qui a été marqué par des changements profonds.

Tout d’abord, car pour la première fois depuis 1995, le Président de la République est un homme de gauche, François Hollande, élu le 06 mai 2012 ; ensuite parce que ce changement a été confirmé par les résultats des élections législatives : les français ayant donné une majorité de gauche claire au nouveau Président de la République.

Cette majorité, et j’en suis particulièrement fière, est composée d’élus écologistes.

Pour la première fois, l’écologie politique dispose de son groupe parlementaire à l’Assemblée nationale. Ce n’est évidemment pas une fin en soi, ce groupe permet la juste représentation du poids de l’écologie politique et sera pivot dans la majorité. Je sais qu’il saura être aussi un groupe présent, qui travaille, qui titille, qui insuffle une énergie nouvelle cassant parfois de vieux et larges consensus. Comme nous savons le faire ici, et vous pouvez le constater régulièrement !

Nous pouvons nous féliciter que notre région ait suivi le sens du changement. Le 06 mai, elle a donné 50.83 % des voix à François Hollande, confirmant ainsi son inclinaison à gauche, majoritairement représentée dans cette assemblée.

Mieux, les 10 et 17 juin, les bas-normands ont élu 13 députés dont 9 représentent les différentes sensibilités de la majorité présidentielle. Je voudrais saluer et féliciter nos collègues Alain Touret et Stéphane Travert, mais aussi avoir un mot particulier pour Laurence Dumont. Elle est en effet l’une des rares parlementaires à ne pas cumuler de mandat.

Je veux adresser également mes félicitations à Véronique Louwagie. Et bien sûr, je m’arrête un instant sur l’élection qui a créé la surprise : celle d’Isabelle Attard dans le Bessin.

Son élection est importante parce que c’est la première députée écologiste de Normandie. Femme engagée et énergique, elle saura bien sûr défendre le projet écologiste mais aussi notre territoire. Elle l’a montré dès le week-end dernier en se rendant auprès des habitants et des élus qui se mobilisent contre la THT, pour la protection de leur santé, de leur cadre de vie et de leur territoire. J’en reparlerai bien entendu par la suite.

Enfin, je note que dans le Calvados, ce sont 4 femmes et 2 hommes qui ont été élus députés le 17 juin. Cela n’est pas rien, surtout quand on constate avec un peu d’amertume qu’à ce rythme, la parité à l’Assemblée nationale ne verra pas le jour avant 100 ans…

Ces victoires de la gauche nous mettent devant un moment historique. Nous avons une opportunité que nous ne pouvons pas manquer : celle de mettre en cohérence les orientations nationales en s’appuyant sur les politiques engagées depuis plusieurs années dans les collectivités locales.

 

Cette nouvelle configuration nationale nous oblige tout d’abord à une grande responsabilité, mais également à l’ambition de réformer la politique nationale en profondeur. Il n’est pas question de demander l’impossible mais nous devrons exiger que tous les possibles soient étudiés.
Cette période électorale a également été marquée par une abstention toujours importante et par la montée en puissance du vote d’extrême droite.

Ce vote exprime sans doute un grand malaise et la nécessité de redonner rapidement à nos concitoyens et concitoyennes des clés de compréhension, de rassurance et d’action. Le score de l’extrême droite se nourrit de peurs et de fantasmes, largement relayés ces derniers mois par une grande partie de la précédente majorité présidentielle. Mais également d’un sentiment, souvent justifié, de délaissement et de relégation. La suppression de nombreux services publics, notamment en milieu rural, les conséquences d’une augmentation considérable du coût de l’énergie pour des familles souvent éloignées de leur lieu de travail, nous obligent à l’action. La situation nationale et européenne difficile nécessitent de trouver des réponses à la radicalisation. Là encore nous devrons rester humbles, écouter, et agir.

 

Il y a quelques jours s’est achevé le Sommet de la Terre Rio+20.

 

« +20 » parce que c’était le sommet anniversaire du Sommet de la Terre qui lui a été un formidable bond en avant pour nous tous. En 1992 étaient ainsi consacrés l’agenda 21, les politiques territoriales de développement durable et la lutte mondiale contre le changement climatique. 20 ans après, la signature d’un accord sans engagement précis ni calendrier de réalisation, est une réelle déception, un nouvel échec. Sur la question du changement climatique et du développement durable, nous ne progressons plus ; nous régressons au plan mondial.

 

Et c’est justement parce que Rio fut un échec que nous devons agir plus fortement ici. De ce fait, nous avons une responsabilité supplémentaire à agir là où nous sommes en capacité de le faire au niveau local.

 

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La région Basse-Normandie s’est engagée depuis longtemps dans une voie de transition durable de ses politiques au profit des territoires et des bas-normands. C’est bien notre modèle de développement que nous devons profondément réviser. Cela avance.

 

Le changement climatique, la dislocation de la zone euro, l’explosion des prix des matières premières, la dépendance au pétrole, les problèmes alimentaires sont pourtant, non pas des problèmes, mais les symptômes d’un système qui tousse et qui risque tout simplement de s’arrêter. Les écologistes ne sont plus les seuls à dire cela.

 

Nous entendons des volontés de changement et des interventions lucides mais je constate que la croissance est encore prônée comme l’ultime recours aux multiples crises que nous traversons. Mais à bien regarder l’évolution de la situation économique, l’espérance sera longue et l’attente illusoire.

 

Les Japonais ont un dicton qui dit : « Si votre seul outil est un marteau, tout ressemble à un clou. ». Les urgences sociales et environnementales nécessitent de s’émanciper de ce seul outil dont nous croyons disposer. Ne serait-il pas temps en effet de constater que l’idéologie productiviste génère chaque jour un peu plus de dégâts ? N’est-il pas urgent d’inventer comme le prône Tim Jackson une « prospérité sans croissance » ?

Les crises sociales et environnementales méritent, j’en suis convaincue, que nous osions explorer enfin de nouveaux outils pour des emplois durables et utiles, pour des services publics de qualité et une solidarité renouvelée.

 

Cela commence en agissant dès aujourd’hui, différemment.

 

Tout à l’heure, je disais que l’échec mondial de Rio devait nous inciter à faire plus et mieux, ici, localement. Cela demande de poursuivre un véritable virage culturel commencé en 1992.

 

Nous parlerons tout à l’heure du SRCAE, nous aurons l’occasion de nous exprimer plus précisément à ce moment. Mais je tiens tout de même à dire que le lien est pénible à faire entre les actualités de ces derniers jours : tandis que le sommet de la Terre échouait, nous nous trouvons dans l’impossibilité de présenter un schéma éolien ambitieux en Basse Normandie ; capable de répondre à nos exigences de production d’énergie renouvelable. Globalement en péril, la lutte contre le changement climatique est localement contenue. Cela est vraiment alarmant.

 

J’ai le sentiment que les habitudes productivistes de notre pays  – et de notre région – ont parfois du mal à s’éteindre.

 

Que ce soit pour le nucléaire, les grands travaux qui font rêver comme la LNPN, ou les équipements publics dits indispensables comme les aéroports, nous avons encore beaucoup de mal à ne pas penser la politique autrement que comme un empilement de grands projets d’excellence, de distinctions territoriales à collectionner et de postures à défendre.

 

Cette forme de « modernitude » comme le dit très bien Cécile Duflot est celle qui fait hurler nos collègues de l’opposition à la moindre touche de réalisme s’agissant de la Ligne Nouvelle Paris Normandie. Oui, le Schéma National d’infrastructures de Transport, toujours pas formellement validé, dans lequel la LNPN apparaissait, est un schéma de posture : comment pouvons nous imaginer financer 170 milliards d’euros de projets en 20 ans ?

 

La posture, elle, ne fait pas arriver les bas-normands plus vite. L’urgence, tout le monde en convient, est de mobiliser des finances sur le Mantois et d’améliorer l’existant. Rejoignez-nous dans cette mobilisation et ne faites pas de la défense d’un rêve inaccessible le cœur de vos interventions.

 

Ce mode de pensée est également à la manœuvre pour conserver l’image de progrès de l’EPR, dont la conception a été pensée il y a plus de 20 ans déjà ! Il est l’expression d’un vieil espoir que l’énergie nucléaire rendrait tout possible.

 

Elle est au maximum de ses progrès malgré les milliards d’euros investis et a largement montré ses limites technologiques. Nous devons nous faire une raison. La nécessaire nouvelle politique énergétique représente un bond industriel plus fort que ce que peut promettre le nucléaire.

 

Nous nous trouvons peut-être devant le commencement d’une nouvelle page industrielle pour notre région, bien symbolisée par les Energies Marines Renouvelables. Elle sera appuyée, je l’espère, par l’acte III de la décentralisation. Avenir industriel de cette première moitié de nouveau siècle, elles émergent enfin mais doivent passer par un parcours qui n’avait pas été imposé au nucléaire, lui qui emprunte encore des chemins sans barrière.

 

Nous avons été, ici, un certain nombre à participer au colloque sur l’acceptabilité sociale des EMR, mercredi 20 juin à Caen. Les enseignements y ont été riches.

 

Mais tout de même, avons-nous un jour passé plus d’une heure à penser l’acceptabilité sociale de l’énergie nucléaire ?

 

Les éoliennes dans la baie du Mont Saint Michel posent la même question : avons-nous eu le même souci de la préservation du patrimoine quand les lignes THT ont été construites, striant le paysage ? Pire, la moindre contestation à propos d’une éolienne met en cause le projet de son implantation ; mais la mobilisation continue de milliers de personnes contre la ligne THT Cotentin Maine ne fait bouger que des gendarmes.

 

A ce sujet, je voudrais revenir sur l’actualité de ces dernières semaines.

 

Je me suis rendue avec d’autres élus régionaux ici présents dimanche dernier au Chefresne et à Montabot où était organisé un week-end de mobilisation contre la future ligne THT.

 

Ce que nous y avons vu nous a choqués : des habitants, des agriculteurs, des défenseurs de la liberté d’expression usés et démolis par la construction de la ligne qui se fait à grand renfort de gardes mobiles et sous la pression policière permanente.

 

Il faut voir les centaines de gendarmes, en tenue de combat, postés à tous les carrefours du bocage. En nous y rendant, en présence de la députée du Calvados Isabelle Attard, nous avons été contrôlés un par un, certains plusieurs fois. Nous avons rencontré des élus dont les logements sont régulièrement survolés par des hélicoptères équipés de projecteurs, de jour comme de nuit.

 

La commune du Chefsrene est en « garde à vue » depuis des semaines, comme l’écrivait Ouest-France la semaine dernière. Cela résume le sentiment d’étouffement de toute une population harcelée parce qu’elle refuse de se voir imposer une ligne THT sur son territoire. Pire qu’une charge de CRS, c’est ici une forme de charge psychologique qui devient difficilement soutenable.

 

Ces habitants, ces opposants sont très loin d’être seuls. Ils sont soutenus par des milliers de personnes, d’associations, d’élus qui demandent qu’on soit capable de leur prouver au moins l’innocuité sanitaire de la ligne.

 

Nous avons formulé la même demande. Nous avions voté ici-même, le 25 juin 2010, une motion affirmant notre opposition à la construction de la ligne THT tant qu’une étude épidémiologique ne serait pas menée.

 

Aujourd’hui, plus d’un tiers des pylônes est construit et nous constatons que n’avons pas le début d’une telle étude. Tous les habitants sont laissés sans réponse.

 

Je souhaite illustrer mon propos en citant, il  ne m’en voudra pas j’espère, Jean-Karl Deschamps, qui annonçait au colloque sur l’acceptabilité sociale des EMR : « Nous sommes convaincus qu’aujourd’hui, il n’est plus possible de faire de grands investissements, de grandes infrastructures sans se soucier d’être en lien avec les préoccupations des citoyens et les besoins des usagers ».

 

Une fois encore malheureusement, je constate que le nucléaire fait exception.

 

François Dufour, Vice Président à l’agriculture a interpellé la semaine dernière le Ministre de l’agriculture pour qu’il prenne en considération les effets de la ligne THT existante sur les exploitations agricoles. Pour certains paysans, c’est l’avenir de leur ferme qui est en jeu et la production laitière qui est compromise !

 

Cette semaine, j’ai moi-même, au nom du groupe EELV, sollicité les ministres de la santé, de l’écologie et de l’intérieur.

 

C’est pourquoi j’interpelle formellement nos nouveaux députés ici présents : je leur demande de bien vouloir soutenir cette demande d’étude épidémiologique au plus haut niveau et en premier lieu auprès de Madame Touraine, Ministre de la santé.

 

Je leur demande également de relayer la demande, formulée notamment par leur collègue Isabelle Attard, députée du Calvados, d’une médiation devenue urgente pour apaiser le conflit localement.

 

 

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