Visite au Centre de Rétention Administrative de Lesquin

Samedi 5 novembre 2011

Je n’avais pas averti de ma visite, je suis accueillie sans problème. Conformément à leurs procédures, le chef de centre est prévenu, qui vient nous rejoindre.

Entrée 11h45.

BILAN DES EFFECTIFS : 21 personnes retenues (dont une femme en zone B, algérienne, arrivée le 3 et en demande d’asile depuis le 4), 12 hommes en zone A

Les nationalités sont variées : Guinée, Cap vert, Albanie, RDC, Mali, Tunisie Cameroun ? Algérie, Maroc, Chine, Mongolie.

Dans la zone famille, le couple de Mongolie (DAVAANYAMBU AZJARGAL ) a un enfant de deux ans et demi, enfermé avec eux (une pièce familiale leur est réservée, mais c’est quand même un tout petit qui est là derrière des barreaux, sans lieu végétalisé de promenade, sans régime alimentaire de son âge (bravo les appels d’offres et le service privé homogène de repas). Quelques barres chocolatées sont données par l’administration qui tente de pallier. Ils ont été arrêté chez eux à Bourbonne les Bains, avec soupçon de vol à l’étalage. Ils refusent de faire appel au TA n’ayant pas confiance. Pas d’interprête. Je peux difficilement échanger quelques mots en anglais avec la jeune femme. En TGI le 7, ils seront, soit libérés, soit prolongés de 20 jours !

 

ENTREVUE J.KOUKA

En salle particulière. M KOUKA s’étonne que je lui dise qu’au tableau il est répertorié RDC, alors qu’il est du Congo Brazzaville. Il est en forme physiquement, mais moralement consterné du sort qui lui est fait :

En bonne insertion à la Grande Borne (Grigny) il exerce un travail d’animateur dans la paroisse et de facilitateur de dialogue dans les quartiers. Depuis 21 ans il est complétement intégré et a de la famille ici en règle (sœurs).

Il est arrivé le 30/ 09. Le 5/10 le JDL a prolongé de 20 jours sa rétention, puis le 25/10, nouvelle prolongation. Durant ce temps son régime spécifique survitaminé n’a pu être suivi, sinon quelques apports de l’association qui le suit. (Merci à Laurence).

Les conditions précises de son arrestation au péage de Beauvais sont édifiantes. En revenant dans un camion de déménagement vide, de retour sur Paris, après un travail, en vue de trouver un emploi, il voit avant la barrière de péage la police. Ils sont trois. Le conducteur malien, un haïtien, et lui. Personne ne les a dénoncés, ce n’est probablement qu’au délit de facies qu’ils bénéficient seuls d’un contrôle en sortie de paiement, alors qu’il y a plusieurs guichets de passage. Le malien est en règle, l’haïtien n’est pas retenu, lui est emmené.

ENTREVUE SOULEYMANE KEÏTA

Zone A. Entrevue en salle particulière. Signalé comme en grève de la faim par d’autres détenus, Souleymane est très sombre. Il est malien, de Segou. Il est en France depuis 2006, à la recherche de travail pour améliorer la vie de sa femme et de son fils de 5 ans, Lassana, qui sont à Bamako.

Il raconte comment il s’est fait refaire un passeport par correspondance, le sien venant en péremption. Il a envoyé l’argent, et un ami lui a rapporté le document gare du Nord, un vendredi.

Pour lui aussi le mode d’arrestation est édifiant : c’est en venant à la FNAC, avec tous les justificatifs nécessaires (passeport, RIB, fiche de paye) afin de souscrire un abonnement SFR, que la gendarmerie de Creil a débarqué… Jolie France.

Il a vu l’association de suivi du CRA. Son maintien sur le territoire est rejeté. De plus, le juge dit que sa photo sur le passeport ne lui ressemble pas ! (Je connais nombre de français qui seraient bien embarrassés de montrer leur photo de document d’identité pour attester qu’ils y ressemblent bien).

Son désir le plus cher, au vu de la situation bloquée, est de rentrer à Bamako auprès de sa femme et de son fils, plutôt que de rester ici enfermé.

Les forces de police minorent la notion de grève de la faim évoquée par d’autres retenus : beaucoup se nourrissent peu, ne viennent pas au petit déjeuner, et mangent dans leur chambre ( ?)

Sortie : 13h


CONCLUSION. Le CRA de Lesquin est toujours bien tenu, relativement spacieux et éclairé. Ce qui est en cause et inadmissible c’est l’arbitraire de ces enfermements, le vécu de chasse à l’homme, le sentiment d’impuissance, d’inconnu devant les délais, et de non prise en compte des parcours personnels.

Les forces de police du centre sont professionnelles, mais elles ne sont qu’exécutantes et ne participent d’aucune prise en compte des situations, attendant les rythmes et arbitrages de la justice.

Le marché donné au privé de certaines fonctions (repas) ne donne aucune souplesse d’adaptation aux situations spécifiques comme les enfants petits.

Le chef de centre a entendu ma demande d’un espace végétal de promenade, indispensable aux petits (mais ils n’ont rien à faire là, et je m’interroge sur ce rôle détestable d’accommoder l’inacceptable). Un magnétoscope avec des cassettes spécifiques va être acquis, plutôt que de ne disposer que du flux tout venant de la télévision.

 

Voir ICI le communiqué de presse

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