Contribution des élus EELV à l’enquête publique sur le Grand Stade: pour nous c’est non!

 

 

  1. Le dossier soumis à enquêtes publiques est incomplet.

 

Le dossier indique que « La Ville a proposé à la « Commission Seguin », en priorité la rénovation du stade Chaban Delmas, ou en alternative la réalisation d’un nouveau stade. »[1]

 

Dans un courrier adressé à M. Alain Juppé et daté du 1er juillet 2010, le président de la Communauté Urbaine de Bordeaux, M. Vincent Feltesse, a d’ailleurs proposé au Maire de Bordeaux de « mener parallèlement, sur la base des études déjà réalisées sur l’état du stade Chaban Delmas, une étude poussée sur une estimation du coût de réhabilitation de cette enceinte ».

Or, aucune étude de la rénovation du stade Chaban Delmas n’a été communiquée aux élus communautaires et élus municipaux concernés, malgré nos demandes répétées et restées sans réponse.

 

Il est pourtant écrit dans le dossier soumis à enquêtes publiques que « la Commission Seguin a écarté la possibilité de rénover le stade Chaban Delmas ».[2] Cela semble donc signifier que la Commission disposait d’éléments concernant la rénovation de ce stade lui permettant d’écarter cette possibilité.

 

Dès lors, pourquoi ces éléments n’ont-ils jamais été communiqués aux élus en vue d’éclairer leur décision ? L’analyse de la Commission Seguin n’aurait-elle pas dû également figurer dans le dossier d’enquête publique, en vertu notamment de l’article R122-3 du Code de l’environnement selon lequel le dossier d’enquête publique doit présenter « les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue des préoccupations d’environnement, parmi les partis envisagés qui font l’objet d’une description, le projet présenté a été retenu »?

 

On peut supposer en effet que parmi les partis envisagés figure la rénovation du stade actuel, qui est évoquée dans l’étude d’impact. Dès lors, pourquoi ne fait-elle pas l’objet de la description requise par l’article précité ? Pourquoi le projet n’indique-t-il pas clairement les raisons pour lesquelles ce parti a été écarté ?

 

L’absence d’étude comparative entre rénovation du stade existant et construction d’un nouveau stade rend selon nous le dossier d’enquête incomplet.

 

  1. L’opportunité du projet finalement retenu n’est pas démontrée.

 

Aujourd’hui, le stade Chaban-Delmas offre une capacité de 33 000 places pour une moyenne de 27 000 spectateurs par match. Seuls 2 à 3 matchs par an se jouent à guichets fermés.

 

Il nous est aujourd’hui proposé de construire un nouveau stade pour gagner 7 000 places, en visant le même taux de remplissage (soit une moyenne de 33 000 spectateurs par match, qui peut donc être couverte par le stade actuel), avec des prestations certes améliorées par rapport à Chaban Delmas, mais qui ne répondront que très partiellement aux principaux griefs aujourd’hui portés contre le stade actuel : ainsi, il n’y aura toujours pas de couverture totale ni de pelouse rétractable dans le nouveau stade.

 

Sur les 165 millions d’euros nécessaires au projet, il est fait appel aux subventions publiques à hauteur de 75 millions d’euros, dont 15 millions d’euros pour ce qui concerne la Communauté Urbaine de Bordeaux.

 

Ce montant n’intègre cependant pas le coût des aménagements connexes de voirie indispensables qui ne manqueront pas de se faire jour, les coûts liés à la desserte en tramway du site (certes prévue avant le projet de grand stade, mais renforcée avec le dit projet) et les coûts de maintenance et de rénovation importants du stade Chaban Delmas, nouveau stade ou pas, qu’il convient d’intégrer au coût global pour les collectivités de la réalisation du projet de grand stade.

 

Malgré nos demandes répétées, les élus communautaires n’ont jamais eu connaissance du coût global du projet et donc du niveau total de l’engagement financier de la Communauté urbaine de Bordeaux.

 

Cela n’est pas de nature à permettre à notre sens un débat démocratique transparent au sein des différentes collectivités locales concernées en vue de juger de l’opportunité d’engager de l’argent public dans ce projet.

 

A cet égard, nous rappelons que parmi les recommandations de la commission « Euro 2016 – Grands stades » figurait le souhait d’un financement privé des stades :

 

« A partir du moment – et il est clair que nous y sommes – où le sport professionnel, football et rugby confondus, est érigé en sport-spectacle, générant des revenus directs et dérivés considérables, il doit assumer les responsabilités et les charges correspondantes ou à tout le moins, ne pas se résigner et s’accommoder à en voir certaines totalement ou partiellement couvertes par les collectivités territoriales. C’est dire que la modernisation des stades, leur exploitation et leur gestion quotidienne devraient être un domaine laissé à l’initiative privée, à qui incomberait la responsabilité de la construction ou de la rénovation des enceintes, ainsi que la recherche du bon équilibre entre les coûts des nouveaux équipements et les ressources que leur utilisation optimale est susceptible de dégager. »[3]

 

  1. Les modalités de cession du foncier par la Communauté urbaine posent question.

 

Nous émettons de fortes réserves concernant la délibération communautaire n°2011/0683 approuvant lors du conseil communautaire du 23 septembre 2011 le bail emphytéotique conclu entre la Communauté urbaine et la ville de Bordeaux portant sur les terrains devant accueillir le grand stade.

 

Le groupe Europe Ecologie Les Verts de la CUB avait voté contre cette délibération pour les motifs suivants :

 

  • Le prix de la mise à disposition du terrain ne préserve pas les intérêts de la Communauté urbaine de Bordeaux.

 

La mise à disposition des terrains par la Communauté urbaine s’opère en effet à un prix inférieur au prix évalué par les Domaines : le bail va s’opérer à hauteur de 75% de la valeur estimée par les Domaines. La Communauté urbaine de Bordeaux a également fait le choix de ne pas suivre France Domaines qui estimait que les 10 000 m2 aquatiques des terrains pouvaient parfaitement se voir appliqués les valeurs qu’il avait évaluées pour le reste du terrain : la Communauté urbaine n’a pas retenu ces emprises qui ne seront donc pas soumises à redevance.

 

  • La délibération est imprécise.

 

Aucun élément n’a été apporté aux élus communautaires afin de justifier du choix d’un bail emphytéotique au détriment d’une cession du foncier à la Ville de Bordeaux. Pourtant, ce choix est d’une importance capitale pour la Communauté urbaine car à la fin du bail, le terrain reviendra à la Communauté urbaine avec très vraisemblablement le grand stade. Nous récupérerons manifestement un « éléphant blanc » comme cela se dit habituellement de ces infrastructures sportives surdimensionnées et inadaptées.

 

D’autre part, la délibération du 23 septembre 2011 n’apporte aucun élément concernant la dépollution des sols, si ce n’est qu’elle indique qu’elle sera à la charge de la Communauté urbaine si nécessaire. S’agissant de remblais qui ont été remplis de métaux issus de déchets de construction, nous savions déjà que la dépollution du site serait nécessaire. Or, aucun élément financier relatif aux coûts de dépollution du site n’a été fourni aux conseillers communautaires à l’occasion du vote du bail emphytéotique, ni même par la suite.

 

  • Cette cession de foncier est en contradiction avec les orientations stratégiques de la Communauté urbaine en matière de préservation des espaces naturels et sa politique foncière.

 

Les terrains que nous cédons à la Ville de Bordeaux pour l’exploitation du stade concernent un périmètre qui recouvre plusieurs zones ou espèces d’intérêt écologique signalées dans des études déjà réalisées, telles notamment la présence d’une ZNIEFF (Zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique) de type 1, un bois humide qui est qualifié de zone humide, et diverses espèces patrimoniales qui ont été répertoriées[4]. Autant d’éléments constitutifs d’une biodiversité remarquable qui va donc être détruite à l’occasion de la construction du grand stade.

 

La cession de 13 hectares en vue d’un projet qui actera l’imperméabilisation de 9 hectares est en complète contradiction avec les objectifs affichés dans le cadre du projet métropolitain (meilleure utilisation de l’espace, prime aux espaces naturels, préservation et valorisation des espaces non construits), adopté le 25 novembre 2011 à l’issue d’une longue phase de concertation citoyenne :

 

« La Cub compte aujourd’hui 50% d’espaces naturels et agricoles. Cette proportion doit être conservée : le maintien de la part des espaces non construits sur la surface de la Communauté urbaine est une priorité. La Garonne, ses rives et ses îles, les zones humides, les ruisseaux, les réserves naturelles, les zones maraîchères, les vignes, les nombreux parcs de la métropole, les bois et forêts constituent une trame verte et bleue exceptionnelle qui sera préservée et valoriser. La ville monumentale a son réseau viaire, pour composer l’espace. Le grand territoire métropolitain aura ses continuités écologiques, pour faire lien.[5]

 

D’autre part, la localisation du projet de grand stade sur ce terrain propriété de la Communauté urbaine s’inscrit également en contradiction avec les orientations fixées par la loi d’orientation Grenelle 1 adoptée le 3 août 2009 et la loi portant Engagement National pour l’Environnement (Grenelle II) du 12 juillet 2010, cette dernière fixant notamment comme objectifs aux PLU de « préserver et restaurer les continuités écologiques », « utiliser de manière économe les espaces naturels » et « modérer la consommation de l’espace ».

 

Dans sa délibération n°2010/0663 du 24 septembre 2010 ouvrant la concertation sur la révision du PLU, la Communauté urbaine indique d’ailleurs intégrer parmi les nouveaux fondements à la révision de son PLU le principe suivant : « repenser le territoire par la nature et le paysage ».

 

A cet égard, les services et les responsables politiques de la Communauté urbaine ont fortement insisté sur cette orientation forte lors des ateliers et des réunions de concertation sur la révision du PLU en évoquant notamment les objectifs suivants :

 

« l’objectif de développement durable dans toutes ses déclinaisons : (…) et la préservation de la biodiversité. »

 

« travailler à enveloppe urbaine constante, dans un territoire plus économe de l’espace »

 

« Une idée force : fonder le projet urbain et l’organisation des espaces sur les

continuités naturelles et paysagères du territoire »

 

« Une idée force : fonder le projet urbain sur une empreinte territoriale à enveloppe

constante, en limitant la consommation du foncier et en garantissant un bon usage

des espaces »[6]

 

  1. La question de la compétence CUB

 

Ce projet de grand stade n’entre aucunement dans le champ des compétences actuelles de la Communauté urbaine, cette dernière ne détenant aucune compétence concernant les équipements culturels et sportifs. L’engagement financier de la Communauté urbaine sur ce projet s’opère donc au titre du développement économique.

 

Si l’on considère qu’il s’agit bien d’un projet de développement économique, ce que nous contestons, nous devrions pouvoir disposer d’éléments concernant le retour en termes de ressources et d’emplois directs et induits pour le territoire.

 

  1. Cet équipement et sa localisation sont incompatibles avec les objectifs de la CUB en matière de déplacements.

 

Le SDODM (schéma directeur opérationnel des déplacements métropolitains) et le plan climat de la CUB ont fixé des parts modales ambitieuses à atteindre d’ici 2020 pour répondre aux enjeux de la lutte contre le changement climatique : 45% pour la voiture, 15% pour les transports en commun, 15% pour le vélo, 25% pour la marche à pied.

 

Le site retenu pour le projet de grand stade est justifié principalement en raison des capacités de stationnement automobile : le dossier indique au chapitre « raisons du choix du site » que « ce quartier dispose déjà de parkings d’une capacité supérieure aux besoins du nouveau stade. »[7]

 

Outre le fait que ce projet poursuit encore la spécialisation du quartier du Lac autour des équipements de loisirs, à l’inverse des ambitions affichées par ailleurs pour ce quartier, force est de constater que la localisation retenue pour le grand stade, en bordure de rocade, valide l’hypothèse d’un stade – aspirateur à voitures.

 

Les quelques éléments techniques dont nous disposons confirment d’ailleurs le fait que les spectateurs auront pour mode de locomotion ultra majoritaire la voiture individuelle. Certes, la voiture est déjà le mode de déplacement dominant pour le stade Chaban-Delmas. Mais en choisissant délibérément de reporter un tel équipement en périphérie et en bordure de rocade, on renforce la part modale de la voiture et on se prive des 6% de spectateurs qui se rendent actuellement au stade à pied et de tous ceux qui y viennent aujourd’hui à vélo.

 

En ce qui concerne la desserte en transports en commun,  le nombre des personnes qui viendra au stade en transports en commun selon les prévisions annoncées (7400 spectateurs) sera inférieur à celui de ceux qui viennent actuellement au stade Chaban Delmas en transports en commun, soit 8925 spectateurs.

 

Par ailleurs, on peut relever des incohérences entre les différents documents qui ont été remis aux élus communautaires (rapport au bureau, rapport de commission et délibération) : on voit mal comment on atteindrait une part modale pour les transports en commun de 35% alors que les projections attestent qu’avec les extensions des lignes B et C et un réseau de bus adapté, on atteint à peine les 25% (11 000 sur 43 000).

 

Enfin, outre l’éloignement du projet de grand stade (12 km du centre-ville), de nombreux arguments plaident en faveur d’un maintien sur le lieu actuel :

 

-          Le tramway au Lac sera un terminus qui évacuera deux fois moins de voyageurs que le positionnement central actuel du stade sur la ligne A qui, lui, permet d’accéder au stade depuis la rive gauche ou la rive droite.

-          La gare d’Arlac sur la ligne de chemin de fer de ceinture permet des connexions TER à  4 stations du stade.

-          En 2014, le prolongement de la ligne A jusqu’a la sortie 9 de la rocade à Mérignac permettra un accès direct et plus aisé depuis la rocade jusqu’au stade.

-          Les boulevards offrent une capacité d’évacuation du stade supplémentaire aussi bien en voiture qu’en bus.

 

En vous remerciant de votre attention, et restant à votre disposition, veuillez recevoir, Monsieur, nos sincères salutations.

 

Les élus Europe Ecologie Les Verts de la Communauté Ubaine de Bordeaux

 

M. Bruno ASSERAY                                                                M. Gérard CHAUSSET

Mme Laure CURVALE                                                                       M. Frédéric DANJON

Mme Isabelle HAYE                                                              M. Pierre HURMIC

M. Franck JOANDET                                                              Mme Marie-Claude NOEL

M. Clément ROSSIGNOL


[1]              Etude d’impact, résumé non technique, p. 5

[2]              Note complémentaire à l’étude d’impact, p. 47

[3] Rapport de la Commission Seguin Euro 2016 – Grands stades, novembre 2008, p 59

[4] Etude d’impact, résumé non technique, p. 15

[5] Projet métropolitain, délibération n°2011/0776 du 25/11/2011, p19

[6] Documents supports au premier forum de concertation sur la révision du PLU, 11 octobre 2011, disponibles sur le site internet des concertations de la CUB http://participation.lacub.fr/

[7] Résumé non technique étude d’impact, p. 8