Convention de partenariat pour la réalisation de l’équipement scientifique Pétawatt Aquitaine Laser (PETAL) auprès du Laser Mégajoule (LMJ)

Par Michel Daverat – Intervention en séance plénière du 20 décembre 2010.

Monsieur le président, mes chers collègues

La convention de partenariat pour la réalisation de l’équipement scientifique Pétawatt Aquitaine Laser (PETAL) auprès du Laser Mégajoule (LMJ) qui est proposé à notre vote aujourd’hui, soulève beaucoup d’interrogations mais aussi de doutes de notre part, sur la pertinence et les biens fondés d’une telle convention.

Cette convention fixe en effet une réorientation qui est pour nous très contestable.

Tout d’abord je voudrais rappeler l’opposition totale d’Europe Ecologie Les Verts aux objectifs du Laser Mégajoule qui sont, d’une part, de garantir la sûreté et la fiabilité de nos armes nucléaires actuelles et d’autre part, de mettre au point de nouvelles têtes nucléaires. Mais personne n’est dupe, le Llaser Mégajoule va aussi servir à rechercher à partir de la fusion nucléaire des armes du futur.

Non seulement le Laser Mégajoule va coûter près de 6 milliards d’euros mais ses objectifs violent de manière flagrante les traités internationaux de non prolifération nucléaire signés par la France et qui prévoient que les puissances nucléaires doivent s’engager sur la voie du désarmement.

En deuxième lieu, cet équipement PETAL constitue un projet structurant du pôle de compétitivité de la Route des lasers, le Laser Mégajoule en étant le pilier principal. Ce pôle de compétitivité regroupe à la fois un ensemble d’acteurs, et notamment beaucoup d’entreprises, en matière de recherche et d’innovation sur les lasers et l’optique. Ce pôle de compétitivité marie en fait la recherche et l’innovation aussi bien dans les domaines civil que militaire. Développer la Route des lasers, c’est bien sûr développer la recherche et l’innovation pour des applications dans le domaine civil, mais c’est aussi le faire pour des applications dans le domaine militaire, et de surcroît pour le développement d’armes nucléaires et pour notre groupe, participer à ces financements ce n’est pas acceptable.

En troisième lieu, le Conseil régional se pose en maître d’ouvrage d’un tel équipement ; est ce bien raisonnable ? Le Conseil régional n’a pas vocation à être une agence de recherche sur la fusion nucléaire. Certes, dans la mandature précédente, notre groupe ne s’est pas montré hostile à l’utilisation de la LIL, ligne d’intégration laser abandonnée par les militaires, pour un programme de recherche fondamentale, sous maîtrise d’ouvrage de la région.

Mais au fur et à mesure des années, notre position a évolué car nous nous rendons bien compte que cet équipement, va devenir un gouffre financier pour la région. En effet, orienter aujourd’hui prioritairement cet équipement vers la recherche sur la fusion nucléaire afin de tenter d’obtenir une énergie abondante, propre et inépuisable relève tout simplement de l’utopie la plus scientiste qui soit.

Le budget de l’équipement se monte à 54 millions d’euros dont 22 provenant de la région. Ne sont pas encore budgétisés la main d’œuvre du CEA associée à ce projet, ni les diagnostics plasmas, ni les programme de recherche qui seront menés dès l’exploitation de l’installation. Dans ces conditions, il est fort probable que les coûts d’exploitation constitueront de lourdes charges pour la région pendant des années, sans avoir la garantie formelle que l’Etat consentira à participer à cet effort financier.

D’autre part, la position de notre groupe a également évolué en ce qui concerne les chances de voir un jour le Laser Mégajoule reconverti uniquement pour des applications civiles. On pouvait considérer PETAL comme un des éléments susceptibles de contribuer à cette reconversion civile. Mais en couplant PETAL/ Laser Mégajoule comme cela est projeté aujourd’hui, ces espoirs se sont quasiment évanouis.

Au contraire, notre sentiment est que ce couplage ne fait que renforcer la légitimité du Laser Mégajoule dans le domaine de la recherche militaire. PETAL va rendre plus acceptables et plus « politiquement correctes » les recherches dans ce domaine militaire. En effet, comment oser critiquer le Laser Mégajoule quand on affirme haut et fort qu’il va contribuer, à obtenir une énergie abondante, propre et inépuisable tirée de la maîtrise de la fusion nucléaire ?

Et j’en viens à ce stade de mon propos, au mythe de cette production d’énergie inépuisable qui viendrait sauver l’humanité du désastre, sans évidemment rien changer à notre modèle de développement économique.

Depuis un sommet historique GORBATCHEV-REAGAN en 1985, où a été décidé de mutualiser les efforts financiers en vue d’aboutir à cette fusion nucléaire pour une finalité de production énergétique, et alors que ce n’était pas une demande de la communauté scientifique, des sommes colossales sont englouties en pure perte dans ces recherches. Ainsi est né le projet international ITER, installé en France à Cadarache. Son financement, dix à quinze milliards d’euros va partir en fumée, – j’allais dire en plasma -, sur 30 ans pour satisfaire une lubie de prestige technologique du lobby nucléaire.

Alors qu’ITER utilise la voie dite de « confinement magnétique » pour arriver à cette fusion, un autre projet européen appelé HiPER a vu le jour et utilise lui, la voie dite de « confinement inertiel ». PETAL servirait de prototype au projet HiPER.

L’énergie tirée de la fusion, désolé monsieur le président, c’est un peu l’arlésienne. On en parle beaucoup mais on ne la voit jamais arriver et pour cause puisque les difficultés sont quasi insurmontables à l’échelle humaine.

Il s’agit de recréer sur terre les réactions thermonucléaires qui se déroulent au cœur des étoiles et en particulier de notre soleil.

Le physicien Sébastien BALIBAR a une jolie formule sur cette utopie : Il déclare « On nous annonce que l’on va mettre le soleil en boite mais le problème, c’est que l’on ne sait même pas fabriquer la boite ! ». En effet cette boite doit contenir le plasma créé par les impulsions laser et qui atteint une température entre 100 et 150 millions de degrés. Autrement dit, on met la charrue avant les bœufs. On s’occupe du contenu sans se soucier du contenant.

Nombre de physiciens de haut vol, dont notamment les prix Nobel de physique français Pierre Gilles de GENNES et Georges CHARPAK, ont dénoncé depuis de nombreuses années le mythe des réacteurs à fusion nucléaire et demandé l’abandon de cette filière qui assèche en financements d’autres secteurs de la recherche et détournent de sujets plus pertinents des équipes entières de chercheurs.

 

Que ce soit pour le projet ITER ou pour le projet HiPER, et en particulier PETAL, des quantités colossales d’électricité sont consommées sans aucune garantie qu’un jour ces projets puissent contribuer à la production d’énergie électrique. L’objectif de toutes les recherches actuelles, c’est espérer de pouvoir produire une bouffée de chaleur pendant quelques minutes à l’horizon 2050. On voit la hauteur des ambitions affichées, en décalage total avec les financements pharaoniques accordés.

En 2050, il ne s’agirait donc même pas de passer à un stade pré-industriel, qui lui demandera probablement encore 50 ans de plus si tant est qu’on puisse y arriver. Et ne parlons pas du passage au stade véritablement industriel qui lui est inenvisageable en l’état de nos connaissances actuelles.

Qui peut croire que l’humanité puisse attendre patiemment la fin du siècle pour bénéficier de ce soi-disant miracle technologique alors que des décisions vitales pour son devenir sur la planète doivent être prises de manière urgente ? Face à l’épuisement des ressources fossiles, la certitude de bouleversements climatiques, la perspective d’affrontements géopolitiques pour se disputer la rareté des ressources énergétiques, il n’est plus temps de tergiverser en attendant des jours meilleurs.

Si jamais la fusion est un jour disponible, elle arrivera trop tard pour éviter le bouleversement climatique. Son potentiel restera de surcroît largement insuffisant face aux besoins d’une population stabilisée de 9 milliards d’habitants à la fin u siècle.

Nous devons affronter nos responsabilités et consacrer nos moyens financiers et humains aux solutions disponibles immédiatement ou à court terme et abandonner les chimères de la fusion nucléaire, tout comme d’ailleurs la filière nucléaire à fission, qui cautionnent notre fuite en avant du toujours plus sans jamais remédier aux cause réelles des problèmes.

La priorité des priorités, c’est la sobriété énergétique dans le cadre d’une politique globale énergétique alliant la sobriété avec l’efficacité énergétique et le recours aux énergies renouvelables. Ces énergies, elles proviennent directement ou indirectement du soleil. Quel besoin avons6nous de vouloir recréer le soleil dans une boite ?

Ouvrons nos volets et comme dirait Julien Clerc « laissons entrer le soleil »  (Let the sunshine) www.youtube.com/watch?v=0pYI_VH0Xmo

Ne l’oublions pas, nous disposons avec lui d’un réacteur de fusion nucléaire fiable et efficace à 100 %. Il fournit chaque jour à la terre 8000 fois plus d’énergie que l’humanité n’en consomme.

La tête dans les étoiles mais les pieds sur terre, il ne tient qu’à nous d’apprendre à mieux tirer partie de cette énergie du soleil – véritablement propre, abondante et accessible à tous.

Aussi, pour toutes ces raisons, le groupe Europe Ecologie Les Verts votera contre la convention de partenariat proposée.

 

Je vous remercie

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