Déchets et durabilité des produits

Voici la réponse de la commission spécialisée d’EELV (Bernard Crozel) au Centre national d’information indépendante sur les déchets (Cniid), les associations Amis de la Terre, Agir pour l’Environnement et  et le Réseau Action Climat

  • L’adoption d’une loi sur la durabilité des produits afin de réduire les déchets à la source

Nous proposons comme vous de lutter contre l’obsolescence programmée, notamment, en allongeant les durées légales de garantie (7 à 10 ans pour les produits de consommation durable), en encourageant les industriels maintenant la disponibilité des pièces détachées, condition impérative au re-développement du secteur de la réparation.

Pour l’affichage de la durée de vie, notion aléatoire suivant les modes d’utilisation des produits, des tests avec protocole commun réalisés par un organisme indépendant seront nécessaires.Il est nécessaire de pénaliser  les produits « jetables » par destination ainsi que les produits nécessitant des piles pour fonctionner.

Une taxe spécifique qui pourrait être indexée sur le rapport de volume entre l’objet et l’emballage et concerner à) 100% les emballages de présentation sans fonction de protection ou de rangement durable peut être étudiée dans le cadre plus large d’une révision de la fiscalité.

L’éco-conception est bien entendu au cœur de l’enjeu et doit intégrer la recyclabilité (éviter les matériaux composites; éviter les collages ou rivetages entre matériaux différents, etc). Eco-conception et recherche de l’utilité sociale devront être intégrées dans les cursus de formation des ingénieurs et techniciens. La question de la certification amont est intéressante mais en veillant à ne pas mettre en place un système trop lourd et couteux pour des petites entreprises innovantes (syndrome purin d’ortie et autres). La source des déchets  est bien à la conception des objets, la poubelle des ménages n’est que le relais d’un gaspillage qu’il nous faut proscrire. 

Enfin, nous partageons avec vous l’impératif que chaque acteur contribue réellement et à la hauteur de ses responsabilités à la gestion des déchets, y compris leur évitement. La charge pèse hélas encore aujourd’hui essentiellement sur les collectivités et les ménages. Nous proposons que les filières de REP deviennent toutes « opérationnelles » et non seulement contributives financièrement comme aujourd’hui (en révisant leur gouvernance…).

  • Le détournement des déchets de l’incinération et de la mise en décharge

La valorisation matière d’une part et la valorisation énergétique et agronomique des déchets fermentescibles est un enjeu central. Sans en méconnaître les difficultés, et en fonction bien sûr des territoires il me paraît absolument nécessaire d’organiser des collectes sélectives et/ou l’accès au compostage individuel ou collectif. Nous excluons le recours au TMB, mais quelques soit les méthodes de collecte séparative des fermentescibles, il est nécessaire de développer la filière de méthanisation  et de développer le compostage du digestat , c’est une nécessité agronomique à l’échelle de l’Europe, et c’est directement  une réduction d’un tiers des volumes.Les élu-e-s écologistes sont  très actifs sur les territoires, qu’ils soient en charge de l’environnement, de l’économie sociale et solidaire voire de la culture, pour promouvoir toutes les initiatives et filières pertinentes (réparation, ré-emploi, recyclage, collecte…) . Les ressourceries ont par exemple un rôle à jouer, tant du point de vue social qu’environnemental.
Un gros effort est à porter aussi sur les déchets industriels pour structurer des réseaux de redistribution des sous-produits. Il faut également revenir sur la notion de déchet ultime et organiser des méthodes de stockage d’ultimes inertés qui soient réversibles, pour anticiper les niveaux futurs de recyclage soutenable.

  • La réforme de la fiscalité sur le traitement des déchets

Concernant la fiscalité, elle doit évidemment servir l’intérêt général et être pensée comme un outil puissant au service d’une stratégie globale de gestion des déchets. La question d’assujettir les installations déchets à la CCE ou d’instaurer des modulations de la TGAP  (bonus malus) ou encore son affectation méritent des discussions approfondies entre acteurs et des analyses d’impact pluralistes. Nous sommes pour la généralisation de la redevance incitative avec modulation sociale. En ce qui concerne les déchets ménagersnous sommes favorables  à une extension de la REP  des producteurs organisant leur propres filières de recyclage à leur frais.
Concernant les éco-organismes, il est impératif de les réformer, non seulement pour garantir leur  indépendance mais aussi de les rendre « opérationnels », avec obligation d’équilibre des budgets.  Chaque acteur doit contribuer réellement et à la hauteur de ses responsabilités à la gestion des déchets, y compris leur évitement. La charge pèse beaucoup trop encore aujourd’hui sur les collectivités et les ménages Il faudra réorienter  la gestion des éco-organismes vers le paiement du prix réel des collectes et sortir du saupoudrage de « subvention ».

  • L’amélioration de la gouvernance et de la transparence en matière de gestion des déchets

Nous sommes tout à fait favorables à la transparence et a changer les modes de gouvernance. Trop souvent les citoyens sont utilisés comme les petits auxiliaires bénévoles des grands groupes généralistes.Or nous voyons sur le terrain  que dès que des initiatives innovantes sont prises (souvent par des élus ou militants EELV), les citoyens s’en emparent très rapidement montrant une grande responsabilité civique. Concernant les modes de gestion  des outils industriels et leur gouvernance, jnous sommes évidemment favorable à une gestion publique, encadrée et transparente mais plus largement à tout système permettant de s’assurer du contrôle effectif des collectivités car nous avons pu observer dans d’autres secteurs que le caractère public des opérateurs n’est pas une garantie en soi. Nous devons proscrire en revanche les contrats globaux de délégation de service publics à longue durée. Le renforcement des contrôles des installations comme plus généralement une véritable « police de l’environnement » sont bien entendu nécessaires.

Plus globalement, en ce domaine comme dans d’autres, nous sommes convaincus qu’une réforme en profondeur et l’atteinte de nos objectifs passera aussi par une forte mobilisation territoriale. Les systèmes de collecte sélective poussée, de consigne, de tarification incitative, de stratégies adaptées aux DAE ou déchets du BTP etc ne seront opérationnels qu’avec une forte dynamique locale complémentaire à la voie légale et fiscale. Nous devons aller vers une véritable « citoyenneté du déchet » développée localement par des métiers de conseils sur des contrats durables.

Pour en savoir + :
Propositions du CNID : « Le meilleur produit est celui qui ne devient pas un déchet «   >Vers une nouvelle et nécessaire politique déchets