L’écologie a droit à l’épreuve du pouvoir

Par Martine Alcorta

Lectrice assidue et admiratrice des chroniques de J.C Guillebaud, j’ai été surprise de celle du dimanche 10 mars. Je comprends que l’on puisse exprimer son inquiétude et son incompréhension à voir toute une civilisation aller dans le mur en ne prenant pas les mesures à la hauteur des enjeux écologiques du moment. Mais plus je lis des expressions publiques qui dénoncent les dérives politiciennes d’EE – LV et plus je m’interroge sur le sens de ces messages accusateurs. Ne cachent-ils pas eux aussi des volontés politiciennes d’affaiblir, comme par hasard à quelques mois d’échéances électorales, le parti écologiste ?

Pour autant la question de fond mérite toute attention car elle est sincèrement partagée par de nombreux écologistes associatifs mais aussi militants d’EE – LV. Et les élus écologistes ont le devoir, non seulement de se la poser, mais de faire vivre, sans langue de bois et démagogie, le débat autour d’elle. « Est-il utile d’avoir des élus écologistes au gouvernement et dans les exécutifs locaux ? » Je n’aurais pas la prétention à moi tout seule d’y apporter une réponse définitive.

Je me contenterai d’essayer d’approfondir la question. Le constat d’un déficit généralisé de conscience écologique est difficilement contestable. Il faut effectivement convaincre culturellement l’opinion. Car il est impensable d’imaginer un pouvoir « vert » qui imposerait, pour le bien du peuple et de la planète, des mesures que seulement une minorité de citoyens seraient prêts à accepter. L’écologie a toujours été portée par le monde associatif, la société civile et relayée par quelques philosophes et penseurs politiques.

Et si ce précieux terreau de l’écologie « d’en bas » continue à labourer avec persévérance et efficacité le monde « d’en bas », il est effectivement depuis quelques années rejoint par un mouvement politique qui a pris racine dans l’échiquier national et européen. Et force est de constater que les relations autrefois plus étroites entre l’écologie « d’en bas » et l’écologie « d’en haut » se distendent et que la méfiance s’installe. L’épreuve du pouvoir a fait franchir un nouveau cap à l’écologie. La confrontation au réel est toujours un choc et une source de déception après des années d’imaginaires culturels. Mais elle est, de mon point de vue, un passage obligé. Car l’imaginaire se meurt s’il ne donne pas éclosion un jour à des transformations du réel.

Etait-il cependant prématuré de penser que le moment était venu pour ce premier printemps de l’écologie du réel ? Encore trop minoritaires, avons-nous eu tord de nous appuyer sur des partenaires aux visions encore trop engluées dans des cultures productivistes et peu enclins à faire majoritairement leur coming out écolo ? Avons-nous surestimé le potentiel de progression du parti socialiste ainsi que leur audace écologiste et sociale ?

Pour autant faut-il refuser à l’écologie politique, qui est bien un changement de paradigme civilisationnel, le droit d’exister sur les tremplins du pouvoir sous prétexte que la révolution des consciences n’est pas achevée ? Un parti politique n’est-il pas le meilleur moyen de faire avancer un nouveau projet civilisationnel qui réconcilie les Humains et la Planète mais aussi l’humanité avec elle-même ? Parce qu’elle est fondée sur la globalité et la complexité, l’écologie politique est la solution à la crise actuelle qui est aussi globale et complexe. Et si on faisait vivre les solutions plutôt que de prédire leur effondrement avant des les essayer?

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