Séminaire de rentrée 2012 – Quelle stratégie régionale d’aménagement du territoire Aquitain?

 

Une offre qui  s’appuie sur  les demandes en les priorisant

La contractualisation est l’outil de territorialisation des politiques publiques. L’achèvement prochain des contrats  de la période 2009-2013  aurait  mérité une évaluation de leur mise en œuvre qui nous aurait permis d’orienter les politiques contractuelles à venir en nous appuyant sur des données et des faits spécifiques à nos territoires aquitains. En l’absence de cette appréciation, c’est en fonction des réalités territoriales et au filtre de nos orientations politiques régionales que nous esquisserons les grandes lignes d’un schéma régional d’aménagement du  territoire et celles des futures contractualisations. Prendre en compte les spécificités territoriales pour mieux répondre aux besoins des territoires, tenir compte de leurs demandes tout en priorisant nos offres politiques en fonction de nos  objectifs  politiques, voilà les deux impératifs qui devraient guider nos politiques contractuelles à venir.

 

L’ « effet liant » au-delà de l’ « effet levier »

Le rôle du conseil régional est de notre point de vue  triple : à la fois planificateur (schémas régionaux) et impulseur (effet  levier),  il doit aussi développer un rôle de  coordonnateur (effet liant). La transversalité des politiques d’aménagement est plus que jamais nécessaire, le développement économique  crée par exemple des besoins de transport et logement, le développement des zones habitables crée les besoins de services et les données climatiques et environnementales créent la nécessité de mettre sous contrainte ces différents développements car aménager ce n’est pas seulement construire c’est aussi ménager le territoire.

Autant de raisons qui justifient la mise en cohérence de ces différentes politiques au sein de notre collectivité et de nos services mais aussi avec les autres collectivités territoriales. La proposition de « contrats territoriaux » entre les différents échelons pourrait être un outil de   cette mise en cohérence. Mais l’organisation interne de chaque collectivité n’adopte pas les mêmes découpages et des sujets à traiter dans un « contrat territorial » pourront traverser des services différents au sein de chaque collectivité, c’est la raison pour laquelle nous pensons qu’il faut aussi travailler en amont à des outils internes de « mise en cohérence » qu’il faudrait concrétiser par des « schémas de convergence ».

 

Un territoire aquitain en dégradés d’urbanité et ruralité

L’Aquitaine est à la fois un territoire urbain et rural. Mais l’homogénéité de l’urbanité et de la ruralité appartient au passé. La politique de métropolisation dans un esprit de compétitivité européenne a créé des territoires urbains à deux dimensions : l’urbanité métropolitaine et l’urbanité des villes moyennes. De même que l’étalement urbain a créé de la ruralité urbanisée en mettant une partie de la campagne sous l’influence des villes, une rurbanité qui au-delà d’une certaine  distance transforme l’étalement urbain en un étalement de la pauvreté et qui a laissé des traces aux dernières élections. Lieux de  relégations et de désaffiliations, ces espaces sont de véritables enjeux de politiques publiques en matière de mobilité, de services publiques et d’activités sportives et culturelles. Une ruralité  malgré tout en essor démographique et en rajeunissement et qui contraste avec la ruralité vieillissante qui se désindustrialise et se dépeuple et caractérise l’intérieur de nos terres, éloigné des grands axes de mobilité.

Ces différents niveaux de métropolisation et de rurbanité qui constituent un territoire aquitain en dégradés plutôt qu’en opposition urbain/rural devront être intégrés dans nos politiques contractuelles

 

Nos priorités politiques pour l’aménagement du territoire aquitain

 

:: Réduction des disparités territoriales à travers un plan massif de soutien aux territoires du  croissant de pauvreté du Médoc au Lot et Garonne. S’il ne serait pas pertinent de consacrer exclusivement nos aides régionales à des territoires spécifiques, le rôle d’une collectivité régionale étant d’irriguer l’ensemble du territoire, un objectif de réduction des disparités territoriales doit nous conduire à moduler en fonction des niveaux de pauvreté des populations nos soutiens financiers. C’est à la fois une nécessité sociale et politique, la précarité généralisée se traduisant par des replis sur soi, des renoncements et des votes d’une extrême gravité.

 

:: La maitrise de l’étalement urbain par, à la fois :

  • un schéma de densification et réhabilitation des  villes et des centres bourgs ;
  • une densification le long des axes ferroviaires en développant l’offre de logements autour des gares desservies par nos TER régionaux.

 

:: La réduction des émissions de gaz à effet de serre, de la consommation d’énergie et de la production d’énergies fossiles par :

  • un soutien au développement des énergies renouvelables adapté aux besoins et potentialités des territoires et qui soit à la hauteur des objectifs fixés par le SRCAE ;
  • une recherche de montages financiers (impulser la création de société de services énergétiques et de tiers investissement) permettant de réaliser à une grande échelle la réhabilitation thermique du logement privé sur le territoire ;
  • un développement des infrastructures ferroviaires et du maillage territorial, le développement du fret ferroviaire et l’augmentation du cadencement et dessertes des TER.

 

:: Le développement de l’Économie circulaire

« Économie circulaire » : voilà une association de mots qui devrait prochainement s’imposer au même titre que la notion de développement durable il y a quelques années. L’économie circulaire s’oppose à l’économie linéaire, la nôtre (qui épuise d’un côté des ressources et accumule de l’autre des déchets), en cherchant à rapprocher nos systèmes industriels du fonctionnement quasi cyclique des écosystèmes naturels. La notion d’économie circulaire se veut ainsi un moyen de répondre à la question « comment rendre le concept de développement durable opérationnel et économiquement viable ? ».
L’économie circulaire va devenir un enjeu majeur à court terme en raison de :

  • l’augmentation des prix des matières premières et de l’énergie ;
  • la hausse constante du coût des déchets ;
  • la nécessité de réduire nos émissions de gaz à effet de serre.

Signe de changement, l’Agence Nationale de la Recherche a financé en 2008 deux programmes sur le sujet : le premier, ARPEGE, est un atelier de réflexion dont l’objectif est de fédérer les consultants et industriels intéressés afin que ceux-ci formulent leurs besoins en R&D. Le second, COMETHE, doit en trois ans mettre au point des outils de méthode et d’évaluation pour le métabolisme industriel.

 

:: Programmer une Aquitaine « sans  pesticides »

En matière de pesticides, la France est le 3ème consommateur mondial et le 1er consommateur européen. Ces substances (fongicides, herbicides, insecticides, etc) se retrouvent partout : dans les aliments, dans les sols, dans l’air, dans les eaux de rivière et les eaux souterraine. Cette toxicité résiduelle, souvent mal connue, participe à la destruction des écosystèmes, à la perte de biodiversité, à la pollution des sols et des ressources en eau.

Les pratiques agricoles sont les principales utilisatrices de substances phytosanitaires, l’Aquitaine est loin d’être épargnée. Au delà du secteur agricole, l’utilisation mal maîtrisée et en quantité massive des désherbants chimiques dans les collectivités est à l’origine de pollutions importantes. L’exposition de la population dans les cours d’école, terrain de football ou encore espaces verts… présente un réel problème sanitaire. En Aquitaine, la situation tend à se dégrader ces dernières années.

La quasi-disparition de sites où l’eau peut être distribuée sans traitement préalable d’élimination de pesticides est alarmante. Bien évidemment, une action ambitieuse et urgente au niveau du changement des pratiques agricoles est nécessaire mais le travail auprès des communes ou intercommunalités n’est pas à négliger. En effet, des actions très concrètes peuvent être menées et générer relativement facilement des résultats intéressants à court terme.

 

:: La prise en compte de la protection de l’environnement et de la biodiversité

Dans le cadre d’un nouvel acte de décentralisation, la compétence en matière de protection de l’environnement et de la biodiversité pourrait  être  confiée aux régions. Le Schéma régional de cohérence écologique (en cours)  devra  être ambitieux afin de préserver et  améliorer la qualité des différents milieux naturels et de réduire la fragmentation des habitats.

 

 

Nos propositions pour l’année 2013

 

1) Tenir des conférences des exécutifs intra-régionales
Pour définir des stratégies régionales contractuelles concertées entre différents services et d’élaborer des « schémas  de convergence » d’aménagement du territoire intégrant dans un document global l’essentiel  des schémas régionaux thématiques.

 

2) Définir les espaces pertinents de contractualisation
En tenant compte des dégradés de métropolisation pour les territoires urbains et de rurbanité pour les territoires ruraux afin d’inscrire dans une réglementation une offre adaptée aux besoins de ces territoires tout en tenant compte de nos priorités politiques.  C’est  à  l’observatoire régional qu’il incombe de définir les périmètres de  ce zonage territoriale

 

3) Faire des territoires des  terrains d’expérimentation de la transition écologique

Les Pays comme terrains d’expérimentation de l’économie circulaire – Le périmètre d’un Pays (composé de collectivités, PME, industries, associations…) représente un territoire pertinent pour l’expérimentation et la mise en place de projets basés sur le concept d’économie circulaire. Le Conseil régional pourrait être moteur de ces initiatives en incitant les Pays à rechercher des synergies entre les différents acteurs de son territoire (via les contrats de Pays, le financement d’études relatives à l’analyse locale des flux ou même en imaginant un appel à projet « économie circulaire »). L’identification des actions envisageables passe par la cartographie des gisements du territoire grâce à des études approfondies des flux d’eau, de matières et d’énergie. Un plan d’action territorial est ensuite lancé. Enfin, une nouvelle étude est démarrée afin de confirmer l’impact des actions correctives. L’idée bien évidemment est d’aller encore plus loin, dans un second temps, en recherchant des associations moins évidentes ou en créant des activités intermédiaires nécessaires pour la valorisation de déchets.

Au-delà de l’intérêt environnemental de cette nouvelle manière d’aborder la notion de développement, l’enjeu pour les entreprises est de gagner en compétitivité en abaissant leurs coûts de production et de fonctionnement.

 

5) Engager les communes dans une démarche de  territoires de préservation de la biodiversité
L’engagement des communes au travers des contrats d’agglomérations et ou des contrats de pays pourrait se concrétiser sous la forme de la signature d’une charte
proposant à la commune un panel de propositions d’agir en faveur de la sauvegarde de la biodiversité : Réduction des pesticides, utilisation des plantes locales, réduction des éclairages de nuit, protection des habitats (faune aviaire, chiroptère, …), protection des zones humides, etc. …La région pourrait, dans le cadre d’un dispositif « trame verte et bleu » participer aux inventaires d’actions à entreprendre en utilisant les ressources des associations (CEN Aq, LPO, Cistude, Sepanso, …) ou d’autres structures qu’elle finance (PNR, CBNSA, CVRA, …).

6) Engager les collectivités dans une  démarche de territoires à énergie positive
Pour la  mise en œuvre  d’un scénario de rupture à la hauteur du défi qui se présente devant nous, élaborer un Plan Régional d’Actions en faveur de la sobriété et efficacité énergétiques (réhabilitation des logements, bâtiments publics et tertiaire) et de développement des énergies renouvelables.

7) Réactualiser le SRADDT  (schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire).
Réaliser le bilan et relancer un nouveau schéma ambitieux et réaliste par une large concertation en prévision de faire un schéma prescriptif et opposable. En effet, la vocation du SRADDT est de servir de cadre de cohérence global pour tous les plans sectoriels et schémas qui relèvent des compétences du conseil régional, y compris les CPER. Son volet opérationnel est donc constitué, de fait, de l’ensemble de ces plans sectoriels, schémas, contrats, règlements d’intervention qui ne peuvent dès lors qu’être rendus compatibles avec ses orientations fondamentales.

 

 

 

Notre point de vue sur la lettre de cadrage

 

I. Analyse du document remis

 

Quelques points clés  ressortent de la note :

– Décision de baisser les crédits de fonctionnement, hors autorisation engagement.

– Choix également de n’inscrire des crédits  que pour le courant de l’année, les délibérations modificatives et le budget supplémentaire seront ainsi nettement inférieurs  aux  années précédentes.

– Prise en considération des recettes : il s’agit d’optimiser les sources de financement.

– Maintien des CP en 2013 en valeur 2012

– Baisse des AP de 10 % → choix des projets et prise en compte des futurs CF

– Maintien des CF en 2013 en valeur 2012

– Baisse des CF de 2%, hors incompressible (TER et masse salariale)

– Baisse des AE récurrentes de 2%

– Nouvelles dépenses bloquées aux réserves existantes…

 

« Envisager nos interventions en tenant compte du potentiel fiscal et le l’effort fiscal des collectivités bénéficiaires de nos actions » : cette mesure pourrait être une piste intéressante mais elle demande plus d’explications.

 

II. Les points pour lesquels la lettre de cadrage nous pose problème et nos propositions de recadrage


1) Une baisse générale pour toutes les directions n’est pas équitable pour les petits budgets, car les marges de manœuvre se rétrécissent selon la masse budgétaire gérée.

Proposition 1 : Renforcer les « petits budgets » inférieurs ou égaux à 10 M€ comme la culture, l’ESS, l’énergie, l’environnement, l’international et les soustraire à cette restriction.

 

2) Le besoin de financement ne doit pas engager la région dans des obligations de notation qui exigeront de toute façon de contraindre nos investissements et d’effectuer des choix qui seraient plus guidés par un souci de rentabilité que de priorités de politiques publiques.

Proposition 2 : Lancer un emprunt citoyen.

 

3) Faciliter le financement européen des projets énergétiques et d’énergies renouvelables en Aquitaine et soutenir le développement de ces filières.

Proposition 3 : Rechercher des financements auprès de la Banque Européenne d’Investissement.

 

4) Le contexte de crise et de restriction budgétaire nous  oblige à revoir le montant de nos investissements. On peut aussi envisager au-delà d’une mesure de restriction quantitative (baisse générale de 10% des AP) des mesures de restriction plus qualitatives, revisitant les objectifs de la mandature en matière de grands investissements en les priorisant dans le temps.

Proposition 4 : Créer un groupe de travail pour envisager les possibilités de lisser dans le temps les grands projets,  d’en reporter certains et pourquoi pas d’en annuler.

 

 

 Point de vue des élu(e)s EELV Aquitaine sur la question de la notation

 

 La notation des collectivités  territoriales : l’étranglement annoncé des politiques publiques

Dans un contexte de crise, le secteur public local doit redoubler d’imagination pour subvenir à ses besoins de financement. Mais l’imagination devrait-elle se réduire à un simple copier-coller des gestions privées ? C’est pourtant  cette  solution qu’ont trouvée une dizaine de Régions et qu’envisage prochainement l’Aquitaine pour pouvoir aller chercher des financements sur les marchés obligataires en complément des financements bancaires classiques depuis que la dérèglementation financière les y autorise. Soumises à une gestion encadrée de leurs budgets, les collectivités territoriales ont un niveau de risque de solvabilité très raisonnable voire excellent et elles le savent.

Mais encore faut-il communiquer cette information fiable aux marchés pour rassurer leurs investisseurs potentiels de demain et utiliser pour cela le recours aux agences de notation. L’évènement pourrait paraitre anecdotique si la notation n’engageait pas la collectivité dans une procédure qui s’inscrit dans la durée et qui lui demandera des comptes tout au long de la période où courront les emprunts. Et ces comptes ne concernent pas que les aspects comptables de sa gestion, car pour apprécier sa capacité à faire face au remboursement des emprunts, il faudra aussi qu’elle montre une capacité à maitriser des dépenses courantes notamment celles de personnel et accepte un droit de regard « financier » sur ses dépenses d’investissements.

Il est clair que la gestion politique se laissera vite étranglée par les dogmes de l’idéologie libérale  qui épouse scrupuleusement les  nécessités et  l’avidité des marchés financiers. Et au bout du compte, c’est la liberté politique  que l’on restreint en diminuant les marges de manœuvre des élu(e)s et  la liberté  des électeurs d’élire des représentants en fonction d’un projet politique et non des gestionnaires soumis aux contraintes exigées par les logiques financières.

Et qu’on ne vienne pas nous opposer à une gestion libérale, que l’on camouflera sous des couverts de pragmatisme et de réalisme, une gestion  angélique d’une gauche dépensière qui serait au dessus des réalités du moment, cette chanson bien connue commence à dater. Car s’il faut effectivement mettre sur la table la question du financement public, il est toujours bon de rappeler que le financement des collectivités locales repose sur un système combinant impositions, dotations et financement par emprunts. Le recours à l’emprunt est la  ressource qui crée le plus d’inégalités territoriales car il est bien connu qu’on ne prête qu’aux riches, ce que le recours à la notation ne démentira pas. Aller sur les marchés financiers est bien plus complexe que le recours aux  prêts classiques et  seules les  grandes collectivités qui ont  la réactivité nécessaire pour tirer le meilleur profit des opportunités de marché seront en capacité de le faire.

L’effet boule de neige, qui rendra encore plus riches les régions riches, créera à l’avenir des disparités territoriales peu compatibles avec une vision républicaine du territoire et de solidarités interrégionales. Pourquoi ne pas innover plutôt en matière de fiscalité et de redistribution ?
La fiscalité écologique, les taxations financières sont-ils des mots condamnés à rester des mots parce que fiscalité rimerait pour certains avec ringardise plutôt qu’avec justice, parce qu’en dehors du marché point de salut pour l’innovation et la créativité ?
Et avant de réduire le volume des  dépenses, ne faut-il pas s’interroger sur leur efficacité et leur utilité non seulement comptables mais sociétales ? Car ce qui est un coût pour le marché n’est-il pas un investissement pour une collectivité publique ?
Qu’est-ce qui coûte, au bout du compte, plus cher à la société,  augmenter les dépenses de formation pour les jeunes ou réduire  les coûts de l’insertion au risque de se retrouver avec une jeunesse désœuvrée et marginalisée? Bien sûr tout dépend du « bout  qui compte », celui du court terme ou du long terme ? Celui du profit financier ou du bénéfice sociétal ?

Là est la vraie question politique car sous un faux air de transparence la question de la notation n’est que le camouflage d’une dérive des politiques publiques  qui s’aliènent de plus en plus  aux logiques de marché.

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