Dans une interview donnée courant 2010 à la Gazette des communes, Lionel Roucan fait le lien entre ses différentes attributions (développement durable, prospective, évaluation) et entre les différents outils et schémas à disposition.

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Entretien avec Lionel Roucan, Vice-Président du Conseil Régional d'Auvergne en charge du Développement Durable et de la prospective

L'importance du patrimoine naturel ne pouvait qu'inspirer en Auvergne sa propre politique de développement durable. Elle représente aussi une voie à explorer en matière d'activités et de création de richesses dans une région en quête de nouveaux horizons économiques.

Région essentiellement rurale, l'Auvergne semble a priori moins pollueuse que les grandes régions urbaines et industrielles. En quoi l'Auvergne se devait-elle de mettre en place un important dispositif en matière de développement durable ?

« Et pourtant, l’Auvergne contribue au réchauffement climatique mondial : par ses émissions de gaz à effet de serre liées principalement aux émissions non énergétiques de l’agriculture mais aussi comme ailleurs, les émissions énergétiques des transports et du secteur résidentiel. Le constat figure dans le résultat du « bilan énergie et gaz à effet de serre en Auvergne » réalisé en 2006 par un bureau d’étude spécialisé. L’Auvergne a de plus un fort taux de dépendance énergétique : les produits pétroliers représentent plus de la moitié de nos consommations énergétiques et la quasi-totalité des consommations des secteurs des transports et de l’agriculture. »

Quel diagnostic la Région Auvergne tire-t-elle de ce constat ?

« La Stratégie régionale de développement durable s'articule autour de 3 objectifs. Ils répondent aux enjeux majeurs de lutte contre le changement climatique :
- augmenter notre indépendance énergétique en diminuant notre consommation et en augmentant la part des énergies renouvelables locales dans la consommation ;
- accompagner dans leur mutation les secteurs pour lesquels la dépendance aux produits pétroliers est la plus forte, à savoir l’agriculture et les transports ;
- vérifier la compatibilité des politiques régionales et des investissements de long terme avec la rareté prochaine des ressources énergétiques. »

Quel document a en charge l'application de ces principes ?

« Le Plan régional énergie climat 2010-2015 porte les enjeux environnementaux, économiques et sociaux de la région Auvergne du 21è siècle.

Il se définit autour de trois thèmes prioritaires :
- La diminution de la consommation énergétique des bâtiments : moins 20% pour les lycées, priorité à l’éco-construction et l’éco-rénovation, …
- développement du collectif en matière de transport et d'urbanisme : utilisation des vélos dans les lycées, intermodalité des transports régionaux, éco-quartiers, ... »
- Economie : moins d'énergies fossiles, consommation des produits régionaux dans les lycées.

Il y a des signes encourageants, les 10% de consommations énergétiques en bois représentent près du double de la moyenne nationale. Au total les énergies durables représentent 18% de la consommation régionale d'électricité. Ce plan d’actions s'inscrit dans les 5 ans à venir. »

L'énergie, le climat : il s'agit là seulement d'une part de la question du développement durable. Aspects plus généraux de l'environnement mais aussi économie et questions sociales : comment la Région Auvergne entend-elle l'ensemble des actions en la matière ?

« Ce plan représente le volet Energie/climat d'un document plus général : l’Agenda 21 et son Plan d'action de 37 actions. Adopté en novembre 2007, l'agenda 21 de la Région Auvergne présente des exemples concrets des impacts des différents programmes régionaux sur les six thèmes de la stratégie régionale de développement durable :
- la lutte contre les changements climatiques (énergies et mobilité)
- la cohésion et l’ouverture des territoires
- l’emploi durable
- le patrimoine naturel (biodiversité et paysages)
- l’eau
- la santé et l’environnement
- l’éco-conditionnalité des aides.

Un patrimoine écologique aussi important ne pouvait que conduire l'Auvergne à exploiter, en matière économique, le filon du développement durable.

« L'Auvergne tourne la page du bougnat. Et même si elle va au charbon, c'est désormais pour se lancer à l'assaut d'une nouvelle source d'énergie : celle des énergies nouvelles ! La contribution de cette région à l'effort national en la matière est méconnue. Entièrement comprise dans la moitié Sud de la France, l'Auvergne n'a en effet rien à envier aux autres régions du Midi en matière d'ensoleillement. La Haute-Loire s'est affirmée département pilote en matière de photovoltaïque. Qui le soupçonnerait ? Elle figure au 4è rang du palmarès des départements les plus densément équipés en matière de panneaux solaires photovoltaïques !
Depuis 2009, AUVERSUN fait briller l'Auvergne dans tout l'hexagone ! 4è fabricant français de panneaux photovoltaïques à sa création, la société exporte sa production mais aussi sa matière grise en multipliant recherche et innovation.
Autre filon de l'économie du développement durable : la méthanisation. La société Lhéritier propose une valorisation des déchets ménagers mais aussi, et c'est très important dans une région comme l'Auvergne, des déchets agricoles.

L'essentiel des activités économiques demeure néanmoins conventionnelle. Comment l'Auvergne les incite-t-elle à prendre la voie du développement durable ?

« La Région Auvergne s'est faite la championne de ... l'éco-conditionnalité ! Ce dispositif d'aides ciblées est dicté par la grille d'évaluation de son Agenda 21. De lui dépend l'étude de faisabilité de chaque projet faisant l'objet d'un investissement public. Economies attendues, efficacité de l'installation : le diagnostic énergétique entre systématiquement en compte. La région se réserve la possibilité de ne pas aider le projet si la pertinence technico-économique révélée par cette étude préalable n'est pas jugée satisfaisante. »

L'autre intitulé de votre délégation à la Région Auvergne, le complément logique de la notion de durabilité, est la question de la prospective. Quel sera à l'horizon 2020 le visage de l'Auvergne ?

« Il se reflète dans le Schéma régional d’aménagement et de développement durable -SRADDT, adopté fin 2009. L'Auvergne a régulièrement et continûment perdu des habitants ces dernières décennies. L'INSEE annonce un bilan démographique dynamique positif ! C'est l'effet du Val d'Allier, région d'attraction et sun-belt auvergnate. Le développement du numérique qui permet de fixer par le télétravail des habitants en milieu rural, est une autre explication. Dans le Cantal dont je suis élu, la grande couronne d'Aurillac a déjà connu ces derniers temps une densification. Pour la première fois depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, de nouvelles classes scolaires ont ouvert ...

Par ailleurs, pour assurer la mobilité durable de ses habitants, la région déploie son Plan de Déplacement Régional. Son ambition ? Permettre à un habitant du Livradois-Forez de se rendre à la capitale auvergnate en laissant de côté sa voiture. Pour se faire, la Région entend développer un réseau TER, mais aussi bus taxi et Transport à la Demande. Efficace, écologique, ce réseau est conçu par la Région en collaboration avec RFF et de façon complémentaire aux autres modes de transport grâce à une dizaine de points multimodaux sur chaque ligne TER. Adieu, donc, la tristement célèbre file de voitures avec un seul conducteur ainsi que le couloir à camions grâce au ferroutage, subventionné par la Région. »