Tribune : Qu’est-ce qu’un service public de l’orientation ?

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Le débat sur un service public de l’orientation, piloté par les Régions, a le mérite de mettre au grand jour des logiques différentes qui s’affrontent sur l’avenir de l’école et plus largement la formation. Alors que l’école s’est historiquement structurée sur une forme scolaire de l’apprentissage et de la socialisation, ayant pour objectif « la constitution d’un univers séparé pour l’enfance, n’ayant d’autres fonctions que d’apprendre … », la question de l’orientation et de la formation semble interroger cette forme scolaire de l’apprentissage à en croire les différentes expressions qu’on peut lire sur le sujet.

Il est vrai que du côté de l’éducation nationale, les réformes successives de l’école s’attaquent plus à modifier l’institution scolaire qu’à redéfinir des modes d’apprentissage en rupture avec une forme scolaire qui ne semble plus en adéquation avec la société actuelle. Alors qu’aux siècles passés, l’école était conçue comme une mise en suspens temporaire de la vie, une période de détour qui devait permettre de construire des compétences à l’abstraction éloignées du spontanéisme de la vie quotidienne, il lui est aujourd’hui demandé de replonger ses racines dans le terreau sociétal et la vie concrète et de mieux préparer à l’insertion professionnelle.

Et à lire les propositions du MEDEF pour une Refondation de l’école, par ailleurs pas inintéressantes du point de vue du débat, la vie concrète se résumerait à l’entreprise et l’esprit d’entreprise. Il est d’abord délicat de parler de l’entreprise au singulier tant les formes d’entreprises diffèrent dans leur mode de gouvernance et la corporate governance ne saurait prétendre à recouvrir l’esprit d’entreprise alors que l’on peut produire des biens et services sans laisser la démocratie, les préoccupations écologiques et sociales à la porte comme nous le rappelle l’économie sociale et solidaire.

Et si la société n’est pour certains qu’un vaste marché, pour d’autres il est impératif que le marché reste à la place que la société lui concède et que des formes de développement humain restent déconnectées de toutes formes de mercantilisme. Rien n’a encore pu démontrer que l’esprit de création devait impérativement être corrélé à l’esprit de concurrence, le domaine artistique en est déjà un exemple convaincant.

Mais quand ce même rapport stipule que l’école tue l’effort par la culture de l’échec qui s’y est développée, je ne peux que partager ce point de vue. Et c’est bien pour cela que la psychologie a toute sa place à l’école car elle est un rempart contre toute forme de pédagogie élitiste et hors sol évacuant les dimensions personnelles et émotionnelles de la réussite scolaire.

Rapprocher l’école de la société, me semble un impératif, ne pas l’isoler de la vie économique, repenser ses formes d’apprentissage et de socialisation en conséquence aussi. Sortir de la sanctuarisation scolastique est un impératif de survie pour l’école publique mais pas pour ériger un nouveau temple de la formation, qui ne développerait que des compétences qui sont monnayables sur le marché, un capital de connaissances à vendre, réduisant la rationalité citoyenne à une simple rationalité économique. On voit bien que le débat à venir sur l’orientation ne peut pas se résumer à une question aussi simpliste que le rapprochement de l’école et de l’entreprise, ou de l’adéquation de la formation à l’emploi.

 

Martine Alcorta, Vice-présidente en charge de Politique de l’habitat et du logement social, Maitre de Conférences en Psychologie de l’Education, Responsable pédagogique de la formation des Psychologues scolaires

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