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Communiqués de Presse >


Intervention d’Yves Cochet sur la loi NOME
Nouvelle Organisation des Marchés de l’électricité

Intervention d’Yves Cochet sur la loi NOME (Nouvelle Organisation des Marchés de l’électricité) le mardi 8 juin

Intégralité des débats avec le lien suivant : http://www.assemblee-nationale.fr/13/cri/2009-2010/20100214.asp#P495_99046

*M. le président : La parole est à M. Yves Cochet.

*M. Yves Cochet : Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, à l’instar de certains orateurs, notamment M. Brottes et M. Daniel Paul, je reviendrai brièvement sur l’histoire de l’électricité en France - sans remonter à ses débuts, certes, mais j’exposerai mon propre point de vue sur la question, puisqu’il diffère du leur.

Il y a CNR et CNR : il y a la CNR - la Compagnie nationale du Rhône - et le CNR - le Conseil national de la Résistance -, comme l’a fort justement rappelé M. Paul. Et c’est dans le sillage du CNR, il y a plus de soixante ans, que l’on a décidé la construction nationalisée d’un opérateur principal, EDF, et l’adoption de tarifs réglementés.

Puis, à l’occasion du premier choc pétrolier, en 1974, on a résolu de fonder la production électrique sur le nucléaire, alors qu’elle reposait jusqu’alors, majoritairement, sur des centrales à flamme, notamment à fioul lourd. Cette politique est le fruit d’un compromis que l’on pourrait qualifier d’historique - comme l’on disait en Italie il y a quelque temps -, et désormais rompu - on vient de le voir -, entre quatre grands acteurs influents de l’histoire de France : les gaullistes, les communistes, la CGT et le corps des Mines, qu’il ne faut jamais oublier même s’il n’est pas sur le devant de la scène.

Pourquoi ce compromis, qui a duré très longtemps, est-il aujourd’hui rompu ? Parce que, dans les années soixante-dix, l’idéologie du libéralisme économique, promue par des penseurs comme Friedman et Hayek, que certains d’entre vous connaissent, a commencé à se répandre dans le monde. Et, jusqu’à aujourd’hui, elle n’a cessé d’influencer la plupart des décideurs politiques et économiques, qui croient ainsi, depuis trente-cinq ou quarante ans, que la main invisible du marché est préférable à toute autre forme de régulation de l’économie.

On observa donc, à l’OMC comme au sein de l’Union européenne, un vaste mouvement de libéralisation - on parle par euphémisme d’« ouverture » - des marchés et d’abaissement des protections, évidemment présenté comme un progrès amenant plus de démocratie et plus de concurrence, donc des prix plus bas.

Malheureusement, c’est bien sûr le contraire qui s’est passé : on ne peut nier que l’économie mondiale et européenne connaît une crise structurelle, que l’on voit s’aggraver depuis septembre 2008. Bravo au libéralisme économique ! On ne peut nier non plus que les inégalités entre le Nord et le Sud, et entre les pays du Nord eux-mêmes, connaissent une augmentation importante ; les travaux de l’École d’économie de Paris le démontrent largement. Enfin, on ne peut nier que nous assistons à une dévastation environnementale qui ne cesse de s’aggraver, au point de menacer, au cours des décennies à venir, la possibilité même d’une vie civilisée sur terre.

Cette entreprise, qui a formidablement réussi et s’est répandue jusqu’en Chine, est donc tout à fait condamnable. Cette confiance dans la main invisible comme moyen de réguler l’économie a amené au bord de l’effondrement ce que l’on a pu appeler les trois piliers du développement durable : l’économique, le social et l’écologique. L’échec de cette politique est patent. Le confirment la crise financière, la crise grecque et celle que connaissent d’autres pays de l’Union européenne ; et ce n’est pas fini ; cela ne fait même que commencer.

Cependant, si nos amis communistes s’opposent aujourd’hui à ce mouvement général entamé après la guerre, c’est uniquement à cause de la dimension capitaliste et libérale de cette politique énergétique, et non de ce que j’appelle son caractère prométhéen...

*M. Michel Piron : Ah !

*M. Yves Cochet : Mais oui !

*M. Michel Piron : J’aime bien la formule !

*M. Yves Cochet : Les philosophes en discutent depuis vingt-cinq siècles, mon cher collègue !

*M. Michel Piron : Et cela durera probablement encore longtemps !

*M. Yves Cochet : Encore que, selon la légende grecque, Prométhée a été puni pour avoir volé le feu. Mais il s’agit de la légende réelle ; la légende légendaire, si je puis dire, continue, elle ! On en verra les effets dans cette loi ; j’y reviendrai.

*M. Michel Piron : Le mythe est inextinguible !

*M. Yves Cochet : Absolument !

Le caractère prométhéen et productiviste, disais-je, de cette politique est incarné par le choix de la centralisation nucléaire et la recherche d’une croissance supplémentaire des moyens de production électrique. C’est ce que l’on peut appeler le « toujours plus », monsieur Piron : plus de production, plus de consommation, plus de centralisation, une plaque électrique plus continentale ; tel est le credo non interrogé, mais commun aux partis de droite et de gauche traditionnels.

Tel n’est pas le principe que nous défendons, et qui repose sur l’existence d’un certain nombre de petits producteurs locaux d’électricité issue de sources d’énergie renouvelable, sous une forme coopérative. Pour nous, l’opposition n’est pas entre EDF et un gros opérateur privé, mais entre le nucléaire et les énergies renouvelables.

Aujourd’hui, on ne dit plus « nucléaire », mais « décarboné » : cela fait plus chic. On retrouve ici ce nouveau langage euphémisant dont je parlais tout à l’heure.

*M. Benoist Apparu : C’est une réalité !

*M. Jean Dionis du Séjour : C’est tout de même vrai !

*M. Yves Cochet : Le nucléaire a d’autres inconvénients !

*M. Benoist Apparu : C’est une autre question !

*M. Yves Cochet : Je n’y reviendrai pas, car nous en avons déjà parlé.

Mme Fontaine, qu’a citée l’orateur précédent à propos du grand débat national sur l’énergie, a dit en 2002 ou 2003 : « Entre le nucléaire et l’effet de serre, il faut choisir. » Je ne qualifierai pas ce propos ; mais le débat n’est pas exactement celui-là.

Ces petits producteurs locaux, disais-je, insérés dans des réseaux locaux à structure maillée - à n +1 ou n +2, pour reprendre les termes de la théorie des graphes - conféreraient une forte résilience au système.

C’est seulement par une appropriation locale, à travers des sociétés coopératives ou d’économie mixte, et par une résilience locale, à travers un réseau maillé fondé sur les économies d’énergie, d’une part, et les sources d’énergie renouvelable, d’autre part, que nous pourrions parvenir à une structure solide. Les grands réseaux européens fondés sur le nucléaire, avec dix-neuf centrales et cinquante-huit réacteurs, sont fragiles : nous avons pu le constater au début de l’année 2009 et au début de l’année 2010 et nous aurons encore à le constater. Le théorème de von Foerster, que M. Piron connaît peut-être, a établi que plus vous êtes interconnectés, plus vous êtes fragiles et moins vous avez de pouvoir sur l’ensemble du système. Or ce phénomène est encouragé par la loi NOME.

En outre, nous souhaitons - vous aussi apparemment - diviser par deux la consommation d’électricité en vingt ans. Pour nous, cela passe par la promotion de la sobriété et de l’efficacité énergétiques et non par la poursuite de la course à la croissance qui produira de plus en plus de malheurs économiques, sociaux et environnementaux, à tous les échelons.

La loi NOME est donc une étape supplémentaire dans l’aveuglement énergétique du Gouvernement et dans la contradiction principale de la droite en ce domaine, qui naît de l’incompatibilité entre le nucléaire et la libéralisation, comme l’a souligné M. Paul.

D’un côté, le nucléaire est très capitalistique et risqué ; il exige des coûts de construction élevés et une parfaite maîtrise industrielle que seul l’État ou EDF peuvent assumer en France. Un opérateur privé ne choisirait jamais le nucléaire pour produire de l’électricité car le retour sur investissement est long et risqué et les exigences de sécurité sont extrêmement fortes. Il préférerait construire une turbine à gaz, à peu près aussi puissante, pour laquelle les coûts sont beaucoup moins élevés et le retour sur investissement plus rapide.

De l’autre côté, l’idéologie du libéralisme et l’ouverture du marché, proposées par le Gouvernement et imposées par la Commission européenne, implique de mettre en concurrence un grand nombre d’entreprises, ce qui n’est pas compatible avec le nucléaire, lequel suppose une quasi-nationalisation.

La loi NOME tente de résoudre cette contradiction.

*M. Michel Piron : De la vraie dialectique !

*M. Yves Cochet : Elle organise le partage de la rente nucléaire et hydroélectrique - je ne sais pas si la question de la CNR reviendra sous forme d’amendement - entre EDF et les entreprises privées qui sont ses propres concurrentes en organisant un pseudo-marché de l’électricité en France tout en préservant des tarifs réglementés pour ne pas heurter les abonnés à l’électricité, qui sont aussi des électeurs, et la CGT. Cette loi est une sorte de monstre politique et juridique, qui ne ressemble à rien, un bijou de complexité technocratique et bureaucratique qui tente de concilier les contraires.

Dans ce projet de loi, on ne trouve rien sur la sobriété énergétique, rien sur la décentralisation de la production, ....

*M. Benoist Apparu : secrétaire d’État./ Cela est hors sujet !

*M. Jean Dionis du Séjour : En effet !

*M. Yves Cochet : ...rien sur les énergies renouvelables, rien non plus sur les tarifs et la tarification qu’il faudrait pourtant proposer dans ce cadre-là.

*M. Jean Dionis du Séjour : Ce n’est pas l’objet du texte !

*M. Yves Cochet : J’en viens précisément à la question de la tarification, qui est mon dernier point.

L’idée initiale est simple : pour s’orienter vers la sobriété et l’efficacité énergétiques, autrement dit pour inciter aux économies d’énergie avant l’augmentation de la production, la tarification progressive doit remplacer les barèmes en vigueur, qui pour la plupart sont essentiellement dégressifs. Voilà le progrès décisif que devrait contenir toute loi d’orientation des marchés de l’électricité. Hélas, aucune disposition en ce sens ne figure dans votre projet de loi, monsieur le secrétaire d’État.

Actuellement, dans le secteur marchand, les tarifications sont dégressives. Autrement dit, un consommateur modeste paie plus cher son électricité qu’un consommateur aisé ou un industriel ; vous pouvez le constater tous les jours. Cela pose un double problème d’équité sociale et d’incitation au gaspillage.

Pour ce qui est de l’équité, le fait que les consommateurs modestes paient plus cher leur électricité que les consommateurs aisés est accentué par les derniers barèmes de consommation du tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité, le TURPE. Cela contredit le principe bien connu d’égalité entre les consommateurs à travers la péréquation - défendue par ailleurs par les tenants de la loi, mais on n’en est pas à une contradiction près -, laquelle a conduit à créer un mécanisme de redistribution des charges par la contribution au service public de l’électricité.

Pour ce qui est de la sobriété, qui devrait être la priorité de la politique énergétique de la France au lieu de l’accroissement de la production, la dégressivité correspond à une prime au gaspillage puisque le consommateur énergétivore va payer son exubérance électrique de moins en moins cher.

*M. Jean Dionis du Séjour : Il continue !

*M. Yves Cochet : Eh oui, monsieur Dionis du Séjour !

Par la dégressivité, on récompense le vice du gaspillage. Symétriquement, cette dégressivité décourage les efforts individuels ou collectifs de sobriété électrique, au point même que l’État est obligé d’intervenir de manière compensatrice pour inciter, malgré tout, nos concitoyens et nos industriels à la sobriété. Je vous renvoie entre autres au Grenelle de l’environnement.

Nous voici face à une politique totalement contradictoire en matière énergétique. Le particulier ou l’industriel n’économisent que sur la partie variable de leur facture, celle qui correspond à l’énergie consommée, mais ils ne peuvent agir sur la partie fixe qui correspond à l’abonnement. Par exemple, un petit consommateur dont l’abonnement porte sur 3 kilowattheures, s’il essayait de diminuer de 10 % sa consommation électrique, ne verrait sa facture baisser que de 5 %. Il n’est donc pas du tout rentable pour lui de consentir de gros efforts car ils n’occasionneraient pas une réduction proportionnelle de ses frais. Il en va de même pour les gros consommateurs. Bref, il est toujours beaucoup plus intéressant, avec cette politique des tarifs, de consommer plutôt que d’économiser.

La tarification progressive, qui devrait être au cœur de la loi NOME, inverse cette logique de gaspillage en rendant le signal-prix cohérent avec les objectifs poursuivis : l’équité sociale et la sobriété. Une première mesure en faveur de la progressivité pourrait être d’éliminer la part fixe de la facture, soit l’abonnement, ce qui ne figure bien évidemment pas dans votre loi.

Une autre mesure consisterait à ériger en consommation de référence la consommation d’un consommateur sobre et vertueux, puis de moduler le tarif à la hausse pour les gros consommateurs-gaspilleurs. Là encore, voilà une mesure absente de votre loi. J’ajoute que ces tarifs progressifs sont dans l’esprit de la directive de 2009 sur les marchés de l’électricité.

Ces principes d’équité, de sobriété et de progressivité des tarifs étant hélas absents de votre texte, nous ne le voterons pas.


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